La lettre juridique n°926 du 1 décembre 2022

La lettre juridique - Édition n°926

Droit pénal spécial

[Le point sur...] L’abus de biens sociaux, une infraction de risque ?

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N3322BZ3

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par Simon Husser, Docteur en droit, ATER à l’Université Paris-Nanterre

Le 19 Décembre 2022

Mots-clés : abus de biens sociaux • ABS • risque • résultat • intention • infraction instantanée • infraction de prévention

Le délit d’abus de biens sociaux est parfois décrit comme une infraction formelle. Or, il serait plus exact de le qualifier d’infraction de risque, catégorie doctrinale émergente. En effet, l’atteinte à l’actif social ne conditionne par la consommation du délit, mais la jurisprudence exige tout de même que l’exposition de cet actif social à un risque injustifié soit établie. Cette exigence de démonstration d’un risque est le critère de définition principal de l’infraction de risque. Pour autant, ce concept se définit aussi par rapport à ses incidences sur l’élément moral de l’infraction et sur la fixation du point de départ de la prescription. De plus, identifier une infraction de risque permet de mieux comprendre le rôle que le législateur entend lui faire jouer au regard de la prévention de la délinquance. C’est ainsi que l’abus de biens sociaux est également une infraction de risque au regard de ses caractères : il s’agit d’une infraction qui n’est pas pleinement intentionnelle, d’une infraction instantanée et d’une infraction de prévention.


 

Le délit d’abus de bien sociaux [1] a pu être décrit comme un « monstre juridique » [2] tant il est difficile de le rattacher aux catégories et concepts du droit pénal général [3]. Sur le plan de la matérialité, le défi conceptuel consiste à déterminer si le délit est une infraction matérielle ou une infraction formelle, distinction supposément matricielle. Or, si l’on file la métaphore de la tératologie, il est permis de penser que l’abus de biens sociaux se rattache, sur ce point, à un concept hybride [4] : l’infraction de risque [5].

Encore faut-il s’entendre sur ce que recouvre ce concept, ce qui suppose une plongée dans les abysses du droit pénal général. En effet, le critère de distinction entre l’infraction formelle, l’infraction matérielle et l’infraction de risque tient au rôle joué par le résultat. Or, ce dernier est l’un des concepts les plus nébuleux du droit pénal, plusieurs typologies de résultats ayant été dégagées au long du XXe siècle[6].

La tendance doctrinale contemporaine est néanmoins à la simplification de la présentation [7] et un consensus semble se dessiner autour de la nécessité de considérer le résultat comme l’atteinte concrète ou abstraite à un bien juridiquement protégé [8], c’est-à-dire le résultat redouté à propos duquel raisonne le législateur lorsqu’il incrimine un comportement. Par suite, le résultat n’est pas forcément présent dans le texte d’incrimination, dès lors que le législateur peut placer le curseur de la répression plus ou moins en amont de sa réalisation. En revanche, toute infraction comporte un élément matériel dont la composante indispensable est la définition du comportement litigieux, la mention du résultat redouté n’étant, donc, qu’une composante facultative.

De là, la distinction entre infraction matérielle et formelle semble aisée : la première est celle qui intègre dans la définition de son élément matériel le résultat redouté, conséquence de l’agir de l’agent – d’où la terminologie d’infraction « de résultat » parfois préconisée [9] –, si bien que le juge sera tenu de relever la survenance de ce résultat pour établir la consommation de l’infraction. Une difficulté tient au fait que l’atteinte à la valeur sociale protégée est parfois trop abstraite pour que le juge puisse facilement faire le départ entre le comportement et le dommage subséquent. La solution semble être de considérer que le résultat est tellement inhérent à l’acte que la démonstration du second est « de nature à » établir le premier, ce qui permettrait, par exemple, de rattacher les violences d’ordre psychologique [10] et la diffamation [11] aux infractions matérielles [12], mais ce qui rend tout de même poreuse la frontière entre infraction formelle et infraction matérielle [13].

Identifier une infraction matérielle n’est pas sans conséquence : au titre de l’élément moral de l’infraction, qui se définit, en théorie, par relation à l’élément matériel, le juge ne pourra pas se contenter de la seule volonté du comportement ; il devra établir également la volonté du résultat ou, au contraire, son absence [14]. Par ailleurs, le point de départ de la prescription se situe au jour où survient le résultat [15].

Plus largement, l’infraction matérielle correspond à une vision tout à fait orthodoxe, objective et libérale du droit pénal : le délinquant ne répond que du dommage qu’il a causé à la société [16].

L’infraction formelle, quant à elle, est le plus souvent définie négativement [17] comme toute infraction qui n’intègre pas le résultat redouté dans la définition de son élément matériel. En réalité, une telle conception ne permet d’identifier que l’infraction formelle lato sensu ou, en d’autres termes, la catégorie des infractions « de comportement » [18], à savoir une catégorie d’infractions qui se décline elle-même en plusieurs sous-catégories.

La première de ces déclinaisons est bien entendu l’infraction formelle stricto sensu, laquelle peut se définir comme l’incrimination à titre autonome d’une tentative d’infraction matérielle [19] – c’est l’exemple classique de l’empoisonnement [20] – ou d’une provocation directe à commettre une telle infraction, hypothèse très proche [21].

La deuxième sous-catégorie est l’infraction-obstacle, qui se définit comme l’incrimination à titre autonome de l’acte préparatoire d’une infraction matérielle ; il s’agit de se placer très en amont sur l’iter criminis[22]. Le résultat redouté peut être, d’une part, déterminé par le texte d’incrimination [23], non comme composante de l’élément , mais sous la forme originale d’un dol spécial [24]. Ainsi, l’association de malfaiteurs est commise « en vue de » la préparation d’un crime [25]. D’autre part, le résultat peut être indéterminé, il est alors question de sanctionner un état dangereux, comme l’illustre le délit de conduite en état d’ivresse [26] : le conducteur pourrait tout aussi bien commettre une atteinte aux biens qu’une atteinte aux personnes.

Les infractions d’abstention pourraient constituer une troisième sous-catégorie d’infraction de comportement puisque, là encore, le résultat redouté – l’atteinte à l’intégrité physique consécutive à la réalisation du péril dans lequel se trouve une personne, par exemple [27] – n’a pas à se produire [28].

Il n’y a donc qu’une différence de degré dans la conception de l’infraction formelle stricto sensu, de l’infraction obstacle et des délits d’abstention : que le résultat soit proche, éloigné ou complètement décorrélé du comportement de l’agent, le juge n’a en aucun cas à s’y intéresser, seule la qualification de l’acte incriminé étant suffisante au titre de la matérialité.

Plus encore, dans leur application, ces trois types d’infractions engendrent des conséquences similaires : l’élément moral se résume normalement à la volonté du comportement [29] – ce qui n’exclut pas qu’un dol spécial vienne compenser la faiblesse de la matérialité de l’infraction dans certains cas [30] – et la prescription commence à courir dès que le comportement est exécuté, peu importe ses suites [31].

Dans leur logique, de surcroît, toutes ces infractions sont imprégnées d’une logique positiviste et utilitariste, font la part belle à une approche subjective de l’infraction et sont régulièrement critiquées pour restreindre les libertés individuelles dans une optique répressive [32].

En revanche, il y a bien une différence de nature entre les infractions formelles et les infractions de risque. Un auteur a pu dégager une définition de ces dernières en raisonnant à partir de la figure des infractions de mise en danger [33] : il s’agirait des infractions « qui comportent un élément de définition légale qui impose au juge, pour établir leur consommation, la vérification concrète d’une situation de hausse des probabilités de réalisation de l’atteinte effective au bien juridique protégé par l’incrimination pénale » [34]. En d’autres termes, si le résultat redouté, précisément identifié [35], n’est pas intégré dans la définition de l’infraction par le législateur, ce qui évoque l’infraction formelle, le risque de survenance de ce résultat l’est et le juge doit le caractériser, cette exigence de démonstration rappelant l’infraction matérielle ; il est donc bien question d’un concept hybride [36].

Quant aux implications de l’infraction de risque, on peut penser que la probabilité de la survenance du dommage, prise en compte sur le plan matériel, l’est également sur le plan de l’élément moral : l’agent doit, en toute rigueur, avoir prévu la réalisation du risque, ce qui évoque la figure du dol éventuel [37]. Par ailleurs, comme pour l’infraction formelle, le point de départ de la prescription devrait commencer à courir au jour de l’exécution du comportement.

Enfin, il est possible d’estimer que l’infraction de risque répond à une logique un peu plus vertueuse que celle de l’infraction formelle. Si les deux catégories ont en commun l’importance accordée à la sévérité et à la prévention, l’infraction de risque semble épouser également la logique d’intériorisation de la norme, propre au droit contemporain, dans une optique de responsabilisation[38].

 
Ces prémices conceptuelles étant posées, il convient, dans cette étude, de démontrer que l’abus de biens sociaux n’est pas une infraction formelle, contrairement à ce que certains auteurs peuvent avancer[39], mais bien une infraction de risque. Non seulement le délit étudié correspond à la définition doctrinale précitée des infractions de risque, au titre du rapport qu’il entretient avec le résultat redouté (I.), mais il permet aussi, au regard de ses caractères, de préciser cette définition et de tracer avec un peu plus de netteté les contours de l’infraction de risque (II.).

I. Une infraction de risque au titre de son rapport au résultat

L’infraction de risque répond en partie à la définition de l’infraction formelle, dès lors que le résultat redouté n’est pas une composante de l’élément matériel de l’infraction, ce qui est le cas pour l’abus de biens sociaux (A.). Toutefois, l’infraction de risque exige la démonstration de la probabilité de survenance d’un risque, le rôle du juge étant renforcé à cet égard, ce qui se vérifie, là encore, avec le délit étudié (B.).

A. L’indifférence à la survenance du résultat redouté

Contrairement à l’abus de confiance, qui exige, au titre de sa définition légale, d’établir le « préjudice d’autrui » causé par le détournement du bien confié [40], les textes d’incrimination, en matière d’abus de biens sociaux, ne font aucune référence au résultat redouté. L’élément matériel du délit, aux termes de la loi, se résume à l’usage des biens, du crédit, du pouvoir ou des voix contraire à l’intérêt social de la société concernée. Il ne faut nullement voir dans cette référence à l’intérêt social le résultat redouté de l’infraction [41]. Il est d’ailleurs délicat, dans l’absolu, d’identifier avec certitude ce résultat : il pourrait s’agir de l’appauvrissement matériel de la société comme d’une atteinte à sa réputation. En réalité, il importe peu d’identifier avec précision la valeur sociale protégée par l’incrimination, dès lors, justement, qu’elle ne participe pas à la définition de l’élément matériel. Cela permet à un auteur d’affirmer que l’indifférence au préjudice subi par la société « révèle la nature exacte de ces délits comme infraction contre les abus de gestion ou de mandat social. Elle induit aussi qu’il ne s’agit pas de délits contre les biens, puisque l’atteinte à ceux-ci est indifférente à leur existence » [42]

L’indifférence au résultat est patente en jurisprudence. Ainsi, le succès d’une opération n’empêche pas la caractérisation du délit si cette opération est jugée trop hasardeuse au jour de sa réalisation [43]. Dans la même logique, un dirigeant ne peut prétendre avoir géré efficacement la société en invoquant la compensation d’une créance détenue sur la société [44]. Plus encore, l’approbation a posteriori d’un acte par des organes de la société [45] ou par un commissaire aux comptes [46] ne permet pas d’ôter à l’usage son caractère délictueux. En revanche, si la régularisation ultérieure de prélèvements illégaux par le dirigeant lui-même est aussi inopérante, cela ne contribue pas à montrer l’indifférence au résultat, puisqu’il s’agit tout simplement d’une illustration de l’indifférence du repentir actif, ce qui concerne également les infractions matérielles [47].

Il est vrai que, dans de nombreuses hypothèses, les juges s’attardent sur les conséquences de l’opération menée par le dirigeant pour établir sa contrariété à l’intérêt social. C’est le cas, en particulier, lorsqu’est analysée l’absence de contrepartie à un acte de disposition ou de dissipation des biens sociaux, ce qui renvoie aux hypothèses les plus évidentes d’usages abusifs : l’appropriation des biens sociaux par le dirigeant, l’octroi d’une rémunération à un dirigeant ne correspondant pas à un travail effectif, ou encore le fait d’accorder des avantages à une autre société [48].

Est-ce à dire que l’infraction est à la fois matérielle et de risque ? Dans l’absolu, rien n’exclut une telle analyse, puisque certaines infractions sont « pluri-offensives » [49], en ce que, du fait leur définition légale, elles peuvent revêtir tantôt un aspect formel, tantôt un aspect matériel [50]. Cela vaut pour l’infraction de risque, laquelle ne doit pas être perçue comme celle qui exclut toute survenance du résultat [51], mais comme celle qui ne requiert pas la preuve de ce résultat pour être consommée. Il serait tout à fait possible, néanmoins, de considérer qu’il est seulement question d’une infraction de risque, et non d’une infraction matérielle, dès lors que le constat de la réalisation de ce risque est la preuve la plus absolue de la probabilité qu’il survienne. L’essentiel est surtout de relever que l’infraction ne peut pas s’analyser comme une infraction formelle classique, puisque la démonstration d’un risque est a minima nécessaire.

Avant d’approfondir ce point, il convient toutefois de noter que l’extension prétorienne de l’abus de biens sociaux aux abstentions engendre une difficulté sérieuse [52]. En effet, certains auteurs déduisent de cette jurisprudence que deux conditions sont nécessaires pour qualifier une abstention coupable : « d’une part, que l’abstention observée cause directement une perte indue à la société […], d’autre part, que l’abstention soit intentionnelle, c’est-à-dire observée à dessein de produire l’effet préjudiciable qui en résulte » [53]. C’est là définir l’élément matériel et l’élément moral d’une infraction matérielle. Sans doute faut-il y voir une exception critiquable à l’indifférence du résultat, puisqu’il s’agit d’un dévoiement certain de la notion d’usage, dont on pourrait légitimement penser qu’elle renvoie exclusivement à une action positive [54].

Cette réserve mise à part, il est certain que caractériser un résultat n’est pas indispensable pour qualifier le délit d’abus de biens sociaux. En revanche, l’infraction n’est pas formelle, en ce que le juge doit tout de même s’assurer que la démonstration d’un risque est rapportée par l’autorité de poursuite. 

B. L’exigence de la démonstration d’un risque

Il a été admis très tôt que la contrariété à l’intérêt social pouvait résulter de l’exposition de l’actif social à un risque injustifié : avant même la création du délit d’abus de biens sociaux par les décrets-loi du 8 août et du 30 octobre 1935, des juges de première instance avaient pu condamner pour abus de confiance un dirigeant qui avait procédé à des opérations à découvert sans aucune garantie, exposant ainsi la société « à des risques auxquels elle aurait dû rester étrangère » [55]. Si cette solution méconnaissait évidemment les éléments constitutifs de l’abus de confiance [56], la nouvelle rédaction des différents délits d’abus de biens sociaux a permis qu’elle soit reprise. La cour d’appel de Paris a ainsi pu condamner des dirigeants pour avoir exposé leur société « à un risque certain » [57]. Quant à la Cour de cassation, elle a jugé à maintes reprises que le délit était constitué lorsque l’actif social avait supporté un « risque auquel il ne devait pas être exposé » [58].

Le risque étant inhérent à toute activité économique, il est revenu à la jurisprudence de faire le départ entre l’acte de gestion raisonnable et le risque injustifié. En toute rigueur, à s’en tenir aux textes d’incrimination, l’admission de l’exposition de l’actif social à un risque devait avoir pour contrepartie une appréciation exigeante du dol spécial relatif à la poursuite, par le dirigeant social, d’un intérêt personnel [59]. En pratique, cette composante de l’infraction est appréciée très souplement par la jurisprudence et ne joue pas ce rôle [60], si bien que le caractère injustifié ou anormal du risque est apprécié au cas par cas, le juge prenant comme boussole l’inutilité ou la disproportion du risque par rapport à la situation de la société.

Est ainsi constitutif d’un risque anormal le fait, pour un dirigeant, de se faire consentir une rémunération excessive au regard des possibilités financières de la société [61], d’insérer des clauses exorbitantes dans des contrats de prestations conclus au nom de la société [62] ou le fait, pour l’administrateur de deux sociétés, d’utiliser indifféremment les biens de l’une au profit de l’autre, exposant ainsi l’actif de chaque société à des risques de pertes [63].

À l’inverse, le paiement d’une dette sociale, même par une société qui connaît des difficultés financières, n’est pas constitutif d’abus de biens sociaux [64], pas plus que le remboursement d’un compte courant par le gérant [65]. Plus encore, la Cour de cassation a pu casser un arrêt n’ayant pas déterminé si une opération litigieuse avait engendré un risque injustifié distinct du « risque inhérent à la nature du marché » [66]. Plus récemment, elle a aussi cassé l’arrêt n’ayant pas recherché si la résiliation de baux avait fait encourir à la société concernée un risque distinct du « risque inhérent à son activité habituelle »[67]. Ces arrêts ne laissent planer aucun doute quant à la nécessité de démontrer la probabilité de survenance du risque.

Si, en toute rigueur, cette démonstration incombe au ministère public, d’aucuns soulignent qu’en présence d’actes équivoques, « la Cour de cassation semble bien imposer au prévenu l’obligation de justifier l’utilisation précise des fonds payés par la société et d’établir leur destination exacte » [68], ce qui constitue un reversement critiquable de la charge de la preuve.

En toute hypothèse, l’exigence de démonstration d’un risque injustifié vaut quel que soit l’objet de l’abus. Cela étant, si elle concerne l’abus de biens comme l’abus de pouvoirs – l’abus de voix, devenu désuet et inappliqué, n’étant pas concerné –, elle trouve son terrain de prédilection avec l’abus de crédit. En effet, c’est « l’aléa du décaissement qui caractérise l’abus de crédit » [69], d’où la condamnation de ce chef du dirigeant qui fait cautionner des dettes personnelles par sa société [70], par exemple.        

Quant à la nature du risque encouru, elle ne se limite pas à l’atteinte directe au patrimoine social dès lors qu’en vertu d’une jurisprudence aussi célèbre que discutée, le délit est caractérisé en cas d’exposition de la société à un risque de condamnation pénale pour corruption ou trafic d’influence [71], voire pour d’autres infractions [72]. Or, si la légitimité d’une telle extension peut être discutée [73], l’on peut sans peine convenir que « le risque pénal est toujours anormal » [74].

Il ressort donc de tout ce qui précède que l’abus de biens sociaux répond bel et bien à la définition de l’infraction de risque quant à son rapport au résultat redouté. Or, si la nécessité d’établir l’existence d’un risque est le critère central de définition d’une telle infraction, il est à présent temps de dégager les autres caractères de celle-ci. 

II. Une infraction de risque au regard de ses caractères

Il s’agit ici de confronter l’abus de biens sociaux avec les autres infractions de risque identifiées en doctrine, afin de déterminer si elle présente les mêmes caractères que celles-ci, esquissés en introduction. Du point de vue du juge, l’infraction de risque a une incidence sur la définition de l’élément moral et sur la fixation du point de départ de la prescription. D’une part, l’infraction de risque peut être décrite comme non intentionnelle, ce qui sous-entend qu’elle se situe à la frontière entre l’infraction intentionnelle et la faute d’imprudence (A.). D’autre part, dès lors que la survenance du résultat est indifférente à la consommation de l’infraction, il ne peut qu’être question d’une infraction instantanée (B.). Du point de vue du législateur, l’importance accordée à l’anticipation de l’atteinte à la valeur sociale protégée conduit à identifier une infraction de prévention (C.).

A. Une infraction non intentionnelle

Comme un auteur a pu le souligner, « la catégorie naissante des infractions de risque devrait conduire dans l’avenir à s’interroger sur la définition à donner de leur élément moral » [75]. Or, si l’on compare les éléments moraux des différentes infractions de risque identifiées par la doctrine, il est permis de penser que chacune de ces infractions exige d’établir que l’agent avait prévu la réalisation du risque, sans pour autant la souhaiter.

Ainsi, en matière de diffusion de messages inappropriés à des mineurs, la jurisprudence tire la conséquence du fait que le message doive être « susceptible d’être perçu par un mineur » en vérifiant que l’agent avait pris les précautions nécessaires pour éviter que ce risque ne se réalise [76]. On retrouve cette considération de l’absence de précautions prises par l’agent en matière d’exhibition sexuelle [77], autre infraction pouvant être rattachée à l’infraction de risque puisqu’il n’est pas nécessaire que l’atteinte à l’intégrité sexuelle d’autrui se soit produite [78]. Enfin, cette logique s’exprime également à propos du délit du risque causé à autrui. Si la doctrine se divise quant à l’existence, ou non, d’un dol éventuel en la matière [79], les auteurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’exiger plus qu’une faute d’imprudence et moins qu’une intention [80]. La jurisprudence n’est pas d’un grand secours en l’occurrence, dès lors qu’elle a contourné la difficulté [81].

En bref, il serait logique de poser comme principe que l’élément moral de l’infraction de risque se résume à la volonté du comportement incriminée, doublée de la conscience du risque engendré par ce comportement ; on retrouve, sans surprise, la dimension hybride du concept étudié. Le délit d’abus de bien sociaux répond-il à cette conception ?

En théorie, si l’on s’en tient à la lettre des textes, la réponse à cette interrogation est négative et il peut même paraître très surprenant d’évoquer une infraction non intentionnelle alors que l’élément moral semble textuellement des plus exigeants. Les choses paraissent a priori très claires : l’élément moral se compose d’un dol général (les dirigeants concernés commettent « de mauvaise foi », un usage abusif qu’ils « savent » contraire à l’intérêt social) doublé d’un dol spécial (l’usage doit être commis « à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle [les dirigeants] sont intéressés directement ou indirectement »).

Pour autant, il est bien connu que la jurisprudence a depuis longtemps mis à mal cette présentation. D’une part, s’agissant du dol général, « la connaissance du caractère contraire à l’intérêt social apparaît prédominante par rapport à la mauvaise foi, dont la caractérisation est impliquée par la constatation de cette connaissance » [82] et le dol général est parfois déduit du dol spécial [83]. D’autre part, la définition de ce dol spécial a été considérablement élargie par la jurisprudence, qui considère que l’intérêt poursuivi peut être tant matériel que moral [84] et estime, par suite, que le dirigeant peut tout à fait poursuivre son propre intérêt quand bien même il a avantagé autrui [85] ; c’est dire que la jurisprudence s’est dégagée du mobile spécifique défini par le texte pour prendre en compte tous les mobiles poursuivis par le dirigeant et en faire une règle de preuve, davantage qu’une exigence autonome [86].

La confusion régnant en la matière, il importe de recentrer l’analyse sur l’essentiel et de mettre l’accent sur deux certitudes. D’un côté, l’élément moral du délit étudié est plus qu’une imprudence. La Cour de cassation a certes pu admettre que la négligence ou le défaut de surveillance soient reprochés à des gérants, mais « à la condition que ceux-ci aient connu les agissements délictueux qu’ils pouvaient empêcher » [87], autrement dit qu’ils aient eu conscience d’exposer la société à un risque. D’un autre côté, l’élément moral de l’abus de biens sociaux n’est pas une intention au sens classique du terme, puisqu’il n’est pas exigé du dirigeant qu’il vise le résultat redouté, conséquence du comportement incriminé. Le juge doit simplement vérifier que le prévenu poursuivait un but autre que celui de l’intérêt de la société, et ce, en ayant conscience d’exposer l’actif social à un risque d’atteinte.

L’infraction de risque se caractérise donc par son ambivalence sur le plan de l’élément moral. À l’inverse, sur le plan procédural, l’importance accordée au comportement ne devrait laisser planer aucun doute quant au caractère instantané d’une telle infraction, mais l’abus de biens sociaux illustre la tentation de passer outre un tel caractère.    

  

B. Une infraction instantanée

S’agissant de la prescription de l’action publique, l’abus de biens sociaux semble correspondre au régime de l’infraction de risque esquissé plus haut : l’infraction est instantanée [88] et le point de départ de la prescription est fixé au jour de commission de l’usage répréhensible [89].

Il est vrai que c’est en matière d’abus de biens sociaux qu’a été dégagée la célèbre jurisprudence relative au report du point de départ de la prescription au jour où l’infraction est apparue au grand jour, au motif de la clandestinité des faits, solution consacrée par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 N° Lexbase : L0288LDZ avec l’introduction des infractions occultes et dissimulées [90]. Pour autant, ce report du point de départ de la prescription ne contrarie en rien le caractère instantané de l’infraction, d’autant que la solution reste en réalité circonscrite à certains types d’abus [91]. Au contraire, on peut penser que c’est précisément parce que l’infraction est consommée indépendamment de son résultat, dont la survenance peut, en pratique, difficilement échapper à l’attention des organes de la société, qu’il a été nécessaire de forger une telle solution à l’origine.

Plus problématique est la jurisprudence considérant que, lorsque l’usage abusif consiste en des prélèvements litigieux opérés sur l’actif social de façon réitérée, en application d’un acte décisionnel antérieur, le point de départ de la prescription se situe au jour de la dernière ponction [92]. Cela revient à transformer le délit en une infraction continuée, voire d’habitude [93], d’où le caractère critiquable d’une telle solution [94].

Cette jurisprudence mise à part, le caractère instantané de l’abus de biens sociaux, à l’instar des autres infractions de risque [95], est vérifié. Reste à se placer du point de vue du législateur pour réaliser que le délit étudié est une infraction de prévention.

C. Une infraction de prévention

À l’instar des infractions formelles, l’infraction de risque peut être décrite comme une infraction de prévention [96], désignation dont l’intérêt est de mettre en lumière le rôle que le législateur souhaite conférer à une incrimination : l’anticipation de l’atteinte à la valeur sociale protégée [97].

L’infraction de prévention est sous-tendue par une logique de sévérité. Comme on l’a rappelé plus haut, une conception libérale du droit pénal suppose que celui-ci intervienne en dernier recours, en réaction au dommage causé par un individu. Or, avec l’infraction de risque, comme avec l’infraction formelle, le législateur estime que l’auteur d’un comportement ne doit pas échapper à la répression au prétexte qu’il n’a causé aucun préjudice à autrui [98]. C’est ainsi, on l’a vu, qu’un dirigeant peut être condamné pour abus de biens sociaux indépendamment du succès de son opération.

Dans une logique de prévention générale [99], cette sévérité vise à « dissuader les dirigeants sociaux de certaines opérations par trop hasardeuses. La politique des “ coups de poker ” n’est jamais à prescrire lorsque le dirigeant engage les intérêts d’autrui » [100]. Au demeurant, on a vu que l’exposition de l’actif social à un risque est inhérente à l’abus de crédit. Or, l’incrimination de cette hypothèse « démontre combien le législateur a voulu aller loin dans la répression. En effet […], l’usage abusif du crédit, lors de sa commission, n’entraîne en définitive qu’un préjudice éventuel et un préjudice moral, puisque la société se porte simplement garante au moment des faits délictueux » [101].

La logique d’une répression vigoureuse a d’ailleurs présidé à la création même du délit étudié, puisque l’objectif du législateur était de contourner les obstacles juridiques posés par l’abus de confiance et de réprimer des abus de gestion qui échappaient jusque-là à la répression. Cela permet à un auteur d’affirmer qu’il n’est « pas permis de reprocher à la jurisprudence [d’avoir] dénaturé [l’abus de biens sociaux] en l’appliquant dans l’indifférence du préjudice subi par la société […]. Le grief fait fonds sur une analyse du délit qui n’est pas corroborée par son incrimination, laquelle exprime de surcroît la volonté du législateur » [102].

Il est vrai que le rapport Mariani a pu, en 1996, suggérer une nouvelle rédaction du délit étudié exigeant une atteinte effective aux intérêts patrimoniaux de la société [103]. Mais cette proposition n’a eu aucune suite, ce qui est heureux, car si l’on exclut de l’élément matériel du délit « des fautes de gestion graves aux implications désastreuses non immédiatement concrétisées, on encourage au nom d’une liberté dévoyée d’entreprendre l’impéritie et l’affairisme » [104].

Bien entendu, le caractère dissuasif de la loi pénale est aujourd’hui contesté [105] et il y a quelque artifice à évoquer une logique de prévention dès lors que l’individu condamné pour avoir commis une infraction de risque subira une peine, dans une logique répressive. Ces objections n’enlèvent rien au fait que l’infraction de risque s’inscrit dans l’ère du temps. Un auteur a pu mettre en lumière, à l’issue du siècle dernier, le processus d’intériorisation des normes qui caractérise le droit contemporain, l’homme des démocraties devant « sans cesse réinventer lui-même ce qui était formulé par la loi positive. L’acteur juridique ne se contente plus d’appliquer des normes connaissables : il doit les prévoir. La loi pénale ou civile qui précisait le détail des obligations tend à être supplantée par une obligation générale de prudence sanctionnée par une extension de l’idée de responsabilité » [106].

Cette logique d’ « internalisation » de la norme, visant à « encourager à l’autorégulation » [107], est bien entendu très présente en droit pénal des affaires, la compliance rencontrant le succès que l’on sait. Or, un des moyens de mettre en œuvre cette autorégulation est précisément d’opérer une cartographie des risques. Il est donc permis de penser que la logique de prévention n’est pas si artificielle que cela en matière d’abus de biens sociaux, puisque une fois les risques cartographiés, l’auteur d’un acte de gestion abusif pourra difficilement prétendre ne pas avoir envisagé la probabilité de leur réalisation. 

Plus encore, cette logique d’intériorisation des risques est fondée sur une idée de responsabilisation qui permet de considérer que la logique de l’infraction de risque n’est pas la même que celle de l’infraction formelle, lato sensu. En effet, avec la seconde, le législateur renvoie l’image d’un individu en proie à ses déterminismes, dans une logique positiviste : c’est l’individu dangereux qu’il s’agit d’écarter, l’auteur d’un crime atroce qu’il convient de neutraliser. Avec l’infraction de risque, le sujet de droit retrouve son libre arbitre : l’agent expose autrui à un risque et il s’agit de le responsabiliser en lui signifiant qu’il aurait dû le prévoir. Est-ce vraiment le rôle du droit pénal [108] ? La discussion est ouverte, mais on peut penser que, si l’abus de biens sociaux est bien un hybride, il s’apparente peut-être plus au monstre du docteur Frankenstein qu’à l’Hydre de Lerne.

 

[1] On retiendra classiquement dans cette étude la désignation générique d’abus de biens sociaux pour se référer aux quatre délits définis par les textes (C. com., art. L. 242-6, 3° et 4° N° Lexbase : L9515IY3, pour les sociétés anonyme ; art. L. 241-3, 4° et 5° N° Lexbase : L9516IY4, pour les SARL) : l’abus de biens sociaux proprement dit, l’abus du crédit, l’abus des pouvoirs et l’abus des voix.

[2] W. Jeandidier, L’abus de biens sociaux, un monstre juridique ?, Cah. dr. entr., 2006, n° 1, p. 29.

[3] W. Jeandidier, Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, JCl. Pénal des Affaires, Fasc. 50, n° 117, considérant que le délit étudié « est l’infraction la plus extravagante du droit pénal car elle collectionne les antagonismes », dès lors qu’elle oscille entre infraction de commission et infraction d’omission, infraction matérielle et formelle, infraction instantanée ou infraction continuée, infraction simple et infraction complexe, infraction intentionnelle et faute lourde de négligence.

[4] Sur les concepts hybrides en droit, v. J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, 3e éd., 2018, PUF, n° 71 et s.

[5] Pour une étude de référence consacré à ce concept, sur laquelle on reviendra à plusieurs reprises : J. Chacornac, Le risque comme résultat dans les infractions de mise en danger : les limites de la distinction des infractions matérielles et formelles, RSC, 2008n 849.

[6] Sur la dénonciation de l’excessive subtilité de la distinction entre les concepts de résultat « réel », « matériel », « juridique », « légal » ou encore « sociologique » : J.-Y. Maréchal, Essai sur le résultat dans la théorie de l’infraction pénale, préf. A. Prothais, L’Harmattan, 2003, n° 31 et s. ; E. Dreyer, Droit pénal général, 6e éd., 2021, LexisNexis, n° 772 et s. V. toutefois, Y. Mayaud, Droit pénal général, 7e éd., 2021, PUF, n°, 304, pour une présentation fondée sur le distinction entre résultat redouté, résultat légal et résultat juridique. 

[7] E. Dreyer, op. cit., n° 775 ; J. Chacornac, préc.

[8] J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 371 : « le résultat, élément constitutif de l’infraction prévu, le cas échéant, par le texte d’incrimination, consiste en une atteinte, concrète ou abstraite, à un intérêt pénalement protégé, qui constitue l’effet ou la conséquence des actes d’exécution de l’infraction ». Comp., V. Malabat, Retour sur le résultat de l’infraction, in Mélanges en l’honneur de Jacques-Henri Robert, LexisNexis, 2012, p. 443.

[9] J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 469 et s. ; M.-A. Raymond, Les infractions de résultat, thèse Bordeaux IV, 2010.

[10] Cass. crim., 18 mars 2008, n° 07-86.075, F-P+F N° Lexbase : A9804D7A : M. Véron, obs., Dr. pén. 2008, comm. 84 ; Y. Mayaud, obs., RSC 2008. 587 jugeant que « le délit de violences est constitué, même sans atteinte physique de la victime, par tout acte de nature à impressionner vivement la victime et à lui causer un choc émotif ».

[11] La diffamation est souvent présentée par la jurisprudence comme l’imputation d’un fait précis et déterminé, « de nature à » porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visé (par ex. : Civ. 1re, 27 septembre 2005, n° 04-12.148, FS-P+B N° Lexbase : A5894DKI : S. Vigand, note, D., 2006. 637).

[12] En ce sens, J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 472.

[13] Ainsi, pour E. Dreyer, la diffamation est une infraction formelle (Droit de la communication, 2018, LexisNexis, n° 1126).

[14] C’est ainsi, par exemple, que si un individu commet volontairement un acte qui engendre la mort d’autrui, il importe de savoir si le résultat redouté (la mort) était recherché, auquel cas il sera question d’un meurtre (C. pén., art. 221-1 N° Lexbase : L2260AMN) ou, à défaut d’un homicide par imprudence (C. pén., art. 221-6 N° Lexbase : L3402IQ3), voire du crime de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (C. pén., art. 222-7 N° Lexbase : L5528AIL).

[15] E. Dreyer, Droit pénal général, op. cit., n° 791.

[16] Ce qu’exprime la locution latine classique poena est malum passionis propter malum actionis (la peine est un mal causant une souffrance à raison du mal causé par une action). V. aussi, Y. Mayaud, op. cit., n° 222. 

[17] J.-Y Maréchal, op. cit., n° 150.

[18] E. Dreyer, op. cit., n° 788.

[19] J.-Y. Maréchal, La place du résultat dans la matérialité de l’infraction, in Faut-il rethéoriser le droit pénal ?, LexisNexis, 2017, p. 61.

[20] C. pén., art. 221-5 N° Lexbase : L2127AMQ. Sont aussi fréquemment citées la fabrication de fausse monnaie (C. pén., art. 442-1 N° Lexbase : L0481DZT) ou la subornation de témoins (C. pén., art. 434-15 N° Lexbase : L7972ALT).

[21] En ce sens, P. Spitéri, L’infraction formelle, RSC, 1966. 497. Par ex. : la provocation à l’usage de stupéfiants (CSP, art. L. 3421-4 N° Lexbase : L8910HWW). Adde : E. Dreyer, op. cit., n° 784, note 44, précisant que « l’analogie avec la tentative s’opère ici sous couvert d’exécution manquée et, non, d’exécution interrompue. Suivie ou non d’effet, la provocation s’exécute de la même façon ».

[22] X. Pin, Droit pénal général, 12e éd., 2021, Dalloz, n° 185.

[23] E. Dreyer, op. cit., n° 779, identifiant dans cette hypothèse une infraction « de prévention », distincte de l’infraction « de précaution », caractérisée, elle, par un résultat indéterminé. 

[24] Le dol spécial est entendu ici au sens fort : une volonté portant sur un résultat extérieur à l’infraction, c’est-à-dire un mobile érigé en intention (X. Pin, op. cit., n° 207).

[25] C. pén., art. 450-1 N° Lexbase : L1964AMP. V. aussi, C. pén., art. 222-15-1 N° Lexbase : L6309L4G, définissant le délit d’embuscade comme le fait d’attendre un agent public dans un lieu déterminé « dans le but » de l’agresser.

[26] C. route, art. L. 234-1 N° Lexbase : L1669DKZ.

[27] C. pén., art. 223-6, al. 2 N° Lexbase : L6224LL4, réprimant la non-assistance en péril.

[28] Contra : J.-Y. Maréchal, op. cit., n° 555 qui fait des infractions d’abstention une catégorie radicalement distincte de l’infraction formelle.

[29] Thèse contredite en matière d’empoisonnement par une jurisprudence célèbre qui aligne l’élément moral de ce crime sur celui du meurtre (Cass. crim., 18 juin 2003, n° 02-85.199 N° Lexbase : A8130C8M : D. Rebut, note, D., 2004. 1620 et S. Mirabail, obs., somm. 2751 ; Prothais, note, ibid. 2005. 195; Rassat, note, JCP, 2003. II. 10121 ; Y. Mayaud, obs., RSC, 2003. 781). Cette solution, motivée par des considérations d’opportunité, est perçue comme introduisant une discordance fâcheuse entre l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction par une doctrine majoritaire.

[30] C’est le cas pour l’exemple précité de l’association de malfaiteurs.

[31] E. Dreyer, op. cit., n° 790.

[32] Y. Mayaud, Ratio legis et incrimination, RSC, 1983, 597 : « s’éloigner du résultat redouté attentatoire à la valeur sociale protégée pour incriminer un danger en soi, c’est prendre le risque de couper l’activité criminelle de ses supports matériels et s’engager dans la voie d’un droit pénal à la fois abstrait et menaçant pour les libertés individuelles ». V. aussi, C. Lazerges, Le nouveau droit pénal se construit sur des sables mouvants, Le Monde, 6 mars 2016. Adde : Cons. const., décision n° 96-377 DC, 16 juillet 1996 N° Lexbase : A8343ACY : B. Mercuzot, note, D., 1997. 69, § 8, censurant la pénalisation de l’aide à l’entrée, à la circulation ou aux séjours d’un étranger au motif que cette aide n’était « pas en relation immédiate avec la commission de l’acte terroriste ».

[33] À savoir : le délit d’exposition d’autrui à un risque de mort ou de blessure (C. pén., art. 223-1 N° Lexbase : L3399IQX) et le délit de diffusion de messages inappropriés susceptibles d’être perçus par des mineurs (C. pén., art. 227-24 N° Lexbase : L7492L9D).

[34] J. Chacornac, préc. Au soutien de sa démonstration, l’auteur évoque notamment la doctrine allemande qui distingue les « délits de danger concrets » (konkreten Gefährdungsdelikte) des « délits d’atteinte » (Verletzungsdelikte). Est aussi citée la doctrine italienne, qui distingue les infractions d’atteinte proprement dites (di lesione) des infractions qui ne sanctionnent qu’une simple mise en danger du bien juridique, (reati di pericolo).

[35] Comp. C. pén., art. R. 641-1 N° Lexbase : L0867ABQ, réprimant le fait d’abandonner une arme ou tout autre objet présentant un danger pour les personnes et « susceptible d’être utilisé pour commettre un crime ou un délit ». Le risque est envisagé de manière si vague qu’on peut légitiment penser qu’il s’agit d’une infraction obstacle et non d’une infraction de risque en l’occurrence.

[36] J. Chacornac, art. préc., évoquant une « sorte de limbes entre infractions matérielles et les infractions formelles ».

[37] Infra.

[38] Infra.

[39] Par ex., W. Jeandidier, Droit pénal des affaires, 6e éd., 2005, Dalloz, n° 272 : « Le risque étant l’élément déterminant, le délit d’abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix évoque une infraction formelle » ; D. Dechenaud, L’élément matériel de l’infraction économique, in Le droit pénal économique, Cujas, 2018, p. 25.

[40] C. pén., art. 314-1 N° Lexbase : L5515LZB. On notera toutefois que la jurisprudence a une acception très large de ce préjudice, lequel est souvent déduit de la caractérisation des autres composantes de ce délit (Cass. crim., 12 avril 1967, n° 66-91.982 N° Lexbase : A1512CHH).

[41] Contra : D. Dechenaud, préc.

[42] D. Rebut, Abus de biens sociaux, Rép. pén., Dalloz, n° 68. Contra, B. Bouloc, Le dévoiement de l’abus de biens sociaux, RJ com. 1995. 301.

[43] T. corr. Seine, 11 mai 1955 : Autessere, note,  D., 1956. 274 ; Bastian, note, JCP 1955. II. 8973 ; Cass. crim., 6 octobre 1980, no 79-93.802 N° Lexbase : A3642CGY : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1981, p. 133.

[44] Cass. crim., 16 décembre 1975, n° 75-91.045 N° Lexbase : A3153AUC : M. Delmas-Marty, note, JCP G, 1976, I, 18476 ; Cass. crim, 6 octobre 1980, préc. : B. Bouloc, Revue des sociétés, 1981, p. 133 ; Cass. crim., 21 août 1991, n° 90-86.505 N° Lexbase : A2249AGE : J-H. Robert, note, Dr. pén., 1992, comm. 17 ; Cass. crim., 21 mars 2018, n° 17-83.695, F-D N° Lexbase : A7816XHX : R. Salomon, obs., Dr. sociétés 2018, comm. 114.

[45] Qu’il s’agisse des actionnaires ou associés (Cass. crim., 5 novembre 1963, n° 62-90.643 N° Lexbase : A2334CGK : D., 1964, p. 52 ; Cass. crim., 19 mars 1979, n° 78-92.386 N° Lexbase : A1156CIN ; Cass. crim., 3 octobre 1983 N° Lexbase : A0467C8S ; Cass. crim., 30 septembre 1991, n° 90-83.965 N° Lexbase : A2227AGL : B. Bouloc, note, Rev. sociétés 1992. p. 356 ; Baradene, note, Bull. Joly Sociétés 1992, 153) ou d’un conseil d’administration (Cass. crim., 12 décembre 1994, n° 94-80.155 N° Lexbase : A2702CSU : Bull. Joly Sociétés 1994, p. 427).

[46] Cass. crim.,, 16 mai 2018, n° 17-82.503, F-D N° Lexbase : A4544XNM : R. Salomon, obs., Dr. sociétés, 2018, comm. 133.

[47] Par ex., pour l’escroquerie : Cass. crim., 9 mai 1979, nº 79-91.368 N° Lexbase : A7697CG8.

[48] Pour des exemples jurisprudentiels et d’autres illustrations, v. D. Rebut, op. cit., n° 94 et s.

[49] E. Dreyer, op. cit., n° 787.

[50] Voir l’exemple de la corruption active par E. Dreyer (ibid.) : « au stade du démarchage, le délit correspond à une infraction obstacle (“déterminé”) car il existe seulement un risque de voir le destinataire accepter, au stade de la conclusion du pacte, il s’agit d’une infraction formelle car le défaut de probité devient certain sans être, pour autant, démontré ; au stade de l’exécution du pacte, l’infraction s’avère matérielle car la preuve du résultat redouté est acquise ».

[51] À cet égard, le délit de risque causé à autrui ne doit pas être perçu comme un modèle prescriptif : le fait que la survenance du résultat, comme la mort de la victime, impose de qualifier un homicide par imprudence, est simplement la conséquence de la multiplication des qualifications par le législateur en matière d’atteinte à l’intégrité physique ou à la vie.

[52] Par ex. : Cass. crim., 15 mars 1972, no 71-91.378 N° Lexbase : A6940AG7 : B. Bouloc, note, Rev. sociétés 1973. 357, sanctionnant l’abstention de réclamer le paiement d’une dette ; Cass. crim., 28 janvier 2004, no 02-88.094 N° Lexbase : A0610DCL : J.-F. Barbièri, note, Bull. Joly 2004. 861 ; B. Bouloc, note, Rev. sociétés 2004, p. 722, condamnant l’omission de faire corriger une erreur bancaire préjudiciable à la société. Adde : D. Rebut, L’abus de biens sociaux par abstention, D., 2005, chron. 1290.

[53] D. Rebut, op. cit., n° 77. Dans le même sens, A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, 6e éd., 2020, Lexisnexis, n° 731. Adde : Cass. crim., 7 septembre 2005, no 05-80.163 N° Lexbase : A9353DNQ : D. Rebut, obs., RSC, 2006. 331, corroborant cette analyse en refusant d’appliquer l’abus de biens sociaux au dirigeant qui s’était abstenu de s’opposer aux abus commis par un autre dirigeant dès lors que son abstention n’était pas en elle-même préjudiciable pour la société.

[54] V. déjà, A. Vitu, Droit pénal spécial, Cujas, 1982, n° 985, considérant qu’une telle solution revient à « donner au mot usage un sens audacieusement large, qui jure avec celui que ce terme revêt en matière d’escroquerie (usage d’un faux nom, d’une fausse qualité) où il ne concerne que des actes positifs ».

[55] Trib. corr. Seine, 22 janvier 1925 : Rev. Sociétés 1926, p. 343. 

[56] H. Donnedieu de Vabres, RSC, 1938, p. 719.

[57] CA Paris, 9 janvier 1952 : D. Bastian, note, JCP, 1952, II. 6970.

[58] V. par ex. Cass. crim., 10 novembre 1964, n° 64-90.071 [LXB=A9568CGH: R. D. M., note, JCP, 1965. II. 14146 ; Cass. crim., 24 mars 1969, n° 67-93.577 N° Lexbase : A8010CII ; Cass. crim., 16 mars 1970, n° 68-90.226 N° Lexbase : A6586AGZ ; Cass. crim., 8 décembre 1971, n° 70-93.020 N° Lexbase : A6863CGB ; Cass. crim., 16 décembre 1975, préc. ; Cass. crim., 4 février 1985, n° 84-91.581 N° Lexbase : A3881AGT ; Cass. crim., 16 janvier 1989, no 87-85.164 N° Lexbase : A4092AGN ; J. Cosson, note, D., 1989, p. 495 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1989, p. 687 ; Y. Streiff, note, Bull. Joly 1989. 424.

[59] En ce sens, D. Rebut, op. cit., n° 105, pour qui cette exigence « est seule capable de compenser l’incertitude inhérente à une appréciation sur le fondement de l’exposition à un risque ».

[60] Infra.

[61] Cass. crim., 9 mai 1973, n° 72-93.501 N° Lexbase : A3059AUT ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés 1973, p. 696 ; Cass. crim., 13 décembre 1988, no 87-82.268 N° Lexbase : A4093AGP ; Cass. crim., 30 septembre 1991, no 90-83.965 N° Lexbase : A2227AGL : D. Baraderie, note, Bull. Joly 1992, 153 ; Cass. crim., 3 février 2016, no 14-84.16, F-D N° Lexbase : A3146PKQ.

[62] Cass. crim., 5 janvier 2010, n° 09-83.693, F-D N° Lexbase : A7775EQZ. En l’espèce, les clauses stipulaient une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction et l’exigibilité de la totalité des sommes restant dues jusqu’au terme du contrat en cas de rupture anticipée de celui-ci. Le fait que ces clauses n’aient jamais été mises en œuvre n’était pas un obstacle à la répression.

[63] Cass. crim., 16 décembre 1975, préc.

[64] Cass. crim., 14 juin 1993, n° 92-80.763 N° Lexbase : A4021ACW : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1994, 90.

[65] Cass. crim., 8 septembre 2010, n° 09-87.672, F-D N° Lexbase : A4420GCP.

[66] Cass. crim., 16 janvier 1989, n° 87-85.164, préc. En l’occurrence, la Cour d’appel de renvoi a prononcé la relaxe du prévenu en concluant à l’absence de risque anormal (CA Versailles, 11 octobre 1989 : J.-P. Marchin, note, Gaz. Pal. Rec., 1990, 1, jur., p. 200).

[67] Cass. crim., 9 février 2022, n° 20-86.560, F-D N° Lexbase : A06597NQ : R. Salomon, note, Bull. Joly Sociétés 2022, p. 18 ; RJDA, 2022, n° 343.

[68] M. Véron et G. Beaussonie, Droit pénal des affaires, 12e éd., 2019, Dalloz, n° 397. Et les auteurs de citer les arrêts suivants à l’appui de leur propos : Cass. crim., 28 novembre 1994, n° 94-81.818 N° Lexbase : A8025C4Y : J.-F. Renucci, note, D., 1995. 506 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1996, p. 105 ; J.-H. Robert, note, Dr. pénal 1995, comm. 70, pour des frais de mission et de réception très élevés sans justification des bénéficiaires ; Cass. crim., 11 janvier 1996, n° 95-81.776 N° Lexbase : A9136ABY : J.- H. Robert, note, Dr. pénal 1996, comm. 108, s’agissant de prélèvements occultes dans les caisses de la société.

[69] E. Joly et C. Joly-Baumgartner, L’abus de biens sociaux à l’épreuve de la pratique, Economica, 2002, p. 74.

[70] Cass. crim., 10 mai 1955, Bull. crim. no 234 ; Cass. crim., 10 novembre 1964, no 64-90.071 N° Lexbase : A9568CGH : D., 1965, p. 43. Comp. Cass. crim., 31 janvier 2007, n° 02-85.089, FS-P+F N° Lexbase : A7759DTK : D., 2007, p. 514 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés 2007, p. 379.

[71] Cass. crim., 27 octobre 1997, no 96-83.698 N° Lexbase : A4624AGD : M. Boizard, note, D. Affaires, 1997, p. 1429 ; C. Ducouloux-Favard et B. Bouloc, note, LPA, 7 novembre 1997, p. 6 ; Revue des sociétés, 1997, p. 869 ; M. Pralus, note,  JCP, 1998, II. 10017 ; J.-F. Barbièri, note, Bull. Joly, 1998. II (arrêt Carignon) ; Cass. crim., 14 mai 2003, no 02-81.217 N° Lexbase : A9407C7K ; A. Lienhard, obs., D., 2003, AJ, 1766 ; D. Rebut, obs., RSC, 2003, p. 797; Cass. crim., 22 septembre 2004, no 03-81.282 : J.-H. Robert, note, Dr. pén., 2004. comm. 178 ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 2005, p. 205 ; Cass. crim., 16 décembre 2015, no 14-86.602, F-D N° Lexbase : A8869NZI.

[72] Par ex. : Cass. crim., 27 février 2013, no 11-88.189, F-D N° Lexbase : A2778KBI, pour un risque de condamnation pour faux et usage et faux. Adde : D. Rebut, op. cit., n° 125, pour qui la solution « doit néanmoins être limitée aux infractions commises dans un intérêt strictement personnel ».      

[73] D. Rebut, op. cit., n° 110, pour qui « cette extension de la jurisprudence […] a dénaturé l’abus de biens sociaux, lequel est devenu la qualification de substitution d’autres infractions ».

[74] A. Dekeuwer, Défense et illustration de l’incrimination d’abus de biens sociaux dans un système de corruption, JCP E, 1998, 310.

[75] J. Chacornac, art. préc. L’auteur esquisse toutefois l’analyse selon laquelle la jurisprudence devrait établir la volonté de l’agent de créer le risque en matière d’infractions de risque. Or, on ne souscrira pas à une telle analyse dès lors que, selon nous, il ne s’agit pas de vouloir créer le risque, mais de prévoir l’éventualité de sa réalisation. Plus largement, sur la nécessité de ne pas analyser les catégories conceptuelles d’infractions fondées sur le rapport au résultat à travers le seul prisme de la matérialité, v. P. Spiteri, art. préc. ; A. Chavanne, RID pén., 1969, p. 125.

[76] Cass. crim., 23 février 2000, n° 99-83.928 N° Lexbase : A5695AWT : M. Véron, note, Dr. pén., 2000, comm. 85 ; J. Francillon, obs., RSC, 2000, p. 639 ; CA Paris, 2 avril 2002 : C. Manara, obs., D. 2002. 1900.       

[77] C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L2629L47. Par ex. : Cass. crim., 14 décembre 1971, n° 71-91.890 N° Lexbase : A4833CHH. On notera toutefois qu’il s’agit d’une jurisprudence ancienne et que, dans la pratique judiciaire, l’exhibitionniste condamné est véritablement celui qui impose sciemment sa nudité à autrui. 

[78] En faveur d’un tel rattachement, J. Chacornac, art. préc.

[79] En faveur d’une analyse sous l’angle du dol éventuel : J. Cedras, Le dol éventuel : aux limites de l’intention, D., 1995, chron. 18 ; X. Pin, op. cit., n° 220. En défaveur d’une telle analyse : M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, 8e éd., 2018, Dalloz, n° 399.

[80] Par ex., M.-L. Rassat, op. cit., n° 394, soulignant que le chapitre du Code pénal consacré à la mise en danger de la personne a « le mérite de révéler qu’il existe effectivement un élément moral intermédiaire entre le dommage causé intentionnellement et le dommage qui résulte de l’imprudence » ; Y. Mayaud, La volonté à la lumière du nouveau Code pénal, in Mélanges Larguier, Presses universitaires de Grenoble, 1993, p. 203, pour qui « la faute délibérée n’est rien d’autre qu’une attitude persistante dans une conduite négligente, elle est la conscience du péril ou des risques que l’on fait courir par son comportement, doublée de la volonté de s’y engager malgré tout ».

[81] V. not., Cass. crim., 16 février 1999, n° 97-86.290 N° Lexbase : A9291ATB ; Y. Mayaud, note, RSC, 1999, p. 581 ; M. Véron, obs., Dr. pén., 1999, comm. 82 , estimant que l’élément moral de l’infraction se résume au caractère manifestement délibéré de la violation de l’obligation de sécurité, si bien qu’il n’importe que le prévenu n’ait pas eu connaissance ou conscience de ce danger. Un décalage est introduit entre l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction. En ce sens, J. Chacornac, art. préc.

[82] D. Rebut, op. cit., n° 152.

[83] D. Rebut, op. cit., n° 159.

[84] Par ex., Cass. crim., 3 mai 1967, n° 66-92.965 N° Lexbase : A8535CET, pour la préservation de la réputation familiale du dirigeant.

[85] Cass. crim., 25 octobre 2006, n° 04-81.502 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2006, comm. 160.

[86] W. Jeandidier, Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, op. cit., n° 79. V. aussi, X. Pin, La nature de la faute en droit pénal économique, in Le droit pénal économique, Cujas, 2018, p. 37.

[87] Cass. crim., 19 décembre 1973, n° 73-90.224 N° Lexbase : A7820AXW : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1974, p. 364. Comp. Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D N° Lexbase : A6863RNI : J.-H. Robert, obs., Dr. pén. 2005, comm. 91.

[88] Cass. crim., 8 octobre 2003, no 02-81.471 N° Lexbase : A8173C9L : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 2004, p. 155 ; R. Salomon, note, Dr. sociétés, 2004, no 68.

[89] D. Rebut, op. cit., n° 222

[90] Sur la question de savoir si le délit est une infraction occulte ou une infraction dissimulée, v. W. Jeandidier, op. cit., n° 102.

[91] D. Rebut, op. cit., n° 236.

[92] Par ex. : Cass. crim., 28 mai 2003, n° 02-83.544, FS-P+F+I N° Lexbase : A8644C8N ; B. Bouloc, note, Revue des sociétés 2003, p. 906, pour le versement d’un salaire rémunérant un emploi fictif.

[93] W. Jeandidier, op. cit., n° 24.

[94] Y. Mayaud, Appel à la raison ou pour une approche cohérente de la prescription de l’abus de biens sociaux, D., 2004, p. 194.

[95] Voir toutefois, M.-L. Rassat, op. cit., n° 399, estimant que « la nature instantanée ou successive [du délit de risque causé à autrui] n’est pas clairement définie parce que, selon les cas, l’infraction peut être l’un ou l’autre » ; et l’auteur de prendre l’exemple de la mauvaise conduite d’un chantier, acte durable.

[96] A. Ponseille, L’infraction de prévention en droit pénal français, thèse Montpellier, 2001 ; J-Y. Maréchal, La privation de soins ou d’aliments : une infraction de prévention ?, D., 2006, p. 2446.

[97] J. Chacornac, art. préc.

[98] D. Dechenaud, art. préc. : « Cette référence au risque est, d’ailleurs, révélatrice : le droit pénal prend ici une dimension préventive, et punit les personnes qui, sans avoir nécessairement atteint l’ordre public économique, l’ont menacé par l’adoption d’un comportement dangereux ».

[99] P. Morvan, Criminologie, 3e éd., 2019, n° 344.

[100] W. Jeandidier, op. cit., n° 34

[101] W. Jeandidier, op. cit., n° 13.

[102] D. Rebut, op. cit., n° 69. Contra : B. Bouloc, art. préc. ; X. De roux et K. Bougartchev, L’abus de biens : derniers excès, Bull. Joly 1995. 1025 ; P. Marini, Rapport au Premier ministre. La modernisation du droit des sociétés, 1996, La Documentation française, p. 100 s. ; R. Ollard, L’abus de biens sociaux est-il un contrôle de gestion des entreprises ?, Dr. pén., 2009, étude 19.

[103] P. Marini, rapport préc., préconisant de sanctionner les dirigeants qui « auront sciemment porté atteinte aux intérêts patrimoniaux de [la société] ».

[104] W. Jeandidier, op. cit., n° 118.

[105] E. Dreyer, op. cit., n° 95.

[106] A. Garapon, Le gardien des promesses. Justice et démocratie, éd. Odile Jacob, 1996, p. 146. L’auteur évoque également, dans son ouvrage, le délit de risque causé à autrui comme « révélateur d’un nouveau mode de contrôle social. L’État laisse désormais aux individus le soin de se contrôler réciproquement, il compense la disparition du contrôle central par le soin laissé à chacun de prévenir et de contrôler acte pouvant provoquer des victimes potentielles » (p. 109).

[107] M. Véron, G. Beaussonie, op. cit., n° 17.

[108] Voir A. Garapon, op. cit., , p. 147, pour qui l’introduction du délit de mise en danger d’autrui « revient à pénaliser la responsabilité civile ». Adde : A. Zouhal, Le risque en droit pénal, préf. É. Verny, LGDJ, 2021, n° 62 et s. 

newsid:483322

Avocats/Déontologie

[Brèves] Secret professionnel et confidentialité des échanges entre avocats : quid du courrier adressé par une secrétaire à un avocat ?

Réf. : Cass. com., 16 novembre 2022, n° 21-17.338, F-B N° Lexbase : A28558TW

Lecture: 3 min

N3415BZI

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par Helena Viana

Le 01 Décembre 2022

► Le courrier électronique rédigé par la secrétaire d’un cabinet d’avocats et envoyé à un autre avocat, est couvert par le secret professionnel et la confidentialité des échanges entre avocats, dès lors que ledit courrier ne comporte pas la mention « officielle » et qu’il précise, en objet, le nom et les parties du dossier, et dans son corps, la nature des pièces jointes.  

Faits et procédure. Dans le cadre d’un litige commercial concernant le recouvrement de créances, était produit dans les débats un courrier électronique émanant de la secrétaire de l’avocat d’une des parties et envoyé à l’avocat d’une autre partie. La partie à l’origine dudit courrier avait alors opposé le secret professionnel devant les juges du fond. 

En cause d’appel. La cour d’appel avait ordonné le rejet des débats de ladite pièce, ainsi que la cancellation de l’ensemble des paragraphes en faisant mention directement ou faisant mention de son contenu. Elle a estimé que, le courrier portant clairement le nom des parties et du dossier en objet et précisant en son corps la nature des pièces jointes, il en résultait que ses annexes étaient couvertes par le secret professionnel et la confidentialité des courriers entre avocats.  

Moyens du pourvoi. La société ayant produit la pièce litigieuse alléguait dans son pourvoi que le courrier n’était pas couvert par la confidentialité des échanges entre avocats ni par le secret professionnel, d’une part, en raison de l’absence de qualité d’avocat de la secrétaire à l’origine du mail litigieux, et d’autre part, en raison de l’utilisation faite de ce document. L’avocat destinataire l'avait en effet transmis à son client, lequel n’était soumis à aucun secret et a utilisé ledit courrier dans le cadre d’une procédure judiciaire le concernant.  

Décision. En réponse au premier moyen développé dans le pourvoi, la Chambre commerciale rappelle fermement que « les correspondances entre avocats et/ou entre un avocat et son client ne peuvent être produites en justice, sans aucune exception, et que leur production ne peut être légitimée par l'exercice des droits de la défense, sauf pour la propre défense de l'avocat », tel qu’il résulte de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : Z80802KZ et de l'article 3-1 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat. Elle donne ainsi raison à la cour d’appel qui a retenu que, dès lors que le courrier litigieux ne porte pas la mention « officielle » et que son objet comporte les parties et le dossier concerné, ainsi que la nature des pièces jointes, ce courrier devait être couvert par le secret professionnel et la confidentialité des échanges. La Haute juridiction confirme ici sa vision extensive du secret professionnel et de la confidentialité des échanges entre avocats et insiste sur l’indifférence des conditions de la transmission des courriers couverts sous ces principes et sur l’auteur qui les produit.  

 

Pour aller plus loin : voir ÉTUDE : Le secret et la confidentialité des échanges, in La profession d’avocat, Lexbase N° Lexbase : E43653R4

 
 

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Avocats/Honoraires

[Focus] Les honoraires de l’avocat sont-ils dus en cas de faute de sa part ?

Lecture: 7 min

N3420BZP

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par Yves Avril, Docteur en Droit, Avocat honoraire, Ancien Bâtonnier

Le 01 Décembre 2022

Mots-clés : avocat honoraires • faute • convention d’honoraires • responsabilité • compétence

L'organisation de la profession d'avocat est fortement marquée par l'autorégulation, la liberté laissée à la profession de faire respecter les règles qu'elle a, en bonne part, édictées.

Au regard du droit commun des obligations, l'autorégulation emporte des conséquences qui peuvent paraitre subtiles, même aux yeux des praticiens. Tel est le cas de la taxation des honoraires d'avocat quand des règles viennent télescoper celles de la responsabilité civile ou de la responsabilité disciplinaire.


 

Les honoraires de l’avocat relèvent du droit des obligations. La doctrine les considère comme des contrats de prestation de service [1]. Envers les clients un auteur de référence estime que le régime de la défaillance contractuelle s’applique [2]. Le formalisme est aussi celui d’une obligation contractuelle.

Depuis la loi du 6 août 2015 [3], les honoraires de l’avocat sont fixés en accord avec le client et une convention écrite doit être passée, portant le nom de convention d’honoraires. Y font exception les cas d’urgence ou de force majeure.

Si l’on procédait à une étude classique du droit des obligations, les honoraires de l’avocat pourraient ne pas être dus quand il y a une faute de sa part. En effet l’article 1219 du Code civil N° Lexbase : L0944KZY est formel : « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

Le Code civil ancien s’exprimait de façon plus lapidaire, mais en toute hypothèse, le principe est connu de longue date sous le nom d’exception « non ad impleti contractus ». À partir du moment où le principe est admis, il faut encore remplir des conditions pour que l’on puisse ainsi échapper à l’obligation. Dans ces conditions, de principe, les honoraires de l’avocat pourraient ne pas être dus en cas de faute de sa part.

Le droit positif montre que sur le plan pratique les honoraires de l’avocat restent dus même lorsque celui-ci est fautif. Les raisons proviennent de règles procédurales spécifiques qui contraignent le client à explorer d’autres possibilités d’action.

I. Le particularisme de la procédure

Les spécificités qui font exception à la règle de droit commun des obligations tiennent à des règles procédurales propres à la profession d’avocat.

Il existe un contentieux particulier pour tout ce qui touche aux honoraires. Les dispositions applicables résultent de la loi du 31 décembre 1971 [4] et plus particulièrement de son article 10, exprimé dans de nouveaux termes par la loi du 6 août 2015 précitée. Ces dispositions encadrent, au plan contractuel, les possibilités offertes aux parties dans la fixation des honoraires, interdisant notamment le pacte de quota litis, mais permettent d’envisager un honoraire de résultat. Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 [5] fournit les détails sur une procédure vraiment spécifique pour les « contestations en matière d’honoraires et débours ». Sans s’étendre sur des règles procédurales relatives à la réclamation, sur un délai pour statuer ou sur les possibilités d’appel, on voit que la personne appelée à statuer sur les honoraires est le bâtonnier, doté ainsi d’une compétence manifestement étrangère au droit commun.

Cela entraîne des effets particuliers à tous les stades. Le bâtonnier constitue-t-il une juridiction ? La réponse est mitigée. La Cour de cassation ne se prononce pas, mais estime que ses décisions ne contreviennent pas au respect du procès équitable tel que l’impose l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR [6]. En revanche le Conseil d’État a rappelé que « la décision du bâtonnier n’acquiert le caractère exécutoire que sur décision du président du tribunal de grande instance » [7], ce qui ne permet pas de relever l’existence d’une juridiction. Au stade de l’exécution provisoire, les dispositions du Code de procédure civile ne s’appliquent pas mais un texte récent, le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 [8] permet, dans des conditions limitées, d’ordonner l’exécution provisoire [9].

II. Un cadre distinct pour la responsabilité

Lorsque le client veut faire retenir la responsabilité de l’avocat et former une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, la loi lui impose de suivre les voies du droit commun, c’est-à-dire de saisir la juridiction ordinaire qu’est le tribunal judiciaire.

Le texte qui fonde cette compétence est exprimé sous une forme lapidaire, inchangée depuis la loi du 31 décembre 1971 [10]. De principe, le fond du litige en matière de responsabilité civile suit les règles du droit commun soit pour le fondement (C. civ., ancien art. 1147 ; C. civ., art. 1231-1 N° Lexbase : L0613KZQ) soit pour choisir le tribunal compétent, le plus souvent le tribunal judiciaire.

Ces différences significatives vont produire un effet radical qui prohibe l’emploi de l’exception d’inexécution, mais laisse subsister des possibilités de faire sanctionner les fautes éventuelles des avocats.

Cette possibilité mérite le nom de cloisonnement ou d’étanchéité [11]. Saisi d’une contestation d’honoraires, le bâtonnier va écarter toute demande reconventionnelle tendant à se fonder sur l’exception d’inexécution pour parvenir à une compensation, celle-ci étant un moyen d’extinction de la dette [12].

L’irrecevabilité de toute demande de réparation pour une faute de l’avocat est à ce stade une règle procédurale ancienne [13], mais elle est rappelée de façon très régulière par la Haute juridiction [14] quand les ordonnances de premier président de la cour d’appel ont tendance à s’écarter du principe. Le principe est également reconnu par les cours d’appel [15].

L’application de ce cloisonnement conduit encore à interdire au client d’invoquer devant le juge de l’honoraire le manquement au devoir d’information de l’avocat sur les conditions de sa rémunération. Le juge de l’honoraire doit se déclarer incompétent !

La règle doit encore s’appliquer quand le juge de l’honoraire doit se prononcer sur l’exigibilité d’un honoraire de résultat. Toute autre solution entraîne la cassation de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel, incompétent pour se prononcer sur la qualité des prestations de l’avocat [16].

On aurait pu penser que la jurisprudence connaissait un infléchissement digne d’attention. La deuxième chambre à la Cour de cassation paraissait fidèle au principe de cloisonnement [17], mais quelques mois plus tard elle rendait une solution inverse [18]. Cette dernière décision reconnait au juge de l’honoraire la possibilité de statuer sur les honoraires inutiles avant d’opérer la taxation. Cette appréciation revient à se prononcer du bout des lèvres sur la responsabilité civile. Ce moyen est fréquemment soulevé mais presque aussi fréquemment écarté devant les cours d’appel. Il peut être retenu favorablement [19], mais le plus souvent écarté [20], car les clients se bornent rarement à ne soulever que le caractère inutile des honoraires.

Ainsi le bilan doit être fait en l’état de la jurisprudence. Les honoraires de l’avocat sont dus en cas de faute de sa part. L’exception d’inexécution ne peut être soulevée, ce qui prohibe la possibilité d’une demande reconventionnelle et d’une compensation. Éconduit par le juge de l’honoraire, le justiciable peut agir avec succès dans le cadre de la responsabilité civile professionnelle. La jurisprudence est relativement mince, particulièrement sur le manquement au devoir d’information, mais lorsqu’un exemple est venu devant la Cour de cassation [21], un commentaire s’imposait. La décision de la Haute juridiction incitait, au plan du principe, à donner satisfaction au justiciable.

Le juge de l’honoraire répète à l’envi, face aux griefs d’ordre déontologique, qu’il n’est pas le juge disciplinaire. Faute d’avoir pu se faire entendre le justiciable pourra inciter le bâtonnier ou le procureur général à saisir la juridiction disciplinaire. Mieux encore, il peut la saisir lui-même depuis le 1er juillet 2022 [22], ce qui constitue une innovation majeure du droit disciplinaire. Les manquements sont couramment sanctionnés et peuvent entraîner des sanctions disciplinaires, mais aussi des sanctions pénales [23].

En appréciant les comportements, la juridiction disciplinaire peut retenir, cumulativement, un manquement aux principes essentiels que sont la modération, la délicatesse, l’honneur, la probité, le désintéressement et l’humanisme [24]. Au reste, malgré l’expression de la Cour de cassation, l’humanité serait un principe plus exact. En l’espèce la Haute juridiction rend définitive une interdiction d’exercer la profession pendant deux ans.

Ainsi le client ne peut opposer la faute de l’avocat pour refuser le paiement. Sa situation se trouve moins favorable que pour un co-contractant ordinaire, mais en faisant preuve de persévérance il conserve à sa disposition quelques possibilités d’action.

 

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chenedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz 2018 § 389 et s.

[2] Ph. Le Tourneau (Dir), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action 2021, § 3325.17.

[3] Loi n° 2015-990, du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC.

[4] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ.

[5] Décret n°91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, art. 174 à 179 N° Lexbase : L8168AID.

[6] Cass. civ. 2, 29 mars 2012, n° 11-30.013, FS-P+B+R N° Lexbase : A9965IG8 : D., 2012, 495.

[7] CE, 2 octobre 2006, n° 28208 N° Lexbase : A6891DRN : A.-L. Debono, AJDA, 2007, 645.

[8] Décret n° 2021-1322, du 11 octobre 2021, relatif à la procédure d'injonction de payer, aux décisions en matière de contestation des honoraires d'avocat et modifiant diverses dispositions de procédure civile N° Lexbase : L4794L83.

[9] P. Lingibé, Exécution des ordonnances de taxe du bâtonnier, aménagement technique ou réforme de fond ? Dalloz actualités, 15 octobre 2021 [en ligne].

[10] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, préc., art. 26 « Les instances en responsabilité civile contre les avocats suivent les règles ordinaires de procédure ».

[11] Y. Avril, La responsabilité des avocats, civile, disciplinaire, pénale, Dalloz Référence 2021, n° 131.33.

[12] C. civ., art. 1347 N° Lexbase : L1002KZ7.

[13] Cass. civ. 1, 29 janvier 1976, n° 74-11.982 N° Lexbase : A8430C4Y.

[14] V. par ex., Cass. civ. 2, 24 octobre 2013, n° 12-27.841, F-D N° Lexbase : A4765KNS.

[15] CA Metz, 21 septembre 2022, n° 21/01023 N° Lexbase : A99958KE : H. Viana, La responsabilité de l’avocat ne se conteste, même à titre incident, ni devant le président de la cour d’appel ni devant le bâtonnier en première instance, Lexbase Avocats, octobre 2022 N° Lexbase : N2772BZP.

[16] Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 13-27.987, F-D N° Lexbase : A8937NK9.

[17] Ibid.

[18] Cass. civ. 2, 8 décembre 2015, n° 15-26.683, F-D N° Lexbase : A3804SPL.

[19] Rennes, 27 octobre 2015, n° RG 14/04581 N° Lexbase : A1390NUZ.

[20] Nîmes, 24 mai 2018, n° 16/01805 N° Lexbase : A1906XPB.

[21] Cass. civ. 1, 23 septembre 2020, n° 19-13.214, FS-P+B N° Lexbase : A04713WD : Y. Avril, Une mise en cause nouvelle de la responsabilité civile de l’avocat, Lexbase avocats, novembre 2020 N° Lexbase : N5096BYE.

[22] Décret n° 2022-965, du 30 juin 2022, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, art. 16 N° Lexbase : L2884MD8.

[23] S. Bortoluzzi, D. Piau et T. Wickers, Dalloz Action 2022, § 721.121 et s ; 721.131 et s.

[24] Cass. civ. 1, 16 mars 2022, n° 20-12.866, F-D N° Lexbase : A90057QL.

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Baux commerciaux

[Brèves] « Loyers covid » : la Cour de cassation confirme que les loyers sont dus !

Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2022, deux arrêts, n° 21-21.867, FS-B N° Lexbase : A10758UD et n° 22-12.753, FS-B N° Lexbase : A10768UE

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N3416BZK

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par Vincent Téchené

Le 30 Novembre 2022

► L'obligation de payer le loyer du bail commercial durant la période de fermeture administrative des commerces en raison de l’épidémie de Covid-19 n’est sérieusement contestable ; les loyers sont donc dus.

Deux nouveaux arrêts rendus par la troisième chambre civile, le 23 novembre 2022, concernant les « loyers covid » confirment la position de la Cour de cassation, dégagée dans ses arrêts du 30 juin dernier (Cass. civ. 3, 30 juin 2022, trois arrêts, n° 21-20.127, FS-B N° Lexbase : A858778K ; n° 21-20.190, FS-B N° Lexbase : A859678U et n° 21-19.889, FS-D N° Lexbase : A194279S).

Faits et procédures. Ces deux affaires concernaient des baux commerciaux portant sur des lots de résidences de tourisme.

Les locataires ont informé les bailleurs de leurs décisions de suspendre le paiement des loyers durant la fermeture administrative pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 (17 mars au 2 juin 2020).

Les bailleurs ont donc assigné les locataires en référé en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif.

Dans les deux cas, les cours d’appel ont condamné les locataires à verser des provisions d'un certain montant au titre des loyers impayés (CA Chambéry, 29 juin 2021, n° 20/01402 N° Lexbase : A55514XU ; CA Nancy, 9 février 2022, n° 21/01758 N° Lexbase : A79067MR). Ces derniers se sont donc pourvus en cassation.

Décisions. Dans les deux arrêts, la Cour rejette les pourvois approuvant les juges d’avoir considéré que l’obligation de payer des locataires n’était pas contestable.

  • Premier arrêt (Cass. civ. 3, 23 novembre 2022, n° 21-21.867, FS-B)

Plus précisément, dans le premier arrêt, la Haute juridiction rappelle la solution énoncée dans l’un des arrêts du 30 juin 2022 (Cass. civ. 3, 30 juin 2022, n° 21-20.127, FS-B, préc.), à savoir que l'effet de la mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du Code civil N° Lexbase : L1844ABW.

Dès lors, la cour d’appel (CA Chambéry, 29 juin 2021, n° 20/01402, préc.) qui a relevé que seuls les exploitants se sont vu interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués qui n'avaient subi aucun changement, a retenu, à bon droit, que les mesures d'interdiction d'exploitation, qui ne sont ni du fait ni de la faute du bailleur, ne constituent pas une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée.

Comme dans le second arrêt du même jour (v. infra), se posait ensuite la question de l’application d’une clause de suspension des loyers contenue dans le bail. La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, retient qu’elle ne peut pas jouer dans le cas d’espèce. Ainsi, pour la Haute juridiction, c’est sans interpréter le contrat, que les juges d’appel ont constaté que la clause de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n'était pas remplie.

En conséquence, la cour d’appel n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.

  • Deuxième arrêt (Cass. civ. 3, 23 novembre 2022, n° 22-12.753, FS-B)

Dans le second arrêt, la Cour de cassation ne se prononce que sur un moyen selon lequel les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion entraient dans les prévisions contractuelles  contenant une clause de suspension du versement des loyers en cas « de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc.) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale […] ».

La Cour de cassation approuve également l’arrêt d’appel (CA Nancy, 9 février 2022, n° 21/01758, préc.) : ayant relevé, d'une part, que la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même, d'autre part, que la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien, la cour d'appel, qui n'a pas interprété le contrat, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.

La quasi-totalité des moyens invoqués par les preneurs pour tenter d’échapper à l'obligation de paiement – force majeure, l'obligation de délivrance, bonne foi et perte de la chose– ont été rejetés. Reste l'imprévision, point sur lequel la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée.

Pour aller plus loin : v. B. Brignon, Loyers « covid » : la Cour de cassation tranche en faveur des bailleurs, Lexbase affaires, juillet 2022, n° 726 N° Lexbase : N2205BZP.

 

newsid:483416

Contrat de travail

[Brèves] Point de départ du délai de prescription en cas d’action en requalification d’un CDD fondée sur l’absence de mentions au contrat

Réf. : Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 21-13.059, FS-B N° Lexbase : A10608US

Lecture: 2 min

N3452BZU

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par Charlotte Moronval

Le 30 Novembre 2022

► Le délai de prescription de l'action en requalification d'un CDD conclu afin d'assurer le remplacement d'un salarié absent en CDI, fondée sur l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé, court à compter de la conclusion du contrat.

Faits et procédure. Un salarié est engagé le 16 décembre 2013 par une société dans le cadre d’un CDD, prolongé par un avenant du 14 mars 2014, pour assurer le remplacement d’un salarié absent en arrêt-maladie. Le 22 décembre 2015, l'employeur informe le salarié de la fin de de son contrat de travail au motif que le salarié remplacé avait fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude.

Le 2 juin 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale afin de demander la requalification de son CDD en CDI, au motif que le CDD ne mentionnait pas l’identité et la qualification professionnelle du salarié remplacé.

La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 7 janvier 2021, n° 18/04016 N° Lexbase : A00924CE) accède à la demande du salarié et requalifie le contrat. En effet, après avoir constaté que le salarié avait été engagé par CDD, prolongé par un avenant, afin de remplacer un salarié absent sans que ne soient mentionnés le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé, la cour d’appel retient que cette absence de mention ne permet pas au salarié de vérifier que le contrat ne repose pas sur un autre motif. La cour d’appel ajoute que le salarié n'étant pas en mesure d'apprécier ses droits à la date de la conclusion du contrat, le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du terme du dernier contrat. Constatant qu'il s'est écoulé moins de deux ans entre le terme du contrat et la saisine de la juridiction, la cour d’appel en déduit que l'action en requalification n'est pas prescrite.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ.

Elle relève que le salarié demandait la requalification de son CDD en invoquant une absence de mentions au contrat, ce dont il résultait que son action, introduite plus de deux ans à compter de la date de conclusion du contrat, comme de l'avenant, était prescrite.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437, FS-P+B N° Lexbase : A4401XMX, Ch. Radé, Point de départ du délai de l’action en requalification du CDD : les clarifications de la Cour de cassation, Lexbase Social, mai 2018, n° 741 N° Lexbase : N4063BXR ;
  • ÉTUDE : Les compétences du conseil de prud’hommes, Les litiges liés à l’exécution du contrat de travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3725ET7.

 

newsid:483452

Droit des étrangers

[Brèves] Pas d’éloignement d’un étranger suivant un traitement à base de cannabis thérapeutique interdit dans son pays d’origine

Réf. : CJUE, 22 novembre 2022, aff. C-69/21, X N° Lexbase : A80528TE

Lecture: 2 min

N3411BZD

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par Yann Le Foll

Le 30 Novembre 2022

Un ressortissant d’un pays tiers qui est atteint d’une maladie grave et soigné suivant un traitement à base de cannabis thérapeutique ne peut pas être éloigné si, en l’absence de traitement approprié dans le pays de destination, il risquerait d’y être exposé à une augmentation rapide, significative et irrémédiable de la douleur liée à cette maladie.

Principe. Le droit de l’Union (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 N° Lexbase : L3289ICS et Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne N° Lexbase : L8117ANX) s’oppose à ce qu’un État membre adopte une décision de retour ou procède à l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier et atteint d’une maladie grave, lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le retour de ce ressortissant l’exposerait, en raison de l’indisponibilité de soins appropriés dans le pays de destination, à un risque réel d’augmentation rapide, significative et irrémédiable de la douleur causée par sa maladie (CJUE, 24 avril 2018, aff. C-353/16, MP N° Lexbase : A6080XLR).

Cette condition suppose, notamment, qu’il soit établi que, dans le pays de destination, le seul traitement antalgique efficace ne peut lui être légalement administré et que l’absence d’un tel traitement l’exposerait à une douleur d’une intensité telle qu’elle serait contraire à la dignité humaine en ce qu’elle pourrait lui occasionner des troubles psychiques graves et irréversibles, voire le conduire à se suicider.

Nuance. Toutefois, la circonstance que, en cas de retour, cette personne ne disposerait plus des mêmes traitements que ceux qui lui sont administrés dans l’État membre sur le territoire duquel elle séjourne irrégulièrement et pourrait, de ce fait, voir, notamment, affecter le développement de ses relations sociales dans le pays de destination, ne saurait, à elle seule, faire obstacle à l’adoption d’une décision de retour ou d’une mesure d’éloignement à son égard (CJUE, 18 décembre 2014, aff. C-542/13, Mohamed M'Bodj N° Lexbase : A7896M7L), lorsque l’absence de tels traitements, dans le pays de destination, ne l’expose pas à un risque réel de traitements inhumains ou dégradants.

newsid:483411

Droit public éco.

[Chronique] Chronique du secteur public (mars 2022 – septembre 2022)

Lecture: 18 min

N3461BZ9

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par Pierre Levallois, Maître de conférences à l’Université de Lorraine – IRENEE (EA 7303)

Le 30 Novembre 2022

Mots clés : secteur public • cessions • acquisitions • participation • audiovisuel public

La consistance du secteur public demeure assez stable sur la période envisagée, comme en témoigne notamment l’absence d’avis rendus par la Commission des participations et des transferts depuis le début de l’année 2022. Si les cessions sur lesquelles se prononce cette autorité se sont donc faites plutôt rares, on signale néanmoins quelques créations d’entreprises et quelques mouvements affectant les participations publiques, y compris la création de nouvelles entités.


 

Sommaire

I. Cessions

II. Acquisitions et créations

III. Gestion des participations

IV. Cadre juridique

V. Focus : La réforme de l’audiovisuel public

VI. Secteur public local


I. Cessions

L’actualité des cessions est donc bien pauvre : tout juste pourra-t-on signaler la vente de 300 actions de la société anonyme d'économie mixte locale Nord Aménagement, représentant 2,23 % du capital de cette société, par l’Agence française de développement [1] ; ou encore la cession, par le même EPIC, de 9000 actions de la Société de Transport d'Energie électrique en Polynésie, représentant 5 % du capital, à la société RTE International [2].

II. Acquisitions et créations

Au rang des créations d’entreprises, relevons d’abord la création de trois nouveaux établissements publics ferroviaires. Elles sont à mettre à l’actif de trois ordonnances en date du 2 mars 2022. La première est relative à la Société de la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur [3]. Cette dernière, organisée sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial, a pour mission de contribuer au financement de la nouvelle ligne à grande vitesse en gérant, notamment, les participations des collectivités territoriales et de leurs groupements intéressés par le projet. Le texte précise que SNCF Réseau et sa filiale, Gares et connexions, assureront la maîtrise d’ouvrage des travaux à réaliser. Quant à l’organisation interne de l’établissement public, les collectivités signataires du plan de financement intitulé « Protocole d’intention relatif au financement de la ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur » se voient assurées de disposer d’au moins une voix délibérative au conseil d’administration et auront la possibilité de disposer de davantage de poids, en fonction du montant de leur participation financière. La deuxième ordonnance [4] crée, sur un modèle similaire, la Société du Grand projet du Sud-Ouest. Également organisée sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial, elle se voit assigner la même mission de financement (comprenant la gestion des participations financières des collectivités membres). Ajoutons néanmoins que l’ordonnance mentionne que l’établissement pourra jouer un rôle d’expert au soutien du comité de pilotage du projet, et un rôle d’auditeur si le comité en fait la demande. Enfin, l’établissement est habilité à mener des missions connexes d’ingénierie, au-delà du périmètre de l’opération ; ces dernières devront être relatives aux projets de développement territorial liés au Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. Le dernier établissement public industriel et commercial à voir le jour est institué par la troisième ordonnance du même jour [5] : il s’agit de la Société de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan, dont les missions et l’organisation sont analogues au précédent.

On relève également la création d’une nouvelle filiale de la Compagnie française des expositions (Cofrex), laquelle prépare, organise et met en œuvre la participation de la France aux expositions universelles et internationales. Un arrêté du ministre de l’Économie et des Finances a ainsi approuvé la création d’une filiale de droit japonais, dénommée « Republic of France Pavilion – Osaka 2025 » [6].

Grâce à un nouvel apport de l’État, La Monnaie de Paris a constitué deux filiales : la SAS « Monnaie de Paris Gestion immobilière » et la SCI « Voie Romaine » [7]. Cette opération a été rendue possible par un nouvel apport en dotation consenti par l’État à son EPIC, opération décrite infra.

III. Gestion des participations

La restructuration de la filière électrique, laquelle avait l’objet de notre dernier Focus, a connu de nouveaux développements depuis le printemps. Mais les atermoiements du projet « Hercule » devenu « Grand EDF » ont laissé place, crise énergétique – et levée de boucliers syndicale – oblige, à une nouvelle option dictée par l’urgence : celle de la mal nommée « renationalisation » d’EDF. Loin d’appartenir au secteur privé, ce qui aurait justifié (au moins au plan juridique) l’emploi du néologisme de « renationalisation », la société anonyme était en réalité, jusqu’à présent, détenue à près de 85 % par l’État, la part du capital restant étant divisée entre des actionnaires privés. L’opération consiste donc à réaliser le retour à un capital 100 % public pour la société.

Rappelons néanmoins qu’au printemps dernier, l’État avait déjà souscrit pour près de trois milliards d’euros à l’augmentation du capital de l’entreprise publique (après y avoir injecté près de trois milliards d’euros, par le même biais en 2017). Cette fois-ci, le rachat de l’ensemble des 15,9 % du capital de l’électricien détenu par le secteur privé devrait coûter 9,7 milliards d’euros au contribuable… L’intention du Gouvernement a été rendue publique le 19 juillet et son projet d’offre publique d’achat simplifiée déposé le 4 octobre sur les bureaux de l’Autorité des marchés financiers. Mais pourquoi un tel revirement de la politique de l’actionnaire public ? Les raisons avancées sont ici nombreuses, ce qui témoigne de la délicatesse « politique » de l’opération. Dans ce contexte, l’argument tiré de la maîtrise de la souveraineté énergétique de la France apparaît bien facile, compte tenu de la conjoncture, d’autant que 85 % du capital de la société assuraient déjà à l’État la mainmise totale sur les orientations politiques de l’entreprise, comme sur ses actifs stratégiques (notamment nucléaires). Bien plus sérieuses apparaissent en réalité les considérations financières : ces dernières postulent qu’un contrôle à 100 % de l’entreprise devrait permettre de « sécuriser » sa notation favorable par les agences de notation, lui permettant ainsi de financer sa dette – laquelle ne cesse de croître [8] – ainsi que le mur d’investissement qu’on lui assigne (grand carénage et projets de nouveaux EPR not.) dans les meilleures conditions possibles. Faut-il, enfin, prêter attention aux motivations cachées de l’État actionnaire ? On rappellera seulement avoir souligné, dans notre précédente chronique, que les projets de restructuration du groupe EDF postulaient tous (implicitement !) un rachat préalable, par l’État, des actions d’EDF détenues par le secteur privé… Faut-il alors donner davantage de corps aux rumeurs selon lesquels le Gouvernement continuerait de travailler en secret à la restructuration de l’entreprise [9] ? Seul l’avenir saura nous dire si, de fait, la « renationalisation » d’EDF n’était en réalité que la première étape d’un processus au long cours, devant conduire au démantèlement du géant électrique, étape intermédiaire à la « privatisation » de pans entiers de son activité (le secteur « énergies renouvelables » étant, par exemple, lorgné par Engie et valorisé à près de 15 milliards d’euros) …

Si l’on met EDF de côté, l’État s’est par ailleurs porté acquéreur d’une unique action de la Compagnie industrielle des lasers auprès de la société ArianeGroup pour un prix de 2,47 euros [10]. Dans l’intention de transformer cette unique participation en action spécifique ? Très probablement, l’acquisition de cette action étant justifiée, par ailleurs, par la cession de la Compagnie industrielle des lasers par ArianeGroup aux groupes Safran et MBDA.

Suivant la même logique, l’État a renforcé sa mainmise sur le secteur métallurgique. Certes, il n’aura dépensé que 16 euros pour l’acquisition d’une unique action de la société Aubert & Duval, mais il s’agissait en fait d’une action en or [11].

Car le ministre de l’Économie et des Finances devait la transformer en action spécifique, accordant par là même à l’État actionnaire des pouvoirs sans commune mesure avec la faiblesse de sa participation au capital de la société [12]. De la même manière, mais en dehors de tout processus d’acquisition ou de cession, l’État a transformé l’une de ses actions ordinaires détenues au sein du capital de la société Eramet en action spécifique [13].

Dans le secteur nucléaire cette fois-ci, l’État a encore augmenté le niveau de sa participation au capital de la société Orano au mois de juillet. Il s’est d’abord porté acquéreur de 10 % du capital de la société auprès de Naxitis pour un prix de 638 019 980,68 euros [14] ; il a ensuite acheté, le même jour, 0,01 % du capital d’Orano encore détenu par Areva, pour un montant de 702 237,30 euros [15]. À la suite de ces acquisitions, l’État est désormais actionnaire à hauteur de 90 % du capital de l’entreprise, laquelle contrôle l’amont à l’aval du cycle nucléaire. Le reste du capital est détenu par Japan Nuclear Fuel Limited (5 %), Mitsubishi Heavy Industries (5 %) et le Commissariat à l’énergie atomique (une action).

L’État a encore accordé à l’EPIC La Monnaie de Paris une dotation supplémentaire s’élevant à 10 millions d’euros [16]. Cet afflux de participation devrait permettre à l’entreprise publique de conduire la diversification de ses activités, dans un contexte de baisses des commandes en provenance de sa collectivité publique de rattachement [17]. La dotation aura permis à l’établissement public de constituer deux filiales, opérations décrites supra.

Une autre augmentation de dotation a été consentie à l’Agence française de développement, pour un montant de 190 millions d’euros, portant la dotation de l’établissement public à un montant de 4 417 998 856 euros [18].

Dans la même veine, l’État a participé à plusieurs augmentations de capital d’entreprises publiques en forme de sociétés anonymes. Il a ainsi souscrit à celle décidée par Air France-KLM, pour un montant de 645 143 531,76 euros [19].

Mais le secteur de l’audiovisuel public (auquel on consacrera par ailleurs notre focus) n’est pas en reste. En effet, l’État a également participé à l’augmentation de capital décidée par France Télévisions pour un montant de 14 941 000 euros [20]. Il s’est encore porté acquéreur de 160 000 actions supplémentaires de la société France Médias Monde pour un montant de 1 600 000 euros [21]. Il a enfin abondé, à hauteur de 15 558 036 euros, à l’augmentation de capital décidée par la société Radio France [22].

Concernant les opérations réalisées par les entreprises publiques elles-mêmes, le grand port maritime de Marseille a été autorisé, par arrêté, à augmenter sa participation financière au capital de la société Fluxel par le rachat de 8 % du capital, part antérieurement détenue par la société CFT. L’opération aura coûté 2 840 000 euros au port marseillais [23]. Légèrement plus au nord-ouest, c’est le Grand port maritime de Dunkerque qui a été autorisé à entrer au capital de la société Giga Verkor Immo à hauteur de 6 %, pour une somme de 648 000 euros [24]. Quant au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), il aura porté sa participation au sein de la Compagnie française de géothermie à 100 %, par l’acquisition de 3333 actions supplémentaires de la société pour un montant total de 599 940 euros [25].

Au rayon des bonnes nouvelles budgétaires, notons qu’au moins trois entreprises publiques verseront cette année un dividende (ou assimilé) à l’État, pour l’exercice 2021. Celui de la Caisse des dépôts et consignations s’élève à 1 816 500 000 euros [26]. L’EPIC Bpifrance versera quant à lui 217 millions d’euros [27]. Ce sont 47 950 076 euros que l’Agence française de développement versera à sa personne publique de rattachement [28].

IV. Cadre juridique

Il y a peu de choses à relever concernant les évolutions du cadre juridique général applicable aux entreprises du secteur public national, si ce n’est qu’un décret du 11 juillet 2022 permet aux établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État d’organiser leurs délibérations à distance, via une conférence téléphonique ou audiovisuelle ou encore par l’échange d’écrits transmis par voie électronique [29].

Ajoutons, à titre particulier, que le contrôle économique et financier sur la société Orano mining (anciennement, groupe Areva) a été supprimé par un décret du 20 avril 2022 [30].

V. Focus : La réforme de l’audiovisuel public

L’actualité nous conduit à nous intéresser plus particulièrement, pour ce semestre, au secteur de l’audiovisuel public. Car ce dernier subit actuellement des soubresauts annonçant, peut-être, une future réforme d’ampleur. L’affaire fut initiée, dans un premier temps, par la volonté de la majorité présidentielle de supprimer la redevance audiovisuelle publique, afin de garantir davantage de pouvoir d’achat aux Français. Si la suppression de la redevance a été, en tant que telle, actée par la loi de finances rectificative du 16 août 2022 [31], ce sont davantage les effets structurels de la réforme du financement de l’audiovisuel public sur les entreprises publiques chargées de son animation qui retiendront notre attention. L’annonce, au printemps, de la volonté présidentielle de mettre fin à la contribution instituée en 1933 devait en effet relancer l’idée d’une réforme du secteur – repoussée, en 2020, aux calendes grecques – et surtout susciter la rédaction d’un intéressant rapport sénatorial [32]. Ce dernier repose, selon ses auteurs, sur trois piliers : « rassembler les quatre entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure, maximiser les mutualisations pour supprimer les doublons et investir davantage dans le numérique pour défendre notre souveraineté audiovisuelle » [33].

Il n’en fallait pas davantage pour mettre le feu aux poudres : les grèves de l’été reprenaient en cœur non seulement les besoins de financement et d’indépendance, mais également les slogans anti-fusion [34]. En dépit de ces oppositions, la perspective d’assister, dans un futur proche, à la naissance d’une « BBC à la française » [35] se fait chaque jour plus vraisemblable. L’inspiration libérale du rapport et du projet de fusion des entreprises publiques audiovisuelles qu’il promeut ne fait pas de doutes (le rapport évoque, classiquement, un « nécessaire ”big bang” de l’audiovisuel public », p. 54) et s’entend d’ailleurs sans difficulté. En ces temps de disette budgétaire que la suppression de la contribution ne pourra que renforcer sur le long terme, à l’instar de ce qui se trame à la… BBC ! [36], la concentration économique des entreprises publiques apparaît effectivement comme une solution crédible, ne serait-ce que parce qu’elle serait susceptible de générer, à en croire les dirigeants de ces sociétés publiques, près de 10 % d’économies (d’échelle) à court terme (le modèle de la concentration étant également valorisé par le secteur privé, en témoigne le projet, avorté, de fusion entre TF1 et M6). Les rapporteurs sénatoriaux n’en font pas un mystère : « Il est temps de mettre fin à une exception française. L’idée n’est pas de réduire, mais de regrouper pour mutualiser les moyens et avoir une réserve de compétences » selon le sénateur Jean-Raymond Hugonet [37]. Exit, donc, le projet de création d’un holding dénommé « France Médias », tel qu’il était porté par un projet de loi déposé par le ministre de la Culture et examiné en mars 2020 par l’Assemblée nationale ; c’est la piste de la fusion pure et simple de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui serait désormais privilégiée.

Que dire d’une telle orientation ? Si le financement du service public est bien un aspect conditionnant fondamentalement son mode de gestion [38], il est certainement regrettable que le contexte budgétaire actuel – pour morose qu’il soit – surdétermine à ce point les réformes contemporaines de l’organisation du secteur public. D’autant qu’en l’espèce, des rapprochements se sont d’abord opérés en interne, sur la base de projets communs encourageant des synergies « par le bas ». Et le moins que l’on puisse dire sur ce point est que l’on n’a pas assisté, pour le moment, à de franches réussites. Il aura fallu « quatre ans pour avoir des matinales communes entre France Bleu et France 3. Et France Info n’a toujours pas de rédaction unique » se sont agacés les sénateurs [39] ; quant aux autorités de tutelle, elles affirment ne pas disposer des « outils pour contraindre les entreprises de l’audiovisuel public à coopérer » [40], ce qui laisse évidemment songeur… La fusion serait donc la seule option envisageable ? Ce qui est certain, en l’état, c’est que les tensions en interne ne se sont pas évaporées, en dépit de la promesse d’une hausse des dotations, et que les grèves ont repris en septembre [41]. La réforme de l’audiovisuel public passera-t-elle par le haut ou par le bas ? Une chose est sûre, le statu quo n’apparaît plus tenable.

VI. Secteur public local

L’actualité du secteur public local n’aura pas été des plus riches durant la période envisagée, quand bien même une réforme notable de la gouvernance des offices publics de l’habitat est à souligner.

De manière générale, la croissance du secteur public local se poursuit, du moins s’il l’on en croit les chiffres donnés par la Fédération des EPL. Le lobby du secteur estime le nombre de sociétés d’économie mixte locales (SEML), de sociétés publiques locales (SPL), de sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) et de sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) à 1376 au 1er juin 2022. Leur chiffre d’affaires cumulé, s’élevant à 14,62 milliards d’euros, apparaît en hausse de 2,8 % par rapport à l’année précédente.

Quant aux bailleurs sociaux, le décret du 26 avril 2022 procède à une réforme de la gouvernance des Offices publics de l’habitat (OPH) afin, notamment, de la mettre en adéquation avec les avancées réalisées par la loi ÉLAN, laquelle a notamment procédé à une réécriture de l’article L. 421-8 du Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L0078LN9 relatif à la composition des conseils d’administration [42]. Il est notamment désormais prévu un nouveau plafond de 35 membres du conseil d’administration, toute référence aux anciens effectifs de 17, 23 et 27 membres ayant été supprimée (CCH, art. R. 421-4 N° Lexbase : L6070MCS). La composition du bureau a également évolué. En sus du président du conseil d’administration, le bureau peut aujourd’hui être composé de 4 à 6 membres, dont au moins 1 représentant des locataires (CCH, art. R. 421-12 N° Lexbase : L6074MCX). Signalons encore, globalement, que le décret donne au conseil d’administration la possibilité d’habiliter le directeur général à ester en justice au nom de l’établissement pour la durée de l’exercice de ses fonctions (CCH, art. R. 421-16, 11° N° Lexbase : L6076MCZ) ; que les administrateurs peuvent désormais porter deux mandats (CCH, art. R. 421-13 N° Lexbase : L6075MCY) ; que de nouvelles possibilités de délégation de la part du directeur général vis-à-vis des directeurs et des chefs de service ont été introduites (CCH, art. R. 421-18 N° Lexbase : L6077MC3). Quant au statut du directeur général lui-même, il est sensiblement mis à jour par le décret (CCH, art. R. 421-18, R. 421-20 N° Lexbase : L6078MC4, R. 421-20-1 N° Lexbase : L6079MC7, R. 421-20-1-1 N° Lexbase : L6080MC8, R. 421-20-5 N° Lexbase : L6081MC9 et R. 421-20-6 N° Lexbase : L6082MCA).

Notons enfin qu’un arrêté du 5 juillet 2022 introduit, à titre expérimental, un compte financier unique pour les budgets des services publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales et de leurs groupements participants [43]. L’objectif de cette expérimentation est de substituer aux actuels comptes administratif et financier un compte financier unique, supposé plus adapté aux spécificités des services publics industriels et commerciaux. L’arrêté fixe, en annexe, la maquette du compte financier unique, en précisant les données relevant, d’une part, de l’ordonnateur et, d’autre part, du comptable.

À signaler également

H. Maurey et S. Sautarel, Rapport fait au nom de commission des finances sur la situation et les perspectives de la SNCF, Sénat, 9 mars 2022.

Cour des comptes, L’établissement public de sûreté ferroviaire, exercices 2015 à 2020 – observations définitives, 23 mars 2022.

Cour des comptes, IN Groupe, les transformations de l’entreprise nationale, référé, 7 juin 2022.

 

[1] Arrêté du 5 juillet 2022, portant approbation de la cession d’une participation financière par l’agence française de développement N° Lexbase : L4676MDK, JORF, 21 juill. 2022, texte n° 5.

[2] Arrêté du 19 août 2022, portant approbation d’une cession de participation financière par l’Agence française de développement N° Lexbase : L8276MDU, JORF, 27 août 2022, texte n° 2.

[3] Ordonnance n° 2022-306 du 2 mars 2022, relative à la Société de la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur N° Lexbase : L7809MBT, JORF, 3 mars 2022, texte n° 50.

[4] Ordonnance n° 2022-307 du 2 mars 2022, relative à la Société du Grand Projet du Sud-Ouest N° Lexbase : L7810MBU, JORF, 3 mars 2022, texte n° 52.

[5] Ordonnance n° 2022-308 du 2 mars 2022, relative à la Société de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan N° Lexbase : L7808MBS.

[6] Arrêté du 25 mars 2022, portant approbation de la création de la filiale de la SAS COFREX à Osaka, dénommée « Republic of France Pavilion – Osaka 2025 N° Lexbase : L2620MCZ, JORF, 6 avril 2022, texte n° 20.

[7] Arrêté du 13 avril 2022, approuvant des prises de participations de l’établissement public La Monnaie de Paris au capital des sociétés « Monnaie de Paris Gestion Immobilière » et « SCI Voie Romaine » N° Lexbase : L4863MC4, JORF, 23 avril 2022, texte n° 18.

[8] M. Cesac, EDF perd 5,3 milliards d’euros au premier semestre, des résultats négatifs historiques, Le Monde, 28 juill. 2022.

[9] J.-C. Féraud, Renationalisation d’EDF : un leurre avant le démantèlement, dénonce un rapport, Libération, 9 nov. 2022.

[10] Arrêté du 15 février 2022, décidant l’acquisition par l’État d’une participation au capital de la Compagnie industrielle des lasers (CILAS) N° Lexbase : L8859MBQ, JORF, 13 mars 2022, texte n° 16.

[11] Arrêté du 3 mai 2022, décidant l’acquisition par l’État d’une participation au capital de la société Aubert & Duval N° Lexbase : L9602MCM, JORF, 14 mai 2022, texte n° 12.

[12] Décret n° 2022-1182 du 25 août 2022, instituant une action spécifique au capital de la société Aubert & Duval SAS N° Lexbase : L8232MDA, JORF, 27 août 2022, texte n° 1.

[13] Décret n° 2022-206 du 18 février 2022, instituant une action spécifique au capital d'Eramet SA N° Lexbase : L3962MBD, JORF, 20 fév. 2022, texte n° 13.

[14] Arrêté du 4 juillet 2022, décidant l’acquisition par l’État d’une participation au capital d’Orano SA N° Lexbase : L3756MDH, JORF, 8 juill. 2022, texte n° 3.

[15] Arrêté du 4 juillet 2022, décidant l’acquisition par l’État d’une participation au capital d’Orano SA N° Lexbase : L3770MDY, JORF, 8 juill. 2022, texte n° 4.

[16] Arrêté du 12 avril 2022, approuvant une dotation de l’établissement public La Monnaie de Paris N° Lexbase : L4874MCI, JORF, 23 avril 2022, texte n° 17.

[17] Monnaie de Paris : l’État accorde une dotation de 10 millions d’euros, Ouest France, 23 avril 2022.

[18] Arrêté du 27 juin 2022, approuvant la dotation au capital de l’établissement public « Agence française de développement (AFD) » N° Lexbase : L2776MD8, JORF, 30 juin 2022, texte n° 7.

[19] Arrêté du 1er juin 2022, décidant la souscription par l’État à l’augmentation de capital de la société anonyme Air France-KLM N° Lexbase : L3277MDQ, JORF, 5 juill. 2022, texte n° 4.

[20] Arrêté du 30 juin 2022, décidant la souscription par l’État à l’augmentation de capital de la société anonyme France Télévisions N° Lexbase : L4022MDC, JORF, 12 juill. 2022, texte n° 4.

[21] Arrêté du 5 août 2022, décidant la souscription par l’État à l’augmentation de capital de la société anonyme France Médias Monde N° Lexbase : L7651MDQ, JORF, 19 août 2022, texte n° 1.

[22] Arrêté du 19 juillet 2022, décidant la souscription par l’État à l’augmentation de capital de la société anonyme Radio France N° Lexbase : L3923MEZ, JORF, 22 sept. 2022, texte n° 2.

[23] Arrêté du 6 juillet 2022, approuvant l’extension de la participation financière du grand port maritime de Marseille au capital de la société Fluxel N° Lexbase : L3892MDI, JORF, 9 juill. 2022, texte n° 2.

[24] Arrêté du 16 août 2022, approuvant la prise de participation du grand port maritime de Dunkerque au capital de la société « Giga Verkor Immo » N° Lexbase : L1748MEH, JORF, 10 sept. 2022, texte n° 1.

[25] Arrêté du 26 août 2022, autorisant le Bureau de recherches géologiques et minières à souscrire à une augmentation de capital dans la Compagnie française de géothermie N° Lexbase : L8304MDW, JORF, 28 août 2022, texte n° 3.

[26] Décret n° 2022-775 du 3 mai 2022, relatif au versement annuel de la Caisse des dépôts et consignations à l’État N° Lexbase : L8476MCW, JORF, 4 mai 2022, texte n° 16.

[27] Arrêté du 21 juin 2022, fixant le montant du dividende dû à l’État par l’établissement public Bpifrance au titre de l’exercice 2021 N° Lexbase : L2379MDH, JORF, 25 juin 2022, texte n° 7.

[28] Arrêté du 21 juillet 2022, portant détermination du dividende à verser à l’État par l’Agence française de développement au titre de l’année 2021 N° Lexbase : L7047MDD, JORF, 14 août 2022, texte n° 2.

[29] Décret n° 2022-997 du 11 juillet 2022, précisant les modalités d’organisation des délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial et rendant applicables ces modalités aux établissements publics industriels et commerciaux de l’État N° Lexbase : L3991MD8, JORF, 12 juill. 2022, texte n° 1.

[30] Décret n° 2022-577 du 20 avril 2022, modifiant le décret du 21 décembre 1983 relatif aux sociétés AREVA SA et Orano N° Lexbase : L4420MCP, JORF, 21 avril 2022, texte n° 9.

[31] Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022, de finances rectificative pour 2022 N° Lexbase : L7052MDK, JORF, 17 août 2022, texte n° 1.

[32] R. Karoutchi et J.-R. Hugonet, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur le financement de l’audiovisuel public, 8 juin 2022.

[33] Rapport préc., p. 7.

[34] S. Cassini et A. Dassonville, L’audiovisuel public se met en grève pour défendre son avenir, Le Monde, 28 juin 2022.

[35] F. Benedetti Valentini, Audiovisuel public : un rapport sénatorial ressuscite l’idée d’une BBC à la française, Les Échos, 8 juin 2022.

[36] M. Alcaraz, La BBC supprime presque 400 postes dans son service international, Les Échos, 29 sept. 2022.

[37] S. Cassini, Un rapport propose de fusionner France Télévisions et Radio France, Le Monde, 9 juin 2022.

[38] Not. L. Bahougne, Le financement du service public, LGDJ, 2015 ; P. Levallois, Le financement public du nucléaire civil, in N. Pauthe (dir.), Le droit public interne face aux spécificités du nucléaire civil, Centre Michel de l’Hospital, PU Clermont, 2022, p. 187.

[39] S. Cassini, préc.

[40] Rapport, préc., p. 10.

[41] S. Cassini, L’audiovisuel public, l’autre dossier chaud de la rentrée, Le Monde, 3 sept. 2022.

[42] Décret n° 2022-706 du 26 avril 2022, relatif à la gouvernance des offices publics de l’habitat et modifiant le Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L5182MCW, JORF, 27 avril 2022, texte n° 82.

[43] Arrêté du 5 juillet 2022, relatif au compte financier unique pour les budgets des services publics industriels et commerciaux relevant des collectivités territoriales et des groupements admis à l’expérimentation de ce compte financier N° Lexbase : L4322MDG, JORF, 16 juill. 2022, texte n° 12.

newsid:483461

Fiscalité locale

[Brèves] Un sas d’entrée de magasin est un espace affecté à la circulation de la clientèle et doit être retenu dans le calcul de la TASCOM

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 16 novembre 2022, n° 462720, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A27978TR

Lecture: 3 min

N3424BZT

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par Marie-Claire Sgarra

Le 06 Décembre 2022

Un sas d’entrée d’un magasin peut être regardé comme affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats et doit ainsi être intégré à la surface de vente retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales.

Les faits :

  • une société exploite un commerce de détail de quincaillerie et bricolage sous l'enseigne « Bricomarché » à Batz-sur-Mer ;
  • à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2015 et 2016, procédant de la réintégration, dans la surface de vente prise en compte pour l'établissement de cette imposition, du sas d'entrée du magasin ;
  • le TA de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Rappel. Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite.

La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins.

Le TA a relevé que la vocation du sas d'entrée litigieux, affecté à la circulation de la clientèle, était, en dépit du fait qu'il n'accueillait aucune marchandise, de permettre aux clients de l'établissement de bénéficier de ses prestations commerciales.

Solution du CE. C'est sans erreur de droit que le tribunal en a déduit que cet espace devait être regardé comme affecté à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats et devait ainsi être intégré à la surface de vente retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales due par la société.

Précisions. Le Conseil d’État a défini la notion de « surface de vente » comme étant celle des lieux accessibles au public et directement liés à la vente (CE, 1°-4° ch. réunies, 6 juin 2018, n° 405608, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8127XQ3). Par suite, ne commet pas d'erreur de droit la cour qui, pour juger que les surfaces du hall d'entrée du magasin et de sa caisse centrale avaient pu légalement ne pas être intégrées dans la surface de vente du projet, se fonde sur la circonstance que ces surfaces ne seraient pas utilisées pour présenter des produits à la vente. Cette jurisprudence est semble-t-il abandonnée.

 

newsid:483424

Procédure pénale

[Brèves] Perquisition en dehors des heures légales : validité sous conditions de l’autorisation du magistrat donnée deux mois avant l’acte

Réf. : Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 21-87.295, F-B N° Lexbase : A11048T3

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N3326BZ9

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par Helena Viana

Le 01 Décembre 2022

► En matière de criminalité organisée, l’autorisation du magistrat de procéder à la perquisition en dehors des heures légales peut être délivrée deux mois avant ladite perquisition, dès lors que les enquêteurs en avisent le magistrat instructeur lorsque la perquisition est réalisée ou que celui-ci a donné son accord verbal au moment de la perquisition. Afin d’assurer un contrôle réel et effectif du magistrat, il importe en effet que la condition d’urgence persiste au moment de la perquisition au regard des éléments de fait et de droit énoncés dans l’ordonnance délivrée en avance.

Faits et procédure. Une information judiciaire a été ouverte des chefs d’importation de stupéfiants et infractions à la législation sur les stupéfiants. Sur le fondement des articles 706-91 N° Lexbase : L4851K88 et 706-92 N° Lexbase : L0577LTK du Code de procédure pénale, le juge d’instruction a rendu le 13 septembre 2021 une ordonnance motivée par les interpellations à venir et par le risque de dépérissement des preuves pour autoriser une perquisition nocturne sur le mis en cause. Ladite perquisition a été effectivement réalisée le 13 décembre 2021. Par la suite, le principal intéressé a formé une requête en nullité de la perquisition au motif que l’urgence devait être caractérisée au moment de la perquisition, et que, de fait, l’autorisation du magistrat ne pouvait être donnée en avance, deux mois au préalable.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a rejeté la requête en nullité formulée par l’intéressé au motif que la perquisition litigieuse trouvait son fondement dans l’autorisation délivrée par le juge deux mois plus tôt et était dès lors régulière. Elle justifiait l’urgence par les recherches infructueuses menées pour retrouver le mis en cause et sa fuite avant l’arrivée des enquêteurs.

Décision. Au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme N° Lexbase : L4798AQR, 706-91 et 706-92 du Code de procédure pénale la Chambre criminelle casse l’arrêt.

Elle commence par rappeler sa jurisprudence en matière de perquisition nocturne applicable pour la criminalité organisée. Pour ce faire, elle souligne l’exigence d’un « contrôle réel et effectif » de la mesure, lequel n’est assuré que lorsque le magistrat instructeur a rendu une ordonnance écrite et motivée justifiant, par des motifs propres, le recours à la perquisition en dehors des heures légales de droit commun (Cass. crim., 8 juillet 2015, n°15-81.731, FS-P+B+I N° Lexbase : A6246NMB). Le défaut de motifs propres à justifier une telle atteinte à la vie privée causant nécessairement grief à la personne intéressée, la Cour de cassation avait, à juste titre, déduit que l'autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l'acte, de la formalisation d'une ordonnance écrite et motivée était nulle (Cass. crim., 13 septembre 2022, n° 21-87.452, F-B N° Lexbase : A99668HL).

Ces principes rappelés, la Haute juridiction en déduit que le magistrat instructeur peut autoriser ces perquisitions dérogatoires avant même que la date des interpellations ne soit fixée au regard de la situation d’urgence que celles-ci impliquent et du risque de dépérissement des preuves qui en résulterait. Néanmoins, elle pose une condition à cette antériorité : celle de « la persistance de cette urgence au regard des éléments de fait et de droits énoncés dans ladite ordonnance, avant que ces perquisitions ne soient réalisées ».

En pratique, cela signifie, comme le souligne la Cour, que les enquêteurs disposant d’une autorisation à l’avance d’une perquisition nocturne, doivent s’assurer auprès du juge d’instruction, au besoin oralement, que les éléments qui ont justifié le rendu de son ordonnance persistent au moment où ils s’apprêtent à effectuer la perquisition. Et de surcroît, la Cour précise qu’ils doivent en faire état dans la procédure.

Or, en l’espèce, la Chambre criminelle reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié que les enquêteurs avaient avisé le magistrat, ni que celui-ci ait donné son accord pour effectuer la perquisition litigieuse.

La solution peut sembler être en contradiction avec celle qu’elle a rendue le 13 septembre dernier en validant cette fois-ci l’autorisation verbale donnée par le juge d’instruction. Mais la chronologie n’est pas identique : dans les faits qui nous intéressent aujourd’hui, l’autorisation écrite avait déjà été donnée avant l’autorisation verbale et la perquisition, alors que dans les faits du 13 septembre l’autorisation verbale avait précédé l’autorisation écrite, laquelle est elle-même intervenue postérieurement à la perquisition litigieuse.

Pour autant on peut utilement interroger une pratique à venir consistant, pour le juge d’instruction, à rendre une ordonnance d’autorisation en début de procédure. Les officiers de police judiciaire n’auront qu’à l’informer du moment de la perquisition, lorsqu’ils la jugent opportune, faisant ainsi fi du contrôle réel et effectif du magistrat exigé. Il aurait été souhaitable que la Cour déclare le simple avis magistrat insuffisant et impose a minima un accord verbal de celui-ci.

Pour aller plus loin :

  • J.-B. Perrier, ÉTUDE : La procédure dérogatoire applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes, Les perquisitions, in Procédure pénale, Lexbase N° Lexbase : E5151ZQT ;
  • H. Viana, Perquisition en dehors des heures légales : l’autorisation verbale donnée par le magistrat instructeur est nulle et ne peut être régularisée postérieurement, Lexbase Pénal, septembre 2022, n° 52 N° Lexbase : N2597BZ9.

newsid:483326

Sociétés

[Jurisprudence] Groupes de sociétés : conditions d’une immixtion trompeuse de la société mère dans la gestion de sa filiale

Réf. : Cass. com., 9 novembre 2022, n° 20-22.063, F-B N° Lexbase : A12938SP

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N3462BZA

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par Caroline Tabourot, Maître de conférences en droit privé, Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 30 Novembre 2022

Mots-clés : groupe de sociétés • immixtion • apparence trompeuse • croyance légitime (non) • paiement partiel • responsabilité de la société mère

Le paiement partiel de la dette d’une filiale ne suffit pas à lui seul à caractériser une immixtion de la société mère de nature à créer une apparence trompeuse propre à permettre au créancier de croire légitimement que la société mère s’est substituée à sa filiale dans l’exécution du contrat.


 

 

1. Les arrêts sur l’immixtion d’une société mère dans la gestion de sa filiale sont suffisamment rares pour qu’ils puissent être signalés. Considérée traditionnellement comme une exception au principe d'autonomie juridique des filiales, l'immixtion de la mère dans les affaires de sa filiale est un des moyens fréquemment soulevés pour engager la responsabilité de la mère vis-à-vis d'un créancier de la filiale en dehors de tout lien contractuel.

2. L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 novembre 2022 mérite d’être souligné en ce qu’il s’inscrit dans la tendance actuelle de la jurisprudence qui préserve l’autonomie juridique et patrimoniale des sociétés membres d’un groupe et limite strictement toute atteinte à ce principe.

3. En l’espèce, une société de prestation alimentaire (la société Santé restauration services) avait conclu un contrat de restauration avec une clinique (la société Clinique chirurgicale obstétricale), elle-même filiale d’un groupe de sociétés. La filiale, en graves difficultés financières, a été à trois reprises mise en demeure de payer plusieurs factures avant que sa liquidation judiciaire ne soit prononcée. Au moment où sa filiale est mise en demeure, la société mère de la clinique a décidé de payer l’une de ces factures. Cependant, n’ayant pu obtenir le règlement complet, la société créancière a déclaré sa créance à la procédure de la filiale et le liquidateur judiciaire a émis quelques mois plus tard un certificat d’irrécouvrabilité de cette créance. Se fondant sur le fait que la société mère avait payé une partie de sa créance et s’était de ce fait substituée à sa filiale, le créancier de la filiale a assigné en paiement la mère au titre des factures impayées. Se posait donc la question de savoir si le paiement partiel de la dette d’une filiale de la part de sa société mère pouvait suffire à faire croire légitimement au cocontractant en son engagement à se substituer à sa filiale ?

La cour d’appel de Paris [1] a considéré que le paiement partiel effectué par la société mère, à un moment où sa filiale venait d’être mise en demeure par sa cocontractante à peine de résiliation du contrat, suffisait à fonder la croyance légitime du créancier dans l’engagement de la société mère aux côtés de sa filiale pour régler les dettes issues de ce contrat. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1842 N° Lexbase : L2013AB8 et 1165 N° Lexbase : L1267ABK (ancienne version, devenu aujourd’hui l'article 1199 N° Lexbase : L0922KZ8) du Code civil et considère au contraire que le paiement partiel d’une dette de sa filiale mise en demeure de payer ne saurait, à lui seul, caractériser une immixtion de la société mère de nature à créer pour le créancier une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la mère s’était substituée à sa fille dans l’exécution du contrat.

4. Par cet arrêt, la Haute Juridiction reprend une solution déjà ancienne. Sans exclure qu’une société mère puisse être tenue de répondre des dettes de sa filiale en cas d’immixtion dans les relations contractuelles de cette dernière, les Hauts magistrats rappellent que cette exception d’immixtion ne s’apprécie aujourd’hui qu’à l’aune de la théorie de l’apparence. En d’autres termes, seule l’immixtion de la mère dans la gestion de sa filiale créant une apparence trompeuse est susceptible de lever le voile de la personnalité morale (I). Et la Cour de cassation n’hésite pas à procéder à un contrôle étendu de cette exception (II).

I. L’immixtion de la mère à l’aune de la théorie de l’apparence

5. Rappel du principe d’autonomie. L’arrêt ici commenté réaffirme le principe de l’indépendance des membres du groupe de sociétés. En raison du principe de relativité des contrats, le créancier qui a traité avec une filiale ne peut demander le paiement de sa créance qu’à la filiale, seule partie au contrat. Et le simple fait qu’une société détienne le contrôle d’une autre ne permet pas en soi de la condamner à exécuter les engagements contractuels pris par cette société [2]. Le visa de l'article 1842 du Code civil à côté de l’ancien article 1165 (il faut désormais se référer à l’article 1199) est important car il marque bien la volonté de la Chambre commerciale de tirer toutes les conséquences du principe d’autonomie des personnes morales. Une société mère est un actionnaire comme les autres et un actionnaire ne répond jamais des dettes de sa société en raison de cette seule qualité. Aussi, l’appartenance à un groupe ou la détention même de la totalité du capital ne suffit pas à engager la responsabilité de la société mère pour les actes de sa filiale. La reconnaissance de l’autonomie formelle des filiales exclut toute appréciation de fait. Comme le soulignait déjà le Professeur Hannoun dans sa thèse sur les groupes de sociétés, « la situation de groupe demeure totalement opaque, elle n’est susceptible par elle-même d’aucune conséquence juridique » [3]. Cette règle est d’ailleurs la raison d’être des groupes [4]. La solidarité des sociétés d'un groupe à l’égard des tiers ruinerait l’intérêt attaché à cette forme de concentration. Et la jurisprudence a depuis fort longtemps consacré cette autonomie, il est inutile de s’y attarder.

6. Les exceptions au principe.  Les exceptions au principe d’autonomie existent toutefois depuis longtemps. Fraude, fictivité, faute de gestion, immixtion… sont autant de moyens soulevés pour porter atteinte à l’indépendance des sociétés du groupe. À maintes reprises, la jurisprudence a ainsi levé le voile de la personnalité morale de la société mère pour la condamner à payer au lieu et place de sa filiale. Le législateur a d’ailleurs pris acte de ces décisions jurisprudentielles en introduisant directement dans la loi de nouveaux articles permettant d’engager la responsabilité de la société mère à l’égard des créanciers de sa filiale. Sans être exhaustif, on pense bien entendu à l’article L. 621-2, alinéa 2, du Code de commerce N° Lexbase : L3679MBU [5] qui permet désormais d’étendre une procédure collective à plusieurs sociétés du même groupe en cas de confusion des patrimoines ou en cas de fictivité. Ou encore, l’article L. 512-17 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6506L74 qui permet de rechercher la responsabilité de la société mère voire de la grand-mère en cas de dommages environnementaux causés par une filiale ou sous-filiale. Et plus récemment, le nouvel article 1156 du Code civil N° Lexbase : L0874KZE qui consacre la théorie de l’apparence qui avait été élaborée depuis de nombreuses années par la jurisprudence, théorie appliquée notamment pour protéger les créanciers de la filiale qui ont cru légitiment qu’ils traitaient avec la société mère.

7. Affaiblissement de l’exception d’immixtion. Si l’on entend opérer un rapprochement avec d’autres précédents, il convient de s’en tenir à ceux où l’argument d’immixtion a été avancé. On relève dès lors que la jurisprudence a connu une certaine évolution en la matière.

8. Revirement « Markinter ». Depuis l’arrêt « Markinter » [6], la seule immixtion dans les relations contractuelles de la société mère ne suffit plus à porter atteinte au principe d’autonomie et d’engager la responsabilité de cette dernière. Désormais, seule l’immixtion de nature à créer pour le cocontractant une apparence trompeuse peut engager la responsabilité de la mère. En d’autres termes, l’ingérence de la mère dans les affaires de sa filiale doit nécessairement créer une apparence trompeuse. Quoiqu’une telle solution ait fait l’objet de vives critiques, les Hauts magistrats l’ont réaffirmée à plusieurs reprises [7], et la dernière expression en date de cette solution émane de l’arrêt ici commenté, dont on relèvera qu’il est publié au Bulletin.

9. Confirmation d’une solution classique. L’immixtion dans la gestion de sa filiale a incontestablement perdu de son autonomie.  À tel point que certains utilisent le terme de « reflux de l’immixtion » [8]. L’arrêt du 9 novembre 2022 s’inscrit parfaitement dans la lignée jurisprudentielle tracée par l’affaire « Markinter ». L’exception d’immixtion ne pourra prospérer que si elle s’accompagne d’une apparence trompeuse aux yeux du tiers. Le comportement de la société mère est tel que le tiers est conduit à ne plus s’en tenir au contrat initial. Il doit penser légitimement que la société mère, par son immixtion, s’est délibérément substituée à sa filiale et qu’elle est devenue son nouvel interlocuteur. L’exception ne jouera ainsi que pour un tiers déterminé, dans une situation déterminée. Il s’agit en effet d’apprécier uniquement l’immixtion de la société mère dans la gestion externe de sa filiale à l’égard d’une seule personne. D’ailleurs, l’éventuelle remise en cause de l’autonomie juridique ne vaudra qu’à l’égard de la seule personne trompée.

II. Contrôle étendu de la Cour de cassation sur l’exception d’immixtion

10. Faisceaux d’indices. On aura compris que l’analyse de la croyance légitime du tiers trompé relèvera d’une analyse concrète des faits de chaque espèce. Au cas par cas, il appartiendra effectivement aux juges du fond d’analyser d’une part, l’existence des éléments matériels constituant une immixtion trompeuse et, d’autre part, la psychologie du tiers abusé. Les juges du fond ont généralement recours à la méthode du faisceau d’indices concordants pour conclure que la société mère a pu, par son comportement, faire croire légitimement qu’elle souhaitait se substituer à sa fille vis-à-vis d’un tiers raisonnable.

11. Acte isolé. Ceci étant on relèvera que l’arrêt d’appel est cassé pour défaut de base légale. Cela peut surprendre dès lors que la cour d’appel de Paris s’était particulièrement attachée à reprendre la solution « Markinter ». Elle n’avait à aucun moment remis en cause le principe précédemment énoncé et elle avait bien subordonné l’exception de l’immixtion au critère lié de la création d’une apparence trompeuse. Pour les magistrats de la cour d’appel, le comportement de la société mère était bien de nature à faire croire au cocontractant de la filiale que celle-ci s’était substituée à sa filiale dans l’exécution du contrat. Ils soulèvent en effet le fait que la société mère avait payé l’une des factures de sa filiale, au moment de la mise en demeure de cette dernière. Ce n’était donc pas juste une question de paiement partiel. L’enchaînement rapide du paiement de la mère avec la mise en demeure de la filiale était manifestement un élément important pour la cour d’appel de nature à fonder une apparence d’engagement. La Cour de cassation n’est pourtant pas de cet avis. On peut en déduire que peu importe le moment où est intervenu le paiement de la part de la société mère, dès lors que ce paiement ne suffit pas à caractériser une immixtion de nature à lever le voile. Ce que l’on comprend c’est qu’un seul paiement (complet ou pas d’ailleurs) ne suffirait pas à faire naître un doute dans l’esprit d’un cocontractant même s’il correspond à la dernière mise en demeure adressée par lui à son débiteur. L’immixtion dans la gestion doit manifestement s’entendre comme supposant une intervention répétée, et un paiement isolé ne saurait donc suffire à caractériser une apparence trompeuse. La répétition doit d’ailleurs être assez forte pour qu’elle puisse faire croire sérieusement au tiers qu’il a changé de cocontractant, ou en a gagné un nouveau.

12. Contrôle étendu de la Cour de cassation. Sans remettre en cause la solution posée, on pouvait légitimement se demander si la caractérisation de l’immixtion de la société mère dans les affaires de sa filiale ne relevait pas de l’appréciation souveraine des juges du fond. N’était-ce pas là qu’une pure question de fait exclue du contrôle normatif de la Cour de cassation ? C’était oublier que la Cour de cassation contrôle l’appréciation des juges du fond dans la constitution de l’apparence. Elle exerçait ce pouvoir du temps où la théorie de l’apparence émergeait de celle de l’héritier apparent et elle a continué à contrôler l’usage juridictionnel du concept de croyance légitime bien après les arrêts de 1969 [9]. Aujourd’hui, si elle laisse aux juges du fond le pouvoir souverain de se prononcer sur l’existence des éléments purement matériels et celui d’apprécier concrètement la psychologie des protagonistes, elle contrôle indéniablement le raisonnement qui en use [10]. Les Hauts magistrats cassent ici l’arrêt d’appel car ils considèrent que malgré leurs constatations souveraines, les juges du fond ont tiré une conséquence juridique insuffisamment établie d’où le défaut de base légale. La cour d’appel n’a pas omis de rechercher en quoi les circonstances et éléments matériels autorisaient le tiers à croire en la qualité du titulaire apparent ; simplement, elle n’a pas tiré les conséquences appropriées des constatations qu’elle a opérées. On remarquera qu’ici le lien entre de ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et du contrôle normatif de la Cour de cassation est particulièrement ténu…


[1] CA Paris, 5-5, 10 septembre 2020, n° 18/00980 N° Lexbase : A32653T4.

[2] V. not. Cass. com., 6 avril 1993, n° 91-17.649, inédit N° Lexbase : A2293AGZ, RJDA, 8-9/93 – Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-21.199, publié N° Lexbase : A4883ACT, RJDA, 8-9/94, n° 930 – Cass. com., 2 décembre 1997, n° 95-17.624, inédit N° Lexbase : A2807AG3, RJDA, 4/98, n° 438.

[3]  En ce sens, C. Hannoun, Le droit et les groupes de sociétés, LGDJ, 1991, spéc. p. 223.

[4] V. P. Le Cannu, Les organes de groupe, LPA 2001, n° 49, p 83, où l'auteur met en exergue le fait que « le premier principe fondamental du droit des groupes reste, paradoxalement, l'autonomie des personnes morales ; c'est sur cette donnée de base que sont construits les groupes de sociétés ».

[5] Modifié par la loi n° 2005-845, du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises, art. 1er (V) N° Lexbase : L5150HGT, entrée en vigueur le 1er janvier 2006.

[6] Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-16.109, FS-P+B N° Lexbase : A8919INN, D., 2012, 1608 ; Bull. Joly Sociétés, 2012, p. 611, note J.-F. Barbièri ; RTD civ., 2012, 546, obs. P.-Y. Gautier ; Gaz. Pal., 10 août 2012, p. 36, obs. B. Dondero ; Rev. Sociétés, 2013, p 95, note C. Tabourot.

[7] Cass. com., 3 février 2015, n° 13-24.895, F-P+B N° Lexbase : A2368NBC, Bull. Joly Sociétés, mars 2015, n° 113d5, p 128, note A. Couret ; RDC, 2016, n°112x4, p 35, note R. Libchaber ; Ch. Lebel, Lexbase Affaires, février 2005, n° 413 N° Lexbase : N6132BUN – Cass. civ. 3, 12 décembre 2019, n° 18-23.223, F-D N° Lexbase : A1647Z8I, Bull. Joly Sociétés, février 2020, n° 120n6, p.22, note A.Couret ; Dr. sociétés, 2020, comm. 50, note J.-F. Hamelin.

[8] G. Le Noach, L’immixtion de la société mère dans la gestion de sa filiale, Bull. Joly Sociétés, septembre 2020, n° 121d7, p. 54 et s.

[9]  Cass. civ. 1, 29 avril 1969, JCP, 1969, II, 15792 ; RTD civ., 1969, 804, obs. Cornu – Cass. com., 27 juin 1995, n° 93-13.208, inédit N° Lexbase : A9929ATW, Contrats, conc. consom., 1995, comm. 199, obs. L. Leveneur.

[10] M. Boudot, Rep. civ. Dalloz voir « Apparence », particulièrement n° 166 sur le contrôle juridictionnel.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Focus] Crypto-actifs, metavers : vers une imposition à la TVA « 3.0 » ?

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N3432BZ7

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par Pierre Pradeau - Olivier Galerneau et Maxime Mahtout, Avocats, EY Société d'avocats

Le 30 Novembre 2022

Mots-clés : TVA • cryptoactifs • metavers • bitcoin • fiscalité

Le développement du monde numérique est en marche ; rien ne peut plus l’arrêter. Cet emprunt, quelque peu modifié, de la fameuse formule de Émile Zola publiée dans un article du Figaro de 1897, ne peut qu’illustrer la déferlante des nouveaux usages qui ont émergé avec le monde numérique.

Véritable révolution, le développement du monde numérique devrait bousculer les nombreux usages et modes de consommation que nous avons connus jusqu’à ce jour.
Or, face à cette révolution, comment appréhender ces nouvelles opérations en matière de taxe sur la valeur ajoutée ?


 

Existants depuis quelques années, les cryptoactifs peuvent revêtir différentes natures (fongible, non fongible) et avoir des utilisations différentes.

Ainsi, comme le précise le rapport du député Pierre Person « Monnaies, banques et finance : vers une nouvelle ère crypto », le cryptoactif peut :

  • avoir la qualité d’une monnaie, en étant un moyen d’échange volatile (comme le bitcoin) ou stable (comme un stablecoin qui est un cryptoactif ayant la valeur d’une monnaie traditionnelle) ;
  • avoir la qualité d’un actif financier, c’est-à-dire une représentation de la performance d’une entreprise ou un instrument financier traditionnel transposé dans le monde numérique ;
  • avoir la qualité d’un jeton utilitaire, c’est-à-dire un jeton représentant des droits sur un service futur, une créance sur une entreprise dans le développement de son futur produit ;
  • Enfin (iv) il peut être cet objet protéiforme qu’est le NFT, qui constitue une enveloppe technologique permettant de créer la rareté en rendant numériquement une chose (qu’il s’agisse de biens matériels ou immatériels, de droits, etc.) totalement unique.

Dès lors, face à un cryptoactif multiforme, quel régime de TVA doit être appliqué aux opérations le concernant ?

I. Le régime de TVA applicable aux NFT (« non fongible tokens »)

Les NFT peuvent, selon nous, faire l’objet d’une distinction selon que leur sous-jacent est un service numérique ou non.

En effet, comment ne pas considérer qu’un NFT portant sur un objet physique ou une prestation consommée dans le monde « réel » est différent du NFT rendant son détenteur propriétaire d’une « parcelle » dans le métavers ou donnant un droit d’accès à un concert se déroulant uniquement dans le métavers ?

Les NFT étant dorénavant liés à l’exploitation économique des mondes informatiques parallèles (tel que le métavers), ils peuvent également se rapporter à de nouvelles catégories d’opérations qui sont réalisées uniquement dans le monde numérique au moyen des fichiers numériques. Le développement des œuvres digitales en est le parfait exemple.

A. Les NFT portant sur des opérations autres que des fichiers numériques

Dès lors que les droits associés au NFT portent sur une livraison de bien ou la réalisation d’une prestation de services et que l’opération est réalisée par une personne assujettie à la TVA agissant en tant que telle, le régime de TVA applicable devrait être celui du bien ou de la prestation de services sous-jacente.

Dans cette situation, le NFT devrait, selon nous, être assimilé à un bon comme prévu par l’article 256 ter du CGI N° Lexbase : L8904LN4.

En effet, il résulte de cet article que constitue un bon un instrument qui réunit les conditions cumulatives suivantes :

  • il est remis à titre onéreux à son bénéficiaire par son émetteur ou un tiers ;
  • il comporte une obligation de l’accepter comme contrepartie totale ou partielle de la fourniture d’une ou plusieurs livraisons de biens ou de prestations de services ; et,
  • il est indiqué sur l’instrument lui-même (où dans la documentation correspondante) les livraisons de biens ou prestations de services concernées ou les fournisseurs et prestataires potentiels.

Conformément à la Directive de l’Union européenne portant sur les bons [1], il existe deux types de bons :

  • les bons à usage uniques : ce sont ceux pour lesquels le lieu de la livraison des biens ou de la prestation de services à laquelle le bon se rapporte et la TVA due sur ces biens ou services (assiette, taux, territorialité) sont connus au moment de l’émission du bon.

L’administration fiscale précise dans sa doctrine qu’un instrument qui donne droit à obtenir plusieurs prestations de services de même nature dont l’ensemble des modalités de taxation est connu à l’émission constitue également un bon à usage unique.

Elle indique également qu’un bon qui « permettrait en échange d’avoir accès à des livraisons de biens ou à des prestations de services de nature différentes mais dont le montant de la taxe dû (même taux et assiette) et le lieu des livraisons de biens ou des prestations de services auxquels le bon se rapporte sont déterminés dès son émission, constitue un bon à usage unique » (BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-50).

  • les bons à usage multiples : ils sont pour leur part définis de manière négative puisqu’il s’agit d’un bon autre qu’un bon à usage unique.

Plus particulièrement, concernant les bons à usage multiples, la Cour de justice de l’Union européenne a récemment précisé « qu’un instrument qui donne à son titulaire le droit de bénéficier de divers services à un endroit donné, pendant une période limitée et à concurrence d’un certain montant, peut constituer un « bon » [..] même si, en raison de la durée de validité limitée de cet instrument, un consommateur moyen ne saurait bénéficier de la totalité des services proposés. Ledit instrument constitue un « bon à usages multiples », […] dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces services n’est pas connue au moment de l’émission de celui-ci » (CJUE, 28 avril 2022, aff. C-637/20, DSAB Destination Stockholm AB N° Lexbase : A92787U8).

Ce régime des bons devrait trouver à s’appliquer sous réserve que les NFT comportent une obligation d’être acceptés comme contrepartie à la réalisation des opérations sous-jacentes et que le NFT ou sa documentation mentionne les livraisons de biens ou prestations de services concernées, ou les fournisseurs et prestataires potentiels.

Si la nature de l’opération (prestation de service ou livraison de bien), la territorialité, et le taux de TVA de l’opération sont connus lors de sa vente au client, le NFT devrait suivre le régime de TVA applicable aux bons à usage unique.

Dans cette situation, le régime TVA applicable est connu, chaque cession à titre onéreux du NFT par un assujetti sera réputé consister en la cession du bien sous-jacent ou à la prestation de service sous-jacente.

Comme le précise la doctrine administrative [2], « la remise matérielle des biens ou la prestation effective des services en échange d’un bon à usage unique accepté en contrepartie totale ou partielle par le fournisseur ou le prestataire n’est pas considérée comme une opération distincte de la vente du bon ».

Ces règles appliquées à des transactions successives sur des NFT pourraient donner lieu à des problématiques telles que celles d’immatriculation à la TVA des opérateurs en cas de ventes successives.

Si le NFT est assimilable à un bon à usage multiple, c’est-à-dire que la nature de l’opération (prestation de service ou livraison de bien, ou un ensemble d’opérations), la territorialité, le taux de TVA ne sont pas connus lors de sa cession par un assujetti à la TVA agissant en tant que tel, le régime de TVA devrait être le suivant :

  • lors de la vente du NFT par l’assujetti à son client : cette vente est considérée comme hors du champ d’application de la TVA puisqu’il n’existe aucun lien direct entre cette vente et la fourniture du service ou du bien sous-jacent à ce moment ;
  • lors de la réalisation de l’opération sous-jacente (c’est-à-dire au moment de la consommation du NFT) : cette opération sera soumise à la TVA au taux qui lui est propre et selon la règle d’exigibilité qui lui est propre.

En cas de la remise d’un bien, la TVA sera exigible selon le BOI « à la date de l’acceptation des bons par les fournisseurs dès lors qu'il peut être considéré que la livraison de ces biens est effectuée à l'instant où les bons sont repris en échange par les points de vente » (BOI-TVA-BASE-20-40).

Pour la réalisation d’une prestation de services, l’exigibilité de la TVA interviendra lors de la reprise du NFT assimilé à un bon par le prestataire (dès lors que c’est lui qui a émis le NFT).

La base d’imposition de la TVA sera constituée de la contrepartie payée en échange du NFT, c’est-à-dire aux sommes perçues par la société lors de la vente du chèque cadeau puisqu’elle est également l’émettrice du NFT.

B. Les NFT portant sur des opérations exclusivement numériques

Les NFT peuvent constituer le support d’un droit dans le monde numérique tel qu’une œuvre d’art numérique, le droit d’assister à un concert se déroulant exclusivement dans le métavers ou encore le droit de suivre un enseignement exclusivement virtuel par exemple (tel qu’un enseignement de techniques de médecine avec un casque de réalité virtuelle).

Dès lors que ces opérations sont réalisées avec une contrepartie et par un assujetti agissant en tant que tel, elles rentrent dans le champ d’application de la TVA.

Ces opérations sont d’ores et déjà appréhendées par la TVA puisque l’article 256, IV du CGI N° Lexbase : L5704MAI dispose que toutes les opérations ne pouvant pas être qualifiées de livraison de biens constituent des prestations de services. Ainsi, ces opérations ne pouvant pas être qualifiées de livraisons de biens, elles constituent nécessairement des prestations de services.

La cession d’un tel NFT suivra ainsi les règles de TVA applicables aux prestations de services.

S’agissant d’une prestation de service, les règles de territorialité et de redevabilité pourront être différentes selon que l’acquisition du NFT est faite par un assujetti à la TVA (opération dite B to B) ou qu’elle soit faite par un non-assujetti (opération dite B to C).

Il convient de s’interroger sur la question de savoir si le critère de l’utilisation effective pourrait créer des difficultés pratiques. En effet, dans le cadre de la vente d’un NFT donnant accès à des manifestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, ou encore de divertissement à un assujetti ou à un non assujetti, comment déterminer le lieu de taxation de l’opération ?

Devrait-on retenir le lieu où le serveur du métavers est situé ? Ou l’opération devrait-elle être réputée effectuée au lieu où l’acquéreur du NFT à son domicile ? Ou encore au lieu où le preneur « consomme » l’opération ?

Il nous semble d’ores et déjà que le lieu où le preneur « consomme » le droit à un tel accès pourrait donner lieu à des difficultés tant il semble difficile pour l’assujetti vendant le NFT d’être en mesure de déterminer ce lieu, à moins qu’il soit possible de déterminer de manière sécurisée ce lieu lors de la réalisation de la prestation de service ?

En pratique, on peut constater que la législation française appréhende d’ores et déjà ces opérations si elles peuvent être qualifiées de services fournis par voie électronique au sens de l’article 98 C de l’annexe III au CGI N° Lexbase : L8131LZ8 et sont réalisées dans le cadre de relations B to C. Dans cette situation, ces opérations ne se situeront pas dans le champ d’application territorial de la TVA française dès lors que le preneur non assujetti n’est pas domicilié en France.  

Si les opérations ne peuvent pas être qualifiées de services numériques au sens de l’article 98 C de l’annexe III au CGI, la Directive « taux » [3], qui n’a pas encore été transposée en droit français à ce jour, prévoit que l’opération sera réputée entrer dans le champ d’application territorial de la TVA du pays où le consommateur est établi.

II. Les « fongibles tokens »

A. Quelle qualification juridique des jetons fongibles ?

Contrairement aux NFT, les jetons fongibles constituent des actifs numériques indifférenciés et échangeables.

Il résulte des dispositions du code monétaire et financier qu’il existe deux types d’actifs numériques :

  • les jetons mentionnés à l'article L. 552-2 du CMF N° Lexbase : L7517LQH : c’est-à-dire « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ». Cela vise des biens proches de titres financiers sans en être réellement ;
  • les cryptomonnaies, c’est-à-dire « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

À cet égard, le rapport du député Pierre Person « Monnaies, banques et finance : vers une nouvelle ère crypto » distingue trois types de jetons de paiement :

  • les cryptomonnaies qui sont des actifs volatiles (tels que le Bitcoin ou l’ether par exemple) ;
  • le Stablecoin : adossé à une valeur telle que l’or, ou une monnaie ayant cours légal (le Dollar US ou l’euro par exemple) ;
  • les monnaies numériques de banques centrales : monnaie « traditionnelle » sous forme dématérialisée.

B. Quel régime TVA en cas d’opération relative à la cession ou l’acquisition de cryptomonnaies ?

L’article 261 C, d du CGI N° Lexbase : L6279LU4 prévoit que « les opérations, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux à l'exception des monnaies et billets de collection » sont exonérées de TVA.

L’administration fiscale a apporté des commentaires sur l’application de cette exonération de TVA au BOI-TVA-SECT-50-10-10. Elle a ainsi notamment précisé que bénéficient de l’exonération de TVA l’ensemble des opérations portant sur des monnaies ayant cours légal.

Pour autant, aucun commentaire dédié aux cryptomonnaies n’a été intégré dans ce BOFiP.

C’est dans le BOFIP relatif aux bons (BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-50) que l’administration a précisé que « au regard des règles applicables en matière de TVA, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 22 octobre 2015, affaire C-264/14, Hedqvist N° Lexbase : A8604NTT) applique aux actifs numériques contenant des unités de valeur non monétaire reconnus par les parties participant à l’opération comme un moyen de paiement acceptable tels que les « Bitcoins », le même régime que celui applicable aux moyens de paiement légaux. Partant, ce type d’actifs numériques ne peut être qualifié de bons au sens des dispositions de l'article 256 ter du CGI. Les opérations de change de devises traditionnelles contre ces actifs numériques et inversement, ainsi que les opérations de change entre ces actifs numériques sont exonérées de TVA en application du d du 1° de l'article 261 C du CGI ».

Autrement dit, il résulte de la jurisprudence de la CJUE et de la doctrine fiscale que l’exonération de TVA est applicable :

  • aux opérations de change de devises contre des actifs numériques contenant des unités de valeur non monétaire (et inversement) ;
  • aux opérations de change entre les actifs numériques définis à l’article L. 54-10-1 du CMF précédemment cité.

Les cryptoactifs laissent entendre l’introduction de nouvelles opérations dans un monde virtuel où la définition des règles fiscales semble trouble.

Cependant, et comme nous l’avons vu ci-dessus, nous pouvons constater que les règles actuelles en matière de TVA peuvent permettre d’appréhender une majorité d’opérations.

Une vigilance particulière devrait toutefois être portée aux opérations internationales, tant au regard des éventuels conflits de champ d’application territoriale des taxes indirectes qu’au regard des éventuels schémas de fraudes permettant d’échapper à l’impôt. Par exemple, les mécanismes permettant la taxation au lieu d’établissement du consommateur pourraient être contournés grâce à l’utilisation de VPN permettant de géolocaliser la taxation dans des pays à fiscalité plus avantageuse.

 

[1] Directive (UE) n° 2016/1065 du Conseil, 27 juin 2016, modifiant la Directive 2006/112/CE en ce qui concerne le traitement des bons N° Lexbase : L1346K9Q, transposée en France à compter du 1er janvier 2019 à l’article 256 ter du CGI.

[2] BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-50.

[3] Directive (UE) n° 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022, modifiant les Directives 2006/112/CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée N° Lexbase : L3527MCM, applicable à compter du 1er janvier 2025.

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Temps de travail

[Jurisprudence] Trop de contraintes tue l’astreinte

Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 21-14.178, FS-B+R N° Lexbase : A01038RA

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par Benjamin Desaint, Avocat Associé et Marius Buscarini, Avocat Counsel, cabinet Factorhy Avocats

Le 30 Novembre 2022

Mots-clés : astreinte • période d’astreinte • sujétions • contraintes • temps de travail effectif • temps de repos • CJUE • droit communautaire • délai d’intervention • vaquer • occupations personnelles

La période d’astreinte d’un salarié soumis à un court délai d'intervention et des contraintes d'une intensité telle qu'elles ont affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, doit être requalifiée en temps de travail effectif.

Retour sur un arrêt de la Cour de cassation relatif à une problématique chère au droit communautaire : la qualification des périodes d’astreintes en temps de travail effectif ou temps de repos.


Dans un arrêt du 26 octobre 2022 (Cass. soc, 26 octobre 2022, n° 21-14.178, FS-B+R N° Lexbase : A01038RA), faisant l’objet de la plus large publication possible et qui figurera à ce titre au prochain rapport de la Cour de cassation, la Haute juridiction adopte la méthodologie communautaire visant à déterminer si une période d’astreinte doit être considérée ou non comme du temps de travail effectif, « au regard des sujétions auxquelles le salarié était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier [...] ne pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles » [1].

I. Codification récente et jurisprudence abondante sur l’articulation entre temps de travail et temps de repos lors d’une astreinte

Pour rappel, il faut attendre la loi du 19 janvier 2000 [2], pour que le Code du travail traite réellement de la notion d’astreinte autrement que selon des dispositifs désuets et inutilisés [3].

Ainsi, l’article L. 3121-5 du Code du travail N° Lexbase : L6908K9Q, dans sa rédaction applicable à l’espèce, définissait l’astreinte comme « une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ».

Le législateur avait également précisé, aux termes de l’ancien article L. 3121-6 du Code du travail N° Lexbase : L0296H9T [4], qu’exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte devait être décomptée dans le repos quotidien, mettant ainsi un terme à la jurisprudence de la Haute juridiction selon laquelle la période d'astreinte ne pouvait être considérée comme un temps de repos [5]. Ces dispositions sont désormais reprises à l’article L. 3121-10 du Code du travail N° Lexbase : L6903K9K.

La loi « Travail » [6] est venue modifier la définition légale et d’ordre public de la période d’astreinte en supprimant l’obligation que le salarié soit situé à son domicile ou à proximité, « l’astreinte n’excluant pas que le salarié se déplace dès lors qu’il peut intervenir s’il est appelé » [7] afin de prendre en compte l’évolution des modes de travail et notamment des astreintes téléphoniques [8] tout en imposant une contrepartie aux périodes d’astreinte et une information des salariés de la programmation desdites périodes.

Ainsi, le Code du travail précise désormais que [9] :

« Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable ».

La période d’astreinte n’est donc pas du temps de travail effectif puisqu’elle ne répond pas aux conditions édictées par l’article L. 3121-1 du Code du travail N° Lexbase : L6912K9U pour être qualifiée comme tel, à savoir :

  • être à la disposition de son employeur ;
  • se conformer à ses directives ;
  • ne pas pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

La Cour de cassation ainsi que le Comité européen des droits sociaux (CEDS) et, bien entendu, le juge communautaire (CJUE) se sont rapidement saisis de ce sujet brûlant de la conciliation entre temps de travail effectif et période d’astreinte.

Ainsi, le CEDS estime de manière constante [10] que l’astreinte, telle que prévue par le législateur français, ne devrait pas être totalement assimilée à du repos [11] puisque l'obligation de rester à disposition de l'employeur, inhérente à l'astreinte, « empêche incontestablement le salarié de se consacrer à des activités relevant de son libre choix, programmées dans les limites du temps disponible avant la reprise du travail à un terme certain, et ne souffrant d'aucun aléa lié à l'exercice de l'activité salariée ou à la situation de dépendance qui en découle » de sorte que « l’absence de travail effectif, constatée a posteriori pour une période de temps dont le salarié n'a pas eu a priori la libre disposition, ne constitue dès lors pas un critère suffisant d'assimilation de cette période à une période de repos » [12].

La CJUE a, quant à elle, fait évoluer sa position puisque si les juges luxembourgeois distinguaient la période d’astreinte sur le lieu de travail qui devait s’analyser comme du temps de travail effectif alors que celle accomplie au lieu choisi par le salarié s’entendait comme du temps de repos, hormis, naturellement, les périodes d'intervention [13], ils ont progressivement fait évoluer leur jurisprudence à partir de 2018 [14].

Depuis trois arrêts rendus au cours de l’année 2021 [15], la CJUE estime désormais que « relève de la notion de « temps de travail », au sens de la Directive 2003/88/CE N° Lexbase : L5806DLM, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts ».

A contrario, « lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du « temps de travail », aux fins de l'application de la Directive 2003/88/CE » [16].

Les juges européens ont donc créé une grille de lecture « plus générale qui postule une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce prenant en considération les délais (délai pour se rendre sur le lieu d’intervention) et le cas échéant de la fréquence moyenne d’intervention ainsi que des contraintes imposées pendant ladite période » [17] pour qualifier cette période, de temps de repos ou de temps de travail effectif, étant rappelé que naturellement les temps d’intervention sont considérés comme du temps de travail effectif [18].

Dès lors, si les contraintes imposées par l'employeur affectent objectivement et significativement la faculté pour le salarié de gérer librement, au cours de la période d’astreinte, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts, l’astreinte doit être requalifiée en temps de travail effectif.

II. Appréciation in concreto des contraintes imposées à un salarié lors d’une période d’astreinte

Sous la pression de la CJUE, la Cour de cassation a donc appliqué cette méthodologie d’appréciation, in concreto des contraintes imposées à un salarié lors d’une période d’astreinte.

Néanmoins, il sera relevé qu’avant d'intégrer en droit interne, dans l’arrêt du 26 octobre 2022, le concept de « contrainte significative » issu de la jurisprudence communautaire, la Haute juridiction imposait aux cours d’appel d’analyser les « sujétions » auxquelles était soumis le salarié pendant une période d’astreinte [19] dans les litiges de demande de requalification d’une période d’astreinte en temps de travail effectif et donc de considérer que :

  • une cour d’appel avait privé sa décision de base légale « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le salarié supportait des sujétions particulières caractérisant l'impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles durant l'intégralité des semaines travaillées en-dehors d'un établissement ou était soumis à un régime d'astreinte » [20] ;
  • « ayant souverainement constaté que la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant les permanences de nuit, dans une chambre privative mise à disposition au sein de l'établissement, afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence, ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles et que les rondes, effectuées à sa seule initiative, étaient sans utilité démontrée et incombaient seulement au personnel présent durant la journée, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les termes du litige et n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que la période litigieuse ne constituait pas un temps de travail effectif » [21].

Désormais, les juridictions nationales sont appelées à analyser la présence ou non de contraintes significatives lors de la période d’astreinte.

Dans l’arrêt du 26 octobre 2022, un dépanneur autoroutier avait été engagé par un garage automobile pour assurer dans une équipe de trois ou quatre dépanneurs, notamment, une permanence visant à intervenir sur une portion délimitée d’autoroute ainsi qu’à la demande de compagnies d'assurance et d'assistance.

La cour d’appel d’Amiens avait relevé qu’au cours des périodes d’astreinte de 15 jours consécutifs, le salarié « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l’entreprise, en dehors des heures et jours d’ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention » et qu’il était à cette fin muni d’un téléphone et intervenait à la demande d’un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d’urgence et en avait conclu que « l’organisation telle qu’elle résulte des pièces et documents versés aux débats permet à la cour de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif ».

La Cour de cassation, se fondant sur les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du Code du travail (devenu l’article L. 3121-9) ainsi que sur la jurisprudence de la CJUE [22], censure cet arrêt et reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le salarié était soumis à des contraintes significatives pendant la période d'astreinte qui relèveraient de la notion de « temps de travail effectif », au sens de la Directive 2003/88, alors même que ce dernier « invoquait le court délai d'intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l'appel de l'usager ».

La Haute juridiction applique donc la méthodologie de la CJUE visant à déterminer si une période d’astreinte doit être considérée ou non comme du temps de travail effectif au regard notamment du principal indicateur de la présence d’une contrainte significative dégagé par les juges européens, à savoir, la brièveté du délai d’intervention.

Or, comme indiqué plus avant, le salarié devait se tenir « en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » conformément aux dispositions de la convention collective applicable.

Ainsi, l’espèce soumise à l’appréciation de la Cour de cassation semblait propice à dégager une position de principe tant les « contraintes significatives » pour le salarié étaient importantes, l’intervention devant intervenir « sans délai » à la suite d’une demande.

En effet, comme indiqué plus avant, la CJUE estime que la brièveté du délai d’intervention est la circonstance principale devant être prise en compte pour déterminer si une contrainte significative entrainant une impossibilité pour un salarié de vaquer librement à ses occupations doit être retenue.

Ce qui est le cas, pour la Cour de justice, lorsqu’un salarié doit :

  • être en mesure de rejoindre son lieu de travail dans un délai de 8 minutes [23] ;
  • être en mesure de rejoindre son lieu d’intervention dans un délai de 20 minutes [24].

Dans cette dernière espèce, la CJUE a d’ailleurs précisé que le juge national, pour distinguer l'astreinte d’un temps de travail effectif, doit procéder à « une appréciation concrète, qui tienne compte, le cas échéant, des autres contraintes qui sont imposées au travailleur, tout comme des facilités qui lui sont accordées, au cours de sa période de garde ».

Or, à date, la CJUE estime que deux autres circonstances doivent être prises en compte, de manière subsidiaire, par le juge à l’occasion de son analyse in concreto :

  • l'obligation faite au salarié de ne pas quitter son domicile ou un lieu déterminé durant la période d'astreinte [25] ;
  • la fréquence très importante des interventions lors de la période d'astreinte si elle « fait peser, de façon récurrente, une charge psychologique [...] sur le salarié » et « qu'il peut devenir, en pratique, très difficile, pour ce dernier, de se soustraire pleinement à son environnement de travail pendant un nombre suffisant d'heures consécutives » [26].

On peut donc regretter que la Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, n’ait pas évoqué ces deux circonstances afin de figer une position de principe au regard la jurisprudence de la Cour de justice et notamment celle relative à la fréquence des interventions puisque, dans l’espèce soumise à la sagacité des juges de la Cour de cassation, le salarié « travaillait du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14h à 17h30 avec tous les 15 jours une période d'astreinte de 15 jours consécutifs » [27], de sorte qu’il est aisé d’imaginer que la fréquence et les périodes d’astreinte aient pu faire peser « de façon récurrente, une charge psychologique [...] sur le salarié ».

III. Points de vigilances lors de la mise en place de l’astreinte

Cet arrêt [28] doit appeler une vigilance accrue des employeurs lors de la mise en place d’astreintes.

Ainsi, que l’astreinte soit mise en place par « une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche » [29] ou « à défaut d'accord […] par l'employeur, après avis du comité social et économique, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail » [30], il nous apparait nécessaire, afin de sécuriser le recours à l’astreinte, que le salarié puisse vaquer librement à ses occupations en limitant les « contraintes significatives ».

Pour se faire, à notre sens, dans le cadre d’une période d’astreinte, un salarié ne doit pas se voir imposer :

  • une réponse immédiate lors du déclenchement de l’astreinte mais, par exemple, un délai dans lequel ce dernier devra répondre au déclenchement de l’astreinte ;
  • un délai d’intervention immédiat ou trop bref, mais par exemple, une obligation d’intervenir dans un délai raisonnable qui pourrait se situer, a minima, autour de 45 minutes à une heure après le déclenchement, permettant ainsi au salarié de vaquer librement à ses occupations pendant la période d’astreinte ;
  • une période d’astreinte trop longue et récurrente, c’est-à-dire limiter, au maximum, à une semaine par mois ou tous les deux mois ;
  • une obligation d’exécuter ses astreintes depuis un lieu déterminé et plus précisément depuis son domicile ou à proximité immédiate de ce dernier, notamment puisque le législateur ne l’impose plus depuis la loi « Travail » [31].

Par ailleurs, il nous apparait indispensable de traiter la problématique de l’éventuel temps de trajet jusqu’au lieu d’intervention puisque la loi est muette quant à sa qualification en tant que temps de repos ou temps de travail effectif.

En effet, s’il est acquis que le trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel n’est pas du temps de travail effectif [32], il en va autrement du même trajet imposé dans le cadre d’une astreinte, puisque le salarié est « tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles » [33].

Dès lors, sous l’empire de l’ancien article L. 3121-5 du Code du travail qui prévoyait une obligation pour le salarié de « demeurer à son domicile ou à proximité » [34], la Cour de cassation avait adopté une position de principe considérant que « le temps de déplacement accompli lors de périodes d'astreintes fait partie intégrante de l'intervention et constitue un temps de travail effectif » [35].

Cette obligation ayant été supprimée par le législateur [36], un débat pourrait exister sur la qualification de temps de travail effectif pour le temps de trajet notamment lorsque la branche de l’entreprise ayant mis en place des périodes d’astreintes ne traite pas cette problématique laissant donc les partenaires sociaux, en cas de mise en œuvre résultant d’un accord collectif, ou l’employeur, à défaut d’accord, libres « d’indiquer si ce temps de trajet doit être comptabilisé ou non dans le temps de travail effectif » [37].

Enfin, de manière constante et quelque soit le mode de mise en place de l’astreinte, il sera nécessaire de prévoir [38] :

  • « une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos » à la période d’astreinte ;
  • les modalités et le « délai raisonnable » de prévenance des salariés concernés de leur programmation individuelle ;
  • le mode d’organisation des astreintes, à savoir, les salariés/services concernés, les modalités d’intervention, les modalités de programmation, etc. ;
  • la remise en fin de mois à chaque salarié ayant effectué une astreinte, d’un « document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte accomplies par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante » [39] ;
  • l’incidence du temps d’intervention pendant une astreinte sur le temps de repos des salariés et donc des limites permettant de garantir des temps de repos quotidiens, hebdomadaires ainsi que des durées maximales conforment aux dispositions du Code du travail en la matière [40].

À défaut de respect de ces préconisations, et au regard de l’arrêt du 26 octobre 2022 rendu par la Cour de cassation, il pourrait y avoir une recrudescence des demandes de requalification des périodes d’astreintes en temps de travail effectif, lesquelles emportent généralement des conséquences financières significatives pour les entreprises lorsqu’elles sont accueillies par les juridictions.


[1] CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19 N° Lexbase : A55804KU.

[2] Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3.

[3] C. trav., art. L. 212-2 N° Lexbase : L5838AC9.

[4] Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi N° Lexbase : L0300A9Y, dite loi « Fillon ».

[5] Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-18.452, publié N° Lexbase : A0986AZK.

[6] Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels N° Lexbase : L8436K9C.

[7] F. Morel, Durée et aménagement du temps de travail, Revue Fiduciaire, 2021, 9ème édition, p. 107.

[8] Cass. soc., 2 mars 2016, n° 14-14.919, F-D N° Lexbase : A0734QYT.

[9] C. trav., art. L. 3121-9 N° Lexbase : L6904K9L.

[10] CEDS, 23 juin 2010, réclamation n° 55/2009, CGT c/ France ; CEDS, 12 octobre 2004, réclamation n° 16/2003, CFE-CGC c/ France ; CEDS, 8 décembre 2004, réclamation n° 22/2003, CGT c/ France ; CEDS, 23 juin 2010, réclamation n° 55/2009, CGT c/ France ; CEDS, 23 juin 2010, réclamation n° 56/2009, CFE-CGC c/ France

[11] CEDS, 10 novembre 2021, réclamation n° 149/2017.

[12] CEDS, 8 décembre 2004, réclamation n° 22/2003, CGT c/ France 

[13] CJCE, 3 octobre 2004, aff. C-303/98 N° Lexbase : A1598ATD ; CJCE, 9 septembre 2003, aff. C-151/02, Landeshauptstadt Kiel c/ Jaeger N° Lexbase : A5273C98 ; CJUE, 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Dellas et a. c/ France N° Lexbase : A7836DLS.

[14] CJUE, 21 février 2018, aff. C-518/15, Matzak N° Lexbase : A9558XDD.

[15] CJUE, 9 mars 2021, aff. C-580/19, Stadt Offenbach am Main N° Lexbase : A55794KT ; CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19, Radiotelevizija Slovenija N° Lexbase : A55804KU ; CJUE, 11 novembre 2021, aff. C-214/20, Dublin City Council N° Lexbase : A76017B7.

[16] CJUE, 11 novembre 2021, aff. C-214/20, Dublin City Council N° Lexbase : A76017B7.

[17] M. Morand, Travailler effectivement pendant le temps d’inaction, SSL, n° 1974, p. 11.

[18] C. trav., art. L. 3121-9 N° Lexbase : L6904K9L.

[19] Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 18-21.792, F-D N° Lexbase : A56093QS ; Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-23.367, F-D N° Lexbase : A61304HI ; Cass. soc., 13 octobre 2021, n° 20-16.048, F-D N° Lexbase : A329049Q.

[20] Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 19-26.331, F-D N° Lexbase : A911944I.

[21] Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 18-21.792, F-D N° Lexbase : A56093QS.

[22] CJUE, 9 mars 2021, aff. C-580/19 N° Lexbase : A55804KU.

[23] CJUE, 21 février 2018, aff. C-518/15, préc..

[24] CJUE, 9 mars 2021, aff. C-580/19, préc..

[25] CJUE, 21 février 2018, aff. C-518/15, préc..

[26] CJUE, 9 mars 2021, aff. C-580/19, préc..

[27] CA Amiens, 27 janvier 2021, n° 17/04294 N° Lexbase : A72894DC.

[28] Cass. soc., 26 octobre 2022, n°21-14.178, FS-B+R N° Lexbase : A01038RA.

[29] C. trav., art. L. 3121-11 N° Lexbase : L6902K9I.

[30] C. trav., art. L. 3121-12 N° Lexbase : L8666LG3.

[31] Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels N° Lexbase : L8436K9C.

[32] C. trav., art. L. 3121-4 N° Lexbase : L6909K9R.

[33] Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.367, inédit N° Lexbase : A4839DBT.

[34] C. trav., anc., art. L. 3121-5 N° Lexbase : L0295H9S.

[35] Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.834, FS-P+B+R N° Lexbase : A2446DZM.

[36] Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, préc..

[37] F. Morel, Durée et aménagement du temps de travail, Revue Fiduciaire, 2021, 9ème édition, p. 112.

[38] C. trav., art. L. 3121-9 N° Lexbase : L6904K9L.

[39] C. trav., art. R. 3121-2 N° Lexbase : L5505LBI.

[40] C. trav., art. L. 3131-1 N° Lexbase : L6963K9R et L. 3132-2 N° Lexbase : L0456H9R.

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Temps de travail

[Brèves] Salariés itinérants et temps de travail effectif : revirement de jurisprudence

Réf. : Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 20-21.924, FP-B+R N° Lexbase : A10708U8

Lecture: 3 min

N3417BZL

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par Lisa Poinsot

Le 30 Novembre 2022

► Lorsque le parcours de sa tournée commerciale est défini par son employeur, le temps de travail d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile doit être pris en compte pour le paiement de son salaire et dans le décompte de ses heures supplémentaires.

Faits et procédure. Un salarié, engagé en qualité d’attaché commercial, saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il est licencié avant le prononcé de la décision de justice.

La cour d’appel relève que le salarié doit, en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par son employeur, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens.

En outre, le salarié ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l’entreprise répartis sur sept départements du Grand Ouest éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pouvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées.

Les juges du fond en déduisent que, pendant le temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premiers et derniers clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se confirmer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

En conséquence, la cour d’appel condamne l’employeur à payer au salarié un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de début et de fin de journée professionnelle.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif et n’ouvre droit qu’à une contrepartie financière ou en repos s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en interprétant l’article L. 3121-1 N° Lexbase : L6912K9U et l’article L. 3121-4 N° Lexbase : L6909K9R du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C à la lumière de la Directive n° 2003/88/CE, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail N° Lexbase : L5806DLM, et de la jurisprudence européenne (CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19 N° Lexbase : A55804KU).

En pratique, pour savoir si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif, il faut que :

  • le salarié itinérant soit obligé de se tenir à la disposition de l’employeur (en l’espèce, pendant les temps de travail, le salarié utilisait un téléphone professionnel et un kit main libre dans un véhicule mis à la disposition par son employeur pour prendre des rendez-vous professionnels) ;
  • le salarié itinérant soit obligé de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (en l’espèce, le salarié n’avait pas de lieu de travail habituel et devait effectuer un parcours de visites programmé sur un secteur géographique très étendu).

Si ces contraintes existent, alors le temps de travail doit être pris en compte, notamment, au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées.

Pour aller plus loin :

  • lire le communiqué de presse ;
  • v. pour la jurisprudence antérieure sur le sujet : ÉTUDE : Le temps de travail effectif et le décompte, Le temps de trajet domicile-lieu de travail inhabituel, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0293ETZ.

 

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Urbanisme

[Brèves] Projet de construction comportant des éléments en surplomb du domaine public : l'accord du gestionnaire pour engager la procédure d'AOT doit figurer dans le dossier de demande de PC !

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 23 novembre 2022, n° 450008, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23208UH

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par Yann Le Foll

Le 30 Novembre 2022

► Il résulte de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L8483IC8 que, lorsqu'un projet de construction comprend des éléments en surplomb du domaine public, le dossier de demande de permis de construire doit comporter une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire (AOT) de ce domaine.

Rappel. Aux termes de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme : « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public » (voir pour l’office du juge en cas de contestation de la qualité de pétitionnaire habilité à déposer une demande de PC incluant des aménagements sur le domaine public, CE, 1°-4° ch. réunies, 23 novembre 2022, n° 449443, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23178UD).

Position TA. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que les balcons en surplomb du domaine public prévus par le projet (de construction d'un immeuble collectif comprenant six logements et deux cellules commerciales après démolition d'un bâtiment) n'avaient pas pour effet de compromettre l'affectation au public du trottoir qu'ils surplombent et n'excédaient pas, compte tenu de la faiblesse du débord et de l'élévation par rapport au sol, le droit d'usage appartenant à tous.

Décision CE. En recherchant ainsi, non pas si le dossier de demande comportait la pièce qui était requise par l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme dès lors que le projet portait sur une dépendance du domaine public, mais si ce projet pourrait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique, le tribunal a commis une erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le dossier de demande de permis de construire, L'immeuble situé sur le domaine public, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4707E7H.

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