Réf. : Cass. civ. 1, 6 mars 2024, n° 22-15.311, F-B N° Lexbase : A29622SI
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 13 Mars 2024
► Il résulte des articles 1373 et 1374 du Code de procédure civile qu'en matière de partage judiciaire, seules les demandes distinctes de celles portant sur les points de désaccord subsistant entre les copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, dont le juge commis a fait rapport au tribunal, et dont le fondement n'est pas né ou révélé postérieurement à ce rapport, sont irrecevables ;
ayant relevé que le notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage avait transmis un procès-verbal de difficultés au juge commis, qui avait convoqué les parties à une audience de conciliation puis dressé un procès-verbal de non-conciliation, une cour d'appel écarte à bon droit le moyen tiré de l'irrecevabilité d'une demande sur le fondement des textes susvisés, faute de projet d'état liquidatif dressé par le notaire.
Pour rappel, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations (C. proc. civ., art. 1364 al. 1er N° Lexbase : L6318H77).
Dans un délai d’un an suivant sa désignation, le notaire dresse un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir (C. proc. civ., art. 1368 N° Lexbase : L6322H7B).
Si les parties ne sont pas d’accord sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, celui-ci transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif (C. proc. civ., art. 1373 al. 1er N° Lexbase : L6327H7H).
Le juge commis peut alors tenter une conciliation (C. proc. civ., art. 1373, al. 3).
En tout état de cause, il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants (C. proc. civ., art. 1373, al. 4).
Ensuite, le tribunal statue sur les points de désaccord (C. proc. civ., art. 1375 al. 1er N° Lexbase : L6329H7K). Puis, il homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage (C. proc. civ., art. 1375, al. 2).
Pour une vision d’ensemble de la procédure, v. l’infographie INFO037, Partage judiciaire, Droit de la famille N° Lexbase : X9484APX. |
Dans un arrêt rendu en 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation était venue préciser qu’il résulte des articles 1373 N° Lexbase : L6327H7H et 1374 N° Lexbase : L6328H7I du Code de procédure civile que toute demande distincte de celles portant sur les points de désaccord subsistants, dont le juge commis a fait rapport au tribunal, est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou révélé que postérieurement à ce rapport (Cass. civ. 1, 7 décembre 2016, n° 15-27.576, FS-P+B N° Lexbase : A3834SPP.
Pour que cette règle puisse être appliquée, et qu'une demande soit ainsi jugée irrecevable, encore faut-il qu'un tel rapport ait été établi par le juge. C’est ce qu’avait pu juger la Cour suprême dans un arrêt rendu le 14 mars 2018 : tel n'était pas le cas en l'espèce dès lors qu'aucune contestation n'avait été soumise au notaire par l'effet de la carence d'une partie (Cass. civ. 1, 14 mars 2018, n° 17-16.045, F-P+B N° Lexbase : A2049XHD).
Elle a encore été amenée à préciser que les articles 1373 et 1374 du Code de procédure civile ne trouvent pas à s’appliquer avant le PV de difficulté du notaire, mais après, une fois que le juge commis a rédigé son rapport (Cass. civ. 1, 3 avril 2019, n° 18-14.179, F-P+B N° Lexbase : A3211Y8G). Elle avait alors énoncé, tout comme dans le présent arrêt rendu le 6 mars 2024, qu’en matière de partage judiciaire, seules sont irrecevables, sur le fondement des articles 1373 et 1374 du Code de procédure civile, les demandes distinctes de celles relatives aux points de désaccord subsistants évoqués dans le procès-verbal de difficultés établi par le notaire chargé du projet liquidatif et dont le juge commis a fait rapport au tribunal ; en l’espèce, saisie d'une demande d'ouverture des opérations successorales, il incombait alors à la cour d’appel de trancher les difficultés qui lui étaient soumises avant de renvoyer les parties devant le notaire (sur cet arrêt, v. J. Casey, extrait de Sommaires de jurisprudence - Droit du divorce (janvier - août 2019), obs. n° 11, Lexbase Droit privé, septembre 2019, n ° 794 N° Lexbase : N0280BYZ).
L’arrêt rendu le 6 mars 2024 vient encore ajouter une nouvelle précision, concernant l’hypothèse où le notaire n’a pas établi de projet d’état liquidatif. En l’espèce, le notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage avait transmis un procès-verbal de difficultés portant sur les points de contestation existant entre les parties au juge commis, qui avait convoqué les parties à une audience de conciliation puis dressé un procès-verbal de non-conciliation.
Sauf que le notaire n’avait préalablement établi aucun projet d’état liquidatif…
Selon la première chambre civile de la Cour de cassation, c’est à bon droit que la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait retenu que, faute de projet d'état liquidatif dressé par le notaire, le moyen tiré de l'irrecevabilité, sur le fondement des articles 1373 et 1374 du Code de procédure civile, de la demande d’un indivisaire tendant à voir déclarer le coïndivisaire redevable d'une indemnité d'occupation ne pouvait prospérer.
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