Réf. : T. com. Paris, 18 juin 2024, aff. n° 2024037849 N° Lexbase : A72885IR ; CA Paris, 1-3, 18 juin 2024, n° 24/10503 N° Lexbase : A73325IE
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par Vincent Téchené
le 20 Juin 2024
► Dans deux décisions rendues en référé le 18 juin, les juges français ont statué sur les modalités de participation des entreprises israéliennes et de leurs représentants au salon de l’armement Eurosatory.
D’une part, le tribunal de commerce juge en substance, que l’interdiction faite aux sociétés israéliennes ou à leurs filiales étrangères de disposer d’un stand constitue un trouble manifestement illicite (T. com. Paris, 18 juin 2024, aff. n° 2024037849).
D’autre part, la cour d'appel de Paris retient que le fait pour l’organisateur du salon de ne pas avoir interdit l’entrée et la participation des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliennes, ne constitue pas une violation évidente de la règle de droit (CA Paris, 1-3, 18 juin 2024, n° 24/10503).
Le tribunal de commerce de Paris, saisi de la demande de suspension de cette mesure administrative édictée par les autorités étatiques, relève que ni l’État d’Israël, ni ses ressortissants, ni ses entreprises ne font l’objet d’une mesure d’embargo.
En outre, selon le juge, les mesures litigieuses mises en œuvre par Coges (l’organisateur du salon) opèrent une distinction entre les personnes morales déclarées comme israéliennes, ainsi que leurs filiales, et les autres personnes morales ayant formulé une demande de disposer d’un stand sur le salon. Elles constituent de la sorte une discrimination au sens de l’article 225-1 du Code pénal N° Lexbase : L0903MCG. En outre, elles consistent à refuser la fourniture d’un service et à entraver l’exercice normal de leur activité (v. C. pén., art. 225-2 N° Lexbase : L7899LCK).
Par conséquent, les mesures litigieuses sont illicites et pénalement répréhensibles. Le tribunal en conclut qu’elles provoquent donc un trouble manifestement illicite.
Il ordonne alors à la Coges de suspendre l’exécution des mesures adoptées à l’encontre des sociétés israéliennes dont les stands ont été prohibés jusqu’à la clôture du salon.
Dans la seconde affaire rapportée, diverses associations ont assigné en référé, devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny, la société Coges afin notamment qu’il lui soit ordonné de respecter l’interdiction de permettre l’entrée au salon Eurosatory et la participation sous quelques formes que ce soit, des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliennes, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire.
Les demanderesses ayant obtenu gain de cause devant le tribunal judiciaire, la Coges a interjeté appel.
Les juges de la cour d’appel constatent d’abord que la décision du Gouvernement français n’est pas dénuée d’imprécision ni d’équivoque quant au périmètre de l’interdiction qui est posée : alors qu’il est fait allusion aux exposants et à leurs stands, il est également mentionné qu’elle s’applique très généralement aux entreprises israéliennes.
Ainsi, le fait pour la société Coges de ne pas avoir interdit l’entrée au salon Eurosatory et la participation des industriels de l’armement israéliens et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israéliennes, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire ne constitue pas une violation évidente de la règle de droit.
Il est intéressant de noter que la cour d’appel précise que les mesures litigieuses auraient pu être prises par le Gouvernement français, mais elles ne l’ont pas été avec l’évidence requise en référé. Il n’appartient pas au juge judiciaire de compléter une décision politique qui a la nature d’un acte de gouvernement en relation avec la conduite des relations internationales de la France, pour ensuite sanctionner sa violation à l’aide de mesures conservatoires ou de remise en état.
Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’un instrument juridique international, directement applicable à la société Coges, avait été violé par celle-ci.
En outre, il n’appartient pas, non plus, au juge des référés, saisi d’une demande fondée sur le trouble illicite caractérisé par le comportement d’un opérateur économique privé, de vérifier si la France a respecté ses engagements internationaux en permettant à cet opérateur d’exercer son activité sur le territoire national.
De tout cela, les juges d’appel déduisent l’absence de trouble manifestement illicite. En outre, aucun dommage imminent n’est caractérisé, les associations intimées se bornant à reprendre l’argumentaire présenté au titre du trouble manifestement illicite pour considérer que celui-ci entraîne des conséquences dommageables.
En conséquence, en l’absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, l’ordonnance du premier juge est infirmée.
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