Réf. : Cass. com., 13 mars 2024, n° 23-20.199, F-P, QPC N° Lexbase : A05112UH
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par Perrine Cathalo
le 22 Mars 2024
► Le fait que les dispositions applicables à certaines formes sociales consacrent un droit de retrait en faveur des associés tandis que celles applicables aux autres, dont la société à responsabilité limité, ne le prévoient pas, trouve sa justification dans les caractéristiques propres à chaque forme ou à chaque variété de société ;
Ainsi, l'absence de disposition légale permettant à un associé de se retirer d'une société à responsabilité limitée ne porte pas atteinte au droit de propriété dès lors que celui-ci dispose, en vertu de l'article L. 223-14, alinéa 1er, du Code de commerce, de la faculté de céder ses parts sociales à un tiers et, en vertu de l'alinéa 3 de ce même texte, de la possibilité, en cas de refus d'agrément du cessionnaire, d'obliger les associés ou la société à acquérir ou à racheter ses parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil.
Faits et procédure. Un associé détient sept cent quatre-vingts des deux mille six cents parts composant le capital social d’une SARL.
Soutenant qu'il avait été privé de dividendes du fait d'un changement de mode de gestion, l’associé a assigné en la forme des référés la SARL aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l'article 1869 du Code civil N° Lexbase : L2066AB7, son retrait pour juste motif.
Par arrêt du 29 juin 2023, la cour d’appel (CA Montpellier, 29 juin 2023, n° 23/00228 N° Lexbase : A197598N) a rejeté sa demande.
L’associé a formé un pourvoi devant la Cour de cassation et demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC relative à la compatibilité des articles L. 223-12 N° Lexbase : L0087LTE, L. 223-13 N° Lexbase : L9619GUS et L. 223-14 N° Lexbase : L3178DYD du Code de commerce, qui n'autorisent pas l'associé d'une SARL à se retirer de la société, à la différence des associés de sociétés civiles et d'autres formes de sociétés commerciales au profit desquels les dispositions législatives instituent et organisent un droit de retrait, au droit de propriété et au principe d’égalité devant la loi (DDHC, art. 2 N° Lexbase : L1366A9H, 6 N° Lexbase : L1370A9M et 17 N° Lexbase : L1364A9E).
Décision. La Haute juridiction dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC.
Selon elle, l'absence de disposition légale permettant à un associé de se retirer d'une SARL ne porte pas atteinte au droit de propriété dès lors que celui-dispose, en vertu de l'article L. 223-14, alinéa 1er, du Code de commerce, de la faculté de céder ses parts sociales à un tiers et, en vertu de l'alinéa 3 de ce même texte, de la possibilité, en cas de refus d'agrément du cessionnaire, d'obliger les associés ou la société à acquérir ou à racheter ses parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR.
Par ailleurs, la Cour rappelle que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
En particulier, le fait que les dispositions applicables à certaines formes sociales consacrent un droit de retrait en faveur des associés tandis celles applicables aux autres, dont la SARL, ne le prévoient pas trouve sa justification dans les caractéristiques propres à chaque forme ou à chaque variété de sociétés. Ainsi, il est de l'essence des sociétés à capital variable de permettre le libre retrait des associés ; de même, le droit de retrait consacré par la loi pour les sociétés cotées vise à garantir la liquidité des titres. Inversement, le droit de retrait dans les sociétés civiles trouve sa justification dans le fort intuitu personæ caractérisant cette forme et par la responsabilité indéfinie qui pèse sur chacun des associés. S'agissant, enfin, des SNC, le droit de retrait est ouvert à l'associé gérant révoqué, cette révocation apparaissant incompatible avec le maintien de la qualité d'associé, eu égard à la responsabilité solidaire et indéfinie qui s'y attache.
Les associés des sociétés en responsabilité limitée ne se trouvant pas placés dans des situations équivalentes à celles ainsi rappelées, la Chambre commerciale juge que l'absence de règles consacrant un droit de retrait à leur profit ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi.
Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La circulation des parts sociales de la société à responsabilité limitée (SARL), La cession de parts sociales de la SARL, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E5568ADL. |
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