La lettre juridique n°700 du 1 juin 2017

La lettre juridique - Édition n°700

Assurances

[Brèves] Assurance emprunteur : réaffirmation par la Cour de cassation de l'absence de faculté de résiliation annuelle antérieurement à sa consécration législative

Réf. : Cass. civ. 1, 24 mai 2017, n° 15-27.127, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6633WDZ)

Lecture: 2 min

N8536BW3

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 02 Juin 2017

L'article L. 113-12 du Code des assurances (N° Lexbase : L0070AAT) prévoit, au profit tant de l'assuré que de l'assureur, le droit de résilier le contrat d'assurance au moins deux mois avant la date d'échéance annuelle ; en vertu de l'article L. 312-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (N° Lexbase : L6771ABE) et dans celle issue de cette loi (N° Lexbase : L6658IMK), ce droit ne leur est pas ouvert dans le cas d'un contrat d'assurance de groupe garantissant le remboursement total ou partiel du montant d'un prêt immobilier restant dû, ce contrat étant souscrit pour la durée de l'emprunt et ne comportant pas d'échéance annuelle. En l'état de ces textes, la reconnaissance, au bénéfice de l'emprunteur, d'une faculté de résiliation annuelle du contrat d'assurance conduirait, à défaut de l'accord du prêteur sur le nouveau contrat d'assurance offert en garantie, à la résiliation du contrat de prêt consenti sous la condition de l'octroi et du maintien d'une assurance agréée par le prêteur, une telle résiliation pouvant imposer à l'emprunteur de vendre l'immeuble financé afin de désintéresser le créancier ; à supposer même le maintien du contrat de prêt, sa nécessaire modification serait rendue incertaine en raison de l'absence de dispositions légales applicables au litige, régissant les effets d'une résiliation par l'emprunteur de son adhésion au contrat d'assurance de groupe. Telles sont les précisions apportées par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 mai 2017 (Cass. civ. 1, 24 mai 2017, n° 15-27.127, FS-P+B+I N° Lexbase : A6633WDZ ; dans le même sens : Cass. civ. 1, 9 mars 2016, n° 15-18.899, FS-P+B+I N° Lexbase : A4000QYS ; rappelons que la faculté de résiliation annuelle de l'assurance emprunteur a, dépuis, été consacrée par loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (N° Lexbase : L7504IZX), et que la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 (N° Lexbase : L9754LCA) a organisé cette résiliation et la possibilité de substituer un contrat ; cf. les obs. de D. Krajeski, in chron., Lexbase, éd. priv., n° 693, 2017 N° Lexbase : N7358BWG).

En l'espèce, en 2007 et 2010, Mme W. avait conclu avec une banque deux contrats de prêt immobilier, garantis par un contrat d'assurance de groupe souscrit par celle-ci. En 2012, elle avait demandé à la banque de substituer au contrat d'assurance de groupe celui souscrit par elle auprès d'une autre société d'assurance. S'étant heurtée à un refus, elle avait assigné la banque et l'assureur aux fins de voir constater la résiliation de son adhésion au contrat d'assurance de groupe et de l'indemniser des conséquences d'un refus abusif. Pour accueillir la dernière de ces demandes, la cour d'appel avait énoncé que l'emprunteur peut, sur le fondement de l'article L. 113-12 du Code des assurances, résilier son adhésion au contrat d'assurance de groupe, nonobstant le désaccord du prêteur. La décision est censurée par la Cour suprême qui énonce la solution précitée.

newsid:458536

Avocats/Déontologie

[Brèves] QPC sur la discipline des avocats : non lieu à statuer

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-630 QPC, 19 mai 2017 (N° Lexbase : A4791WDS)

Lecture: 1 min

N8418BWP

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 01 Juin 2017


Saisi de la question de la conformité à la Constitution des dispositions renvoyant à des décrets la fixation des règles de la procédure et des sanctions disciplinaires des avocats (Cass. QPC, 1er mars 2017, n° 16-40.278, F-D N° Lexbase : A0007TS3 et lire N° Lexbase : N7225BWI), le Conseil constitutionnel a dit n'y avoir lieu à statuer (Cons. const., décision n° 2017-630 QPC, 19 mai 2017 N° Lexbase : A4791WDS).

Etait en cause le 2° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, relatif à la profession d'avocat, dont les dispositions renvoient à des décrets en Conseil d'Etat le soin de fixer les règles de procédure disciplinaire ainsi que les sanctions encourues par les avocats en cas d'infraction aux règles disciplinaires. La question avait déjà été examinée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2011 (Cons. const., 29 septembre 2011, n° 2011-171/178 QPC N° Lexbase : A1170HYY). Le demandeur soutenait cependant qu'une décision postérieure du Conseil constitutionnel (Cons. const., n° 2014-385 QPC, 28 mars 2014 N° Lexbase : A9892MHT), rendue sur la question de la discipline des notaires, présentait les caractéristiques d'un changement de circonstances justifiant le réexamen de la question.
Dans sa décision du 19 mai 2017, le Conseil constitutionnel considère qu'il n'y a pas eu de changement de circonstances justifiant le réexamen de la question. En effet, dans sa décision du 28 mars 2014, il n'a fait que rappeler que le principe de légalité de la peine devait être respecté en toutes circonstances (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9180ET8).

newsid:458418

Avocats/Procédure

[Brèves] Refus de délivrance d'un boîtier RPVA à un avocat inscrit à un barreau d'un autre Etat membre : mesure discriminatoire

Réf. : CJUE, 18 mai 2017, aff. C-99/16 (N° Lexbase : A1693WD3)

Lecture: 2 min

N8401BW3

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 01 Juin 2017


Le refus de délivrance d'un boîtier RPVA, émis par les autorités compétentes à l'encontre d'un avocat dûment inscrit à un barreau d'un autre Etat membre, au seul motif que cet avocat n'est pas inscrit à un barreau du premier Etat membre dans lequel il souhaite exercer sa profession en qualité de libre prestataire de services dans les cas où l'obligation d'agir de concert avec un autre avocat n'est pas imposée par la loi, constitue une restriction à la libre prestation de services. Dès lors, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si un tel refus, au regard du contexte dans lequel il est opposé, répond véritablement aux objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice susceptibles de le justifier et si les restrictions qui s'ensuivent n'apparaissent pas disproportionnées par rapport à ces objectifs. Telle est la solution dégagée par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt rendu le 18 mai 2017 (CJUE, 18 mai 2017, aff. C-99/16 N° Lexbase : A1693WD3).

Le TGI Lyon avait, le 15 février 2017, posé une question préjudicielle (TGI référé, 15 février 2016, n° 15/02277 N° Lexbase : A4972RPT et lire N° Lexbase : N2940BWS) portant sur l'interprétation de l'article 4 de la Directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (N° Lexbase : L9275AU3). Cette demande avait été présentée dans le cadre d'une assignation en référé de l'Ordre des avocats du barreau de Lyon, du Conseil national des barreaux et du Conseil des barreaux européens ainsi que de l'Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, introduite par Me X et tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Ordre des avocats du barreau de Lyon de lui délivrer, en tant que prestataire de services transfrontaliers, le boîtier de raccordement au réseau privé virtuel des avocats.

Dans son arrêt, la Cour retient que le refus de délivrance du boîtier RPVA aux avocats non inscrits auprès d'un barreau français est de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l'exercice par ceux-ci de la libre prestation de services. Partant, le refus de délivrance du boîtier RPVA aux avocats non inscrits auprès d'un barreau français constitue une restriction à la libre prestation de services. Toutefois, compte tenu de la nature particulière des prestations de services de la part de personnes non établies dans l'Etat membre sur le territoire duquel la prestation doit être fournie, ne saurait être considérée comme contraire aux articles 56 et 57 TFUE l'exigence, en ce qui concerne les avocats, que l'intéressé appartienne à un barreau local afin d'accéder au service de dématérialisation des procédures pour autant que cette exigence est objectivement nécessaire afin de protéger l'intérêt général lié, notamment, au bon fonctionnement de la justice (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0381EUN).

newsid:458401

Avocats/Publicité

[Jurisprudence] La notation et la comparaison des avocats

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mai 2017, n° 16-13.669, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4627WCD)

Lecture: 6 min

N8453BWY

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par Virginie Bensoussan-Brulé, Avocat au barreau de Paris, Directeur du pôle contentieux numérique, Alain Bensoussan-avocats

Le 25 Octobre 2017

Les sites de notation et de comparaison ne cessent de se développer et les avocats ne sont pas épargnés. C'est, en effet, sur la délicate question de l'existence de sites de notation et de comparaison des avocats qu'a dû se prononcer la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mai 2017. Les faits de l'espèce sont les suivants : la société Jurisystem a créé en 2012 le site avocat.net, devenu alexia.fr, se présentant comme le "comparateur d'avocats n° 1 en France", pour mettre en relation des particuliers avec des avocats inscrits sur le site.

Le Conseil national des barreaux (CNB) avait assigné la société Jurisystem en interdiction de telles pratiques portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession parce qu'il considérait qu'en exploitant son site, la société :

- faisait un usage prohibé du titre d'avocat pour proposer des services juridiques ;

- accomplissait des actes de démarchage interdits ;

- se livrait à des pratiques trompeuses ;

- contrevenait aux règles de la profession prohibant toute mention publicitaire comparative, ainsi que la rémunération de l'apport d'affaires et le partage d'honoraires.

Par arrêt du 18 décembre 2015, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 18 décembre 2015, n° 15/03732 N° Lexbase : A7083NZD) avait considéré que la société Jurisystem proposait un comparateur des avocats référencés "en dépit des règles déontologiques prohibant toute mention comparative et qu'elle a mis en place sur son site une notation des avocats contraire à leur déontologie".

Elle avait alors, entre autres, interdit à la société Jurisystem de procéder et d'établir des sites de comparaison et de notation d'avocats.

Un pourvoi a été formé et la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu en appel au visa de l'article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 (N° Lexbase : L6025IGA), ensemble l'article L. 121-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2457IBM), dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR) aux motifs que : "si l'article 15, alinéa 1er, du décret susvisé interdit à tout avocat d'intégrer, à l'occasion d'opérations de publicité ou de sollicitation personnalisée, tout élément comparatif ou dénigrant, cette restriction a pour objectif d'assurer le respect des règles professionnelles visant à l'indépendance, la dignité et l'intégrité de la profession d'avocat ; que les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de cette profession, et qu'il leur appartient seulement, dans leurs activités propres, de délivrer au consommateur une information claire et transparente".

Par cet arrêt, la Cour de cassation autorise donc la comparaison et la notation des avocats sur des sites internet tenus par des tiers en précisant, toutefois, que ces sites devront délivrer au consommateur "une information loyale, claire et transparente".

I - Quelques précisions sur la notion d'e-réputation

A - La notion d'e-réputation

L'e-réputation des avocats correspond à l'image que les internautes peuvent se faire des avocats à partir des informations trouvées notamment sur internet et sur les réseaux sociaux.

Cette e-réputation peut être construite à partir des éléments donnés sur les sites spécifiques de comparaison et de notation des avocats, tel que celui ayant donné lieu à l'arrêt commenté.

Le site avocat.net, devenu alexia.fr, a été créé spécifiquement pour comparer et noter les avocats inscrits sur le site et permettre aux justiciables de laisser des commentaires. Il propose un forum de discussions gratuit portant sur des sujets juridiques et une plateforme d'intermédiation entre des particuliers qui cherchent des conseils juridiques et des avocats qui se sont préalablement inscrits sur cette plateforme (1).

Toutefois, la société Jurisystem ne répond à aucune question juridique et ne peut pas réaliser de consultation juridique.

Ces sites se sont développés (avostart.fr, mon-avocat.fr, etc.), de la même façon que ceux en matière de restauration ou d'hôtellerie.

B - Les enjeux de l'e-réputation

Face au développement de ces sites, l'e-réputation est devenue un véritable enjeu pour les avocats qui doivent la maîtriser et la protéger.

En effet, l'e-réputation est un outil essentiel puisque les démarches physiques s'accompagnent nécessairement d'une démarche numérique (recherches d'avis et de notation, mise en perspective avec d'autres avocats).

Par ailleurs, une protection de l'image des avocats sur internet est nécessaire puisque tout ce qui est posté sur les réseaux sociaux et internet reste sur le Web, dans la mesure où sa mémoire et les capacités d'y poster des données accessibles à tous sont virtuellement infinies.

La question de l'e-réputation des avocats se pose d'une manière particulière puisqu'une prestation immatérielle ne saurait être notée comme un restaurant ou un hôtel ; les internautes ne publient généralement, par ailleurs, un avis que lorsqu'ils sont mécontents d'un produit ou d'un service et rarement dans le cas contraire.

Le CNB a, en outre, considéré, à la fin de son avis déontologique du 18 mai 2015 (2), que le droit n'est "pas assimilable à une banale activité de prestation de service".

B - Une révolution pour l'e-réputation des avocats

1 - L'apport de l'arrêt du 11 mai 2017

La cour d'appel de Paris s'était fondée sur l'article 10.2 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8) pour estimer que toute mention comparative entre avocats était interdite. Cette interdiction avait été étendue à la notation des avocats comme étant contraire aux principes de délicatesse, de modération et de courtoisie.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt et a apporté une interprétation différente sur l'application des règles déontologiques.

L'article 15, alinéa 1er, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 dispose : "la publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant".

La Cour de cassation prend appui sur cet article pour préciser, contrairement à la cour d'appel, qu'il ne s'applique qu'entre avocats et que les tiers ne peuvent être soumis aux règles déontologiques.

Cet arrêt est rendu dans un contexte particulier car la loi "Hamon" autorise la publicité et la sollicitation personnalisée (3) alors que celles-ci avaient longtemps été interdites.

Ces sites vont sans aucun doute se développer mais ne pourront pas être tenus par des avocats puisqu'ils sont soumis aux règles déontologiques prohibant "tout élément comparatif ou dénigrant" en vertu de l'article 10.2 du RIN.

Les tiers seront tenus, par ailleurs, de délivrer au consommateur "une information loyale, claire et transparente".

2 - Une révolution bienvenue mais qui a des limites

L'existence de sites de notation et de comparaison des avocats peut permettre de résoudre en partie le problème d'accès aux avocats. En effet, une grande partie des avocats n'a pas de visibilité sur internet, ce qui ne permet pas aux justiciables de prendre connaissance de leurs compétences et de leurs honoraires.

Grâce à ces sites, les justiciables peuvent être mis en relation avec des avocats spécialement compétents pour une demande juridique spécifique.

Néanmoins, le risque de dépendance des avocats à ces plateformes est patent ; à mesure que ces sites vont se développer, les avocats vont de facto être contraints de s'y inscrire.

Concernant les commentaires de clients sur les sites des avocats, le CNB, dans son avis précité, a considéré que :

- les commentaires laudatifs de clients sont constitutifs de publicité pour les avocats ;

- les commentaires ou témoignages de clients en ligne posent déjà le problème du risque des faux avis ;

- la publicité de l'avocat n'est permise que si elle procure une information au public.

Le CNB conclut son avis en précisant que :

- l'avocat est auxiliaire de justice et doit alors faire preuve de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence, ainsi que de dignité, d'indépendance et de délicatesse ;

- le droit n'est "pas assimilable à une banale activité de prestation de service" (4) donc son exercice par l'avocat ne doit pas être pratiqué comme un commerce.

Aussi, ces sites doivent être suffisamment encadrés et contrôlés pour vérifier la provenance des commentaires pour faire face au risque des faux avis.

Par conséquent, l'arrêt rendu par la Cour de cassation est une véritable révolution en ce qui concerne l'e-réputation des avocats et va entraîner, selon nous, un développement de ces sites pouvant faire craindre que les prestations réalisées par les avocats soient considérées comme de classiques prestations de services, contrairement à l'avis déontologique du CNB.


(1) Conditions générales d'utilisation Alexia.fr.
(2) CNB, avis déontologique n° 2015-019 du 18 mai 2015.
(3) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX).
(4) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 septembre 2013, n° 10/25413 (N° Lexbase : A2930KL4).

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[Jurisprudence] La notation et la comparaison des avocats

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mai 2017, n° 16-13.669, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4627WCD)

Lecture: 6 min

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par Virginie Bensoussan-Brulé, Avocat au barreau de Paris, Directeur du pôle contentieux numérique, Alain Bensoussan-avocats

Le 25 Octobre 2017

Les sites de notation et de comparaison ne cessent de se développer et les avocats ne sont pas épargnés. C'est, en effet, sur la délicate question de l'existence de sites de notation et de comparaison des avocats qu'a dû se prononcer la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mai 2017. Les faits de l'espèce sont les suivants : la société Jurisystem a créé en 2012 le site avocat.net, devenu alexia.fr, se présentant comme le "comparateur d'avocats n° 1 en France", pour mettre en relation des particuliers avec des avocats inscrits sur le site.

Le Conseil national des barreaux (CNB) avait assigné la société Jurisystem en interdiction de telles pratiques portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession parce qu'il considérait qu'en exploitant son site, la société :

- faisait un usage prohibé du titre d'avocat pour proposer des services juridiques ;

- accomplissait des actes de démarchage interdits ;

- se livrait à des pratiques trompeuses ;

- contrevenait aux règles de la profession prohibant toute mention publicitaire comparative, ainsi que la rémunération de l'apport d'affaires et le partage d'honoraires.

Par arrêt du 18 décembre 2015, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 18 décembre 2015, n° 15/03732 N° Lexbase : A7083NZD) avait considéré que la société Jurisystem proposait un comparateur des avocats référencés "en dépit des règles déontologiques prohibant toute mention comparative et qu'elle a mis en place sur son site une notation des avocats contraire à leur déontologie".

Elle avait alors, entre autres, interdit à la société Jurisystem de procéder et d'établir des sites de comparaison et de notation d'avocats.

Un pourvoi a été formé et la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu en appel au visa de l'article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 (N° Lexbase : L6025IGA), ensemble l'article L. 121-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2457IBM), dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR) aux motifs que : "si l'article 15, alinéa 1er, du décret susvisé interdit à tout avocat d'intégrer, à l'occasion d'opérations de publicité ou de sollicitation personnalisée, tout élément comparatif ou dénigrant, cette restriction a pour objectif d'assurer le respect des règles professionnelles visant à l'indépendance, la dignité et l'intégrité de la profession d'avocat ; que les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de cette profession, et qu'il leur appartient seulement, dans leurs activités propres, de délivrer au consommateur une information claire et transparente".

Par cet arrêt, la Cour de cassation autorise donc la comparaison et la notation des avocats sur des sites internet tenus par des tiers en précisant, toutefois, que ces sites devront délivrer au consommateur "une information loyale, claire et transparente".

I - Quelques précisions sur la notion d'e-réputation

A - La notion d'e-réputation

L'e-réputation des avocats correspond à l'image que les internautes peuvent se faire des avocats à partir des informations trouvées notamment sur internet et sur les réseaux sociaux.

Cette e-réputation peut être construite à partir des éléments donnés sur les sites spécifiques de comparaison et de notation des avocats, tel que celui ayant donné lieu à l'arrêt commenté.

Le site avocat.net, devenu alexia.fr, a été créé spécifiquement pour comparer et noter les avocats inscrits sur le site et permettre aux justiciables de laisser des commentaires. Il propose un forum de discussions gratuit portant sur des sujets juridiques et une plateforme d'intermédiation entre des particuliers qui cherchent des conseils juridiques et des avocats qui se sont préalablement inscrits sur cette plateforme (1).

Toutefois, la société Jurisystem ne répond à aucune question juridique et ne peut pas réaliser de consultation juridique.

Ces sites se sont développés (avostart.fr, mon-avocat.fr, etc.), de la même façon que ceux en matière de restauration ou d'hôtellerie.

B - Les enjeux de l'e-réputation

Face au développement de ces sites, l'e-réputation est devenue un véritable enjeu pour les avocats qui doivent la maîtriser et la protéger.

En effet, l'e-réputation est un outil essentiel puisque les démarches physiques s'accompagnent nécessairement d'une démarche numérique (recherches d'avis et de notation, mise en perspective avec d'autres avocats).

Par ailleurs, une protection de l'image des avocats sur internet est nécessaire puisque tout ce qui est posté sur les réseaux sociaux et internet reste sur le Web, dans la mesure où sa mémoire et les capacités d'y poster des données accessibles à tous sont virtuellement infinies.

La question de l'e-réputation des avocats se pose d'une manière particulière puisqu'une prestation immatérielle ne saurait être notée comme un restaurant ou un hôtel ; les internautes ne publient généralement, par ailleurs, un avis que lorsqu'ils sont mécontents d'un produit ou d'un service et rarement dans le cas contraire.

Le CNB a, en outre, considéré, à la fin de son avis déontologique du 18 mai 2015 (2), que le droit n'est "pas assimilable à une banale activité de prestation de service".

B - Une révolution pour l'e-réputation des avocats

1 - L'apport de l'arrêt du 11 mai 2017

La cour d'appel de Paris s'était fondée sur l'article 10.2 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8) pour estimer que toute mention comparative entre avocats était interdite. Cette interdiction avait été étendue à la notation des avocats comme étant contraire aux principes de délicatesse, de modération et de courtoisie.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt et a apporté une interprétation différente sur l'application des règles déontologiques.

L'article 15, alinéa 1er, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 dispose : "la publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant".

La Cour de cassation prend appui sur cet article pour préciser, contrairement à la cour d'appel, qu'il ne s'applique qu'entre avocats et que les tiers ne peuvent être soumis aux règles déontologiques.

Cet arrêt est rendu dans un contexte particulier car la loi "Hamon" autorise la publicité et la sollicitation personnalisée (3) alors que celles-ci avaient longtemps été interdites.

Ces sites vont sans aucun doute se développer mais ne pourront pas être tenus par des avocats puisqu'ils sont soumis aux règles déontologiques prohibant "tout élément comparatif ou dénigrant" en vertu de l'article 10.2 du RIN.

Les tiers seront tenus, par ailleurs, de délivrer au consommateur "une information loyale, claire et transparente".

2 - Une révolution bienvenue mais qui a des limites

L'existence de sites de notation et de comparaison des avocats peut permettre de résoudre en partie le problème d'accès aux avocats. En effet, une grande partie des avocats n'a pas de visibilité sur internet, ce qui ne permet pas aux justiciables de prendre connaissance de leurs compétences et de leurs honoraires.

Grâce à ces sites, les justiciables peuvent être mis en relation avec des avocats spécialement compétents pour une demande juridique spécifique.

Néanmoins, le risque de dépendance des avocats à ces plateformes est patent ; à mesure que ces sites vont se développer, les avocats vont de facto être contraints de s'y inscrire.

Concernant les commentaires de clients sur les sites des avocats, le CNB, dans son avis précité, a considéré que :

- les commentaires laudatifs de clients sont constitutifs de publicité pour les avocats ;

- les commentaires ou témoignages de clients en ligne posent déjà le problème du risque des faux avis ;

- la publicité de l'avocat n'est permise que si elle procure une information au public.

Le CNB conclut son avis en précisant que :

- l'avocat est auxiliaire de justice et doit alors faire preuve de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence, ainsi que de dignité, d'indépendance et de délicatesse ;

- le droit n'est "pas assimilable à une banale activité de prestation de service" (4) donc son exercice par l'avocat ne doit pas être pratiqué comme un commerce.

Aussi, ces sites doivent être suffisamment encadrés et contrôlés pour vérifier la provenance des commentaires pour faire face au risque des faux avis.

Par conséquent, l'arrêt rendu par la Cour de cassation est une véritable révolution en ce qui concerne l'e-réputation des avocats et va entraîner, selon nous, un développement de ces sites pouvant faire craindre que les prestations réalisées par les avocats soient considérées comme de classiques prestations de services, contrairement à l'avis déontologique du CNB.


(1) Conditions générales d'utilisation Alexia.fr.
(2) CNB, avis déontologique n° 2015-019 du 18 mai 2015.
(3) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX).
(4) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 18 septembre 2013, n° 10/25413 (N° Lexbase : A2930KL4).

newsid:458453

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Avocat cessant ses fonctions pour devenir associé et directeur général d'une SELAS : affiliation au régime général de la Sécurité sociale

Réf. : Cass. civ. 2, 24 mai 2017, n° 16-18.834, F-P+B (N° Lexbase : A1019WEH)

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N8498BWN

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 01 Juin 2017


Les présidents et dirigeants des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées étant assujettis au régime général de sécurité sociale, un avocat qui cesse d'exercer sa profession d'avocat à titre libéral pour devenir associé et directeur général d'une SELAS devient régulièrement affilié au régime général à compter de l'exercice de son activité, qu'elle soit rémunérée ou non. Dès lors, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) ne pouvait appeler directement auprès de ce dernier les cotisations afférentes à son activité professionnelle sur la période concernée.
Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 24 mai 2017 (Cass. civ. 2, 24 mai 2017, n° 16-18.834, F-P+B N° Lexbase : A1019WEH).
En l'espèce, M. X, ayant cessé à compter du 1er juillet 2011 l'exercice libéral de la profession d'avocat pour devenir associé et directeur général d'une société, mais n'ayant été rétribué par cette société qu'après le 30 septembre 2011, la CNBF lui a réclamé, à titre personnel, des cotisations afférentes à l'exercice libéral de la profession d'avocat pour le troisième trimestre 2011. L'intéressé a saisi une juridiction civile d'un recours. La cour d'appel ayant fait droit à sa demande (CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 25 février 2016, n° 13/17515 N° Lexbase : A6468Q83), la CNBF a formé un pourvoi en cassation. A l'appui de son pourvoi, la Caisse arguait qu'un avocat exerçant sa profession en qualité d'associé et de directeur d'une société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) n'est obligatoirement affilié au régime général des travailleurs salariés et assimilés et que cette société n'est redevable des cotisations envers la CNBF que si elle lui verse une rémunération. Et si tel n'est pas le cas, alors l'avocat est privé du statut d'assimilé salarié et est personnellement redevable de ces cotisations qui doivent être recouvrées directement par la CNBF auprès de lui, peu important qu'une telle situation soit limitée dans le temps et purement conjoncturelle. Cet argument ne sera pas retenu par la Haute juridiction qui, au visa de l'article L. 311-3, 23 ° du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3402I4R) rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1125ADZ).

newsid:458498

Bancaire

[Brèves] Différence inférieure à la décimale entre le TEG mentionné et le TEG réel : pas de nullité du taux conventionnel

Réf. : Cass. com., 18 mai 2017, n° 16-11.147, F-P+B+I (N° Lexbase : A2749WD8)

Lecture: 2 min

N8406BWA

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par Vincent Téchené

Le 01 Juin 2017

La demande d'annulation de la clause d'intérêts conventionnels d'un contrat de prêt doit être rejetée dès lors que l'écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt et le produit du taux de période par le nombre d'échéances de remboursement dans l'année est inférieur à la décimale prescrite par l'ancien article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6959ABD ; C. consom., art. R. 314-2, nouv. N° Lexbase : L0668K9M). Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 mai 2017 (Cass. com., 18 mai 2017, n° 16-11.147, F-P+B+I N° Lexbase : A2749WD8 ; dans le même sens, cf. Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-24.607, FS-P+B N° Lexbase : A5583TAZ ; lire N° Lexbase : N6473BWN).
En l'espèce, une banque a, les 23 mai et 24 septembre 2007, consenti deux prêts professionnels à une société. Par acte du 18 septembre 2012, l'emprunteuse a assigné la banque en nullité de la clause d'intérêt conventionnel pour erreur du taux effectif global mentionnée dans les contrats de prêts ainsi conclus.
La cour d'appel (CA Angers, 29 octobre 2015, n° 2012/115 N° Lexbase : A2487NUN) ayant rejeté ses demandes tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global annoncé dans le second prêt et substituer, à compter de la date de ce prêt, le taux de l'intérêt légal au taux conventionnel, l'emprunteuse forme un pourvoi en cassation. Elle soutient alors que l'article R. 313-1 du Code de la consommation qui, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-928 du 10 juin 2002 (N° Lexbase : L6051A3I), applicable en la cause, dispose que le rapport, entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire, utilisé pour le calcul du taux effectif global, est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale, a pour objet, non pas d'édicter une marge d'erreur admissible, mais de déterminer le degré de précision dans l'expression du dit taux et les modalités d'application d'un chiffre arrondi. Ainsi, selon elle, la cour d'appel aurait violé ce texte en énonçant, pour la débouter de sa demande en substitution du taux de l'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, que l'organisme bancaire bénéficiait, aux termes de cet article, d'un seuil de tolérance d'une décimale et que l'erreur de taux était inférieure à celui-ci et en lui opposant ainsi l'absence d'effet de l'erreur.
La Cour de cassation rejette le pourvoi : ayant relevé que l'écart entre le taux effectif global de 5,672 % l'an mentionné dans le contrat de prêt et le produit du taux de période, non contesté, par le nombre d'échéances de remboursement dans l'année, 5,743 %, était inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du Code de la consommation, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation de la clause d'intérêts conventionnels du contrat de prêt (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E6886E9W).

newsid:458406

Délégation de service public

[Brèves] Illégalité de la sollicitation d'offres conditionnelles dans le cadre de la procédure de délégation du service public de l'eau potable d'une commune

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 24 mai 2017, n° 407431, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0883WEG)

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N8469BWL

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par Yann Le Foll

Le 01 Juin 2017

Une commune ne peut, sans méconnaître l'objet de la concession qu'elle entend conclure et l'obligation de sélectionner la meilleure offre au regard de l'avantage économique global que présente pour elle cette offre, demander aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d'une procédure de passation mise en oeuvre par une autre autorité concédante ou prendre en compte, pour choisir un délégataire, des éléments étrangers à ce contrat. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 24 mai 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 24 mai 2017, n° 407431, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0883WEG).

Après avoir indiqué les critères de sélection des offres aux candidats admis à présenter une offre dans le cadre d'une procédure de délégation du service public de l'eau potable, une commune a, à l'issue des négociations, adressé aux candidats, conjointement avec le syndicat intercommunal qui avait lancé dans le même temps une procédure de délégation du service public de l'assainissement, un courrier leur demandant de remettre une ultime offre financière pour le service de l'eau potable dans l'hypothèse de l'attribution simultanée à un même candidat des deux contrats de délégation de service public de l'eau potable et de l'assainissement. En procédant de la sorte, elle a demandé aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d'une procédure de passation mise en oeuvre par une autre autorité concédante, portant sur la délégation d'un service public dont tant l'objet que le périmètre géographique étaient différents du service public en cause.

La commune a, ce faisant, fondé son appréciation de l'avantage économique global que présentaient les offres sur des éléments étrangers au service public concédé et sans lien avec cet avantage économique global et méconnu les règles qu'elle avait elle-même fixées en vue de l'attribution du contrat de délégation du service public de l'eau potable.

newsid:458469

Domaine public

[Brèves] Conformité à la Constitution du droit de péage départemental sur les ponts reliant les îles au continent

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-631 QPC du 24 mai 2017 (N° Lexbase : A8529WDA)

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N8499BWP

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par Yann Le Foll

Le 01 Juin 2017

Le droit de péage départemental sur les ponts reliant les îles au continent institué par l'article L. 321-11 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1884IYG), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7927IWI), est conforme à la Constitution. Telle est la solution d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 24 mai 2017 (Cons. const., décision n° 2017-631 QPC du 24 mai 2017 N° Lexbase : A8529WDA).

Concernant l'éventuelle méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques, les Sages indiquent qu'en instituant l'imposition prévue à l'article L. 321-11, le législateur a entendu limiter le trafic routier dans les îles maritimes reliées au continent par un ouvrage d'art et préserver l'environnement. D'une part, en prévoyant la modulation du montant du droit départemental de passage en fonction de la "silhouette" des véhicules, les dispositions contestées permettent de prendre en compte, au regard de l'emprise au sol et du gabarit des véhicules, leur impact sur le trafic routier et sur l'environnement. D'autre part, en permettant d'accorder des tarifs différents ou la gratuité aux usagers domiciliés ou travaillant dans l'île et à ceux ayant leur domicile dans le département, le législateur a entendu tenir compte de la fréquence particulière à laquelle ces usagers sont susceptibles d'emprunter l'ouvrage, qui les place dans une situation différente de celle des autres usagers.

En procédant de même s'agissant des usagers accomplissant une mission de service public, il a souhaité ne pas entraver l'exercice d'une telle mission. Par conséquent, pour déterminer les conditions de modulation du montant du droit départemental de passage, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit ainsi être écarté.

Concernant le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'aller et de venir, ils indiquent, d'une part, en vertu du premier alinéa de l'article L. 321-11, que seuls les passagers des véhicules terrestres à moteur sont redevables de l'imposition. Ceux utilisant d'autres moyens de transport pour se rendre sur l'île n'y sont pas soumis. D'autre part, le montant maximum du droit départemental de passage ne peut être regardé comme excessif. Dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté.

Par conséquent, les quatrième et huitième alinéas de l'article L. 321-11 du Code de l'environnement, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.

newsid:458499

Droit des personnes

[Jurisprudence] Le refus bien compris de la Cour de cassation de créer un sexe neutre

Réf. : Cass. civ. 1, 4 mai 2017, n° 16-17.189, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4276WBY)

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N8491BWE

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Encyclopédies de droit de la famille

Le 01 Juin 2017

Comme l'on pouvait s'y attendre, la Cour de cassation n'a pas fait preuve, à l'égard des personnes intersexuées, de l'audace dont avaient bénéficié les personnes transsexuelles en 1992 (1)... La Haute Cour a, en effet, refusé, dans l'arrêt du 4 mai 2017, de créer un sexe neutre comme le lui demandait l'auteur du pourvoi. Ce dernier, né en 1951, avait été inscrit à l'état civil comme étant de sexe masculin alors qu'il était biologiquement intersexué, c'est-à-dire selon le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe (2), "une personne qui compte tenu de son sexe chromosomique, gonadique ou anatomique, n'entre pas dans la classification établie par les normes médicales des corps dits masculins ou féminins". En l'espèce, la personne concernée, bien que présentant un caryotype masculin et une apparence masculine, notamment du fait d'un traitement hormonal, ne se sentait ni homme, ni femme. En l'absence de production d'hormones sexuelles, elle n'avait aucun caractère sexuel secondaire ni de type masculin, ni de type féminin. Du fait de son ambigüité sexuelle avérée, elle sollicitait la suppression sur son acte d'état civil de la mention "sexe masculin" au profit d'une mention "sexe neutre". Cette demande a été, dans un premier temps, acceptée par le tribunal de grande instance de Tours, dans une décision fortement médiatisée (3). Mais dans un second temps, ce jugement a été infirmé par une décision de la cour d'appel d'Orléans (4), saisie par le procureur de la République, rejetant l'inscription d'une mention sexe neutre, "qui reviendrait à reconnaître sous couvert d'une simple rectification d'état civil l'existence d'une autre catégorie sexuelle". La cour d'appel ne s'est cependant pas montrée totalement hostile à la prise en compte de l'intersexualité par les actes d'état civil puisqu'elle admet que les personnes intersexuées pourraient obtenir que "leur état civil ne mentionne aucune catégorie sexuelle". Elle considère cependant qu'en l'espèce "la demande ne peut être accueillie en ce qu'elle est en contradiction avec l'apparence physique et le comportement social du requérant".

Dans son arrêt du 4 mai 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi interjeté contre cet arrêt, en allant sans doute plus loin que la cour d'appel puisqu'elle refuse fermement et de manière générale, de dépasser les termes de la loi (I) et considère qu'un tel refus de reconnaître un sexe neutre est conforme au droit au respect de la vie privée consacré par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR) (II).

I - Le refus du juge de dépasser les termes de la loi

Demande de création d'un sexe neutre. En sollicitant une mention "sexe neutre" sur son acte de naissance, le requérant demandait à la Cour de cassation, au nom du droit au respect de la vie privée, non seulement d'écarter l'application des textes de droit français -dont l'article 57 du Code civil (N° Lexbase : L8839G9A)-, qui exigent que soit indiqué le sexe masculin ou féminin de la personne sur son acte de naissance, mais encore de créer une mention nouvelle relative au sexe qui ne figure dans aucune disposition légale ou réglementaire. La seule possibilité, fort limitée, qu'offre en ce sens le droit français réside dans la possibilité reconnue par l'article 55 de la circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l'état civil relatifs à la naissance et à la filiation (NOR : JUSC1119808C N° Lexbase : L1448KML), d'attendre deux ans, avec l'accord du procureur de la République, pour indiquer sur l'état civil le sexe de l'enfant lorsque celui-ci est indéterminé à la naissance, afin de permettre aux médecins de se prononcer dans un sens ou dans un autre. Toutefois, cette disposition a seulement la valeur d'une circulaire et ne prévoit pas de mention spécifique. Il était donc logique que la Cour de cassation affirme clairement pour refuser la mention d'un sexe neutre sur les actes d'état civil que "la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin". En visant, dans la suite de son raisonnement, "la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes d'état civil", elle semble non seulement refuser la création d'un sexe neutre mais également fermer la possibilité, admise par la cour d'appel, de ne mentionner aucun sexe sur l'acte de naissance. Selon la Haute cour, l'inscription de toute personne à l'état civil avec un sexe masculin ou un sexe féminin constitue une obligation légale que le juge ne saurait contourner.

Transsexualisme. La double demande présentée à la Cour de cassation se distingue clairement de celle consistant à admettre le changement de sexe sur les actes d'état civil pour les personnes ayant bénéficié d'une conversion sexuelle. Dans ce dernier cas en effet, il s'agissait seulement de procéder, à la lumière du droit au respect de la vie privée, à une interprétation large des dispositions relatives au changement de sexe, en admettant que le syndrome du transsexualisme, combiné à une conversion sexuelle irréversible puisse justifier la modification de l'état civil. On sait que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation l'a admis dans ses arrêts du 11 décembre 1992 (5), sous la pression de la Cour européenne des droits de l'Homme qui a condamné la France sur ce point dans l'arrêt "B." du 25 mars 1992 (6). Récemment, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3) a légalisé le changement de sexe des personnes transsexuelles en l'ouvrant même plus largement que ne l'avait fait la Cour de cassation puisque le dispositif de changement de sexe tel qu'issu des nouvelles dispositions légales n'exige plus une conversion médicale irréversible (6).

Double demande. La démarche requise du juge pour accepter la demande visant à indiquer la mention sexe neutre sur l'acte de naissance d'une personne intersexuée allait bien au-delà d'une interprétation élargie de textes admettant le changement de sexe à l'état civil. Il s'agissait, d'une part, d'écarter les dispositions légales existantes exigeant d'indiquer si la personne était de sexe masculin ou féminin, et, d'autre part, de créer de toute pièce un dispositif totalement nouveau.

Absence de mention. Sur le premier aspect de la demande, on pouvait éventuellement admettre qu'au nom des droits fondamentaux consacrés par un Traité qui s'impose à lui, le juge écarte les dispositions légales qui exigent la mention d'un sexe ou d'un autre. Mais encore aurait-il fallu considérer que cette exigence soit véritablement contraire au droit au respect de la vie privée et particulièrement au droit à l'identité sexuelle qui en découle selon la jurisprudence européenne relative au transsexualisme (cf. infra).

Création d'une nouvelle mention. Sur le second aspect de la demande, il paraît, toutefois, certain que la Cour de cassation ne pouvait inventer une mention qui n'existait pas en choisissant une option parmi plusieurs alternatives possibles -dont celle de sexe indéterminé- sans dépasser les pouvoirs qui sont les siens (8). La cour d'appel d'Orléans avait déjà affirmé que "la reconnaissance d'une nouvelle catégorie sexuelle, sous couvert d'une simple rectification de l'état civil, dépasse le pouvoir d'interprétation de la norme par le juge judiciaire". Une telle initiative prétorienne était d'autant plus impensable que la création d'une troisième mention relative au sexe sur les actes d'état civil impliquait la création d'une troisième catégorie de personnes totalement ignorée du droit positif, civil et non-civil. Le juge ne peut, en effet, organiser à lui seul les conséquences de la création d'une catégorie de personnes, ni homme ni femme, lesquelles ne sauraient être occultées malgré le gommage progressif de la différence de sexe dans les textes contemporains. L'appartenance au sexe masculin ou féminin reste, en effet, encore un critère de mise en oeuvre d'un certain nombre de règles de droit qu'il s'agisse de filiation, de droit du sport ou encore, par exemple, de droit pénitentiaire.

Législateur. La Cour de cassation, comme elle l'a déjà fait dans plusieurs domaines sensibles du droit des personnes et de la famille, par exemple en matière de mariage des personnes de même sexe, circonscrit le rôle du juge et laisse donc au législateur le soin de décider et d'organiser les évolutions du droit qui ne sauraient relever de son office. Certains législateurs européens ont ouvert la voie en ce sens en admettant que les personnes intersexuées puissent ne pas être soumises à l'obligation de choisir entre le sexe masculin et le sexe féminin. Tel est le cas en Allemagne depuis une loi du 7 mai 2013 (9) qui leur permet de ne pas faire mention de leur sexe à l'état civil.

Toutefois, en considérant que le refus de créer une mention "sexe neutre" sur les actes d'état civil est conforme à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la Cour de cassation ne semble pas vouloir inciter le législateur à intervenir.

II - La conformité du refus du sexe neutre à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme

Droit au respect de la vie privée. La Cour de cassation admet tout d'abord que "l'identité sexuelle relève de la sphère protégée par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales", intégrant ainsi dans son raisonnement, sans la viser expressément, la jurisprudence de la Cour européenne telle qu'exprimée dans les arrêts relatifs au transsexualisme (10), notamment l'arrêt "Goodwin c/ Royaume-Uni" du 11 juillet 2002 (11), et plus récemment l'arrêt "A.P., Nicot et Garçon c/ France" du 6 avril 2017 (12). La Cour européenne affirme, en effet, qu'"élément de l'identité personnelle, l'identité sexuelle relève pleinement du droit au respect de la vie privée que consacre l'article 8 de la Convention. Cela vaut pour tous les individus". Elle ajoute par ailleurs que "les arrêts rendus à ce jour [...] dans ce domaine portent sur la reconnaissance légale de l'identité sexuelle de personnes transsexuelles ayant subi une opération de réassignation [mais qu'] on ne saurait toutefois en déduire que la question de la reconnaissance légale de l'identité sexuelle des personnes transgenres qui n'ont pas subi un traitement de réassignation sexuelle agréé par les autorités ou qui ne souhaitent pas subir un tel traitement échappe au champ d'application de l'article 8 de la Convention", ce qui permet sans doute de considérer que l'identité sexuelle des personnes intersexuées relève également du champ d'application du droit à l'identité et de la liberté de définir son appartenance sexuelle que la Cour européenne range parmi les éléments essentiels du droit à l'autodétermination (13). Toutefois, la Cour de cassation accepte d'examiner la question de l'intersexualité sous l'angle de l'article 8, alors que la Cour européenne ne s'est encore jamais prononcée sur ce point.

Existence d'une atteinte au droit au respect de la vie privée. La Cour de cassation admet également dans l'arrêt du 4 mai 2017 que "la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l'état civil" constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intersexuée, mais elle considère que celle-ci "n'est pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi". Par ce raisonnement, elle se place sur le terrain des ingérences davantage que sur celui des obligations positives, considérant que le fait pour les personnes intersexuées d'être contraintes par la loi de choisir entre le sexe féminin ou masculin, constitue une ingérence dans leur vie privée. Il aurait été également possible d'appréhender la question différemment en se demandant si le droit à l'identité sexuelle tel qu'il résulte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, impose à l'Etat de créer un troisième sexe sur les actes d'état civil. Toutefois, c'est à la question de savoir si la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l'état civil s'impose aux personnes nonobstant le droit au respect de la vie privée, que répond la Cour de cassation. Le fait d'apporter une réponse négative lui permet de ne pas trancher ensuite la question de savoir s'il faut créer une nouvelle mention relative au sexe.

But légitime. La Cour de cassation caractérise le but légitime permettant de justifier l'atteinte au droit au respect de la vie privée en affirmant que "la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l'état civil est nécessaire à l'organisation sociale et juridique dont elle constitue un élément fondateur", et que "la reconnaissance par le juge d'un sexe neutre aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législations de coordination". Se rattachant à la défense de l'ordre ou de l'intérêt général (14), ce but fait partie de ceux qui permettent, selon le paragraphe 2 de l'article 8, d'écarter le principe posé par son premier paragraphe. On peut, en outre, penser qu'en l'absence de consensus parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe (seuls quelques Etats admettent soit la mention d'un troisième sexe tel que le Royaume-Uni ou les Pays Bas (15), soit l'absence de mention relative au sexe sur l'état civil (16)) qui s'ajoute au caractère très complexe de la question en cause, la Cour européenne admettrait que les Etats disposent en la matière d'une large marge d'appréciation nonobstant le fait qu'est en cause un aspect essentiel de l'identité de l'individu.

Proportionnalité. Suivant les différentes étapes du contrôle de proportionnalité, la Cour de cassation affirme en dernier lieu que l'atteinte est proportionnée au but légitime parce que la personne concernée avait "aux yeux des tiers, l'apparence et le comportement social d'une personne de sexe masculin, conformément à l'indication portée dans son acte de naissance". Comme la cour d'appel, elle ne tient pas compte de l'argument de l'auteur du pourvoi selon lequel cette apparence masculine n'était pas un choix de sa part mais une conséquence d'un traitement imposé pour des raisons médicales (17). Reprenant le critère de l'apparence qui est au fondement de la jurisprudence tant interne qu'européenne et, désormais, de la législation relative au changement de sexe des personnes transsexuelles, la Cour de cassation considère que la conformité du sexe mentionné à l'état civil à l'apparence de la personne rend l'atteinte limitée et donc proportionnée. Cette analyse pourrait sans doute trouver grâce aux yeux de la Cour européenne même si la définition du sexe qu'elle retient, notamment dans l'arrêt "Goodwin", se réfère également au sexe psychologique. En effet, elle accorde à l'apparence, dans son analyse relative au transsexualisme, une importance indéniable ; elle a ainsi admis dans l'arrêt "A. P., Nicot et Garçon" que les autorités françaises pouvaient exiger une expertise judiciaire pour établir la réalité de la conversion sexuelle, motivant le changement de sexe.

Portée de la solution. On peut se demander si en se référant à la conformité de l'apparence de la personne avec le sexe mentionné à l'état civil, la Cour de cassation ne réduit pas la portée de la solution posée par l'arrêt. En effet, qu'en serait-il dans les hypothèses où l'apparence de la personne intersexuée ne correspondrait pas au sexe mentionné sur son acte de naissance ? Sans doute pourrait-elle solliciter un changement de sexe pour se retrouver dans le cas qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation, le sexe rectifié sur l'état civil correspondant alors à son apparence. Encore faut-il cependant que l'apparence de la personne puisse être qualifiée de masculine ou de féminine. Qu'en serait-il dans l'hypothèse où l'apparence de la personne ne lui permettrait d'être rattachée ni au sexe masculin ni au sexe féminin ? L'arrêt du 4 mai 2017 ne fournit pas de réponse à cette question, ce qui démontre bien, si besoin était, que cette décision ne permet pas de résoudre les nombreuses et délicates difficultés posées par l'intersexualité ; sans doute parce que le juge n'est pas le bon interlocuteur en la matière...


(1) Ass. plén., 11 décembre 1992, deux arrêts, n° 91-11.900 (N° Lexbase : A5254AB9) et n° 91-12.373 (N° Lexbase : A9662ATZ), JCP, 1993, II, 21991, concl. M. Jéol, note G. Mémeteau.
(2) Droits de l'homme et personnes intersexes, Document thématique du Conseil de l'Europe, juin 2015 p. 13.
(3) TGI Tours, 20 août 2015, n° 15/00000 (N° Lexbase : A2714NTP).
(4) CA Orléans, 22 mars 2016, n° 15/03281 (N° Lexbase : A6013Q89), D., 2016, p. 1915, obs P. Reigné : RTDCiv., 2016, p. 318, obs. J. Hauser ; J.-R. Binet, Droit de la famille, 2016, n° 5, Etude 8.
(5) Ass. plén., 11 décembre 1992, préc..
(6) CEDH, 25 mars 1992, Req. 57/1990/248/319 (N° Lexbase : A7476AHD) JCP éd. G, 1992, II, 21955, note T. Garré.
(7) C. civ., art. 61-6 (N° Lexbase : L1865LBP), A. Gouttenoire, L'impact sur l'état des personnes de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, Lexbase, éd. priv., n° 681 du 22 décembre 2016 (N° Lexbase : N5888BWY).
(8) J.-R. Binet, Droit de la famille, préc..
(9) Loi modifiant la législation sur le statut personnel : loi portant sur la modification du droit individuel, JO fédéral, 14 mai 2013, n° 23.
(10) F. Sudre (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, PUF, 2017, comm. n° 46.
(11) CEDH, 11 juillet 2002, Req. 28957/95 (N° Lexbase : A0682AZB) : RTDCiv., 2002, 862, chron. J.-P. Marguénaud ; Dr. fam., 2002, Comm. n° 133, obs. A. Gouttenoire ; RTDH, 2003, 1157, note A. Marienburg-Wachsmann et P. Wachsmann ; D, 2003, 2032, note A.-S. Chavent-Leclère.
(12) CEDH, 6 avril 2017, Req. 79885/12 (N° Lexbase : A2987UXW).
(13) P. Reigné, art. préc., et réf cit..
(14) Ibidem..
(15) J.-R. Binet, obs. préc..
(16) Droit allemand : cf. infra.
(17) En effet, la personne avait dû subir un traitement hormonal qui lui avait donné une apparence masculine, alors qu'elle avait plutôt auparavant une apparence féminine, pour combattre les effets de l'ostéoporose.

newsid:458491

Entreprises en difficulté

[Brèves] Opposabilité du nantissement du matériel et de l'outillage à la procédure collective

Réf. : Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-23.413, F-P+B+I (N° Lexbase : A9855WCY)

Lecture: 2 min

N8399BWY

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par Vincent Téchené

Le 01 Juin 2017

Pour être opposable à la procédure collective, le nantissement du matériel et de l'outillage doit, en application de l'article L. 142-3, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L5690AIL), être inscrit sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité et non du lieu d'exploitation du matériel. Tel est le cas de l'inscription sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel est exploité le fonds de commerce de la société propriétaire du matériel nanti, peu important que son siège social ait été déplacé ailleurs, que le matériel ait été maintenu, depuis la constitution du nantissement, dans les locaux de la société locataire qui ne constituait pas une succursale de la propriétaire du matériel mais une société distincte de celle-ci. Tel est l'un des enseignements d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 mai 2017 (Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-23.413, F-P+B+I N° Lexbase : A9855WCY).
En l'espèce, une banque a saisi le juge-commissaire à la procédure d'une société en liquidation judiciaire d'une demande d'attribution judiciaire de biens faisant l'objet d'un nantissement du matériel et de l'outillage dont cette société était propriétaire et qu'elle avait donné en location à une autre société qui faisait l'objet d'un plan de cession. La cour d'appel (CA Toulouse, 24 décembre 2014, n° 14/02268 N° Lexbase : A5109M8Q) a fait droit à cette demande.
La banque a formé un pourvoi principal faisant grief à l'arrêt de dire, au visa de l'article L. 642-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L7334IZN), qu'une partie du prix de cession, à concurrence de la somme de 128 500 euros, doit être affectée, par préférence, au paiement de la banque en contrepartie de son nantissement, le surplus de la créance de la banque devant être admis à titre chirographaire.
La Cour de cassation le rejette retenant que la banque ne justifie d'aucun intérêt à la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt qui accueillent sa demande tendant à la réformation du jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande en attribution judiciaire de gages, à ce qu'il soit ordonné que le matériel objet de la requête en attribution judiciaire de gages lui soit attribué en paiement de sa créance à concurrence de la valeur dudit matériel, et à ce qu'il soit jugé que la valeur de ce matériel est arrêtée à la somme de 128 500 euros et qu'elle sera admise à titre chirographaire pour le surplus de sa créance qui n'aura pas été compensée par l'attribution du gage. En outre, les cessionnaires de la société locataire du matériel ont formé un pourvoi incident que la Cour de cassation rejette en énonçant la solution précitée (cf. les Ouvrages "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E3787EUS et "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8640EPP).

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Contribution additionnelle à l'IS de 3 % : véto de la CJUE !

Réf. : CJUE, 17 mai 2017, aff. C-365/16 (N° Lexbase : A9846WCN) et C-68/15 (N° Lexbase : A9847WCP)

Lecture: 2 min

N8407BWB

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par Jules Bellaiche

Le 01 Juin 2017

La Directive "mère-filiales" s'oppose à la contribution additionnelle à l'IS de 3 %, qui prévoit la perception de cette taxe à l'occasion de la distribution des dividendes par une société mère française et dont l'assiette est constituée par les montants des dividendes distribués, y compris ceux provenant des filiales non-résidentes de cette société. Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt rendu le 17 mai 2017 (CJUE, 17 mai 2017, aff. C-365/16 N° Lexbase : A9846WCN et C-68/15 N° Lexbase : A9847WCP pour la Belgique).
En l'espèce, dix-sept sociétés multinationales françaises ont intenté un recours afin d'annuler le paragraphe 70 de l'instruction BOI-IS-AUT-30 (N° Lexbase : X2468AMD), relative à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, prévue à l'article 235 ter ZCA du CGI (N° Lexbase : L5825LCQ). Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 27 juin 2016, a alors décidé de questionner la CJUE avant de saisir le Conseil constitutionnel d'une QPC (CE 3° et 8° ch.-r., 27 juin 2016, n° 399024, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4276RUW).
La Cour européenne a alors jugé en faveur des sociétés requérantes. En effet, pour les magistrats européens, se posait la question de savoir si une telle imposition des bénéfices est contraire à la Directive "mères-filiales" (Directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011 N° Lexbase : L5957IR3). Selon les gouvernements français et belge, les bénéfices redistribués par une société mère à ses actionnaires ne relèvent pas du champ d'application de la Directive, cette disposition étant applicable uniquement lorsqu'une société mère perçoit des bénéfices distribués par sa filiale.
Cependant, une telle interprétation ne peut être retenue. D'une part, en prévoyant que l'Etat membre de la société mère et l'Etat membre de l'établissement stable "s'abstiennent d'imposer ces bénéfices", cette disposition interdit aux Etats membres d'imposer la société mère ou son établissement stable au titre des bénéfices distribués par la filiale à sa société mère, sans distinguer selon que l'imposition de la société mère a pour fait générateur la réception de ces bénéfices ou leur redistribution. D'autre part, la Directive poursuivant l'objectif d'éliminer la double imposition des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère au niveau de la société mère, une imposition de ces bénéfices par l'Etat membre de la société mère dans le chef de cette société lors de la redistribution de ces derniers, qui aurait pour effet de soumettre lesdits bénéfices à une imposition dépassant le plafond de 5 % prévu à l'article 4 de cette Directive, entraînerait une double imposition au niveau de ladite société contraire à la Directive.
Par ailleurs, il convient de relever, dans ce contexte, qu'il importe peu que la mesure fiscale nationale soit ou non qualifiée d'impôt sur les sociétés (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X2468AMD).

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Impôts locaux

[Brèves] Différence instituée sur le taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres de groupes fiscalement intégrés : inconstitutionnelle (oui)

Réf. : Cons. const., 19 mai 2017, n° 2017-629 QPC (N° Lexbase : A4790WDR)

Lecture: 1 min

N8417BWN

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par Jules Bellaiche

Le 01 Juin 2017

La différence instituée sur le taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres de groupes fiscalement intégrés est déclarée inconstitutionnelle. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans un arrêt rendu le 19 mai 2017 (Cons. const., 19 mai 2017, n° 2017-629 QPC N° Lexbase : A4790WDR).
En l'espèce, la société requérante soutenait que les dispositions du premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du CGI (N° Lexbase : L2922LC9) traitent différemment, pour la détermination du taux effectif de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les sociétés membres d'un groupe, selon que celui-ci relève ou non du régime de l'intégration fiscale, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité. Après avoir constaté que les dispositions litigieuses opèrent la différence de traitement contestée par la société, le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence pouvait être justifiée par le motif d'intérêt général consistant à faire obstacle à des comportements d'optimisation résultant d'opérations de restructuration.
Toutefois, le critère retenu par le législateur pour fonder la différence de traitement n'était pas en adéquation avec l'objectif poursuivi par le texte. Les Sages ont jugé que si le législateur pouvait prévoir des modalités de calcul du dégrèvement spécifiques aux sociétés appartenant à un groupe, il ne pouvait distinguer entre ces groupes selon qu'ils relèvent ou non du régime de l'intégration fiscale, dès lors qu'ils peuvent tous réaliser des opérations de restructuration susceptibles de conduire à une optimisation. Le critère de l'option en faveur du régime de l'intégration fiscale n'était donc pas en adéquation avec l'objet de la loi.
Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du CGI, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ) (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5755ALQ).

newsid:458417

Licenciement

[Brèves] Calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement : salaire de référence à prendre en considération

Réf. : Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-22.223, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6289WDB)

Lecture: 1 min

N8438BWG

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par Aurélia Gervais

Le 01 Juin 2017

Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 23 mai 2017 (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-22.223, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6289WDB).

En l'espèce, en février 2010, une salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et a été déclarée inapte à son poste, en octobre 2010, par le médecin du travail. Elle a ensuite été licenciée, en novembre 2010, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d'appel de Nîmes (CA Nîmes, 27 mai 2015, n° 14/00003 N° Lexbase : A4277NKM) a rejeté la demande de la salariée tendant à obtenir le paiement d'une somme à titre de reliquat d'indemnité de licenciement, retenant qu'en l'absence de dispositions le prévoyant dans la Convention collective applicable en l'espèce, la salariée ne pouvait prétendre à ce que le montant de son indemnité soit calculé sur la base des salaires qu'elle aurait perçus si son contrat n'avait pas été suspendu.

En énonçant la règle susvisée, au visa des articles L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et R. 1234-4 (N° Lexbase : L2346IA7) du Code du travail, ensemble l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6053IAG) dans sa rédaction applicable en la cause, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9663ESP et N° Lexbase : E9667EST).

newsid:458438

Procédure administrative

[Jurisprudence] Jonction de requêtes en excès de pouvoir et non-lieu à statuer : le pragmatisme du Conseil d'Etat

Réf. : CE Sect., 5 mai 2017, n° 391925, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9887WBS)

Lecture: 17 min

N8413BWI

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 01 Juin 2017

Dans un arrêt rendu le 5 mai 2017, la Haute juridiction énonce que, dans le cas où le juge de l'excès de pouvoir statue par une même décision sur des conclusions dirigées contre une décision et des conclusions dirigées contre son retrait, il a l'obligation d'examiner d'abord les conclusions dirigées contre le retrait. Cette décision rompt donc avec la règle de principe qui prévalait jusque-là voulant que le non-lieu à statuer ne puisse être prononcé qu'en cas de décision juridictionnelle devenue irrévocable. Le rapport remis au vice-président du Conseil d'Etat en novembre 2015 (1) a formulé de multiples propositions en vue d'adapter la justice administrative à un contexte marqué par deux tendances contradictoires : d'un côté, un nombre de requêtes qui ne cesse d'augmenter et, de l'autre, des moyens, notamment humains, qui stagnent et une productivité qui ne saurait croître encore davantage sous peine d'altérer la qualité de la justice rendue. Une partie de ses propositions a été intégrée dans la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle (2), une autre partie dans le décret "JADE" (3) ou le décret sur l'application Télérecours (4), mais la logique même du rapport peut aussi se retrouver à travers la plupart des décisions récentes prises par le juge administratif notamment quand celles-ci touchent l'exercice de son office et les pouvoirs dont il dispose pour l'adapter à la nouvelle conjoncture. Le cas d'espèce, qui concerne des configurations de recours pour excès de pouvoir croisés successifs dirigés contre des décisions étroitement liées, est révélateur de cette nouvelle logique qui tend à adapter les outils du juge administratif à l'accroissement continu du contentieux tout en essayant de préserver autant que possible les droits des parties. Ce sont deux affaires, renvoyées au Conseil d'Etat le même jour, qui ont soulevé la question de la persistance de l'objet du second litige en fonction du sens de la décision rendue par le juge sur le premier litige.

La première affaire applique la jurisprudence classique qui veut que le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une autre décision juridictionnelle, rendue par lui-même ou par une autre juridiction, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable (5). L'affaire concernait le recours d'une société bénéficiaire d'un permis de construire et d'aménager tacite pour l'édification d'un centre d'hébergement de loisirs touristiques. Le préfet de l'Hérault avait obtenu l'annulation de ces autorisations d'urbanisme tacites devant le tribunal administratif avant que la Cour administrative d'appel ne prononce un non-lieu à statuer sur l'appel de la société lésée. Le non-lieu est prononcé eu égard à l'existence d'un contentieux adjacent initié par la société tendant à annuler la décision de refus et de retrait de ces décisions tacites du maire de la commune au motif notamment que les délais d'instruction des demandes de permis d'aménager et de construire avaient été régulièrement prorogés et, qu'en conséquence, les décisions expresses de refus étaient intervenues avant la naissance de décisions tacites. Pour le Conseil d'Etat, l'arrêt dans l'affaire adjacente n'était pas devenu irrévocable car le délai de pourvoi en cassation contre l'arrêt n'était pas expiré à la date de l'ordonnance attaquée (6).

La seconde affaire, objet de la présente étude, rompt, par contre, avec la règle de principe qui prévalait jusque-là voulant que le non-lieu à statuer ne puisse être prononcé qu'en cas de décision juridictionnelle devenue irrévocable. En l'espèce, c'est le préfet des Bouches-du-Rhône qui avait déféré au tribunal administratif de Marseille un permis de construire modificatif délivré par le maire d'Istres. Ce dernier ayant toutefois retiré son arrêté, le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme a saisi le même tribunal d'une demande d'annulation de ce retrait. Ayant joint les deux requêtes, le juge administratif de première instance a prononcé l'annulation de l'arrêté et jugé qu'il n'y avait plus lieu, en conséquence, de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ayant retiré ce permis. Saisi du litige, le Conseil d'Etat apporte un tempérament à la règle de principe de l'arrêt "Borusz" en cas de jonction d'affaires, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Il juge qu'"à ce titre, lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière". En l'espèce, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en déduisant que, par l'effet de l'annulation qu'il prononçait de l'arrêté délivrant le permis de construire, il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du retrait de ce permis.

Comme on peut le voir à travers ce regard sommaire et rapide des faits de l'espèce, la jonction des requêtes est une mesure de simple commodité principalement utilisée par le juge dans une optique de bonne administration de la justice. Pour autant, elle ne doit pas nuire aux parties. Or, le non-lieu à statuer qui peut-être prononcé sur l'une des requêtes amène, par principe, à se poser la question de savoir si les droits des parties sont bien respectées. Il y là un conflit classique qui conduit à s'interroger quant à savoir si le juge sait employer avec retenue ses propres créations prétoriennes et en limiter cet emploi dans le seul but d'une bonne administration de la justice sans outrepasser ses compétences au détriment des règles élémentaires de protection des requérants. Par principe, la jonction des requêtes et le non lieu à statuer ne peuvent être opposés que dans des hypothèses strictement limitées (I). Cependant, la décision d'espèce ne s'inscrit pas dans ce cadre mais plutôt dans un mouvement ou un contexte général qui tend à assouplir les règles de principes autant pour la jonction des requêtes que pour le non-lieu à statuer (II).

I - Une jonction des requêtes et un non-lieu à statuer qui ne peuvent être opposés, par principe, que dans des hypothèses strictement limitées

De création prétorienne, la jonction des requêtes est une technique contentieuse à la disposition du juge dont il dispose de manière totalement libre sans aucune contrainte et dans la plupart du temps par commodité. Mais la jurisprudence a pu encadrer néanmoins la pratique dans l'intérêt des requérants en lui opposant la nécessité de respecter le principe de neutralité des instances. La jonction doit être neutre dans ses effets et ne pas avoir d'influence sur le sens des décisions rendues (A). La logique est la même concernant le non-lieu à statuer, la jurisprudence ne l'autorisant, notamment, qu'en cas de disparition intégrale, complète, rétroactive et définitive de l'acte à l'origine du non-lieu (B).

A - La nécessité de respecter le principe de neutralité des instances en cas de jonction des requêtes

La jonction des requêtes est une pratique contentieuse très courante devant les juridictions administratives, qu'elles soient de première instance, d'appel ou de cassation. Cette pratique n'est cependant pas mentionnée dans le Code de justice administrative contrairement à ce qui peut exister dans les Codes de procédure civile (à son article 367 N° Lexbase : L2213H4Q) ou pénale (à son article 387 N° Lexbase : L3301IQC pour le tribunal correctionnel par exemple). L'absence d'éléments de référence dans le Code fait écho à la vraie nature de la mesure à savoir le fait que la jonction n'est autre qu'une mesure de commodité ou d'administration juridictionnelle qui n'a pas à être motivée et qui ne fait l'objet d'aucun recours. En ce sens, la jonction, qui ne fusionne pas les litiges, doit être neutre dans ses effets et ne pas avoir d'influence sur le sens des décisions (7). La Cour de cassation adopte la même logique en jugeant que le propre de la jonction de plusieurs instances est de laisser à chaque procédure jointe ses caractères particuliers, étant seulement statué sur le tout par un seul jugement (8). C'est en ce sens qu'est défini le principe de neutralité en la matière. La jonction ne doit pas, logiquement, influer sur le sort réservé aux requêtes tel qu'il aurait été en l'absence de jonction.

Le pouvoir de jonction est un pouvoir discrétionnaire du juge : il peut toujours décider, s'il le désire, d'opérer une jonction et il n'est jamais dans l'obligation de joindre même quand cela lui est demandé par un requérant (9). Le juge dispose, depuis le début du XXème siècle, d'une grande liberté vis-à-vis des conclusions des parties (10). Aucune obligation de joindre ne peut lui être imposée (11). Dans ce cadre, la règle de l'infra ou de l'ultra petita ne s'applique pas. Lorsqu'il ne statue pas sur de telles conclusions, le silence vaut rejet (12). Ce sont des considérations de bonne administration de la justice, comme en l'espèce, qui amènent, la plupart du temps, le juge à joindre les requêtes, notamment quand la résolution d'un litige comportant plusieurs branches devient plus claire ou lorsqu'il permet une forme d'économie dans la présentation des faits ou des moyens. Les critères retenus dans les considérants de jonction, sont, à cet égard, très variables. Comme peut le relever le rapporteur public Edouard Crépey, "tantôt vous relevez que les questions que les requêtes que vous vous proposez de joindre présentent à juger sont les mêmes ; tantôt il est fait état de ce qu'elles sont, du moins, semblables ; parfois enfin vous vous référez à la notion de connexité" (13). Par la fixation d'un non-lieu à statuer, la décision d'espèce rompt avec le principe ainsi décrit en cas de jonction de requêtes vu les conséquences d'une telle décision sur la résolution du contentieux. La conséquence directe de son prononcé est l'absence d'examen du bien-fondé des prétentions avancées par les parties. Cette conséquence étant, par la suite, une limite réelle au "droit à l'accès au juge".

B - La nécessité de la présence d'une décision juridictionnelle devenue irrévocable pour prononcer le non-lieu à statuer

Les décisions de non-lieu rendues par les juridictions administratives sont très nombreuses. Le juge les utilise, le plus souvent, lorsque le litige a, plus ou moins, été transformé en cours d'instance de telle sorte à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer. Soit les éléments essentiels pour trancher le litige n'existent plus, soit il ne reste plus rien à juger. En la matière, le juge agit souvent avec beaucoup de pragmatisme. Lorsqu'un acte administratif (réglementaire ou individuel) a été retiré par l'administration ou annulé par le juge, l'acte disparaît rétroactivement de l'ordonnance juridique. Le juge, lorsqu'il est alors saisi de requêtes contre cet acte, prononce un non-lieu, peu importe que l'acte en question ait produit ou non des effets ou qu'il ait reçu exécution. Le juge a pris position en ce sens depuis la décision "Borusz" précité. Contrairement aux solutions antérieures (14), il est devenu indifférent au fait que la décision ait été exécutée tout ou partie avant son retrait. Il suffit juste pour qu'il y ait matière à non-lieu que le retrait ait acquis un caractère définitif (15). Cette règle de principe est rappelé en l'espèce, concernant le caractère de la décision juridictionnelle intervenue, par le considérant suivant lequel : "le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou une autre juridiction, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable". Le juge administratif prononce également un non-lieu lorsque la décision contestée a seulement été abrogée en cours d'instance mais qu'elle n'avait reçu aucun commencement d'exécution. Lorsqu'un acte abrogé a reçu une exécution partielle ou temporaire, le dossier contentieux ne peut être clos par un non-lieu (16). Mais il faut, là encore, que l'abrogation soit définitive (17). Les effets entre l'abrogation d'un acte ou son retrait diffèrent dans la mesure où l'abrogation n'a pas d'effet rétroactif mais en l'absence de commencement d'exécution, l'abrogation a, en réalité, les mêmes effets que le retrait ce qui rend possible le non-lieu dans ce cas.

Si les règles sont clairement exposées concernant le non-lieu contre des actes positifs en excès de pouvoir, la jurisprudence a longtemps été plus nuancée ou hésitante concernant les décisions de refus. L'intervention en cours d'instance d'une décision individuelle rend sans objet le recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus qui avait été, dans un premier temps, opposé à l'intéressé. C'est le cas d'un permis de construire délivré alors qu'initialement refusé (18), de la délivrance d'un visa initialement refusé (19), d'un agrément finalement accordé à une association d'accueil de personnes handicapées (20) ou encore de la communication de documents administratifs initialement refusée (21). La jurisprudence était moins lisible pour ce qui concerne le refus de prendre un acte réglementaire. Il y a désormais possibilité de non-lieu sur des conclusions qui tendent à l'annulation d'un refus d'abrogation en cas d'intervention, en cours d'instance, de l'abrogation demandée (22), même s'il y eu commencement d'application et alors même que l'abrogation ne serait pas devenue définitive (23). Cela avait longtemps été refusé (24). De même, le non-lieu n'était pas possible en cas d'intervention en cours d'instance d'un décret d'application d'une loi que le gouvernement avait initialement refusé de prendre (25). C'est le cas désormais. En présence d'un refus implicite de prendre un décret, l'intervention ultérieure de celui-ci rend sans objet le recours déposé contre le refus et ceci malgré le vide juridique qui s'est intercalé et qui ne peut être comblé rétroactivement (26). Dans la même logique, la ratification par le Parlement d'une ordonnance prévue par l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L0864AHH) entraîne un non-lieu à l'égard d'un recours qui aurait été formé contre elle (27). C'est le cas aussi si l'ordonnance est devenue caduque faute de dépôt d'un projet de la loi de validation (28).

Les règles de principe concernant la technique de la jonction des requêtes ou l'utilisation par le juge du non-lieu à statuer sont encadrées par la jurisprudence pour que les administrés n'aient pas le sentiment d'être victimes d'un déni de justice à l'évocation de simples arguments procéduraux mais devant les contraintes imposées par la nouvelle règlementation pendante devant le contentieux administratif et la logique qui en découle, on assiste à un contexte général qui tend plutôt à assouplir l'ensemble de ces règles de principe. C'est dans ce cadre que s'inscrit la décision d'espèce.

II - Une jonction de requêtes et un non-lieu à statuer qui bénéficient d'un mouvement général d'assouplissement des règles de principe

La décision d'espèce, dans son ensemble, rompt avec la rigueur des principes qu'on a pu évoquer concernant la jonction des requêtes et le non-lieu à statuer et pourrait être mise en cause pour ne pas préserver les intérêts des requérants. Elle s'inscrit, en ce sens, dans un mouvement général de remise en cause des hypothèses d'interdiction de principe de la jonction des requêtes qui existaient jusque là justement pour protéger les droits des requérants (A). On ne peut pas raisonner de la sorte dans la mesure où le juge, lorsqu'il utilise ces techniques, préserve, dans la majeure partie des cas, leurs intérêts. On peut même dire que l'arrêt rapporté s'inscrit aussi dans un autre mouvement général tendant à préserver l'essentiel des droits des requérants (B).

A - Une décision qui s'inscrit dans un mouvement général de remise en cause des hypothèses d'interdiction de jonction des requêtes

Elle s'inscrit dans un mouvement plus général d'atténuation des règles de principe concernant la jonction des requêtes où des interdictions de principe sont remises en cause sous l'effet de décisions du juge, de l'évolution de certains principes ou de l'adaptation de l'office du juge. Il y a d'abord une dérogation importante au principe de neutralité de la jonction qui a été opéré en matière électorale. Le juge considère ainsi que lorsqu'il y a une annulation en appel, pour irrégularité, d'un jugement d'un tribunal administratif à la demande d'un seul des requérants de première instance, cette annulation a pour effet de le ressaisir de l'ensemble des protestations (29). Le juge adapte ici son office, qui n'est pas de protéger des droits subjectifs mais de s'assurer le plus possible qu'il ne laisse pas subsister une élection entachée d'une irrégularité d'ordre public ou signalée par les protestataires. C'est la conséquence nécessaire de l'indivisibilité des résultats du scrutin et de l'office particulier du juge électoral, qui est de rétablir la véritable volonté des électeurs et qui, par exception à la règle générale, lui impose d'ailleurs, en pratique, de joindre l'ensemble des protestations dont il est saisi contre un même scrutin.

Autre décision révélatrice de cette évolution dans l'office du juge quant à l'atteinte à la neutralité dans la jonction des requêtes, la décision "Tavassoli" (30) par laquelle il a été relevé que les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins ne commettent pas d'irrégularité en joignant des plaintes concernant des praticiens distincts. L'interdiction de jonction était justifiée par la tenue d'audiences non publiques à huis clos imposée pour protéger la confidentialité de certaines informations auxquelles seules les parties à l'instance devaient avoir accès. Cette confidentialité serait mise en échec si des affaires mettant en cause des parties différentes pouvaient être jointes. C'est dans le contentieux fiscal que l'on trouvait le plus grand nombre d'exemples jurisprudentiels (31). Mais c'est dans le contentieux disciplinaire des ordres professionnels que la règle a été affirmée avec la plus grande solennité (32), la même formulation ayant été reprise dans plusieurs arrêts postérieurs (33), qui précisent toutefois que, par exception, la jonction est possible lorsque les parties sont les mêmes. De même, rien ne s'oppose à ce que ces juridictions disciplinaires, qui connaissent de l'ensemble du comportement professionnel d'un praticien et ne sont pas tenues de limiter leur examen aux seuls faits dénoncés par une plainte déterminée, usent de la faculté, lorsqu'elles sont saisies de plusieurs plaintes dirigées contre un même membre de l'ordre, de joindre les affaires dont elles se trouvent ainsi saisies et d'y statuer par une seule décision (34). A travers la décision "Tavassoli", il n'y avait aucune raison de maintenir l'interdiction de jonction puisque les séances de ces juridictions disciplinaires étaient devenues publiques par l'effet de l'application de l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR).

C'est une nouvelle décision de la section du contentieux qui allait mettre fin à la même jurisprudence dans le domaine du contentieux fiscal qui interdisait au juge, en matière fiscale, de joindre les requêtes de deux contribuables distincts quels que soient les liens de fait ou de droit existant entre les impositions contestées (35). Cette interdiction est dorénavant levée (36). Plusieurs critiques sont notamment relatées dans les conclusions du rapporteur public Edouard Crépey (37) tenant notamment à la persistance de censures de pure forme plus en lien avec la nouvelle logique existante en procédure contentieuse qui réserve les annulations aux atteintes substantielles aux droits des parties (38). On peut citer aussi la persistance d'une règle qui n'est pas facteur de clarté dans la présentation du litige et de sa solution notamment quand il n'y a pas de jonction entre les activités professionnelles d'un des membres du foyer fiscal et les conséquences qu'il y a lieu d'en tirer sur l'imposition commune à l'impôt sur le revenu, cela ne sert pas toujours les intérêts d'une bonne administration de la justice (39). Enfin, la jonction permettrait de centraliser davantage des affaires ayant des liens de fait et de droit alors que réparties entre plusieurs ressorts de tribunal administratif (40).

B - Une décision qui s'inscrit dans un mouvement général de préservation des droits des parties en cas de jonction des requêtes ou de non-lieu à statuer

Il ressort de la décision d'espèce que lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant à la fois, à l'annulation d'une décision et au retrait de cette décision, il peut statuer par une même décision. Dans ce cadre, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'annulation de la décision. La question se pose de savoir si le juge, en agissant de la sorte, ne dépasse pas son office en privilégiant des considérations d'opportunité sur les droits des parties tenant notamment à l'examen du bien-fondé des prétentions avancées et leur "droit à l'accès au juge". Si l'on regarde la jurisprudence en la matière, on peut voir que, dans l'ensemble, le juge se montre soucieux de préserver les intérêts des requérants tout en favorisant une bonne administration de la justice.

Ainsi, il n'est pas interdit au juge de condamner solidairement, si la demande lui est faite, une partie requérante perdante et une autre partie requérante qui s'est pourtant désistée et dont le juge avait joint les requêtes, la jonction emporte cette solidarité sans que le principe de neutralité ne soit méconnu pour autant. Il est également loisible au juge de mettre à la charge de parties "perdantes", dont les requêtes ont été jointes, des frais d'expertise (41). Le principe de neutralité n'est pas mis en cause, de même, suite à une simple mesure d'instruction comme, par exemple, la mise en place d'une expertise, sollicitée et obtenue par une partie, qui peut être utilisée par le juge dans d'autres pourvois joint au litige (42). Enfin, la jonction d'instance n'a pas pour effet de donner qualité pour faire appel en toutes circonstances. Ainsi, dans le cadre d'une jonction de trois instances, une partie appelée dans la cause dans deux de ces instances n'a pas qualité pour faire appel contre la décision objet du litige de la troisième instance, nonobstant le fait que ces trois litiges étaient joints (43).

Concernant le principe du contradictoire, il a pu être précisé que la jonction des décisions ne vaut pas fusion des instances, en particulier dans la phase d'instruction. C'est donc sans irrégularité, au regard des exigences du contradictoire, que le juge omet de communiquer à un requérant une pièce sur laquelle il se fonde pour répondre à un moyen articulé par un autre requérant (44). En revanche, le juge prend garde de protéger les droits des parties dans la procédure. Ainsi, le juge de l'impôt, lorsqu'il a joint les requêtes distinctes présentées par deux requérants (relatives à la même imposition des deux membres d'un foyer fiscal), ne peut, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, fonder sa décision à l'égard du deuxième requérant sur un élément qui n'était mentionné que dans la requête du premier requérant sans avoir au préalable communiqué cette requête au deuxième requérant pour lui permettre d'y apporter, le cas échéant, la contradiction (45).

S'agissant plus particulièrement du cas du non-lieu à statuer propre à l'arrêt d'espèce, le Conseil d'Etat prend soin de rappeler, dans sa décision, que la partie à laquelle un non-lieu a été opposé, sera à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre la partie du dispositif du jugement prononçant le non-lieu à statuer. Comme en matière civile, cette possibilité de "riposte" de l'intimé contre l'appelant a toujours été admise même sans texte. D'ailleurs, le Code de justice administrative n'en fait pas état et l'essentiel de son régime juridique, voire la quasi-totalité, est réglé par la jurisprudence. Cependant, l'emploi de l'appel incident en excès de pouvoir se heurte souvent à la règle selon laquelle, pour être recevable, il ne doit pas soumettre au juge un litige distinct de celui dont l'a saisi l'appel principal. Concernant le non-lieu à statuer lors de la jonction de requête, le juge opte pour une conception souple de l'appel incident quant à sa recevabilité. On peut citer, à cet égard, la décision "Association des paralysés de France" (46). Il y a eu, dans cette espèce, deux procédures parallèles qui ont conduit à deux recours devant le tribunal administratif contre deux décisions administratives différentes, et d'ailleurs de sens opposé, par deux requérants différents mais chacun étant défendeur dans l'affaire de l'autre. Les conclusions incidentes ont pourtant été déclarées recevables alors qu'elles ne doivent pas soulever de litige distinct. Le juge aurait pu retenir que les affaires ont suivi des parcours différenciés, qu'il y avait deux décisions administratives différentes qui, de surcroît, n'avaient été réunies au sein du même jugement que par l'effet d'une jonction. Cela n'a pas été le cas et cela montre bien que c'est donc une approche assez souple de la recevabilité du recours incident qui est retenu préservant ainsi les intérêts des requérants en la matière.


(1) Conseil d'Etat, Rapport public 2016, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2015, La documentation française, 2016.
(2) Comme, par exemple, celles relatives au développement des modes alternatifs de règlement des litiges, cf. loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle (N° Lexbase : L1605LB3), JO, 19 novembre 2016, texte n° 1.
(3) Décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, portant modification du Code de justice administrative (partie réglementaire) (N° Lexbase : L9758LAN), JO, 4 novembre 2016, texte n° 16.
(4) Décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016, relatif à l'utilisation des téléprocédures devant le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs (N° Lexbase : L9754LAI), JO, 4 novembre 2016, texte n° 17.
(5) CE, 19 avril 2000, n° 207469 (N° Lexbase : A3079B8K), Rec. CE, p. 157.
(6) CE, 5 mai 2017, n° 393268 (N° Lexbase : A9890WBW).
(7) CE, 28 janvier 1987, n° 39145 (N° Lexbase : A4064AP9), AJDA, 1987, p. 279.
(8) Cass. civ. 2, 29 mars 1971, n° 70-10.627 (N° Lexbase : A4140CKK), Bull. civ. II, 1971, n° 139.
(9) CE, 31 janvier 1923, Préfet des Alpes-Maritimes, req. n° 66294, 66295, Rec. CE, p. 107.
(10) CE, 7 février 1912, Jellenick-Mercédès, S. 1914, III, 122 ; CE, 29 juillet 1983, n° 37285 (N° Lexbase : A0708AM8), Tables, p. 355.
(11) CE, 15 décembre 1971, n° 80210 (N° Lexbase : A0807B8E), Rec. CE, Tables, p. 1156.
(12) CE, 21 novembre 1962, n° 54812, Rec. CE, p. 849.
(13) E. Crépey, Joindre ou ne pas joindre dans le contentieux fiscal, AJDA 2015, p. 2499.
(14) Par ex., CE, 6 juillet 1992, n° 122874 (N° Lexbase : A7368ARC), Rec. CE, Tables, p. 1225, où le non-lieu n'est pas prononcé parce que le décret d'extradition, objet du litige, avait reçu, avant son retrait, un commencement d'exécution, à savoir le placement de l'intéressé sous verrou juridictionnel.
(15) Voir, dans le même sens, CE, Sect., 13 juillet 1961, Consorts Bec, Rec. CE, p. 485.
(16) CE, 12 novembre 1986, n° 62622 (N° Lexbase : A5184AMX) ; CE, 4 mars 2013, n° 359428 (N° Lexbase : A3221I98), Rec. CE, p. 23.
(17) CE, Sect., 13 mars 1970, n° 74278 (N° Lexbase : A9161B7G) ; CE, Ass., 14 avril 1995, n° 148379, 148380 (N° Lexbase : A3527ANX), Rec. CE, p. 181.
(18) CE, 21 mai 1953, Consorts Bernabé, Rec. CE, p. 244.
(19) CE, 8 décembre 2000, n° 214479 (N° Lexbase : A1618AIR), Rec. CE, Tables, p. 1165.
(20) CE, 9 décembre 1994, n° 117595 (N° Lexbase : A4063ASB), Rec. CE, p. 543.
(21) CE, Sect., 17 janvier 1986, n° 62282 (N° Lexbase : A7547AMH), Rec. CE, p. 7.
(22) CE, 27 juillet 2001, n° 218067 (N° Lexbase : A8586B8I), Rec. CE, p. 401.
(23) CE, 30 mai 2005, n° 250516 (N° Lexbase : A4969DIU).
(24) Par ex., CE, 22 novembre 2000, n° 210718 (N° Lexbase : A9618AHP).
(25) CE, 30 juillet 1997, n° 177264 (N° Lexbase : A1026AEQ), Rec. CE, Tables, p. 1009 ; CE, 27 juillet 2001, n° 208167 (N° Lexbase : A4998AUN), Rec. CE, p. 419.
(26) CE, 27 juillet 2005, n° 261694 (N° Lexbase : A1329DKG), AJDA, 2005, p. 2172, chron. C. Landais et F. Lenica.
(27) CE, 23 octobre 2002, n° 232945 (N° Lexbase : A3668A3A), AJDA, 2003, p. 27, note D. Costa.
(28) CE, 2 avril 2003, n° 246748 (N° Lexbase : A0360DAL).
(29) CE, 27 mai 2015, n° 382165 (N° Lexbase : A7523NIH), AJDA, 2015, p. 1846, chron. G. Odinet et L. Dutheillet de Lamothe, AJCT, 2015, p. 450, pratique M. Yazi-Roman.
(30) CE, 31 mars 2014, n° 358820 (N° Lexbase : A6406MI4), Rec. CE, Tables, p. 816.
(31) Impossibilité de joindre, par ex., deux requêtes relatives, l'une à l'impôt sur le revenu d'une personne physique, l'autre à l'imposition d'une indivision dont elle était membre (CE, 4 décembre 1961, Dame veuve L., Rec. CE, p. 679) ou des requêtes présentées par trois associés d'une société de fait (CE, 7 mars 1960, Sieur Z, Rec. CE, p. 178).
(32) CE, 10 décembre 1958, Bernhard, Rec. CE, p. 635.
(33) CE, 20 octobre 1978, n° 6302 (N° Lexbase : A3109AIY), Rec. CE, p. 389 ; CE, 6 février 1980, n° 10132 (N° Lexbase : A6683AID), Rec. CE, Tables, p. 844 ; CE, 27 juin 1980, n° 22929 (N° Lexbase : A8511B8Q), Rec. CE, Tables, p. 845.
(34) CE, Sect., 30 mars 1990, n° 76961 (N° Lexbase : A5546AQH), Rec. CE, p. 86.
(35) CE, 14 juin 1989, n° 61229 (N° Lexbase : A0758AQ7), Rec. CE, p. 621.
(36) CE, 23 octobre 2015, n° 370251 (N° Lexbase : A0319NUD).
(37) E. Crépey, Joindre ou ne pas joindre dans le contentieux fiscal, préc..
(38) Voir, par ex., CE, 11 juillet 2012, n° 347001 (N° Lexbase : A8406IQE), Rec. CE, Tables, p. 919.
(39) E. Crépey, Joindre ou ne pas joindre dans le contentieux fiscal, préc..
(40) Ibid.
(41) CE, 28 décembre 1992, n° 66755 (N° Lexbase : A8892ARR).
(42) CE, 29 mai 1987, n° 52213 (N° Lexbase : A5789AMD).
(43) CE, 5 juillet 1995, n° 138734 (N° Lexbase : A5062ANS), Rec. CE, Tables, p. 992.
(44) CE, 27 juillet 2005, n° 228554 (N° Lexbase : A1277DKI), Rec. CE, Tables, p. 1042-1058-1061.
(45) CE, 29 octobre 2012, n° 346641 (N° Lexbase : A1172IWC).
(46) CE, 3 juillet 2013, n° 348099 (N° Lexbase : A4568KIZ), Tables, pp. 419, 802, 865, 867.

newsid:458413

Procédure civile

[Brèves] Clause instituant une médiation préalable et recevabilité d'une demande reconventionnelle

Réf. : Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-25.457, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6632WDY)

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par Aziber Seïd Algadi

Le 01 Juin 2017

L'instance étant en cours au moment où elle est formée, la recevabilité d'une demande reconventionnelle n'est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en oeuvre d'une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge. Telle est la solution retenue par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 24 mai 2017 (Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-25.457, FS-P+B+I N° Lexbase : A6632WDY).

Selon les faits de l'espèce, la société I. a conclu avec la société B. un contrat stipulant notamment qu'en cas de litige, de différend ou de réclamation découlant du contrat, les parties s'efforceraient de régler le problème à l'amiable, que si elles ne parvenaient pas à un accord dans les soixante jours à compter de la première notification faisant état de ce litige, de ce différend ou de cette réclamation, elles choisiraient ensemble un médiateur qui aurait soixante jours pour trouver un accord entre les parties et qu'à défaut elles se soumettraient à la juridiction du tribunal compétent, qui serait chargé de le régler. Après une médiation demeurée infructueuse, la société B. a agi en paiement de sommes dues, selon elle, en exécution de cette convention et, à titre subsidiaire, en résiliation du contrat. La société I. a formé une demande reconventionnelle en résiliation du contrat. Pour dire irrecevable la demande reconventionnelle de la société I., la cour d'appel (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 24 juin 2015, n° 10/02780 N° Lexbase : A7552NLB) a retenu que sa situation de défenderesse à la procédure engagée par la société B. ne lui interdisait nullement de saisir le médiateur des nouveaux griefs qu'elle opposait.

A tort selon la Haute juridiction qui juge qu'en statuant ainsi, alors que le contrat n'instituait pas une fin de non-recevoir en pareil cas, la cour d'appel a violé les articles 22 (N° Lexbase : L1149H4C) et 126 (N° Lexbase : L1423H4H) du Code de procédure civile, ensemble l'article 53 de ce code (N° Lexbase : L1227H49) (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E9912ETB).

newsid:458446

Temps de travail

[Brèves] De l'indemnité due en cas d'exercice des mandats d'un représentant élu du personnel ou d'un représentant syndical durant la période de repos compensateurs

Réf. : Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1068WEB)

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par Blanche Chaumet

Le 01 Juin 2017

Si le temps alloué à un représentant élu du personnel ou à un représentant syndical pour l'exercice de son mandat est de plein droit considéré comme temps de travail et que la salariée ne pouvait être privée des jours de repos compensateur du fait de l'exercice de ses mandats durant cette période de repos compensateurs, il résulte de l'article D. 3121-14 du Code du travail alors applicable (N° Lexbase : L7287IBI, devenu C. trav., art. D. 3121-23 N° Lexbase : L5439LB3), que ce n'est que lorsque le contrat de travail prend fin, avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit, ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos, qu'il reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 23 mai 2017 (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250, FP-P+B+R N° Lexbase : A1068WEB).

En l'espèce, une salariée embauchée en qualité de chef d'équipe, était titulaire de plusieurs mandats représentatifs. A compter du mois de mars 2015, l'employeur a cessé de lui payer les heures de délégation effectuées lors de ses contreparties obligatoires de repos. La salariée a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes en paiement des heures de délégation effectuées en mars et avril 2015, outre les congés payés afférents.

Pour condamner l'employeur au paiement provisionnel des sommes réclamées, le juge des référés retient que le représentant du personnel qui bénéficie de jours de repos compensateurs conventionnels (contrepartie obligatoire à repos) et utilise ses heures de délégation pendant ce repos est en droit de bénéficier de la quote-part de repos correspondant au temps de délégation et qu'en l'espèce, l'employeur n'a pas procédé au report de la quote-part de la contrepartie obligatoire à repos de la salariée correspondant au temps de l'exercice de ses mandats pendant cette période. A la suite de cette décision, l'employeur s'est pourvu en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa de l'article D. 3121-14 du Code du travail alors applicable, ensemble l'article R. 1455-7 (N° Lexbase : L0818IAK) du même code (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0372ETX).

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