La lettre juridique n°969 du 11 janvier 2024 : Sociétés

[A la une] Dossier spécial : La SAS, une trentenaire bien portante - Propos introductifs

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par Deen Gibirila, Professeur émérite (Université Toulouse 1 Capitole), Directeur scientifique du dossier « La SAS, une trentenaire bien portante »

le 11 Janvier 2024

Créée par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 N° Lexbase : L2852AWK, la société par actions simplifiée désignée par l’acronyme SAS illustre un modèle inédit de société qui correspond au troisième type de société par actions ou de capitaux aux côtés de la société anonyme (SA) et de la société en commandite par actions (SCA). Elle appartient donc à la catégorie des sociétés pouvant émettre des actions, sans toutefois pouvoir faire une offre au public de titres financiers et faire admettre ses actions aux négociations sur un marché réglementé [1], tout en pouvant être constituée sans capital légal minimal et avec un seul associé.

Faute de pouvoir forger à leur gré les statuts de leur société en raison de contraintes instaurées par la loi du 24 juillet 1966 (loi n° 66-537 N° Lexbase : L6202AGS), recodifiée dans le Code de commerce, les associés des sociétés commerciales n’avaient pas d’autres choix que de prévoir des dérogations aux statuts initialement rédigés par eux au moyen de dispositions extrastatutaires. Ces inconvénients ont incité le législateur de 1994 à proposer aux fondateurs une nouvelle structure sociétaire dont les règles essentielles d’organisation et de fonctionnement résultent de la volonté des parties, les règles relatives de la SA venant pallier le mutisme des statuts.

« Un îlot de liberté dans un océan de réglementation » ; cette opinion doctrinale [2] traduit la résurrection de la liberté contractuelle issue de l’apparition de la SAS dans le paysage du droit français des sociétés, à la suite de l’entrée en vigueur de loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 destinée à pallier la rigidité de la société anonyme dont les principales modalités sont strictement déterminées par le Code de commerce.

La SAS est désormais une structure sociétaire de premier plan dans le paysage juridique français, du fait qu’elle est la seule de la catégorie des sociétés de capitaux à permettre un large aménagement des règles d’organisation et de fonctionnement interne en restreignant notablement le nombre des prescriptions légales impératives. En cela, elle rompt avec le droit des sociétés traditionnelles en faisant prédominer la « société contrat » sur la « société institution » [3].

Tous ces aspects contribuent à son large succès au point de lui offrir quantitativement la tête du classement des sociétés par actions, bien au-dessus de la société anonyme [4].

Déjà, selon des chiffres assez anciens, au 30 juin 2003, il existait 1 238 747 sociétés commerciales, dont 928 249 SARL, 123 633 SA et 53 872 SAS. La SAS représentait donc près d'un tiers des sociétés par actions. Mais il s’est créé en rythme annuel 20 000 SAS, ce qui a coïncidé avec la disparition du même nombre de SA [5]. Cet effet de vases communicants, s’étant poursuivi au même rythme, à l’heure actuelle le nombre de SAS a dépassé celui des SA depuis 2005 [6].

Quelques chiffres révèlent clairement la croissance progressive du nombre des SAS en comparaison avec la SARL [7]  qui est la forme de sociétés commerciales la plus répandue en France :

- 2015 : SARL (82 427) ; SAS (83 179) ;

- 2016 : SARL (76 172 ) ; SAS (106 501) ;

- 2017 : SARL (71 901) ; SAS (119 517) ;

- 2018 : SARL (70 421), SAS (119 034).

Le nombre de sociétés par actions simplifiées (SAS) a considérablement augmenté ces dernières années (15 % des création de sociétés en 2011 à 48 % en 2015) [8].

La progression du nombre des sociétés immatriculées au greffe du tribunal de commerce de Paris traduit bien ce constat. Les statistiques donnent les résultats suivants [9] :

- 1995 : SARL, dont EURL (14 021) ; SA (2 015) ; SAS (399) ; SNC (472) ; SCS (20) ; SCA (12) ; GIE (111) ; sociétés civiles (3 156) ;

- 2016 : SARL, dont EURL (110 208) ; SA (164) ; SAS (17 631) ; SNC (1 164) SCS (9) SCA (13) ; GIE (86) ; sociétés civiles (6 551).

De toute évidence, la SAS constitue « une société bien portante » trente ans après sa naissance, dont la présente étude collective vise à mettre en évidence quelques points importants qui traduisent son vif succès.

1. La liberté contractuelle dans la SAS (par Deen Gibirila, Professeur émérite, Université Toulouse 1 Capitole) N° Lexbase : N7862BZ9

La SAS répond au principe de liberté contractuelle. Peu de dispositions du Code de commerce lui étant consacrées, elle est essentiellement régie par ses statuts, ce qui lui confère une grande souplesse. Inspirée du droit allemand, à l’instar de la SA moderne de type dualiste, cette structure sociétaire a pour vocation première de permettre la création par les entrepreneurs d’une société par actions, tout en alliant souplesse de fonctionnement et liberté d'organisation pour les associés. S’agissant de la direction, ces caractéristiques de souplesse et de liberté s'expriment entre autres, par l'absence d'obligation de se doter d'un conseil d'administration ou de surveillance, le président étant le seul organe obligatoire de direction.

2. La compatibilité dans le droit des SAS (par Julien Delvallée, Maître de conférences à l’Université Paris-Saclay) N° Lexbase : N7829BZY

Depuis sa création en 1994, la SAS ne cesse d'interroger doctrine et pratique sur l'articulation des règles qui constituent « son droit ». À l'origine de cette difficulté : la mécanique de l'article L. 227-1, alinéa 3, du Code de commerce N° Lexbase : L7429MHM, qui commande de transposer aux SAS, à l'exclusion de certaines d'entre elles, les règles concernant les SA, le tout sous réserve d'un test de compatibilité. Cette démarche qui n'est pas spécifique aux SAS, présente toutefois des enjeux pratiques et théoriques particuliers, en raison de l'importance des SAS dans le paysage français des sociétés. La présente étude revient sur cette mécanique de la compatibilité, avant d'en mesurer les manifestions sur le droit des SAS.

3. La collégialité dans la SAS (par Laurent Godon, Professeur à l'Université de Versailles Paris Saclay) N° Lexbase : N7881BZW

La collégialité dans la SAS ouvre un champ de réflexion très instructif mettant en évidence toute l’originalité de l’organisation juridique de cette forme sociale. Fondée sur la liberté statutaire, l’architecture de la société n’a manifestement pas été pensée autour de la présence d’organes collégiaux impératifs, contrairement à celle des sociétés anonymes. En fait, ce n’est que lorsque la SAS revêt un caractère pluripersonnel apparaît un collège des associés, organisé autour de la notion de décisions collectives déconnectée du concept d’assemblée générale. Quant aux organes de direction, on peut affirmer, sans risque d’être excessif, que la SAS désintègre la collégialité puisque des dirigeants réunis en collège n’existent qu’à la condition d’une prévision des statuts en ce sens, ce qui constitue une autre originalité pour une société classée parmi les sociétés par actions.

4. Trente ans de représentation de la SAS (par Marie Rakotovahiny, Maître de conférences - HDR droit privé, Université Toulouse III) N° Lexbase : N7849BZQ

Généralement, les fonctions de représentation et de direction sont assumées par une seule et même personne dans les sociétés. Dans la SAS, la représentation de la société à l’égard des tiers est assurée par la désignation obligatoire d’un président. L’organisation de sa direction est laissée à la discrétion des statuts. La dissociation entre la fonction de représentation et de direction la singularise. En dehors de cette désignation légale obligatoire, le régime de la représentation de la SAS relève de la liberté statutaire. En la matière, la jurisprudence a largement contribué à le définir et le façonner, même si des aspects de son régime sont encore inexplorés.

5. Le régime social des dirigeants de la SAS (Jean-Michel Lattes, Maître de conférences en droit privé à l’Université Toulouse 1 Capitole) N° Lexbase : N7843BZI

La loi du 3 janvier 1994 mettant en place la société par actions simplifiées (SAS) organise le cumul des fonctions dirigeantes avec des fonctions de salariés ou d’assimilés salariés. Il convient d’en mesurer les enjeux par comparaison avec d’autres formes de sociétés excluant ce type de cumuls. La détermination des principaux dirigeants de la SAS (président, directeur général,…) permet d’évaluer l’existence ou non de droits sociaux rattachés à l’exercice de leurs fonctions respectives. Des mécanismes de compensation ouvrent la possibilité de compléter ce dispositif.

6. Plaidoyer pour un régime fiscal spécifique de la SAS (par Sébastien Jambort, Maître de conférences - HDR en droit privé et sciences criminelles Université de Toulouse - UPS - LERASS) N° Lexbase : N7837BZB

Après 30 ans d’existence et d’évolutions de la SAS, le droit fiscal doit montrer de l’intérêt pour cette forme sociale qui connaît un grand succès. Il n’est plus possible de se satisfaire de l’article 1655 quinquies du Code général des impôts N° Lexbase : L1916HMW disposant que « Pour l’application du présent code et de ses annexes, la société par actions simplifiée est assimilée à une société anonyme ». La SAS étant devenue protéiforme, sa soumission de plein droit à l’impôt sur les sociétés peut être discutée. Par ailleurs, il n’est pas satisfaisant que les dirigeants de SAS soient assimilés du point de vue fiscal aux dirigeants de SA. En effet, la SAS peut comporter une variété de dirigeants qui n’est pas réductible aux dirigeants de la SA.

7. SARL ou SAS : quel choix opérer ? (Jean-Louis Navarro, Maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2) N° Lexbase : N7836BZA

Lorsqu’on compare la SARL et la SAS, il faut immédiatement relever les points communs qui sont tout de même nombreux, de ceux qui différent, qui sont tout aussi nombreux. C'est évidemment ces derniers qui expliquent peut-être l’engouement de la SAS face à la SARL et ceci depuis déjà plusieurs années. Le choix entre la SARL et la SAS devra être conditionné par l’importance que les fondateurs font accorder à ces divergences centrées sur la direction de ces sociétés, les droits des associés, les apports possibles, la cession de titres et les activités réalisables. Bien que la SAS gagne chaque année un peu plus les faveurs des entrepreneurs, le choix entre SAS et SARL doit principalement se faire à la lumière de la situation personnelle et des objectifs recherchés par les fondateurs de la société.

 

[1] C. com., art. L. 227-2  N° Lexbase : L0097LTR ; J. Paillusseau, La nouvelle société par actions simplifiée. Le big bang du droit des sociétés !, D., 1999, p. 333.

[2] Y. Guyon, Présentation générale de la société par actions simplifiée, Rev. soc., 1994, p. 207.

[3] J. Honorat, La société par actions simplifiée ou la résurgence de l’élément contractuel en droit français des sociétés, LPA 16 août 1996, n° 99, p. 4.

[4] J.-F. Hamelin, Le succès de la SAS, un défi pour le droit commun !, Dr. sociétés, mai 2022, repère 5.

[5] P.-L. Périn, Direction et représentation de la SAS : état des lieux après la loi de sécurité financière, JCP E, 2004, n° 10, 332, note 2.

[6] P.-L. Périn, art. préc.

[7] P.-L. Périn, Statistiques des formes de sociétés commerciales en France : la SAS dépasse la SARL !, RTDF 2016, n° 1, p. 35 ; J. Heinich, La SAS plus fort que la SARL !, Dr. sociétés, juin 2017, repère 6.

[8] QE n° 19358 de M. Dominique Potier, JOANQ 7 mai 2019 , réponse publ. 13 août 2019 p. 7496, 15ème législature N° Lexbase : L2293LSQ, Flash Defrénois 23 septembre 2019, n° 38, p. 9.

[9] Ph. Merle, Sociétés commerciales, n° 2, Dalloz, 2017/2018, 21ème éd.

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