La lettre juridique n°543 du 10 octobre 2013 : Fiscalité internationale

[Evénement] Départ des personnes physiques hors de France et exit tax : actualités jurisprudentielles et retours d'expérience - Compte rendu de la conférence donnée par l'IFA le 30 septembre 2013

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N8831BTA

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[Evénement] Départ des personnes physiques hors de France et exit tax : actualités jurisprudentielles et retours d'expérience - Compte rendu de la conférence donnée par l'IFA le 30 septembre 2013. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/10501142-cite-dans-la-rubrique-b-fiscalite-internationale-b-titre-nbsp-i-depart-des-personnes-physiques-hors-
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 10 Octobre 2013

Le 30 septembre 2013, la section française de l'Association fiscale internationale (IFA) a donné rendez-vous aux fiscalistes lors d'une conférence autour du thème de l'exit tax, thème développé par Franck Le Mentec, associé, Cotty Vivant Marchisio et Lauzeral, et Eric Ginter, associé, Hoche société d'avocats.
L'exit tax. Cet anglicisme fait toujours autant frissonner contribuables et conseils, qui savent que ce dispositif, de plus en plus répandu, risque de les emprisonner dans un Etat dans lequel ils ne souhaitent plus vivre. Ce régime consiste à taxer le contribuable qui souhaite s'en aller à l'étranger sur les plus-values latentes, c'est-à-dire sur une valeur économique potentielle, non réalisée, au moment du départ. Après la victoire des contribuables qui avaient réussi à faire disparaître cette taxe, par le recours au juge de l'Union européenne, la loi de finances rectificative pour 2012 a réintroduit un dispositif à l'épreuve des balles juridiques, avec une entrée en vigueur au 3 mars 2011. Depuis, les fiscalistes n'ont de cesse de trouver la faille du dispositif, afin de s'y engouffrer et de le faire imploser. Pour l'instant, cette stratégie ne fonctionne pas. En effet, le nouvel article 167 bis du CGI ne souffre aucune remise en cause. Protégé par le juge, peu importe le fondement, il est pourtant difficile de penser qu'un tel régime soit juridiquement parfait. I - L'exit tax à l'épreuve de la jurisprudence du Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a été souvent saisi de la question de l'exit tax. Mais avec des succès limités.

A - Tour d'horizon des décisions récentes

1 - Sur l'ancien régime de l'exit tax (CGI, art. 167 bis, ancien N° Lexbase : L2850HL7) - position du Conseil d'Etat

Exit tax et principe d'égalité devant les charges publiques

Le Conseil d'Etat a jugé, le 29 avril 2013, par trois fois, que le législateur était tout à fait en droit de modifier des textes antérieurs ou de les abroger en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions (1). En effet, la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, puisqu'elle n'a pas pour effet de priver les contribuables des garanties que leur accorde la Constitution.

En l'espèce, trois résidents français avaient transféré leur domicile en Suisse. Ils avaient souscrit, avant leur départ de France, une déclaration en vue de déterminer la plus-value latente correspondant aux participations supérieures à 25 % qu'ils détenaient et avaient, en application de l'article 167 bis du CGI, abrogé, obtenu un sursis de paiement avant de céder leurs titres. Ils avaient demandé un dégrèvement d'imposition, qui leur a été refusé.

Exit tax et liberté d'aller et venir

La Haute juridiction administrative a décidé que la liberté d'aller et venir n'était pas mise en cause lorsque le fait générateur d'une taxe, comme l'exit tax, est constitué, non par le déplacement physique de la personne, mais par le transfert de son domicile fiscal (2). En effet, le juge décide que l'article 167 bis du CGI n'a ni pour objet, ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l'exercice effectif, par les personnes qu'elles visent, de la liberté d'aller et venir sur le territoire d'un Etat, d'y choisir librement sa résidence ou de quitter son pays.

Or, un transfert de domicile fiscal n'est-il pas un déplacement, de facto ?

Exit tax et accord signé entre la Suisse et l'Union européenne

Le Conseil d'Etat juge que, dans l'accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, conclu fait à Luxembourg le 21 juin 1999, il n'est pas prévu d'application du principe de la liberté d'établissement aux relations entre la France et la Suisse, ce texte ne rend donc pas incompatible l'exit tax.

Or, cet accord fait expressément référence aux principes communautaires tels qu'interprétés par la CJUE...

Exit tax et Convention fiscale franco-suisse

Selon l'article 4 § 4 de la Convention fiscale franco-suisse, signée à Paris le 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK), les personnes qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France conservent la qualité de résident de France jusqu'à l'expiration du jour où s'est accompli le transfert de leur domicile fiscal en Suisse. L'article 15 de la Convention prévoit, par ailleurs, que les gains provenant notamment de la cession de valeurs mobilières autres que ceux d'une société à prépondérance immobilière, ou faisant partie de l'actif d'un établissement stable ne peuvent être imposés que dans l'Etat dont le cédant est un résident. Malheureusement, cette stipulation ne faisait pas obstacle au dispositif de l'exit tax, car le contribuable qui transfère son domicile fiscal conserve la qualité de résident français jusqu'à expiration du jour du transfert. Les plus-values étaient donc effectivement imposées en France, au regard de l'ancien article 167 bis du CGI et de la Convention France-Suisse.

Exit tax et contributions sociales

En principe, les revenus du patrimoine sont assujettis aux prélèvements sociaux lorsque la personne physique percevant lesdits revenus est fiscalement domiciliée en France (3). Ce principe s'applique à l'ensemble des plus-values assujetties à l'impôt sur le revenu, sans qu'il soit fait de distinction entre les plus-values latentes et les plus-values réalisées. Tout comme le point concernant la Convention fiscale franco-suisse, le fait générateur de l'article 167 bis, le jour du transfert du domicile, permet de soumettre les plus-values aux contributions sociales.

2 - Sur le régime de l'exit tax actuellement en vigueur (CGI, art. 167 bis, nouveau N° Lexbase : L9924IWH) - position du Conseil d'Etat

a - Tests de résistance passés

Exit tax et Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 juillet 2011, relative à la loi de finances rectificative pour 2012 (4), a déclaré le nouveau dispositif d'exit tax conforme à la Constitution, et donc au bloc de constitutionnalité (5). Le filtre du juge du fond et du Conseil d'Etat a d'ailleurs fonctionné, puisque les juges ont refusé de transmettre aux Sages de la rue de Montpensier le nouvel article 167 bis (6). Le décret d'application de l'exit tax (7) n'a pas été censuré par la Haute juridiction, qui considère qu'il réitère les termes de la loi (8). Fidèle à sa jurisprudence bien établie, le Conseil d'Etat refuse de contrôler la loi. Le décret est compatible avec le Premier protocole additionnel à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), la libre circulation des personnes et la Convention fiscale franco-suisse.

Exit tax et liberté d'établissement

Les impôts étrangers acquittés à l'occasion d'une cession ultérieure pourront venir s'imputer sur l'imposition due en France, par le biais d'un crédit d'impôt, sans toutefois excéder le montant de l'impôt français (pas de remboursement).

La double imposition est ainsi écartée.

De plus, les juges ont eu l'occasion de rappeler qu'un Etat membre est en droit d'imposer la valeur économique générée par une plus-value latente sur son territoire, même si cette plus-value n'a pas été encore réalisée. Ainsi, l'article 49 du TFUE (N° Lexbase : L2697IPL) ne s'oppose pas à l'exit tax, dès lors qu'elle n'impose pas le recouvrement immédiat de l'imposition lors du transfert du siège de direction d'une société dans un autre Etat membre de l'Union (lire Exit tax sur les sociétés : la CJUE donne une leçon de proportionnalité aux Etats membres, Lexbase Hebdo n° 538 du 4 septembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N8338BTY). Cette jurisprudence, relative aux personnes morales est transposable pour les personnes physiques. La jurisprudence de l'Union européenne ne semble pas être à même de contrecarrer le dispositif...

Exit tax et article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme

Les plus-values latentes ne constituent pas un "bien" au sens de l'article premier du Premier protocole additionnel à la CESDH. De plus, l'introduction par le législateur d'une exit tax ne constitue pas une remise en cause d'un avantage fiscal dont les contribuables pouvaient escompter la pérennisation (9). La jurisprudence est claire : elle refuse de considérer l'absence de dispositif d'exit tax comme une espérance légitime que ce type de dispositif ne soit pris un jour.

Exit tax et accord entre la Suisse et l'Union européenne sur la libre circulation des personnes

Tout comme sous l'empire de l'ancien article 167 bis, la liberté d'établissement n'étant pas prévue par l'accord de l'Union avec la Suisse, il n'est pas possible d'attaquer le nouveau dispositif sur ce fondement.

b - La microfissure : exit tax et donation

Le sursis de paiement expire au moment où intervient la donation des titres pour lesquels des plus-values ont été constatées, sauf si le donateur démontre que la donation n'a pas été consentie à seule fin d'éluder l'impôt. C'est donc un renversement de la charge de la preuve qu'opère l'article 167 bis du CGI. A noter toutefois que, selon le Conseil d'Etat, la donation des titres avant l'expiration du délai de huit ans n'implique pas, en soi, une évasion fiscale !

Dans le cadre de l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale, des obligations particulières peuvent être mises à la charge des contribuables ayant transféré leur domicile fiscal hors de France. L'obligation de démontrer l'absence de montage destiné à éluder l'impôt, sans que l'administration n'ait à fournir le moindre indice d'abus, semble aller au-delà de ce qu'implique la lutte contre la fraude fiscale. Dès lors, on peut douter de la validité de ce dispositif, puisque le principe de la liberté d'établissement ne peut souffrir de restriction qui si celle-ci est fondée et strictement proportionnée à l'objectif à atteindre. Ce renversement de la charge de la preuve, cette dernière conditionnant le maintien du sursis et le dégrèvement de l'impôt ou sa restitution s'il a été acquitté, serait donc contraire au droit de l'Union européenne.

c - Test de résistance à venir

Exit tax et conventions fiscales

L'exit tax repose sur une fiction juridique, selon laquelle les titres sont réputés cédés la veille du départ. Cette fiction permet à la France d'imposer la plus-value existant au moment du transfert de résidence. En principe, dans les conventions fiscales (qui reprennent l'article 13 de la Convention modèle OCDE), les plus-values sur valeurs mobilières sont taxées dans l'Etat de résidence. La France a émis une réserve sur cet aspect : "La France souhaite se réserver la possibilité d'appliquer ses lois sur l'imposition des gains provenant de l'aliénation d'actions ou de parts faisant partie d'une participation substantielle dans le capital d'une société résidente de France" (lire N° Lexbase : E8422ET4). En outre, comme le fait générateur intervient la veille du départ, et quoique la convention fiscale prévoie (toutes les conventions ne prévoient pas, comme celle avec la Suisse, que le jour du départ vers la Suisse le contribuable est considéré comme étant résident de France), la taxation des plus-values est conforme, l'Etat de résidence du contribuable étant la France.

On peut tout de même s'interroger sur le respect par la France des principes de droit international tels que fixés par la Convention de Vienne (Convention sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969)... Et notamment sur celui de l'application de bonne foi des conventions ! En détournant le sens des conventions fiscales, par l'intervention d'un fait générateur la veille du départ, la France ne viole-t-elle pas ce principe ? Il faudrait que les conventions fiscales soient renégociées afin de prévoir l'application de l'exit tax, comme c'est le cas dans la Convention franco-canadienne, signée le 2 mai 1975 (N° Lexbase : L6675BHP ; voir N° Lexbase : E3591EUK).

Enfin, il existe un risque de double imposition : le contribuable paie une première fois l'impôt en France, sur des plus-values non réalisées qui, lors de leur réalisation, seront taxées à l'étranger. Le même produit est imposé deux fois. Certes, la France prévoit un mécanisme d'imputation de l'impôt étranger sur le montant de l'impôt dû en France, mais cela n'est pas satisfaisant, notamment au regard des prélèvements sociaux, qui s'appliquent aussi, du fait de l'intervention du fait générateur la veille du départ, lorsque le contribuable est encore résident de France.

Le Conseil d'Etat a refusé d'examiner la compatibilité de l'exit tax avec les conventions fiscales dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir. Les conventions ne peuvent, en effet, être invoquées qu'à l'appui d'un contentieux particulier, et non général, comme c'est le cas du REP.

Exit tax et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus

Le principe de l'exit tax est que la plus-value est réputée réalisée à la date du départ. Doit-on intégrer ce revenu dans le calcul de la contribution sur les hauts revenus ? Le rapporteur public, dans le cadre du contentieux portant sur le décret du 6 avril 2012, considère que la question pourrait se poser dans un contentieux relatif à la contribution, mais non dans un contentieux portant sur la seule exit tax. Le Conseil d'Etat suit cet avis, et élude la question, qui ne concerne pas le décret dont il est saisi. L'administration est, elle aussi, silencieuse sur ce point...

Toutefois, il faut comprendre que, si les deux taxes s'appliquaient, la France violerait la jurisprudence de la CJUE, notamment dans son arrêt "Lasteyrie du Saillant" (10).

B - Questions en suspens

1 - Conditions dans lesquelles peut intervenir le dégrèvement

Donation des titres

En matière de donation, le dégrèvement devrait être automatique, sans qu'il soit nécessaire de fournir des justifications, tant au niveau de l'IR que des contributions sociales.

Résidence établie durablement à l'étranger

En cas de résidence établie durablement à l'étranger, un dégrèvement de l'IR mis en recouvrement lors du transfert de résidence est prévu. Mais rien ne fixe le dégrèvement des prélèvements sociaux... Dans quelle mesure ceci est-il compatible avec le droit de l'Union européenne et les conventions fiscales ? Il est permis d'émettre des doutes sur les justifications de cette situation, car, si la personne n'a plus aucun lien avec la France, il n'est pas normal qu'elle soit imposée aux prélèvements sociaux.

Remboursement des frais de constitution des garanties

Compte tenu des montants en jeu, le sujet devient préoccupant. A priori, l'administration fiscale devrait rembourser les frais justifiés (notamment les facturations bancaires), qu'ils aient été acquittés en France comme à l'étranger. L'administration se montre prudente, mais pour l'instant elle ne refuse pas le remboursement des sommes justifiées. Le plus souvent, la garantie est bancaire. Les banques ne connaissant pas, de prime abord, ce type de garantie, les processus sont longs et coûteux.

A noter que la garantie peut porter sur les titres sur lesquels sont calculés les plus-values. Le problème de la valeur de ces titres se pose.

2 - Perspectives européennes

Les fiscalistes et leurs clients fondent beaucoup d'espoir sur les aspects communautaires de la problématique de l'exit tax.

Pour les personnes physiques

La Commission a introduit une procédure contre le Danemark, qui connaît un dispositif d'exit tax ressemblant au régime français, car la taxe frappe tous les individus sans distinction. N'est-ce pas excessif de viser tous les contribuables, au regard de l'objectif poursuivi ? Quid des personnes qui transfèrent leur domicile sans aucun motif fiscal (parce qu'il y en a !) ? Le Danemark ayant maintenu sa position et refusé d'amender son régime, l'affaire va être portée devant la CJUE par la Commission.

Pour les personnes morales

La CJUE a été saisie d'une question posée par le tribunal de Hambourg, sur le régime d'exit tax applicable aux sociétés en Allemagne, dont la France s'est inspirée pour l'exit tax sur ses sociétés. La France a d'ailleurs fait l'objet d'une procédure de la Commission, mais elle a été suspendue, en attendant la décision de la CJUE (pour plus de précision sur ce point, lire Exit tax sur les sociétés : la CJUE donne une leçon de proportionnalité aux Etats membres, Lexbase Hebdo n° 538 du 4 septembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N8338BTY).

II - L'exit tax à l'épreuve des faits

Dans la pratique, l'exit tax révèle ses atouts... et ses faiblesses.

A - Etablir une déclaration d'exit tax

1 - Champ d'application

L'exit tax pose un principe d'imposition des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, les valeurs, les titres ou les droits (l'administration apporte des précisions dans sa doctrine, voir le BoFip - Impôts, BOI-RPPM-PVBMI-50-10-10-20-20121031, n° 1 N° Lexbase : X9488ALY).

Le transfert du domicile fiscal hors de France entraîne notamment l'imposition au titre de l'impôt sur le revenu au barème progressif et au titre des prélèvements sociaux de 15,5 %. Ces impositions pèsent sur : les plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, les valeurs ou les titres détenus avec les membres du foyer fiscal, directement ou indirectement, d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d'une société, ou une ou plusieurs participations détenues directement ou indirectement, d'une valeur supérieure à 1,3 million d'euros dans ces mêmes sociétés.

Elles portent aussi sur les plus-values qui ont, préalablement au transfert de la résidence fiscale, bénéficié d'un report d'imposition (par exemple, les plus-values d'échange de titres réalisées dans le cadre de l'article 150-0 B ter du CGI N° Lexbase : L0055IWX), sans aucune restriction tenant à la quotité ou à la valeur de la participation détenue par le contribuable.

Enfin, ces impositions sont supportées au titre des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix.

2 - Exclusion de certains titres et droits

Certains titres ou droits sont exclus de l'assiette de l'exit tax (11).

BPSCE

Les titres souscrits en exercice de BPSCE, mentionnés à l'article 163 bis du CGI, pour la part correspondant au gain d'exercice (12), sont exclus du champ d'application de l'exit tax.

Stock-options

Les titres issus de la levée d'options sur titres, à hauteur du gain de levée d'option (13), sont eux aussi exclus de l'assiette de la taxe.

Titres attribués gratuitement

Les titres attribués gratuitement sont exclus du champ de l'exit tax, à hauteur du gain d'acquisition constaté lors de l'attribution des titres gratuite (14).

Quid des BSA ?

Aucune mention n'est relative aux BSA. Est-ce un oubli ? Probablement, le gain d'exercice devrait être lui aussi exclu de l'application de l'exit tax.

A noter que, selon certaines sources, le champ de l'exit tax pourrait être étendu dans le cadre de la discussion portant sur le projet de loi de finances pour 2014.

3 - Evaluation des titres au moment du départ

Chaque plus-value latente est déterminée par différence entre la valeur des titres à la date du transfert de domicile fiscal hors de France et leur prix ou valeur d'acquisition par le contribuable.

Quand la société dont les titres sont détenus par le contribuable quittant le pays est cotée, il n'y a pas de difficulté particulière d'évaluation, il suffit de prendre la valeur du cours du jour, ou de faire une moyenne de cette valeur sur les six ou douze derniers mois. Quoiqu'il en soit, la valeur retenue doit faire l'objet de justifications.

A noter qu'il est possible d'appliquer un abattement pour durée de détention.

Concernant cette question de l'évaluation des titres, il faut préciser qu'initialement, l'article ne prévoyait pas de délai de prescription spécifique. Ainsi, s'appliquait le délai de trois ans après le départ. A la fin de cette durée, la valeur des titres était confirmée. A la fin de l'année 2012, la loi de finances rectificative a prévu un délai spécifique, qui court à compter de la fin du sursis de paiement, soit onze années en tout (15). Le contribuable doit donc conserver ses documents justifiant de l'évaluation de ses titres pendant onze ans (alors que le délai légal de conservation des documents commerciaux est de dix ans), et constituer une vraie documentation au moment du départ. Une telle durée n'est-elle pas excessive ?

4 - Constitution de garanties - Aspects pratiques

Il est plus compliqué de s'expatrier dans un pays avec lequel la France a signé une convention fiscale ne contenant pas de clause d'assistance au recouvrement (une vingtaine de conventions sont concernées, surtout en Asie, par exemple à Singapour), car la notice de la déclaration de l'exit tax, en page 7, explique qu'il faut, outre constituer des garanties et déclarer les plus-values, désigner un représentant fiscal en France.

La constitution de garanties a un coût. Les banques ne connaissent pas ce mécanisme, et cela peut coûter très cher. L'administration a une pratique assez flexible, acceptant, pour les montants très élevés, des garanties partielles.

5 - Apport à une structure étrangère : avant ou après le transfert de résidence ?

Il peut être intéressant d'avoir à l'étranger le centre de ses intérêts économiques, en créant, par exemple, une structure à laquelle on transfère les titres de la holding française.

Apport avant le transfert

Les conséquences d'un tel montage sont les suivantes : la plus-value est placée en report d'imposition (16), auquel il est mis fin en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Or, la déclaration d'exit tax prévoit un sursis d'imposition. Donc le report ne tombe pas. Il est permis de s'interroger sur les possibilités d'obtenir le dégrèvement de l'imposition correspondant au report d'imposition dans le cadre de l'exit tax. En effet, ce report subsiste à la fin du délai de huit ans.

L'application de cette imposition est-elle compatible avec les conventions fiscales ? Et avec la liberté d'établissement et la liberté de circulation des capitaux ?

Attention à bien regarder le traitement fiscal des plus-values d'apport dans le pays de destination (notamment en Belgique et en Italie).

Apport après le transfert

L'apport après le transfert possède de nombreux avantages : l'exit tax s'applique aux titres de la société française, mais l'apport de ces titres à une société étrangère passible de l'impôt sur les sociétés n'entraîne pas la déchéance du sursis d'imposition. Toutefois, l'obligation de conservation des titres se reporte sur les titres reçus en échange de l'apport (et donc sur les titres de la société étrangère). Au terme du délai de huit ans, cette situation devrait entraîner le dégrèvement de l'exit tax.

Un tel montage peut devenir compliqué à gérer quand il faut constituer des garanties.

6 - Le traitement des sorties de trésorerie dans le pays d'accueil

Schéma assez classique

De façon assez classique, voici ce qu'il se passe : la résidence de l'actionnaire est transférée à l'étranger. Il constitue une holding dans son pays d'accueil et lui apporte ses participations dans une ou plusieurs sociétés françaises, qui n'ont plus d'activité mais détiennent de la trésorerie. Les sociétés françaises distribuent cette trésorerie via des dividendes, sous le régime mère-fille. Le capital de la holding étrangère est ensuite réduit.

Les questions qui se posent

Du point de vue français, ce montage risque de remettre en cause de sursis d'imposition si les titres ne sont pas conservés pendant la durée de huit ans.

Du point de vue étranger, il y a un risque que la réduction de capital de la holding étrangère soit requalifiée en distribution (et non en remboursement d'apport). Ce serait le cas en Belgique.

Cette forme d'optimisation de l'exit tax est donc à manier avec précaution.

B - Suivre l'évolution de l'exit tax dans le temps

L'exit tax est une sorte d'"arrêt sur image". Or, la vie est un film qui se déroule dans le temps. Comment concilier les deux ?

1 - Evolution de la composition des actifs

Les titres de société à prépondérance immobilière n'entrent pas dans le champ d'application de l'exit tax, donc il n'est pas nécessaire d'établir une déclaration d'exit tax. Une question se pose : quid de la société à prépondérance immobilière qui devient opérationnelle ? Et vice versa ?

A priori, la déclaration d'exit tax étant une photo du patrimoine au moment du départ, le contribuable n'aurait pas à revenir dessus. Or, quand les titres d'une société à prépondérance immobilière sont cédés, il y a superposition d'imposition, entre l'exit tax et l'application de l'impôt français sur le patrimoine immobilier. Il peut donc être intelligent d'inverser la situation, et de rendre une société immobilière plus opérationnelle...

2 - Evolution de la valeur des sociétés françaises concernées

L'assiette de l'exit tax est constituée de la valeur des titres de la société française, constatée lors du transfert de résidence. Il est admis que l'impôt soit réduit si, lors de la cession des titres, la valeur de ceux-ci est inférieure à celle qui a été déclarée pour les besoins de l'exit tax.

Quid si les titres sont conservés mais que la valeur de la société a substantiellement diminué ? Est-il possible de réduire les garanties ? Cela pose notamment un problème lorsque ce sont les titres qui sont donnés en garantie...

Selon l'avis de Franck Le Mentec et Eric Ginter, la perte de valeur de la société par suite d'évènements indépendants de son actionnaire devrait conduire à dégrever l'imposition calculée lors du transfert de résidence. La perte de valeur due à des distributions devrait être traitée de la même façon, afin d'être conforme à la liberté de circulation des capitaux.

3 - Evolution de la législation française

L'exit tax est calculée selon les modalités applicables lors du transfert de résidence (intégration, par exemple, de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D ter N° Lexbase : L5683IXR). Quelles conséquences tirer d'une évolution favorable de la législation française, comme une baisse des taux d'imposition, ou une réduction de l'assiette par application d'abattements ? Deux options sont offertes : soit on considère que l'imposition est gelée, et qu'elle doit être calculée selon les dispositions en vigueur au moment du départ, et cela risque de créer des situations discriminatoires lors de la cession entre non-résidents dont la situation est figée et résidents qui bénéficient des évolutions législatives. Soit on fait évoluer la situation des non-résidents comme celle des résidents, ce qui devrait conduire à un réajustement périodique de la taxe et des garanties.

4 - Traitement des donations en cas de report d'imposition (CGI, art. 150-0 B ter et 167 bis)

La nouvelle rédaction de l'article 167 bis du CGI est peu claire sur le sort du sursis de paiement en cas de donation de titres ayant préalablement été soumis au régime du report de l'article 150-0 B ter du CGI (auquel l'article 167 bis ne renvoie pas, ceci résultant sûrement d'un oubli du législateur).

En l'absence de traitement expressément prévu, trois hypothèses peuvent être envisagées quant au sort de la plus-value en report, lorsqu'une donation intervient après le transfert du domicile hors de France :
- le sursis de paiement est maintenu en cas de donation de titres pour lesquels des plus-values ont été constatées ;
- il est mis fin au sursis de paiement en cas de donation de titres pour lesquels les plus-values avaient été reportées avant le transfert du domicile hors de France ;
- un dégrèvement d'impôt s'applique lors de la donation de titres dont la plus-value avait bénéficié de certains reports avant le transfert de domicile.

En conclusion, force est de constater la noirceur du présent : l'exit tax résiste aux critiques juridiques, aidée en cela par le juge, bienveillant à son égard. Toutefois, il n'est pas interdit d'espérer, car en effet, un tel dispositif ne peut être éternel. La question du partage équitable du droit d'imposer entre les Etats, justification souvent avancée en matière communautaire par les Etats membres lorsqu'ils restreignent une liberté de circulation, est légitime. Plutôt qu'un ensemble de mesures nationales plus ou moins inspirées d'un modèle commun, ne peut-on pas envisager la mise en place d'un régime commun, du moins au sein de l'UE ? C'est la question que se posent Franck Le Mentec et Eric Ginter.


(1) CE 8° et 3° s-s-r., 29 avril 2013, n° 357576, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0228KDS), n° 357574 (N° Lexbase : A0226KDQ) et n° 357575 (N° Lexbase : A0227KDR), inédits au recueil Lebon.
(2) CE 3° s-s., 19 septembre 2011, n° 346012, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9824HX7).
(3) CGI, art. 1600-0 C (N° Lexbase : L3118HNS), 1600-0 F bis (N° Lexbase : L3121HNW), 1600-0 G (N° Lexbase : L1463IGB) et CSS, art. L. 136-6 (N° Lexbase : L0115IW8).
(4) Loi n° 2012-1510, 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L7970IUQ).
(5) Cons. const., décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012 (N° Lexbase : A6287IZU).
(6) CE 8° s-s., 13 juin 2012, n° 359314, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8694INC).
(7) Décret n° 2012-457 du 6 avril 2012, relatif à l'imposition des plus-values et créances en cas de transfert du domicile hors de France (N° Lexbase : L7439ISC).
(8) CE 8° et 3° s-s-r., 12 juillet 2013, n° 359314, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8322KI3).
(9) CE 8° et 3° s-s-r., 12 juillet 2013, n° 359314, précité.
(10) CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02 (N° Lexbase : A5001DBT).
(11) Voir le BoFip - Impôts, BOI-RPPM-PVBMI-50-10-10-20-20121031, n° 20.
(12) Le gain d'exercice correspond à la différence entre la valeur du titre au jour de l'exercice du bon et le prix de souscription du titre fixé lors de l'attribution du bon.
(13) Le gain de levée d'option est défini à l'article 80 bis du CGI (N° Lexbase : L9932IWR) comme la différence entre la valeur de l'action à la date de la levée d'option et le prix d'exercice de l'option.
(14) CGI, art. 80 quaterdecies (N° Lexbase : L9931IWQ). Le gain d'acquisition est égal à la valeur des actions à la date de leur attribution définitive.
(15) LPF, art. L. 171-0 A (N° Lexbase : L0056IWY), modifié par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012.
(16) CGI, art. 150-0 B ter.

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