Réf. : Cass. civ. 2, 14 mars 2024, n° 22-18.426, F-B N° Lexbase : A21202U3
Lecture: 4 min
N8814BZH
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 22 Mars 2024
Selon l'article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; la faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, et ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage.
Dans son arrêt rendu le 14 mars 2024, la Cour de cassation réitère sa définition de la faute dolosive exclusive de garantie en application de l’article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH, tant dans sa formulation positive (la faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ; cf. Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 19-14.306 N° Lexbase : A83323L8), que négative (elle « ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage » : déjà en ce sens, Cass. civ. 2, 6 juillet 2023, deux arrêts, n° 21-24.833, F-B N° Lexbase : A367998R, et n° 21-24.835, F-D N° Lexbase : A288399N ; cf. A. Cayol, R. Bigot, Chronique de droit des assurances – Septembre 2023, Lexbase Droit privé, septembre 2023, n° 958 N° Lexbase : N6843BZH).
L’affaire mettait en cause l’exploitante d’une ferme pédagogique, qui exerçait également en qualité de dompteuse de fauves ; alors qu’elle était absente, une bénévole de l'exploitation non formée aux soins requis par des animaux sauvages, avait été grièvement blessée par un tigre.
L’exploitante avait été déclarée coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, ainsi que d'exploitation irrégulière d'établissement détenant des animaux non domestiques.
L'assureur ayant refusé sa garantie en se prévalant d'une faute dolosive de l’exploitante, celle-ci l'avait assigné afin d'obtenir sa condamnation à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre au titre du sinistre.
Pour dire que l'assurée avait commis une faute dolosive et en déduire que l'assureur n’était pas tenu à garantie, la cour d’appel de Paris avait énoncé que, comme l'avait exposé le juge pénal, l’exploitante avait manqué à ses obligations professionnelles, notamment déterminées par l'arrêté du 18 mars 2011, fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants ; en considérant que si l'initiative de la victime était la cause directe de l'accident, l'absence de l’exploitante, titulaire du certificat de capacité ad hoc, accompagnée du bénévole formé aux soins des fauves, et en dépit des consignes rappelées à la victime, non formée à cette surveillance spécifique, restée seule sur le site, avait contribué à créer une situation d'isolement, sans garde-fou, propice à une imprudence et à la réalisation de l'accident. L’arrêt ajoutait que, selon l'arrêt correctionnel, l'omission, délibérée, de l’exploitante de respecter l'obligation qui lui était faite par l'arrêté du 18 mars 2011, précité, de déléguer en son absence à une personne compétente les opérations de surveillance des animaux, a participé, indirectement, à la réalisation du dommage. Il en avait déduit que ce manquement était constitutif d'une faute dolosive, en ce qu'en laissant à la victime, seule, la surveillance des fauves, l’exploitante avait commis une omission délibérée dont elle ne pouvait ignorer qu'elle entraînerait la survenance d'un dommage, et qui avait eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de retirer au contrat d'assurance son caractère aléatoire.
La Haute juridiction rappelle sa définition et censure : ce faisant la cour d’appel s’est déterminée par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait l'assurée du caractère inéluctable du dommage que subirait la victime, qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage, privant ainsi sa décision de base légale.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:488814