Réf. : Cass. civ. 1, 7 février 2024, n° 22-12.115, F-D N° Lexbase : A49862LA
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 07 Mars 2024
► Il incombe à ceux qui agissent en nullité pour insanité d'esprit de l'auteur d'une libéralité de prouver son état d'insanité d'esprit au moment de l'acte.
La solution résulte des articles 414-1 N° Lexbase : L8394HWS et 901 N° Lexbase : L0049HPI du Code civil. L’arrêt vient ainsi rappeler l’importance de rapporter la preuve de l’insanité d’esprit en se fondant sur des seuls éléments datant de la rédaction de l’acte litigieux.
En l’espèce, pour prononcer la nullité du testament, daté du 20 juin 2013, pour insanité d'esprit de son auteur et, par voie de conséquence, rejeter la demande du légataire en délivrance de son legs, la cour d’appel avait relevé, d'abord, que des « brouillons » manuscrits produits par l’héritière légale, datés des 21 mai et 6 juin 2013, n'ayant manifestement pas été rédigés de la main du testateur, prévoyaient, pour le premier, la vente viagère de l'ensemble immobilier au profit du légataire, et pour le second, le legs de ce bien, et que d'autres documents, non datés, rédigés d'une autre main, constituaient des projets de révocation du legs, de cession du bien au légataire et de mandat de vente.
L’arrêt ajoutait que le testateur avait recopié le mandat de vente avec des erreurs, notamment sur le prix du bouquet au profit d’un des légataires, et retenait que cela confirmait son état de vulnérabilité.
Il relevait, encore, qu'un certificat médical du 12 août 2014 mentionnait la découverte d'un accident vasculaire cérébral passé inaperçu.
Il constatait, enfin, que le testament litigieux comportait deux fois le prénom de l’autre bénéficiaire du legs, cependant qu'il n'indiquait ni le prénom ni le titre « Madame » s'agissant de la légataire, et en déduisait qu'au moment de sa rédaction, le testateur ne disposait plus de sa pleine capacité de tester.
L’arrêt est toutefois censuré par la Cour suprême, qui relève qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'état d'insanité d'esprit du testateur au moment de la rédaction du testament, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
On comprend donc que, si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation, il ne suffit pas d’énoncer que le testateur était atteint d’insanité d’esprit au moment de l’acte. Encore doivent-ils fonder leur appréciation sur des éléments propres à caractériser cet état au moment de la rédaction de le l’acte, éléments rapportés par le demandeur. La Cour de cassation veille strictement à ce que ces éléments de preuve soient apportés.
Pour aller plus loin : v. ETUDE : La protection du majeur dont les facultés mentales sont altérées en dehors d'un régime de protection (protection occasionnelle contre l'insanité d'esprit), spéc. La preuve de l'insanité d'esprit, in La protection des majeurs vulnérables (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E3466E47. |
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