Le Quotidien du 21 mai 2024 : Successions - Libéralités

[Thèse] L’anticipation successorale à l’épreuve de l’ordre public successoral par Alexandre Auriol-Ballarotta, docteur en droit privé et juriste-consultant au sein du cabinet d’avocats ALTIJ

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N9170BZN

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[Thèse] L’anticipation successorale à l’épreuve de l’ordre public successoral par Alexandre Auriol-Ballarotta, docteur en droit privé et juriste-consultant au sein du cabinet d’avocats ALTIJ. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/107583193-theselanticipationsuccessoralealepreuvedelordrepublicsuccessoralparalexandreauriolballaro
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le 17 Mai 2024

Membres du jury de thèse :

Président du jury : Philippe Delmas Saint-Hilaire, Professeur à l’Université de Bordeaux

Rapporteurs de thèse :

  • Sara Godechot-Patris, Professeur à l’Université de Paris-Est Créteil
  • Marc Nicod, Professeur à l’Université de Toulouse I Capitole

Autre membre : Estelle Naudin, Professeur à l’Université de Strasbourg

Directeur de thèse : Eric Fongaro, Professeur à l'Université de Bordeaux

Domaine de la thèse : Droit des successions

École doctorale : École doctorale de droit (ED 41)

Laboratoire de recherche : IRDAP – Institut de recherche en droit des affaires et du Patrimoine

Pour lire la thèse, voir A. Auriol-Ballarotta, L’anticipation successorale à l’épreuve de l’ordre public successoral, 2022, Lexbase N° Lexbase : X0821CRT.


 

Résumé et apports de la thèse

Mots-clés : anticipation successorale • succession • ordre public successoral • planification • contentieux • équilibre

Le droit des successions et des libéralités, et plus généralement le droit de la transmission, est fondé sur un équilibre entre la volonté du de cujus et ses limites.

Cette dyarchie structure la matière depuis son origine, offrant tantôt un rapport de force protecteur pour les héritiers, tantôt une grande latitude au de cujus pour anticiper selon sa volonté les conséquences de sa succession future.

Cette dyarchie, particulièrement fragile, se matérialise dans l’interdépendance entre les deux notions que sont l’anticipation successorale et l’ordre public successoral, miroir de la volonté et des limites.

Il fallait néanmoins soulever que l’influence croissante de l’autonomie de la volonté a eu des conséquences sur l’évolution des règles coercitives de la transmission.

En droit interne, l’évolution de la société a entraîné consubstantiellement la transformation des conceptions des notions de famille et de patrimoine. Cette transformation a resurgi en droit des successions et des libéralités, notamment par la loi du 23 juin 2006 N° Lexbase : L0807HK4

Avec cette loi, on assiste à une exaltation de la volonté par une possibilité accrue d’anticiper sa succession. Cette évolution du pilier de la volonté a eu pour conséquence de faire évoluer les règles de l’ordre public successoral qui ont dû s’adapter, signe d’un mouvement de néolibéralisme successoral.

En droit international, l’équilibre de la transmission est aussi mis à l’épreuve.

L’anticipation successorale, portée dans le Règlement européen sur les successions, par l’autonomie de la volonté et l’impérieux besoin de prévisibilité, s’épanouit, profitant d’un contre-pouvoir discret : absence particulièrement marquante des lois d’application immédiate, coercition européenne et fondamentale de l’expression de l’ordre public international.

Ce rapport de force devait être analysé, notamment sous le prisme de la théorie du darwinisme normatif.

De cette analyse éclate un constat, le rapport de force entre les deux piliers de la dyarchie constituait un équilibre. Cet équilibre, qu’il convenait dès lors de théoriser, se révélait comme étant la clé d’une matière fonctionnelle.

Plus avant, ce rapport de force entre les deux piliers fondateurs évoluait.

Partant, il fallait tirer les conclusions de cet état de fait et notamment se poser la question prospective de la conséquence d’une place trop grande laissée à la volonté dans le cadre de cet équilibre.

Quid dès lors d’une évolution de la matière qui viendrait rompre ce rapport de force complémentaire ?

Faisaient échos plusieurs données : les conséquences des arrêts du 27 septembre 2017, respectivement Jarre et Colombier, la compétitivité juridique à l’international, le phénomène du philanthropisme à la française.

Mais également, résonnaient encore plus fort les mots de la lettre mission de Nicole Belloubet, invitant le professeur Pérès et maître Potentier à établir un rapport sur le devenir de la réserve héréditaire.

Le néolibéralisme successoral et le darwinisme normatif sont là.

Il fallait dès lors comprendre l’éventuel danger. Les bases de cette mutation devaient découler empiriquement des solutions des arrêts Jarre et Colombier et de la conséquence d’une certaine alimentarisation de la succession.

De là, un constat apparaissait : une protection héréditaire in concreto renvoyant de fait à une individualisation entraînait une insécurité chronique.

Par ailleurs, l’impossible pratique d’une dyarchie rompue, au-delà de relever d’un exercice notarial complexe, se heurtait à un élément majeur : les contestations.

Or, celles-ci sont un danger direct dans la fonction de l’équilibre juridique entraînant de facto un déséquilibre judiciaire.

Le contentieux successoral, conséquence directe de ce déséquilibre, est de nature à anéantir l’anticipation successorale.

À ce titre, des propositions visant à sécuriser le contentieux étaient développées, comme une modification de l’article 1360 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6314H7Y, afin d’introduire l’obligation d’établir un procès-verbal de difficultés avant toute action au fond.

Pour pallier ce glissement, plusieurs digues ont été érigées.

On pense aux conclusions du rapport sur la réserve ou la réintroduction du droit de prélèvement.

Cependant, cette récente modification de l’article 913 du Code civil N° Lexbase : L7497L7S démontrait, à notre sens, quelque chose de fondamental : l’absence de prise en compte de l’équilibre et de sa fonction dans l’évolution de la matière.

Conscient néanmoins que la matière doit s’adapter aux aspirations de la société, il était nécessaire de proposer une évolution tout en conservant ce précieux équilibre.

Étaient ainsi suggérés de développer les règles de l’anticipation successorale concertée, de juguler une certaine incohérence du système actuel (modification de la quotité disponible spéciale en présence de famille recomposée, sécuriser la qualification des primes manifestement exagérées, etc.) ou encore de promouvoir la volonté unilatérale du de cujus.

Sur ce dernier point, s’il existe un véritable consensus sur le développement de l’anticipation successorale concertée, il nous semblait nécessaire d’aller plus loin et de proposer une évolution en rupture, au travers du sujet de l’exhérédation.

Quintessence de la volonté unilatérale, un travail en profondeur sur cette notion a été entrepris afin de trouver une solution pour intégrer une méthode d’exhérédation compatible avec l’équilibre successoral.

Après avoir analysé les éléments existants de droit interne, c’est dans les ordres juridiques voisins qu’une solution se dessinait via l’exhérédation causée.

Autriche, Allemagne, Suisse ou Espagne connaissent une méthode d’exhérédation testamentaire.

Cependant, il fallait prohiber une telle exhérédation, même causée, le risque de contentieux au décès étant trop important.

Il fallait déplacer la charge contentieuse du vivant du de cujus afin de responsabiliser la volonté et de garantir une effectivité des actes.

A donc été imaginée une action judiciaire en exhérédation causée où le juge, paravent de la volonté, garantissait la cause de la volonté exhérédante.

Les conséquences liquidatives d’une telle action, calquées sur le régime de l’indignité successorale, n’emportaient pas de révolution et se basaient sur des règles préexistantes.

Cette solution apparaissait dès lors comme un gage réfléchi à la volonté unilatérale permettant de sécuriser les futures évolutions de l’équilibre des successions.

In fine, nous sommes parvenus à la conclusion que la protection de l’équilibre juridique de la transmission devait être un point de consensus à prendre en compte pour l’évolution future de la matière.

Sommaire de la thèse

Partie 1 : L’interdépendance des notions d’anticipation successorales et d’ordre public successoral N° Lexbase : X1127CR8

Titre 1 : Une dyarchie structurée N° Lexbase : X1128CR9

Chapitre 1 : La nature de l’anticipation successorale N° Lexbase : X1129CRA

Chapitre 2 : La nature de l’ordre public successoral N° Lexbase : X1136CRI

Titre 2 : Une dyarchie structurante N° Lexbase : X1146CRU

Chapitre 1 : L’influence de l’anticipation successorale sur l’ordre public successoral interne N° Lexbase : X1147CRW

Chapitre 2 : La place de l’anticipation successorale en droit international privé N° Lexbase : X1154CR8

Partie 2 : Le nécessaire équilibre entre l’anticipation successorale et l’ordre public successoral N° Lexbase : X1161CRG

Titre 1 : Un équilibre essentiel à la transmission N° Lexbase : X1162CRH

Chapitre 1 : L’équilibre juridique de la transmission N° Lexbase : X1163CRI

Chapitre 2 : La problématique judiciaire N° Lexbase : X1170CRR

Titre 2 : Proposition d’un équilibre restauré N° Lexbase : X1177CRZ

Chapitre 1 : Une nouvelle conception de l’équilibre successoral N° Lexbase : X1178CR3

Chapitre 2 : L’exhérédation judiciaire causée N° Lexbase : X1185CRC

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