La lettre juridique n°969 du 11 janvier 2024 : Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Majoration de 25 % en cas de non-adhésion d’un avocat à une association de gestion agréée : carton rouge de la CEDH !

Réf. : CEDH, 7 décembre 2023, Req. 26604/16, WALDNER c/ FRANCE N° Lexbase : A727217H

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[Brèves] Majoration de 25 % en cas de non-adhésion d’un avocat à une association de gestion agréée : carton rouge de la CEDH !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104001748-breves-majoration-de-25-en-cas-de-nonadhesion-dun-avocat-a-une-association-de-gestion-agreee-carton-
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par Marie-Claire Sgarra

le 10 Janvier 2024

La CEDH a jugé, dans une décision en date du 7 décembre 2023, que la majoration de 25 % appliquée aux revenus de contribuables n’ayant pas adhéré à un organisme de gestion agréé était contraire à l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les faits. Le requérant, avocat, a fait l’objet d’une majoration de ses revenus imposables au titre des années 2006 à 2011. Motif ? Il n’était pas adhérent d’un organisme de gestion agréé (OGA).

Procédure :

  • Défaite du requérant devant le juge administratif (CE 9° et 10° ssr., 9 novembre 2015, n° 366457, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3589NWT). 
  • L’avocat saisit alors la CEDH.
  • Le requérant se plaint d’une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de ses biens découlant de la majoration de ses revenus professionnels imposables faute d’avoir adhéré à une association agréée. Il invoque l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention, aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

Rappel législatif. Avant la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719, du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 N° Lexbase : L6429HET), l’adhésion des professions libérales à un OGA avait pour effet d’accorder aux adhérents un abattement de 20 % sur leurs revenus imposables. L’article 76 de la loi de finances pour 2006 précitée a modifié le régime fiscal applicable à ces professionnels à compter de la déclaration pour 2007 sur les revenus perçus en 2006, en abrogeant cet abattement et en le remplaçant par une majoration de l’assiette de leurs revenus imposables de 25 % en cas d’absence d’adhésion à un OGA (CGI, art. 158, al. 7 N° Lexbase : L8132LZ9).

Qu’en pense le juge français ? Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 23 juillet 2010, a jugé que les dispositions de l'article 158, alinéa 7, avaient été adoptées pour assurer aux adhérents d'un organisme de gestion agréé une assistance technique, tout en permettant de satisfaire l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale, puisqu'une telle adhésion permettait de mieux connaître les revenus non salariaux (Cons. const., décision n° 2010-16 QPC, du 23 juillet 2010 N° Lexbase : A9194E4B). La majoration, à compter du 1er janvier 2006, de 25 % de la base d'imposition des non-adhérents est intervenue dans le cadre d'une réforme globale de l'impôt sur le revenu qui a concerné tous les contribuables ; que cette mesure est la contrepartie, arithmétiquement équivalente, de la suppression de l'abattement de 20 % dont bénéficiaient, avant cette réforme de l'impôt, les adhérents à un organisme de gestion agréé. Ainsi, la différence de traitement entre adhérents et non adhérents demeure justifiée à l'instar du régime antérieur et ne crée donc pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

La CEDH devait déterminer si, dans les circonstances de l’espèce, la méthode choisie par le législateur pour atteindre le but qu’il s’était fixé, à savoir assurer le paiement de l’impôt au moyen du dispositif fiscal fondé sur l’article 158, 7, précité du CGI, reposait suffisamment sur une « base raisonnable », de nature à garantir un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.

Position de la CEDH. « Dans les circonstances particulières de l’espèce, la méthode choisie par le législateur pour atteindre le but qu’il s’était fixé, à savoir assurer le paiement de l’impôt au moyen d’une majoration de l’assiette de l’impôt dû par les non adhérents à une association agréée – à laquelle l’adhésion n’était pourtant pas obligatoire – et par les contribuables concernés ne faisant pas appel à un autre professionnel agréé – une telle faculté leur étant pourtant accordée par la loi –, ne reposait pas suffisamment sur une « base raisonnable » car contraire à la philosophie générale du système basé sur les déclarations du contribuable présumées faites de bonne foi et correctes. De plus, le taux de la majoration automatiquement applicable à hauteur de 25 % entraînait une surcharge financière disproportionnée à l’encontre du requérant. Cette méthode, telle qu’elle a été appliquée en l’espèce, a ainsi rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu ».

En pratique :

  • Les réclamations portant sur l’impôt sur le revenu 2020 devaient être introduites avant le 31 décembre 2023.
  • Ce dispositif de majoration de 25 % (devenu dégressif) a été supprimé à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023.

 

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