La lettre juridique n°422 du 6 janvier 2011

La lettre juridique - Édition n°422

Éditorial

Lexique oenologique des lois de finances, cru 2010, à décanter dès 2011

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N0344BR8

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Chaque année, à la mi-novembre, c'est la récolte fiscale : des projets de loi de finances, de finances rectificative, de financement de la Sécurité sociale sont récoltés des bancs du Conseil des ministres. Le "matériel" est là, toujours le même (impôt, taxe, cotisation, taux, assiette, abattement, exonération...). Et, avec l'ensoleillement de l'année, on sait pour quel bouquet, il va être agencé ; si le collectif budgétaire de l'année sera savamment structuré et capiteux. Puis, c'est le temps de la vinification, voire de l'assemblage, à travers lequel nos parlementaires/vignerons, jusqu'à la Commission mixte paritaire, réunissent des mesures fiscales provenant de cépages politiques différents, pour composer le millésime final. Une fois que le Conseil constitutionnel a écarté la pourriture noble des lois nouvellement adoptées, il est temps de publier le collectif budgétaire, de l'embouteiller via le Journal officiel des 30 ou 31 décembre de l'année. Pas le temps d'attendre son apogée, le moment où il sera au mieux de sa forme aromatique, le collectif budgétaire est débouché dès l'année suivante et sa dégustation réserve, parfois, quelques surprises, même si l'on y décèle, tout de même, le soleil ou la pluie qui se sont abattues tout au long de l'année précédente dans les terroirs français. Une fois en bouche, c'est tout le langage fleuri de l'oenologie qui vous assaille.

Astringence : comment nos muqueuses ne se contracteraient-elles pas sous la force des tanins, jusqu'à avoir la sensation d'une langue râpeuse, avec l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe spéciale d'équipement destinée à financer le réseau du Grand Paris ; l'association d'un arôme moderne et profitable pour tous -le Grand Paris- à un arôme tanné, au parfum de vieux cuir budgétaire -une nouvelle taxe comme sanction/contrepartie de la valorisation foncière y afférente- ?

Bouquet : comment ne pas être étonné par la complexité olfactive de ce collectif budgétaire dont l'élaboration témoigne tant de la fibre sociale et de la rigueur budgétaire ? Où il est certain que les lois de finances résultent d'un savant dosage entre fiscalité taxatrice, fiscalité incitative, fiscalité correctrice et fiscalité réparatrice...

Chambré : comment ne pas s'apercevoir que le millésime budgétaire 2010 a été porté à température ambiante, qu'il est en phase avec la rigueur budgétaire mondiale, issue de la crise et des déficits abyssaux des Etats et des institutions de gestion de la Protection sociale ?

Chaptalisation : comment ne pas déceler ce sucre ajouté pour renforcer la sensation d'alcool de ce collectif budgétaire, naturellement peu enivrant ? Il en va ainsi de la réforme du plan d'épargne logement, comportant notamment, pour les PEL ouverts à compter du 1er mars 2011, une modification des conditions d'octroi de la prime d'épargne logement et de son montant, ainsi que de nouvelles règles de prélèvements sociaux et fiscaux des intérêts ; de la refonte complète de la fiscalité de l'urbanisme, afin de rassembler dans le Code de l'urbanisme des articles figurant dans différents codes et de créer un dispositif unique comprenant une taxe d'aménagement établie sur tous bâtiments et aménagements nécessitant une autorisation d'urbanisme et un versement pour sous-densité destiné à lutter contre l'étalement urbain ; de la réforme du régime fiscal des sociétés de personnes, allant dans le sens d'une plus grande transparence et se rapprochant des règles existant dans d'autres Etats ; de la création d'un régime de consolidation du paiement de la TVA entre entreprises appartenant à un même groupe permettant la réalisation de gains de trésorerie ; de la simplification du calcul du seuil du chiffre d'affaires par la suppression du prorata temporis, applicable aux auto-entrepreneurs pour le calcul de l'imposition sur les bénéfices et de la TVA, de l'amélioration des outils juridiques du contrôle fiscal dans le cadre de la lutte contre la fraude et l'économie souterraine en élargissant les pouvoirs d'enquête des agents fiscaux aux infractions connexes au délit de fraude et en renforçant le droit de communication de l'administration fiscale. Un ensemble de mesures visant à rendre ouvert, expressif, ce collectif essentiellement taxateur.

Concentré : comment ne pas être frappé par ce collectif qui a macéré plus longuement que de coutume au contact de la peau, des pépins... pour dégager toujours plus de tanin budgétaire : l'augmentation de la contribution sociale sur les stock-options (14 %) ; une majoration d'un point de la tranche d'imposition sur le revenu la plus élevée (40 %) qui s'applique aux foyers fiscaux déclarant plus de 69 783 euros annuels (cette majoration qui ne sera pas prise en compte dans le calcul du "bouclier fiscal") ; la suppression de l'avantage fiscal aux mariés, pacsés et divorcés de l'année ; la suppression de l'abattement de 15 % de cotisations sociales pour les particuliers-employeurs ; la suppression du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier ; la réduction d'ISF en cas d'investissement direct ou indirect dans une PME abaissé de 75 % à 50 % ; la baisse de 10 % de l'avantage fiscal tiré de plusieurs niches et plafonnement des réductions d'impôt à 18 000 euros et 6 % du revenu imposable ; la hausse de la taxation des revenus du capital (le prélèvement forfaitaire libératoire passe à 19 %) ; la hausse de la taxation des retraites chapeaux (les rentes comprises entre 500 et 1 000 euros par mois subiront une contribution sociale de 7 %, celles au-delà de 1 000 euros seront taxées à 14 %) ; ou encore la soumission à l'impôt sur le revenu des dommages et intérêts de plus d'un million d'euros.

Cordon : c'est un véritable paquet de bulles à la surface du verre qui nous a aveuglé durant ces dernières semaines, cachant l'essentiel et la complexité du bouquet de ce collectif. L'instauration d'une taxe sur la publicité en ligne, dite "taxe Google", de 1 % (reportée au dernier moment au 1er juillet 2011) et l'augmentation de la TVA sur les offres triple play (19,6 % pour la totalité de l'abonnement) auront accaparé les médias plus volontiers que la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée (le chiffre d'affaires consolidé d'une entreprise sera pris en compte pour calculer la cotisation afin d'éviter que les entreprises multiplient les filiales afin de passer sous le seuil de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires pour pouvoir bénéficier de dégrèvements), subtilité, au détriment du contribuable, bien plus taxatrice.

Fermé : ce collectif revêt bien peu d'arôme, seule une oxygénation pouvant lui faire prendre corps ; et ce n'est pas une réforme du barème du malus automobile, par l'abaissement de divers seuils d'application de malus et la création de deux nouvelles tranches de malus intermédiaires, qui le rendra "ouvert".

Frappé : servi entre 4° et 6°, en plein hiver continental, ce collectif manque de mou, de relief, de goût...

Lourd : trop liquoreuse, la réforme du crédit d'impôt recherche (l'avantage fiscal des entreprises qui investissent pour la première fois dans la recherche est réduit de 50 % à 40 % la première année, et de 40 % à 35 % la deuxième) manque de subtilité, d'équilibre et de vivacité pour continuer à encourager l'investissement dans la recherche, l'innovation dans les technologies sources du développement économique de demain.

Tertiaire : l'arôme développé avec le temps de révision de la valeur locative des locaux professionnels par la révision initiale de la base d'imposition des locaux commerciaux et professionnels sur les valeurs de marché et un dispositif de mise à jour permanente des évaluations selon les évolutions du marché devra faire son oeuvre...

Verticale : au final, si l'on dégustait les différents millésimes de ce collectif budgétaire, du plus jeune au plus ancien, on s'apercevrait qu'il revêt la robe, les couleurs, et les arômes de son temps. Celui de 2007 fut ensoleillé par le "paquet fiscal" visant à réinjecter des deniers dans l'économie réelle ; celui de 2008 amorça la crise tout en poursuivant l'incitation fiscale en faveur de l'environnement ; celui de 2009 consacra la fiscalité réparatrice des inégalités accentuées par la crise ; celui de 2010 laissera comme un goût amer : celui de payer l'addition d'un millésime en panne de croissance.

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Assurances

[Chronique] Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences - Janvier 2011

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N0356BRM

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Le 31 Janvier 2011

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, tous deux membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé). Au premier plan de cette chronique, on retrouve un arrêt rendu le 17 novembre 2010 par la première chambre civile de la Cour de cassation, qui se prononce sur la qualification juridique, au regard des régimes matrimoniaux, des capitaux issus d'une assurance invalidité (Cass. civ. 1, 17 novembre 2010, n° 09.72.316, FS-P+B+I). C'est ensuite un arrêt en date du 15 décembre 2010, rendu par la même chambre civile, portant sur les conséquences entre co-indivisaires de la mise en oeuvre d'une assurance perte d'emploi pour l'un d'eux, qui a retenu l'attention des auteurs (Cass. civ. 1, 15 décembre 2010, n° 09-16.693, F-P+B+I). A l'honneur, également, un arrêt, inédit, rendu par la deuxième chambre civile le 9 décembre 2010, qui fixe une jurisprudence stricte relative au respect des conditions de garantie en matière d'assurance vol (Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-71.669, F-D). Enfin, cette chronique revient sur le problème des fausses déclarations avec un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 16 décembre 2010 (Cass. civ. 2, 16 décembre 2010, n° 10-10.859, FS-P+B).
  • Qualification juridique des capitaux issus d'une assurance invalidité : biens propres ou non ? (Cass. civ. 1, 17 novembre 2010, n° 09.72.316, FS-P+B+I N° Lexbase : A5473GIK)

Le droit des assurances de groupe est à l'honneur ce mois-ci, même s'il pourrait l'être tant d'autres fois. Encore que ce ne soit pas le régime spécifique de ces contrats d'assurances, exposé aux articles L. 141-1 (N° Lexbase : L2643HWS) et suivants du Code des assurances, qui est au coeur de la présente affaire. Ce sont plutôt les interactions entre le droit des assurances et de la famille qui, en l'espèce, nous intéressent. Ces dernières ne constituent certes pas une découverte récente (1) ; mais une nouvelle preuve qu'elles ont encore de beaux jours devant elles. En témoigne, donc, cet arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 17 novembre 2010, rendu à la suite du versement d'une somme d'argent provenant d'un contrat d'assurance de groupe souscrit par un employeur, au profit de ses salariés, en cas notamment d'invalidité permanente ou partielle.

Qu'importent les conditions précises dans lesquelles l'un de ces employés a bénéficié de cette manne. Peu importe aussi que l'homme marié, victime de ce risque, ait fait le choix d'utiliser les sommes acquises pour financer l'achat d'un appartement, au lieu d'en faire usage pour soulager une éventuelle souffrance physique, acquérir un appareillage idoine ou payer les soins d'une tierce personne. Le Code des assurances ignore l'affectation à tel ou tel usage des rentes ou des capitaux versés par l'assureur. Et si, dans certains contrats d'assurance de dommages, les assureurs peuvent souhaiter voir cette liberté évoluer, dans le cadre de telles assurances de personnes, la règle contraire heurterait plusieurs principes fondamentaux dont la simple évocation apparaît incongrue.

Lors de son divorce et du partage de la communauté, cet homme revendique une partie du capital qu'il avait donc investi dans l'achat d'un appartement pour le couple. Il allègue le caractère propre des sommes reçues, et réclame qu'il soit tenu compte de ces sommes dans le calcul de la communauté et donc de la part lui revenant. La cour d'appel ne fait pas droit à ses prétentions estimant que le capital versé -et donc son montant- l'avait été eu égard à plusieurs critères dont ses salaires et sa situation de famille, c'est-à-dire sans doute l'existence d'un conjoint ou d'enfants du couple (CA Versailles, 1ère ch., 1ère sect., 15 octobre 2009). Nul élément ne permet de douter de la véracité du propos, d'autant qu'il n'est pas rare que des assurances de ce type, au lieu du versement d'un capital en cas de décès connu dès la souscription du contrat, prévoient souvent, en cas d'invalidité, le règlement de sommes calculées en fonction de divers paramètres, à commencer par le plus évident : le taux d'invalidité.

Ce que la cour d'appel refuse donc d'admettre, au-delà de ces premières considérations, c'est le caractère forfaitaire qui caractérise les assurances de personnes. Tout au contraire, elle sous-entend que ces contrats là s'apparentent, au moins pour partie, aux assurances de dommages dont la caractéristique tient à la détermination des indemnités dues par l'assureur en fonction de l'ampleur du dommage subi. Mutatis mutandis, les juges du fond ont donc estimé que l'assureur avait indemnisé son assuré, en quelque sorte, pour l'altération de son état physique due à une atteinte s'étant traduite par une invalidité, sans doute partielle. Si l'on peut comprendre le raisonnement, suivant une certaine logique, il demeure, sur le plan juridique, à la limite du hors-sujet. D'ailleurs, la Cour de cassation casse pour motifs inopérants.

Notre Haute juridiction énonce, de manière presque lapidaire -tant la solution lui apparaît acquise- que "le capital issue d'une assurance garantissant le risque d'invalidité a, en réparant une atteinte à l'intégrité physique de la personne, un caractère personnel, de sorte qu'il constitue un bien propre par nature". La Cour de cassation demeure fidèle à sa conception initiale tendant à voir dans l'assurance invalidité une assurance de personnes et non une assurance de dommages. Quoique l'on pense de la solution, elle a le mérite de la clarté et de la simplicité. Il sera certes toujours possible de considérer que, dans tel ou tel contrat d'assurance invalidité, la part d'éléments non prédéterminés, mais ajustés -si l'on ose dire- en fonction de l'ampleur du préjudice subi, l'emporte sur les critères spécifiques aux assurances de personnes traditionnelles ou classiques. Toutefois, raisonner en fonction de la proportion de tel ou tel aspect constitue toujours une source d'incertitudes et d'hésitations dès lors qu'une sorte d'équilibre est constatée.

Le raisonnement de la Cour de cassation -encore une fois, un peu autocratique- repose sur l'idée que les souffrances subies par la personne guident non pas la classification du contrat d'assurance, mais sa nature juridique au regard du droit commun et notamment du droit commun de la famille. Parce que c'est l'individu qui a souffert dans sa chair, ce qu'il recueille représente un bien propre "par nature". En d'autres termes, il en est ainsi, et cela ne se discute pas, semble nous asséner, ou presque, la Cour de cassation, non sans rappeler la méthode employée lors du débat sur la qualification juridique de certaines assurances vie, tranché par les quatre arrêts en date du 23 novembre 2004 (2).

Pourtant, il est indubitable que les sommes versées par l'assureur, dans de telles circonstances, dépendent du degré de souffrance et de préjudice subis par la victime ; par conséquent, elles semblent relever davantage de la catégorie des assurances de dommages. Toutefois, il convient de reconnaître que cette summa divisio entre assurances de dommages et assurances de personnes ne présente plus la dichotomie d'antan ; la césure n'est plus aussi profonde que lors de l'élaboration de la loi du 13 juillet 1930. D'essence doctrinale à la lecture des rares éléments d'information issus de la loi du 13 juillet 1930, elle n'a jamais été officiellement consacrée. Plus encore, le développement de nouveaux contrats d'assurance au cours de ces dernières décennies a marqué son caractère parfois obsolète, ou tout au moins insuffisant. Notre Haute juridiction pouvait, donc, maintenir les produits des contrats d'assurance invalidité au sein des assurances de personnes.

Mais surtout, la qualification d'assurance de personnes, si elle a une incidence évidente sur celle des biens ainsi acquis par un individu, demeure autonome par rapport à la question fondamentale posée, en l'espèce, relative à la nature juridique des biens considérés. Or, là, aucune hésitation n'était permise, en raison de l'article 1404 du Code civil (N° Lexbase : L1535ABH) considérant comme étant des biens propres notamment "les actions en réparation d'un dommage corporel". Et si d'aucuns soutenaient que le terme d'action s'entend d'un point de vue judiciaire et non d'un acte juridique préventif, tel un contrat d'assurance invalidité, l'article ajoute encore "tous les droits exclusivement attachés à la personne". Encore une fois, la cour d'appel ne devait pas confondre cet aspect civil avec la qualification du droit des assurances.

Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen

  • Conséquences entre co-indivisaires de la mise en oeuvre d'une assurance perte d'emploi pour l'un d'eux (Cass. civ. 1, 15 décembre 2010, n° 09-16.693, F-P+B+I N° Lexbase : A1860GN9)

Les contentieux les plus intéressants naissent et portent souvent sur des actes de la vie courante ne présentant qu'une originalité relative. D'une situation classique, sans particularisme apparent, ayant déjà concerné de nombreuses personnes, un détail -ou tout au moins ce qui apparaît en être un- vient bouleverser cette quiétude ordinaire. L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 15 décembre 2010 s'inscrit dans cette catégorie. Relatif à une assurance perte d'emploi -dont on sait depuis le milieu des années 1980 la place qu'elles occupent dans la vie des individus voulant acquérir un bien immobilier-, il concerne deux personnes, un homme et une femme -sans que l'on dispose de plus de précisions sur la nature des liens les unissant- indivises sur un immeuble, chacune à 50 %, et qui avaient sollicité un emprunt pour acquérir, au moins pour partie, ce bien.

On se souvient que les assurances perte d'emploi -souvent juxtaposées à une assurance décès-invalidité- sont depuis lors proposées, voire fortement suggérées, par les organismes de crédit, à leurs clients emprunteurs, pour garantir le prêt effectué. Ne devant pas être confondues avec ce que la pratique nomme, à tort ou avec imprécision, l'assurance chômage gérée par des deniers publics, l'assurance "perte d'emploi" consiste, pour des sociétés d'assurance privées donc, à prendre en charge, moyennant le paiement de primes, les remboursements mensuels des clients d'organismes bancaires ayant, par ailleurs, sollicité un tel emprunt. Outre que ce type de contrat suppose de bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée, il contient souvent un délai dit de carence pour éviter les fraudes auxquelles chacun peut songer. Offrant une protection limitée dans le temps, douze à dix-huit mois en moyenne selon les contrats, ceux-ci supposent que l'assureur accepte de se substituer à son adhérent le temps que ce dernier retrouve un emploi.

Assurance de groupe reposant sur une prétendue stipulation pour autrui -en réalité souvent deux voire un contrat pour autrui comprenant lui-même une stipulation pour autrui-, l'assurance perte d'emploi a connu un développement soutenu. Peu importe en l'espèce. Ce qui intéresse le présent arrêt s'entend de la conjonction des règles de l'indivision de droit commun et du droit spécial des assurances. Avant même d'envisager la suprématie éventuelle de l'un sur l'autre -éternelle interrogation depuis ces dernières années d'accentuation de l'autonomie du droit des assurances-, encore convient-il de comprendre l'origine de la difficulté. Dans le cas présent, le contrat d'assurance ne comportait qu'un seul assuré, l'homme, garanti à 100 %. Rien de surprenant a priori, mis à part le constat que l'emprunt réalisé par les deux co-indivisaires pour financer leur achat avait été souscrit de manière solidaire.

A la suite d'un sinistre, l'assuré demande que ces sommes soient portées sur le compte de l'indivision. La cour d'appel ne l'entend pas ainsi (CA Paris, 2ème ch., sect. B, 13 décembre 2007, n° 06/08025 N° Lexbase : A8563D3K). Elle raisonne sur le fondement de la stipulation pour autrui et s'attache à un seul aspect : la qualité de tiers bénéficiaire du contrat d'assurance perte d'emploi, qui s'entend de la banque prêteuse et non de l'assuré. Sans doute cette assertion n'est-elle pas inexacte, quoi que l'on puisse en penser par ailleurs, eu égard à une jurisprudence désormais acquise. La Cour de cassation a, en effet, pu considérer que le premier bénéficiaire du contrat d'assurance s'entend de l'organisme prêteur de deniers. Or, la Cour de cassation censure la cour d'appel. Comme dans l'arrêt précédent, c'est encore en raison de motifs inopérants qu'elle casse l'arrêt pour violation de la loi.

Notre Haute juridiction s'attache, elle, aux seules relations contractuelles suscitant une interrogation concernant les relations unissant les deux co-indivisaires et, s'appuyant sur l'article 1213 du Code civil (N° Lexbase : L1315ABC), et en déduit que le versement du capital d'assurance avait pour effet d'éteindre la dette de contribution du co-indivisaire. Cette décision arrête l'attention et peut susciter la critique. Sans doute, en pratique, le paiement des mensualités dues par l'emprunteur engendre-t-il, en quelque sorte, deux bénéficiaires : l'organisme prêteur qui continue ainsi à être réglé des remboursements mensuels de l'emprunt qu'il a accordé, et, l'emprunteur, lui-même, qui est allégé de sa dette. Néanmoins, la jurisprudence antérieure, sans le dire toujours de manière claire et précise, considère l'organisme prêteur comme le véritable tiers bénéficiaire.

En précisant que tel ne serait pas le cas, "sauf convention contraire", la Cour de cassation semble rendre une décision évolutive par rapport à des décisions antérieures, même dans un autre contexte. L'arrêt ne présentant pas les apparences d'un arrêt de principe, même si sa portée ne saurait être limitée en raison notamment de la cassation appliquée, son rôle futur doit être envisagé avec précaution d'autant qu'il est rendu dans le cas particulier d'une co-indivision. Sur le fond, le changement recueillerait notre approbation. En effet, lorsque le même contrat d'adhésion comprenant une assurance en cas de décès et une assurance invalidité contient une clause bénéficiaire désignant un proche de l'assuré comme tiers bénéficiaire, il s'avère difficile de leur expliquer, ensuite, que la réalité est autre, sous prétexte que les sommes versées par l'assureur le furent sur le compte bancaire de l'assuré, et que la banque a donc pu se rembourser dès l'instant de leur règlement.

Nul doute surtout que si cette interprétation devait être confirmée, même sur le fondement de l'article 1121 du Code civil (N° Lexbase : L1209ABE) relatif à la stipulation pour autrui, elle contraindrait les organismes de crédit à faire apparaître, de manière plus explicite, ce rôle supplémentaire qu'ils jouent, outre celui de souscripteur du contrat d'assurance ou contrat "cadre" dans ce type d'espèce, offrant ainsi une meilleure compréhension du mécanisme des assurances de groupe par les clients et futurs assurés non juristes et spécialistes de droit des assurances pour lesquels ces "montages" apparaissent quelque peu abscons.

Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen

  • Du strict respect des conditions de garantie en matière d'assurance vol : la jurisprudence de la Cour de cassation est fixée (Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-71.669, F-D N° Lexbase : A9191GMD)

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le fait que cette décision du 9 décembre 2010 ne soit pas destinée au Bulletin nous semble un élément important. Il traduit que, dans l'esprit de la Cour de cassation, la question au coeur de l'arrêt, le respect des exigences posées à titre de condition de garantie, est désormais réglée et ne mérite plus d'être particulièrement mise en valeur.

En effet, dans un passé récent cette question a été l'objet d'analyses divergentes de la part de la Cour de cassation, discutées dans cette chronique (3).

Le doute a été instillé par un grand arrêt du droit des assurances en date du 10 mars 2004 (4), rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation au double visa des articles 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) et, surtout, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR). Elle y posait un principe nouveau selon lequel "la preuve du sinistre, qui est libre, ne peut être limitée par le contrat". Dans cette espèce, la convention litigieuse "prévoyait que l'assuré établisse, outre des détériorations liées à une pénétration dans l'habitacle par effraction, le forcement de la direction ou de son antivol et la modification des branchements électriques ayant permis le démarrage du véhicule". Les juges du fond avaient raisonné fort classiquement en jugeant "que si les circonstances du vol envisagées par la police sont du domaine du fait juridique dont par principe la preuve est libre, la garantie n'est due, en cas de recours à des techniques plus affinées d'appréhension frauduleuse, que lorsque ces modes opératoires causent des détériorations matérielles figurant au nombre des indices exigés par la police". Ce raisonnement avait été censuré pour atteinte aux principes probatoires.

L'arrêt pouvait semer le doute sur le respect des conditions de garanties, si celles-ci, ravalées au rang d'indices probatoires, pouvaient être "balayées" par un principe, supérieur, de liberté de la preuve du sinistre.

Toutefois, par un arrêt postérieur, la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 06-15.670, F-P+B N° Lexbase : A7956DWL) a rappelé à l'exigence des conditions de garantie, alors que la cour d'appel de Paris avait, dans cette espèce, pris le parti d'une lecture extensive de l'arrêt précité du 10 mars 2004 en qualifiant les conditions de garantie "d'indices prédéterminés et cumulatifs" attentatoires au principe de liberté de la preuve du sinistre. La censure prononcée par les Hauts magistrats de la deuxième chambre civile au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), pour dénaturation du contrat par les juges du fond, confortait la qualification de condition de garantie et l'exigence de leur respect. Nous avions, alors, approuvé en soulignant que les conditions insérées dans les polices ne doivent pas être considérées comme de simples indices du sinistre mais, plus fondamentalement, comme de véritables critères de l'objet garanti.

Par l'arrêt rapporté du 9 décembre 2010, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence. Alors que le contrat d'assurance litigieux prévoit des conditions de couverture du vol du véhicule (forcement de la direction et de la serrure, du contact électrique, de la batterie, des fils électriques), la Cour de cassation rappelle la licéité des conditions de garantie "claires, précises, voire, comme en l'espèce, cumulatives [dont] il appartient à l'assuré d'établir" qu'elles sont réunies. Tel n'étant pas le cas (l'expertise n'ayant révélé aucune trace d'effraction du véhicule), l'absence de garantie est légitime.

Du principe de liberté de la preuve du sinistre et de l'article 6 CESDH, il n'est plus question. Le respect des conditions cumulatives de couverture d'un "vol qualifié" est désormais défendu sans faille. La Cour de cassation semble ainsi apporter sa contribution à la lutte contre la fraude en matière d'assurance.

Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)

  • Modalités d'appréciation du risque : l'article L. 113-2 du Code des assurances n'impose pas la rédaction d'un questionnaire d'évaluation écrit (Cass. civ. 2, 16 décembre 2010, n° 10-10.859, FS-P+B N° Lexbase : A2727GNC)

L'actualité de la jurisprudence rendue par la Cour de cassation au mois de décembre 2010 atteste de la vitalité du contentieux des fausses déclarations, intentionnelles ou non, conduisant aux sanctions des articles L. 113-8 (N° Lexbase : L0064AAM) ou L. 113-9 (N° Lexbase : L0065AAN) du Code des assurances (cf., notamment, Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-17.471, FS-D N° Lexbase : A9082GMC ; Cass. civ. 3, 15 décembre 2010, n° 09-14.411, FS-D N° Lexbase : A2421GNY).

Les juges doivent apprécier et comparer la réalité de la situation de l'assuré aux éléments par lui déclarés lors de la souscription du risque.

Dans ce contexte, l'importance du questionnaire d'évaluation du risque visé à l'article L 113-2-2° du Code des assurances (N° Lexbase : L0061AAI) est primordiale. Cet article définit l'obligation pour l'assuré de "répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge".

Cette obligation de déclaration de bonne foi qui pèse sur l'assuré repose, en amont, sur l'élaboration par l'assureur d'un questionnaire.

Il a déjà été souligné, dans cette chronique, combien un questionnaire incomplet ou imprécis se retourne contre l'assureur, qui ne peut invoquer une fausse déclaration de la part de l'assuré qui n'aurait pas eu à répondre à une question que l'assureur ne lui a pas posée (5).

A fortiori l'absence de questionnaire est-elle préjudiciable à l'assureur. La Cour de cassation (Cass. crim., 18 septembre 2007, n° 06-84.807 N° Lexbase : A7171GNW) a ainsi déduit que : "faute de produire un questionnaire sur les circonstances de nature à faire apprécier l'objet du risque pris en charge, auquel M. Y était tenu de répondre avant la conclusion du contrat, l'assureur, dont le mandataire a manifestement négligé de confronter les affirmations du souscripteur de la police aux mentions de la carte grise, n'apporte pas la preuve d'une fausse déclaration intentionnelle faite de mauvaise foi par l'assuré".

Toutefois, la jurisprudence n'entend pas limiter l'appréciation des déclarations de l'assuré au seul questionnaire. Un arrêt du 19 février 2009 (6) a mis en lumière que l'absence de questionnaire n'est pas un talisman que l'assuré pourrait brandir pour échapper à toute sanction. Dans cette espèce où l'assuré soutenait n'avoir eu à remplir aucun questionnaire, la Cour de cassation rejette son moyen au motif que "si les dispositions de l'article L. 113-2-2° du Code des assurances imposent à l'assuré d'informer l'assureur des circonstances de nature à lui faire apprécier le risque qu'il prend en charge, lorsque lui sont posées des questions, le juge peut prendre en compte, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle prévue à l'article L. 113-8 du même code, les déclarations faites par l'assuré de sa propre initiative, lors de la conclusion du contrat d'assurance".

Une telle décision invite à considérer le questionnaire comme l'un des moyens, mais pas le seul, pour établir les conditions de déclaration du risque. Cette solution est fidèle à la lettre même de l'article L. 113-2-2° du Code des assurances, qui emploie l'adverbe "notamment".

L'arrêt du 16 décembre 2010, destiné au Bulletin, vient ajouter du crédit à cette idée en posant que, outre le formulaire de déclaration du risque, "le juge peut prendre en compte, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle prévue à l'article L. 113-8 du même code, les déclarations faites par l'assuré à sa seule initiative ou à l'occasion d'un échange téléphonique ayant abouti à la conclusion du contrat".

En l'espèce, l'assuré a vainement contesté la recevabilité d'un questionnaire oral, par téléphone. La Cour de cassation rejette cette objection au motif que "l'article L. 113-2 du Code des assurances prévoit la collecte d'informations mais n'impose pas la rédaction d'un écrit".

Sans doute la conclusion orale d'un contrat pose-t-elle, classiquement, des problèmes de preuve. Le contrat d'assurance, de nature consensuelle (7), n'y échappera pas. Sans doute l'article L. 112-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L9858HET) exige-t-il que le contrat d'assurance soit rédigé par écrit, mais il s'agit là d'une simple exigence probatoire et non ad validitatem.

Aussi, si les échanges précontractuels ont lieu par oral, ils doivent être repris et intégrés à la police d'assurance. L'écrit vient alors fixer les éléments déclarés.

Tel était le cas dans l'espèce examinée, les conditions particulières de la police ayant repris les éléments oraux, tels "profession... fonctionnaire ; mode de garage habituel de nuit... box fermé ou garage ; n'a pas été assuré en tant que conducteur habituel pour un véhicule au cours des 36 derniers mois". En réalité, l'assuré n'avait ni cette profession, ni garage pour son véhicule.

La Cour retient "qu'à la réception des conditions particulières [l'assuré] se devait de vérifier ces informations et d'aviser son assureur des erreurs ou omissions qu'il avait constatées ; que tel n'est pas le cas puisque le contrat a été retourné signé le 21 novembre 2003 ; que la preuve du caractère intentionnel des fausses déclarations est démontrée".

La démonstration est impeccable. Les déclarations orales étant reprises dans la police d'assurance, l'assuré a tout loisir d'en vérifier l'exactitude. L'arrêt invite l'assuré à ne pas signer hâtivement la police sans la lire. Quand, comme en l'espèce, l'écart entre la réalité de la situation de l'assuré et ses déclarations est si manifeste que la fausseté est incontestable, l'envoi de la police lui permettra un repentir. S'il la retourne sans modifier ses déclarations initiales, la sanction doit logiquement s'appliquer.

Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)


(1) H. Leroy, L'assurance et le droit pécuniaire de la famille, LGDJ, 1985 ; L. Mayaux, Les relations entre le droit des assurances et le droit de la famille : questions d'actualité, RGAT, 1994, p. 423.
(2) Cass. mixte, 23 novembre 2004, quatre arrêts, n° 03-13.673 (N° Lexbase : A0919DER) ; n° 01-13.592 (N° Lexbase : A0225DE3) ; n° 02-11.352 (N° Lexbase : A0235DEG) ; et n° 02-17.507 (N° Lexbase : A0265DEK), Bull. n° 4, p. 9 et s., L. Aynès, Des arrêts politiques, Droit et patrimoine, janvier 2005, n° 133, p. 11 ; F. Leduc et Ph. Pierre, Assurance-placement : une qualification déplacée, RCA, février 2005, n° 3, p. 7 ; R. Libchaber, Rép. Défr., 2005, n° 07/05, chro. 38142, p. 607 ; A. M. Ribeyre, Assurance-vie : le débat se déplace de l'aléa vers la prime excessive, Droit et patrimoine, janvier 2005, n° 133, p. 10. Voir dans le sens contraire : B. Beignier, D. 2005, p. 1905 ; H. Lécuyer, Promesses jurisprudentielles de longue vie à l'assurance-vie, J. Cl. Droit de la famille, mars 2005, chro. n° 6, p. 11 ; L. Mayaux, RGDA, 2005, n° 1.
(3) Cf. nos obs., Conditions de garantie du risque : la deuxième chambre civile précise sa jurisprudence en privilégiant le respect du contrat plutôt que les principes probatoires, note sous Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 06-15.670, F-P+B (N° Lexbase : A7956DWL), in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N2437BCA).
(4) Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 03-10.154, F-P+B (N° Lexbase : A4966DBK), Bull. civ. II, n° 101, p. 86 ; RTDCiv, 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages ; RGDA, 2004, p. 562 et 644, obs. J. Kullmann ; Resp. civ. et ass., 2004, étude n° 20, obs. D. Noguero.
(5) Cf. V. Nicolas, Pas de pitié pour l'assureur n'ayant pas élaboré un questionnaire complet et précis, note sous Cass. civ. 2, 15 février 2007, n° 05-20.865, FS-P+B (N° Lexbase : A2138DUQ), in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 251 du 4 mars 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N2992BA3).
(6) Cf. V. Nicolas, L'appréciation des déclarations de l'assuré ne se limite pas au questionnaire, note sous Cass. civ. 2, 19 février 2009, n° 07-21.655, FS-P+B (N° Lexbase : A3948EDL), in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 349 du 7 mai 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0563BK3).
(7) Là-dessus, cf. nos obs., La défense de la nature consensuelle du contrat d'assurance, note sous Cass. civ. 2, 14 juin 2007, n° 06-15.955, F-P+B (N° Lexbase : A7969DW3), in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 267 du 5 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N7630BB9).

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Pascal Saint-Geniest, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Toulouse et François Axisa, ancien Bâtonnier de l'Ordre

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par Grégory Singer, Journaliste juridique

Le 17 Janvier 2011

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... Maître Pascal Saint-Geniest, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Toulouse, entré en fonction le 1er janvier 2011 et Maître François Axisa, ancien Bâtonnier de l'Ordre. Lexbase : Tout d'abord, pourriez-vous nous présenter le barreau de Toulouse ?

François Axisa : Le barreau de Toulouse va prochainement franchir le cap des 1 200 avocats après l'inscription de la nouvelle promotion. Nous sommes, à cet égard, légèrement devant le barreau de Bordeaux. 55 % de femmes le composent (ces dernières étant très présentes dans les nouvelles promotions). Ce taux est un peu au-dessus de la moyenne nationale.

Le barreau ne compte pas un grand nombre de grosses structures, de nombreux confrères fonctionnant selon des formules d'association de personnes. Nous sommes un barreau plutôt jeune, avec une moyenne d'âge de moins de 40 ans, ce phénomène s'étant enclenché avant 2005. Beaucoup de confrères exercent une activité généraliste, plutôt du droit civil, dans le domaine des affaires familiales, et du "petit" pénal ; peu se spécialisent. Nous constatons, d'ailleurs, globalement une diminution des spécialisations. Le droit du travail est, cependant, la matière la plus représentée. Nous dénombrons, également, un accroissement du droit public, sans forcément opter pour une spécialité. Une grande partie du barreau travaille dans le conseil (fiscal, droit des sociétés) avec quelques cabinets bien structurés.

Lexbase : Maître Axisa, quel bilan tirez-vous de votre mandat ? Quels ont été les chantiers menés tout au long de ces deux années ?

François Axisa : Nous avons eu la possibilité d'acquérir des locaux au sein même de l'actuelle maison de l'avocat, nous permettant d'agrandir la structure de l'Ordre de 600 m². Il était indispensable de nous étendre puisqu'il nous manquait des espaces de réunion et de travail. Le nombre d'avocats a crû beaucoup plus vite que la taille de nos locaux.

En juillet 2010, la décision du barreau a été prise de s'engager dans le chantier du Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) car c'est en un ! L'Ordre a déployé des efforts afin de convaincre les confrères de l'intérêt et de l'utilité de ce nouveau moyen de communication avec les juridictions. Nous ne sommes pas, seulement, face à un nouveau mode de travail avec ces dernières, mais face à un nouveau degré d'équipement pour les cabinets, intéressant tous les avocats, notamment, par le biais de connexions avec des services publics afin de faciliter l'efficacité et la sécurité dans les communications avec nos clients. Il faudra du temps, dans la mesure où le CNB doit encore délivrer toutes les clés et les certifications et les juridictions être complètement équipées. Il y a aussi une révolution culturelle pour les Palais de justice qui n'est pas encore conduite. Ce virage, nous l'avons pris, il est derrière nous.

Nous avons, également, progressé en matière de communication par internet. Avec le Bâtonnier Saint-Geniest, nous avons travaillé sur le nouveau site internet de l'Ordre. Nous avons privilégié la communication par voie électronique (efficacité, coût). Nous mettons à la disposition des confrères de la documentation en ligne, notamment pour ceux exerçant des permanences, par exemple en matière de droit des étrangers, qui peuvent à toute heure accéder aux fonds nécessaires pour défendre leurs clients.

Lexbase : Maître Saint-Geniest, quelles sont les priorités pour le barreau que vous souhaitez mettre en oeuvre durant votre mandat ?

Pascal Saint-Geniest : Les chantiers ne manqueront pas. Je vais travailler dans la continuité de l'action du Bâtonnier Axisa, notamment dans la poursuite des travaux de l'Ordre.

Une première proposition de mon programme a déjà été approuvée par le conseil de l'Ordre : est, ainsi, mis en place un nouveau mode de fixation des cotisations payées par les avocats à l'Ordre en fonction de leur revenu et non plus de leur ancienneté.

La réforme de la procédure pénale, ou du moins, de la garde à vue (1) va poser des difficultés pratiques considérables, il faudra repenser le mode des permanences. La garde à vue devient, pour moi, la première étape du procès pénal avec toutes les exigences d'équité et d'égalité des armes que cela impose. L'extension du barreau de Toulouse avec la fusion du barreau de Saint-Gaudens va, également, entraîner des conséquences pour l'organisation des permanences de garde à vue.

Le barreau de Toulouse doit rappeler constamment l'attachement de tous les avocats, quelle que soit leur activité, à la défense des libertés. J'ai donc dans ce souci, l'intention de créer un Observatoire des libertés.

Améliorer la communication avec les avocats fait, également, partie de mes priorités, notamment par la modernisation de notre bulletin. Par ailleurs, nous allons favoriser l'arrivée des jeunes avocats en les dotant d'un "référant", d'un "tuteur", c'est-à-dire les associer à un membre du conseil de l'Ordre désigné de manière aléatoire et qui sera leur interlocuteur privilégié lorsqu'ils se poseront une question sur leur activité professionnelle.

Il faut, également, diversifier nos activités en trouvant celles dans lesquelles les avocats sont peu présents et ainsi les inviter à faire preuve de curiosité. Il s'agit, notamment, de l'avocat fiduciaire, l'avocat correspondant informatique et liberté, et l'avocat agent immobilier, l'avocat agent sportif ou d'artiste. Les évolutions de l'acte d'avocat sont souhaitables (2), et je pense que le Parlement va, enfin, l'intégrer dans notre droit positif. Restera alors à lui donner, au-delà du concept juridique, un contenu pratique, nous ne manquerons pas encore sur ce sujet, d'un certain nombre d'idées. Je vais travailler sur une refonte complète du règlement intérieur, qui sera un travail de longue haleine, pour l'adapter à ces nouvelles formes d'exercice.

Lexbase : Le Conseil national des barreaux, le 18 novembre 2010, a rejeté, faute d'accord, le projet de création d'un statut d'avocat en entreprise. De son côté le Bâtonnier de Paris, Jean Castelain a appelé de ses voeux, lors de la rentrée du jeune barreau, le 26 novembre, à réouvrir ce débat. Quelle est votre position sur ce point ?

Pascal Saint-Geniest : Je suis convaincu par ce projet. Cela serait, probablement, une révolution psychologique. A titre d'exemple, même si ce n'est pas le mien, je préférerais que le directeur juridique de Total ne soit pas un avocat allemand mais un avocat français. Dans une région comme Toulouse, il y a beaucoup de grandes entreprises, de juristes d'entreprise et nous devons favoriser les relations entre ces derniers et les avocats. Peut-être que le meilleur moyen de les accentuer serait de faire de ces juristes, des avocats. Cependant, des questions pratiques (organisation, secret) vont se poser.

François Axisa : Il y a quelque chose de diabolique dans cette question. Le titre d'avocat recouvre à la fois un degré d'excellence juridique d'un professionnel du droit accompli (nous connaissons le cursus, le parcours universitaire, leur spécialité) mais, également, une institution portant des valeurs historiques, une certaine idée de la justice. Même si la dernière proposition est pour l'instant bloquée, il y a certainement une piste de réflexion qu'on ne peut ignorer, il serait "suicidaire" de classer cette question. Elle doit être reprise sous un angle pratique, celui de l'entreprise, et il faut essayer d'apprécier ce qui peut nécessiter la présence d'un avocat. Il y a un défi indiscutable pour la profession. Si nous passons à côté de cette évolution, nous pourrions rester les hommes et les femmes du contentieux et laisser la fonction de conseil en entreprise à une autre profession. C'est un chantier à reprendre avec calme et lucidité et davantage de données économiques, notamment des études d'impact.

A titre personnel, j'étais plutôt réticent mais il faut être raisonnable, nous avons la responsabilité des avocats de demain. Il est inconcevable que nous restions, totalement, étranger à l'entreprise. Il y aura peut-être une révolution copernicienne avec la création d'un autre métier d'avocat, un métier différent qui appellera des sujétions différentes.

Lexbase : L'interprofessionnalité et la grande profession d'avocat demeurent encore au coeur des débats. Que pense le barreau de Toulouse de ces questions ?

François Axisa : Les avocats étaient très favorables à la grande profession d'avocat. Nous ne sommes pas corporatistes face aux experts comptables ou aux notaires. Le métier d'avocat est une profession ouverte, où les gens sont habitués à travailler en concurrence directe, à entretenir des connaissances juridiques. Le métier d'avocat peut être la matrice d'une grande profession du droit. Il ne serait pas illogique que les notaires rejoignent notre profession.

Pascal Saint-Geniest : Avec l'immodestie de la jeunesse, lorsqu'on me demandait pourquoi choisir l'exercice du métier d'avocat, je répondais que s'il y a de bons notaires, on parle seulement de grands avocats. Plus sérieusement, votre question amène à parler de deux sujets. Tout d'abord, l'interprofessionnalité avec des activités qui ne sont pas forcément juridiques. Il me semble que, dans cette législature, nous aurons un texte qui permettra aux avocats de travailler, avec un certain nombre de garde-fous indispensables, avec des professions complémentaires, correspondant à des demandes de certains clients. Il est très important de donner des moyens techniques aux avocats, mais de ne jamais leur imposer un mode d'exercice.

Sur la question des professions juridiques, je partage le sentiment du Bâtonnier Axisa. Nous sommes une profession plus nombreuse, habituée à travailler dans la concurrence à la différence du métier de notaire. Nous n'avons pas de volonté hégémonique à l'égard des professions juridiques. Cette question va se poser à nouveau, même si le rapport "Darrois" l'a pour l'instant enterrée. Réussissons déjà l'interprofessionnalité !

Lexbase : A l'instar de nombreux barreaux, Toulouse est, également, touché par certaines difficultés dans le fonctionnement de l'aide juridictionnelle. Que préconisez-vous ?

François Axisa : Nous faisons partis des grands barreaux très concernés par ce problème. Toulouse, par sa population très diversifiée, ne peut être considérée comme une ville riche et nous avons ainsi un taux d'aide juridictionnelle assez important. Il y a une sensibilité plus grande sur ce sujet. Sans vouloir refaire l'histoire de ce système mais afin d'éviter les raccourcis quelque peu réducteurs, une grande et bonne réforme a eu lieu en 1991 (3), marquée par le transfert d'une charge de la justice sur le barreau, le traitement du paiement de l'aide juridictionnelle. Nous sommes passés d'une situation où un avocat venant d'achever sa mission était payé un ou deux ans plus tard, à des délais nettement plus courts de l'ordre de quatre à cinq semaines. Ensuite, cette réforme avait instauré une grille en créant des cas spécifiques (médiation, transaction). Le système aurait pu tenir avec un peu d'intelligence et de courage mais, il fut anéanti réforme après réforme.

Aujourd'hui, au-delà d'une question budgétaire, nous sommes face à un problème de nature politique : quelle justice voulons-nous pour notre pays ? Quelle place pour les justiciables n'ayant pas les moyens financiers nécessaires pour se défendre ? Des annonces de réforme sont faites sur des systèmes de remplacement mais rien ne vient pour l'instant. Nous avons le sentiment que le Gouvernement souhaiterait s'orienter sur un système à deux volets ; une dotation de l'Etat pour le pénal tandis que, pour le civil, les fonds viendraient d'ailleurs (protection juridique, fonds national). Rien n'est tranché. Or, lorsqu'il faut organiser des permanences le samedi, le dimanche, les Ordres des avocats mettent en place des systèmes avec des bénévoles sur les propres fonds. Notre serment d'avocat nous commande de défendre tout justiciable. La défense effective fait partie des libertés fondamentales européennes. Rester dans cette situation ne serait pas raisonnable, nous nous attendons à nombre de blocage pour 2011 (grève, mouvement de protestations).

Pascal Saint-Geniest : Aucune corporation professionnelle n'accepterait le même traitement que les avocats. Est-il toujours révolutionnaire de dire au troisième millénaire que "les hommes naissent libres et égaux en droits" (4). Qui pourtant aujourd'hui peut prétendre que cela soit le cas ? Le seul moyen pour y parvenir repose sur la conscience professionnelle et les exigences morales des avocats de ce pays. Nous ne pouvons continuer dans cette situation. Les frais d'aide juridictionnelle augmentent, ce qui n'est pas le fait des avocats mais des évolutions législatives. Chacun a droit à un procès équitable et il n'y a pas de procès équitable sans défense effective et forte. Le Gouvernement fait semblant de ne pas comprendre, il ne doit pas s'étonner si on assiste à un blocage complet du système pénal. Ce ne sont pas des menaces, mais il faut comprendre que nous parlons de choses extrêmement concrètes, importantes qui touchent à l'essence même du fonctionnement de notre vie sociale. Les Bâtonniers sont parfaitement conscients de leur responsabilité. Loin de nous l'intention de pousser à la révolte, qui n'est pas une solution, mais simplement nous avons la volonté de réfléchir ensemble et de manière constructive.

François Axisa : Sur ce sujet, la profession s'est réunie en Etats généraux à Lille dans lesquels sont sorties de nombreuses propositions y compris sur les modes de fonctionnement (5). Nous sommes demandeur de discussions.

Pascal Saint-Geniest : Nous aurons une unité absolue de l'ensemble des barreaux et des avocats sur ce sujet.

Lexbase : Enfin, quels sont les grands rendez-vous proposés par le barreau de Toulouse pour l'année à venir ?

Pascal Saint-Geniest : Le barreau de Toulouse s'associera encore cette année à de nombreuses manifestations universitaires. Il va, également, participer aux rencontres dites de la "Bidassoa" avec la présence de représentants de différentes juridictions espagnoles sur le thème "Droit et sport". Nous continuerons à organiser des manifestations qui nous sont propres avec, par exemple, la visite déjà programmée d'Henri Leclerc ou encore un projet de colloque sur la question prioritaire de constitutionalité d'une forme un peu originale et très pratique.

François Axisa : Nous avons à coeur avec le Bâtonnier Saint-Geniest de faire venir des personnes ayant eu un parcours un peu extraordinaire, des visions un peu différente de notre profession, comme, par exemple, Monsieur Robert Badinter, pour échanger avec les avocats, surtout les jeunes, sur ce qu'est notre métier, qui, malgré des difficultés, reste porteur d'une véritable passion. Par ailleurs, nous allons aider l'Université dans la mise en place de diplômes internationaux (Etats-Unis, Espagne).

Pascal Saint-Geniest : Dans le courant 2010, nous avons été associés à un colloque sur la recodification du Code du travail, sur la crise et le droit. Avec l'Ordre des médecins, nous allons, prochainement, échanger sur le fléau du stress au travail, qui touche, également, les professionnels libéraux. Les avocats toulousains organisent cette année les assises nationales des avocats des enfants.

La rentrée du Barreau de Toulouse programmée pour le mois de septembre 2011 reste le moment fort de l'année pour nos confrères et pour nos invités français et étrangers.

L'Ordre va, enfin, développer son activité internationale caractérisée par la présence à Toulouse de nombreux avocats étrangers. Je vais prochainement consulter les avocats toulousains afin de connaître leurs connaissances linguistiques et pour mettre ces compétences à la disposition des justiciables.


(1) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P), et lire les obs. de R. Ollard, Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde de vue de droit commun, Lexbase Hebdo n° 410 du 27 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0999BQ3) ; Cass. crim., 19 octobre 2010, trois arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0916GCW), n° 10-82.902, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0917GCX) et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0918GCY), et lire les obs. de R. Ollard, Le régime juridique de la garde à vue est déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... mais n'en doit pas moins être appliqué, Lexbase Hebdo n° 52 du 9 novembre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N5636BQS).
(2) Sur cette question, v. not., Modernisation des professions judiciaires ou juridiques : état des lieux pour la profession d'avocat, Lexbase Hebdo, n° 57 du 16 décembre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N8417BQS) et l'analyse de D. Bakouche, Le contreseing de l'avocat, Lexbase Hebdo n° 42 du 2 septembre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N7000BPX).
(3) Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE).
(4) DDHC, art. 1er (N° Lexbase : L1365A9G).
(5) V. not., Aide juridictionnelle : genèse d'un système qui a trouvé ses limites, Lexbase Hebdo n° 38 du 1er juillet 2010 - édition professions (N° Lexbase : N6273BPZ) et Conclusion des Etats généraux sur l'aide juridictionnelle, Lexbase Hebdo n° 38 du 1er juillet 2010 - édition professions (N° Lexbase : N6157BPQ).

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Pascal Saint-Geniest, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Toulouse et François Axisa, ancien Bâtonnier de l'Ordre

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par Grégory Singer, Journaliste juridique

Le 17 Janvier 2011

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... Maître Pascal Saint-Geniest, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Toulouse, entré en fonction le 1er janvier 2011 et Maître François Axisa, ancien Bâtonnier de l'Ordre. Lexbase : Tout d'abord, pourriez-vous nous présenter le barreau de Toulouse ?

François Axisa : Le barreau de Toulouse va prochainement franchir le cap des 1 200 avocats après l'inscription de la nouvelle promotion. Nous sommes, à cet égard, légèrement devant le barreau de Bordeaux. 55 % de femmes le composent (ces dernières étant très présentes dans les nouvelles promotions). Ce taux est un peu au-dessus de la moyenne nationale.

Le barreau ne compte pas un grand nombre de grosses structures, de nombreux confrères fonctionnant selon des formules d'association de personnes. Nous sommes un barreau plutôt jeune, avec une moyenne d'âge de moins de 40 ans, ce phénomène s'étant enclenché avant 2005. Beaucoup de confrères exercent une activité généraliste, plutôt du droit civil, dans le domaine des affaires familiales, et du "petit" pénal ; peu se spécialisent. Nous constatons, d'ailleurs, globalement une diminution des spécialisations. Le droit du travail est, cependant, la matière la plus représentée. Nous dénombrons, également, un accroissement du droit public, sans forcément opter pour une spécialité. Une grande partie du barreau travaille dans le conseil (fiscal, droit des sociétés) avec quelques cabinets bien structurés.

Lexbase : Maître Axisa, quel bilan tirez-vous de votre mandat ? Quels ont été les chantiers menés tout au long de ces deux années ?

François Axisa : Nous avons eu la possibilité d'acquérir des locaux au sein même de l'actuelle maison de l'avocat, nous permettant d'agrandir la structure de l'Ordre de 600 m². Il était indispensable de nous étendre puisqu'il nous manquait des espaces de réunion et de travail. Le nombre d'avocats a crû beaucoup plus vite que la taille de nos locaux.

En juillet 2010, la décision du barreau a été prise de s'engager dans le chantier du Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) car c'est en un ! L'Ordre a déployé des efforts afin de convaincre les confrères de l'intérêt et de l'utilité de ce nouveau moyen de communication avec les juridictions. Nous ne sommes pas, seulement, face à un nouveau mode de travail avec ces dernières, mais face à un nouveau degré d'équipement pour les cabinets, intéressant tous les avocats, notamment, par le biais de connexions avec des services publics afin de faciliter l'efficacité et la sécurité dans les communications avec nos clients. Il faudra du temps, dans la mesure où le CNB doit encore délivrer toutes les clés et les certifications et les juridictions être complètement équipées. Il y a aussi une révolution culturelle pour les Palais de justice qui n'est pas encore conduite. Ce virage, nous l'avons pris, il est derrière nous.

Nous avons, également, progressé en matière de communication par internet. Avec le Bâtonnier Saint-Geniest, nous avons travaillé sur le nouveau site internet de l'Ordre. Nous avons privilégié la communication par voie électronique (efficacité, coût). Nous mettons à la disposition des confrères de la documentation en ligne, notamment pour ceux exerçant des permanences, par exemple en matière de droit des étrangers, qui peuvent à toute heure accéder aux fonds nécessaires pour défendre leurs clients.

Lexbase : Maître Saint-Geniest, quelles sont les priorités pour le barreau que vous souhaitez mettre en oeuvre durant votre mandat ?

Pascal Saint-Geniest : Les chantiers ne manqueront pas. Je vais travailler dans la continuité de l'action du Bâtonnier Axisa, notamment dans la poursuite des travaux de l'Ordre.

Une première proposition de mon programme a déjà été approuvée par le conseil de l'Ordre : est, ainsi, mis en place un nouveau mode de fixation des cotisations payées par les avocats à l'Ordre en fonction de leur revenu et non plus de leur ancienneté.

La réforme de la procédure pénale, ou du moins, de la garde à vue (1) va poser des difficultés pratiques considérables, il faudra repenser le mode des permanences. La garde à vue devient, pour moi, la première étape du procès pénal avec toutes les exigences d'équité et d'égalité des armes que cela impose. L'extension du barreau de Toulouse avec la fusion du barreau de Saint-Gaudens va, également, entraîner des conséquences pour l'organisation des permanences de garde à vue.

Le barreau de Toulouse doit rappeler constamment l'attachement de tous les avocats, quelle que soit leur activité, à la défense des libertés. J'ai donc dans ce souci, l'intention de créer un Observatoire des libertés.

Améliorer la communication avec les avocats fait, également, partie de mes priorités, notamment par la modernisation de notre bulletin. Par ailleurs, nous allons favoriser l'arrivée des jeunes avocats en les dotant d'un "référant", d'un "tuteur", c'est-à-dire les associer à un membre du conseil de l'Ordre désigné de manière aléatoire et qui sera leur interlocuteur privilégié lorsqu'ils se poseront une question sur leur activité professionnelle.

Il faut, également, diversifier nos activités en trouvant celles dans lesquelles les avocats sont peu présents et ainsi les inviter à faire preuve de curiosité. Il s'agit, notamment, de l'avocat fiduciaire, l'avocat correspondant informatique et liberté, et l'avocat agent immobilier, l'avocat agent sportif ou d'artiste. Les évolutions de l'acte d'avocat sont souhaitables (2), et je pense que le Parlement va, enfin, l'intégrer dans notre droit positif. Restera alors à lui donner, au-delà du concept juridique, un contenu pratique, nous ne manquerons pas encore sur ce sujet, d'un certain nombre d'idées. Je vais travailler sur une refonte complète du règlement intérieur, qui sera un travail de longue haleine, pour l'adapter à ces nouvelles formes d'exercice.

Lexbase : Le Conseil national des barreaux, le 18 novembre 2010, a rejeté, faute d'accord, le projet de création d'un statut d'avocat en entreprise. De son côté le Bâtonnier de Paris, Jean Castelain a appelé de ses voeux, lors de la rentrée du jeune barreau, le 26 novembre, à réouvrir ce débat. Quelle est votre position sur ce point ?

Pascal Saint-Geniest : Je suis convaincu par ce projet. Cela serait, probablement, une révolution psychologique. A titre d'exemple, même si ce n'est pas le mien, je préférerais que le directeur juridique de Total ne soit pas un avocat allemand mais un avocat français. Dans une région comme Toulouse, il y a beaucoup de grandes entreprises, de juristes d'entreprise et nous devons favoriser les relations entre ces derniers et les avocats. Peut-être que le meilleur moyen de les accentuer serait de faire de ces juristes, des avocats. Cependant, des questions pratiques (organisation, secret) vont se poser.

François Axisa : Il y a quelque chose de diabolique dans cette question. Le titre d'avocat recouvre à la fois un degré d'excellence juridique d'un professionnel du droit accompli (nous connaissons le cursus, le parcours universitaire, leur spécialité) mais, également, une institution portant des valeurs historiques, une certaine idée de la justice. Même si la dernière proposition est pour l'instant bloquée, il y a certainement une piste de réflexion qu'on ne peut ignorer, il serait "suicidaire" de classer cette question. Elle doit être reprise sous un angle pratique, celui de l'entreprise, et il faut essayer d'apprécier ce qui peut nécessiter la présence d'un avocat. Il y a un défi indiscutable pour la profession. Si nous passons à côté de cette évolution, nous pourrions rester les hommes et les femmes du contentieux et laisser la fonction de conseil en entreprise à une autre profession. C'est un chantier à reprendre avec calme et lucidité et davantage de données économiques, notamment des études d'impact.

A titre personnel, j'étais plutôt réticent mais il faut être raisonnable, nous avons la responsabilité des avocats de demain. Il est inconcevable que nous restions, totalement, étranger à l'entreprise. Il y aura peut-être une révolution copernicienne avec la création d'un autre métier d'avocat, un métier différent qui appellera des sujétions différentes.

Lexbase : L'interprofessionnalité et la grande profession d'avocat demeurent encore au coeur des débats. Que pense le barreau de Toulouse de ces questions ?

François Axisa : Les avocats étaient très favorables à la grande profession d'avocat. Nous ne sommes pas corporatistes face aux experts comptables ou aux notaires. Le métier d'avocat est une profession ouverte, où les gens sont habitués à travailler en concurrence directe, à entretenir des connaissances juridiques. Le métier d'avocat peut être la matrice d'une grande profession du droit. Il ne serait pas illogique que les notaires rejoignent notre profession.

Pascal Saint-Geniest : Avec l'immodestie de la jeunesse, lorsqu'on me demandait pourquoi choisir l'exercice du métier d'avocat, je répondais que s'il y a de bons notaires, on parle seulement de grands avocats. Plus sérieusement, votre question amène à parler de deux sujets. Tout d'abord, l'interprofessionnalité avec des activités qui ne sont pas forcément juridiques. Il me semble que, dans cette législature, nous aurons un texte qui permettra aux avocats de travailler, avec un certain nombre de garde-fous indispensables, avec des professions complémentaires, correspondant à des demandes de certains clients. Il est très important de donner des moyens techniques aux avocats, mais de ne jamais leur imposer un mode d'exercice.

Sur la question des professions juridiques, je partage le sentiment du Bâtonnier Axisa. Nous sommes une profession plus nombreuse, habituée à travailler dans la concurrence à la différence du métier de notaire. Nous n'avons pas de volonté hégémonique à l'égard des professions juridiques. Cette question va se poser à nouveau, même si le rapport "Darrois" l'a pour l'instant enterrée. Réussissons déjà l'interprofessionnalité !

Lexbase : A l'instar de nombreux barreaux, Toulouse est, également, touché par certaines difficultés dans le fonctionnement de l'aide juridictionnelle. Que préconisez-vous ?

François Axisa : Nous faisons partis des grands barreaux très concernés par ce problème. Toulouse, par sa population très diversifiée, ne peut être considérée comme une ville riche et nous avons ainsi un taux d'aide juridictionnelle assez important. Il y a une sensibilité plus grande sur ce sujet. Sans vouloir refaire l'histoire de ce système mais afin d'éviter les raccourcis quelque peu réducteurs, une grande et bonne réforme a eu lieu en 1991 (3), marquée par le transfert d'une charge de la justice sur le barreau, le traitement du paiement de l'aide juridictionnelle. Nous sommes passés d'une situation où un avocat venant d'achever sa mission était payé un ou deux ans plus tard, à des délais nettement plus courts de l'ordre de quatre à cinq semaines. Ensuite, cette réforme avait instauré une grille en créant des cas spécifiques (médiation, transaction). Le système aurait pu tenir avec un peu d'intelligence et de courage mais, il fut anéanti réforme après réforme.

Aujourd'hui, au-delà d'une question budgétaire, nous sommes face à un problème de nature politique : quelle justice voulons-nous pour notre pays ? Quelle place pour les justiciables n'ayant pas les moyens financiers nécessaires pour se défendre ? Des annonces de réforme sont faites sur des systèmes de remplacement mais rien ne vient pour l'instant. Nous avons le sentiment que le Gouvernement souhaiterait s'orienter sur un système à deux volets ; une dotation de l'Etat pour le pénal tandis que, pour le civil, les fonds viendraient d'ailleurs (protection juridique, fonds national). Rien n'est tranché. Or, lorsqu'il faut organiser des permanences le samedi, le dimanche, les Ordres des avocats mettent en place des systèmes avec des bénévoles sur les propres fonds. Notre serment d'avocat nous commande de défendre tout justiciable. La défense effective fait partie des libertés fondamentales européennes. Rester dans cette situation ne serait pas raisonnable, nous nous attendons à nombre de blocage pour 2011 (grève, mouvement de protestations).

Pascal Saint-Geniest : Aucune corporation professionnelle n'accepterait le même traitement que les avocats. Est-il toujours révolutionnaire de dire au troisième millénaire que "les hommes naissent libres et égaux en droits" (4). Qui pourtant aujourd'hui peut prétendre que cela soit le cas ? Le seul moyen pour y parvenir repose sur la conscience professionnelle et les exigences morales des avocats de ce pays. Nous ne pouvons continuer dans cette situation. Les frais d'aide juridictionnelle augmentent, ce qui n'est pas le fait des avocats mais des évolutions législatives. Chacun a droit à un procès équitable et il n'y a pas de procès équitable sans défense effective et forte. Le Gouvernement fait semblant de ne pas comprendre, il ne doit pas s'étonner si on assiste à un blocage complet du système pénal. Ce ne sont pas des menaces, mais il faut comprendre que nous parlons de choses extrêmement concrètes, importantes qui touchent à l'essence même du fonctionnement de notre vie sociale. Les Bâtonniers sont parfaitement conscients de leur responsabilité. Loin de nous l'intention de pousser à la révolte, qui n'est pas une solution, mais simplement nous avons la volonté de réfléchir ensemble et de manière constructive.

François Axisa : Sur ce sujet, la profession s'est réunie en Etats généraux à Lille dans lesquels sont sorties de nombreuses propositions y compris sur les modes de fonctionnement (5). Nous sommes demandeur de discussions.

Pascal Saint-Geniest : Nous aurons une unité absolue de l'ensemble des barreaux et des avocats sur ce sujet.

Lexbase : Enfin, quels sont les grands rendez-vous proposés par le barreau de Toulouse pour l'année à venir ?

Pascal Saint-Geniest : Le barreau de Toulouse s'associera encore cette année à de nombreuses manifestations universitaires. Il va, également, participer aux rencontres dites de la "Bidassoa" avec la présence de représentants de différentes juridictions espagnoles sur le thème "Droit et sport". Nous continuerons à organiser des manifestations qui nous sont propres avec, par exemple, la visite déjà programmée d'Henri Leclerc ou encore un projet de colloque sur la question prioritaire de constitutionalité d'une forme un peu originale et très pratique.

François Axisa : Nous avons à coeur avec le Bâtonnier Saint-Geniest de faire venir des personnes ayant eu un parcours un peu extraordinaire, des visions un peu différente de notre profession, comme, par exemple, Monsieur Robert Badinter, pour échanger avec les avocats, surtout les jeunes, sur ce qu'est notre métier, qui, malgré des difficultés, reste porteur d'une véritable passion. Par ailleurs, nous allons aider l'Université dans la mise en place de diplômes internationaux (Etats-Unis, Espagne).

Pascal Saint-Geniest : Dans le courant 2010, nous avons été associés à un colloque sur la recodification du Code du travail, sur la crise et le droit. Avec l'Ordre des médecins, nous allons, prochainement, échanger sur le fléau du stress au travail, qui touche, également, les professionnels libéraux. Les avocats toulousains organisent cette année les assises nationales des avocats des enfants.

La rentrée du Barreau de Toulouse programmée pour le mois de septembre 2011 reste le moment fort de l'année pour nos confrères et pour nos invités français et étrangers.

L'Ordre va, enfin, développer son activité internationale caractérisée par la présence à Toulouse de nombreux avocats étrangers. Je vais prochainement consulter les avocats toulousains afin de connaître leurs connaissances linguistiques et pour mettre ces compétences à la disposition des justiciables.


(1) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P), et lire les obs. de R. Ollard, Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde de vue de droit commun, Lexbase Hebdo n° 410 du 27 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0999BQ3) ; Cass. crim., 19 octobre 2010, trois arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0916GCW), n° 10-82.902, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0917GCX) et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0918GCY), et lire les obs. de R. Ollard, Le régime juridique de la garde à vue est déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... mais n'en doit pas moins être appliqué, Lexbase Hebdo n° 52 du 9 novembre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N5636BQS).
(2) Sur cette question, v. not., Modernisation des professions judiciaires ou juridiques : état des lieux pour la profession d'avocat, Lexbase Hebdo, n° 57 du 16 décembre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N8417BQS) et l'analyse de D. Bakouche, Le contreseing de l'avocat, Lexbase Hebdo n° 42 du 2 septembre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N7000BPX).
(3) Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE).
(4) DDHC, art. 1er (N° Lexbase : L1365A9G).
(5) V. not., Aide juridictionnelle : genèse d'un système qui a trouvé ses limites, Lexbase Hebdo n° 38 du 1er juillet 2010 - édition professions (N° Lexbase : N6273BPZ) et Conclusion des Etats généraux sur l'aide juridictionnelle, Lexbase Hebdo n° 38 du 1er juillet 2010 - édition professions (N° Lexbase : N6157BPQ).

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Droit des étrangers

[Doctrine] Chronique de droit des étrangers - Janvier 2011

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de droit des étrangers, rédigée par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz. Au sommaire de cette chronique, trois arrêts du Conseil d'Etat concernant à la fois le contentieux des opérations de naturalisation et celui des différentes procédures de reconduite à la frontière. Dans un arrêt du 1er décembre 2010, le juge déclare irrégulier un décret portant retrait de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française en raison de l'absence de notification ou de publicité à l'enfant intéressé. Le deuxième arrêt, rendu le 3 décembre 2010, est relatif aux modes de preuves des décrets de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française. Ainsi, selon le Conseil d'Etat, les dispositions du décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009, sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française (N° Lexbase : L1300IGA), sont régulières même si elles suppriment le Journal officiel comme mode de preuve des décrets de naturalisation ou de réintégration. Cela répond à l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude et n'a ni pour objet, ni pour effet de priver les bénéficiaires de leur capacité à prouver leur nationalité française. Dans le dernier arrêt, enfin, rendu le 24 novembre 2010, le Conseil d'Etat réaffirme l'indépendance de la procédure de reconduite à la frontière d'un étranger ayant fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en application de la Convention de Schengen du 19 juin 1990 par rapport à la procédure de reconduite classique de droit commun. Le Conseil d'Etat applique, en effet, les dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations aux étrangers (N° Lexbase : L0420AIE), signalés à la différence des étrangers reconduit selon la procédure classique.
  • Les dispositions d'un décret portant retrait de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française sont irrégulières en l'absence de notification ou de publicité à l'enfant intéressé (CE 2° et 7° s-s-r., 1er décembre 2010, n° 332663, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4461GM8)

L'enfant mineur, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent, ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce (1). Cette règle n'est, cependant, applicable que si le nom de l'enfant est mentionné dans le décret ou dans la déclaration de nationalité. Cela a bien été le cas en l'espèce dans le décret du 24 janvier 2002 accordant la nationalité française à la mère. Mais toute décision administrative individuelle peut, pendant le délai de recours pour excès de pouvoir, faire l'objet d'une décision de retrait qui annule la décision précédente, et le retrait des décrets de naturalisation a été soumis par le législateur, dans ce domaine, à des règles spéciales.

Le décret de naturalisation peut, ainsi, être rapporté sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de sa publication au Journal officiel lorsque l'administration s'aperçoit que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de recevabilité. Ce délai est porté à deux ans en cas de mensonge ou de fraude (2) et ces dispositions s'appliquent, également, au cas de retrait par décret, pour un enfant mineur, de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française. Si le décret initial de naturalisation a été pris alors que les conditions légales n'étaient pas réunies, la loi reconnaît à l'Etat la possibilité de rapporter ce décret dans un délai d'un an. Il y a donc ouverture de deux cas de retrait : lorsque le requérant ne satisfait pas aux conditions légales, ou lorsque la décision a été obtenue par mensonge ou par fraude (3). Le bénéficiaire d'un décret de naturalisation est, ainsi, dans une situation de relative insécurité juridique pendant ce délai d'un an, dès lors que c'est l'administration qui apprécie, lorsque cela est nécessaire, le respect des conditions posées par la loi. En l'espèce, un décret du 26 mars 2003 a rapporté le premier décret, en ce qu'il faisait bénéficier l'enfant de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par sa mère, au motif qu'à la date du décret de naturalisation, elle ne résidait plus au domicile de sa mère, mais au Maroc.

Il y a là une hypothèse de situation objective de non-satisfaction des obligations légales par le requérant dans le délai d'un an. Il suffit que le requérant ne remplisse pas, ou, plus précisément, n'ait pas rempli à l'époque de la signature du décret de naturalisation, une des conditions de recevabilité de la demande de naturalisation. L'administration peut, ainsi, constater la perte ou l'absence de résidence en France au moment du décret de naturalisation (4). Elle peut aussi considérer que le requérant n'a pas fixé en France le centre de ses intérêts en raison du maintien du conjoint à l'étranger (5), ou parce qu'il a épousé une ressortissante étrangère résidant à l'étranger après le dépôt de sa demande de naturalisation sans l'avoir signalé (6). Le retrait s'opère, toutefois, sous le contrôle du juge qui a considéré, par exemple, que le fait de se marier avec un étranger devant un consul étranger aussitôt après sa naturalisation n'est pas en soi un défaut d'assimilation (7). De même, l'inexactitude de certaines déclarations n'est pas obligatoirement une preuve de mauvaise moralité (8).

Si l'article 27-2 du Code civil s'applique, également, au cas de retrait, pour un enfant mineur, de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française, sont, par suite, applicables (9) à ce cas de retrait, les dispositions selon lesquelles doivent être notifiés à l'intéressé ou, le cas échéant, à son représentant légal en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs de droit et de fait justifiant qu'il ait perdu la qualité de français (10). En l'espèce, l'enfant intéressé n'a pas reçu notification des motifs justifiant la perte de la qualité de français et il n'est ni établi ni allégué qu'un avis informatif ait été, à défaut, publié. Dès lors, la requérante est fondée à en demander en conséquence l'annulation. Le décret du 26 mars 2003 est annulé en tant qu'il rapporte, pour l'enfant intéressé, l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par sa mère en application du décret du 24 janvier 2002.

A l'évidence, la décision du juge témoigne encore du renforcement de l'exigence de motivation et du contrôle juridictionnel en la matière. Avant la loi précitée du 22 juillet 1993, il était admis que la naturalisation relevait du pouvoir discrétionnaire et qu'elle pouvait être accordée ou refusée ad nutum. Refus et ajournement n'avaient pas à être motivés, et il ne pouvait être question d'un contrôle des juridictions administratives sur ces décisions (11). Le Conseil d'Etat avait, toutefois, logiquement considéré que la juridiction administrative pouvait demander au ministre les motifs de sa décision (12).

L'article 27 du Code civil impose, aujourd'hui, la motivation de toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation. Il en va de même s'agissant de la réintégration par décret (13) et, désormais, pour un décret portant retrait de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française. Il semble que l'exigence de motivation jointe au développement du contrôle juridictionnel contribue, ainsi, de plus en plus à changer le visage de la naturalisation, même si le Conseil d'Etat affirme toujours que la nationalité est une faveur et non un droit.

  • Le retrait de la production de l'exemplaire du Journal officiel de publication comme mode de preuve d'un décret de naturalisation est régulier dans la mesure où il répond à l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude (CE 2° et 7° s-s-r., 3 décembre 2010, n° 337058, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4474GMN)

On ne peut avoir une idée exacte d'un système juridique si l'on fait abstraction des règles et des modalités de la preuve. Le caractère institutionnel de la nationalité et l'autonomie, fût-elle seulement partielle, de ce droit, ont conduit logiquement à un régime particulier de preuve ayant rendu effectives la précision et la spécificité des solutions de fond. La nationalité française est soumise à un régime de preuve légale excluant les présomptions. Le système était, à l'origine, extrêmement rigide et conçu dans ses moindres détails pour éviter tout écart. Les circonstances ont conduit, par la suite, à l'assouplir dans une double direction : quant à l'objet de la preuve d'abord, soit à titre général, soit au profit de certaines catégories déterminées de personnes, par la reconnaissance, ensuite, d'une valeur probatoire permanente à certains documents administratifs dont la possession dispense dans la vie courante de recourir à tout propos à d'autres moyens de preuve.

Cet ensemble ne consacre pas pour autant du point de vue juridique, un retour à de simples présomptions : l'élément essentiel de cet assouplissement est, en effet, fourni par la possession d'état qui est un faisceau concordant dans l'espace et dans le temps de faits objectifs et de présomptions. Celle-ci peut constituer le fondement d'un droit à régularisation, ce qui implique, en droit, l'extranéité, mais elle peut aussi suppléer à titre provisionnel l'absence de preuve complète. C'est en jouant sur ces conditions que la rigueur de la preuve légale a été plus ou moins desserrée pour parvenir, en fonction des situations, à considérer, à une relative diversification des solutions qui complète celle des règles de fond.

C'est dans cette logique qu'à été rendue la décision du Conseil d'Etat en date du 3 décembre 2010 quant à la régularité des dispositions du décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009 (14). Ce décret vient modifier le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 (N° Lexbase : L3371IMS) afin de mettre en oeuvre la décision du comité de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 et de simplifier l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française. Pour ce faire, il institue, à titre expérimental, une procédure de déconcentration de l'instruction et du pouvoir de décision, en la matière, au bénéfice du préfet territorialement compétent.

Avant l'entrée en vigueur de ce dispositif expérimental, le pouvoir de décision de l'autorité préfectorale en matière de naturalisation se limitait au prononcé du classement sans suite de la demande prévu aux articles 35 et 41 du décret du 30 décembre 1993, le préfet n'étant amené, pour le surplus, qu'à émettre un avis quant à la suite pouvant être donnée à la demande. En vertu de l'article 2 du décret du 28 décembre 2009, et dans les préfectures désignées par l'arrêté d'application du même jour (15), il appartient, désormais, au préfet auprès duquel la demande de naturalisation a été déposée non seulement de la classer sans suite si le dossier requis ne satisfait pas aux exigences réglementaires mais, également, de statuer sur celle-ci, soit en proposant d'accueillir la demande, soit en opposant une décision défavorable au postulant qui ne satisfait pas aux conditions légales pour être naturalisé, ou dont la naturalisation n'apparaît pas opportune. Le nouveau dispositif a permis de réduire les délais de traitement des demandes (16) et les écarts de taux d'acceptation entre les départements.

Le décret du 28 décembre 2009 ne déroge, s'agissant de la procédure de naturalisation, qu'aux dispositions du titre V du décret du 30 décembre 1993. La réglementation demeure donc inchangée tant en ce qui concerne les demandes tendant à obtenir l'autorisation de perdre la qualité de français visées au titre VI qu'en ce qui concerne la perte et la déchéance de la nationalité française, ainsi que le retrait des décrets de naturalisation ou de réintégration envisagés au titre VII dudit décret. Mais il met aussi en oeuvre un mode preuve particulier, distinct de celui applicable aux autres modes d'acquisition de la nationalité française, qui peut, en ce sens, constituer une rupture du principe d'égalité.

Il prévoit que la preuve d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française résulte de la production d'une ampliation de ce décret et que, lorsque cette pièce ne peut pas être produite, il peut y être suppléé par la production de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'intéressé, de l'extrait de cet acte ou du livret de famille, sur lesquels figure la mention du décret ou, à défaut, par la production d'une attestation ministérielle délivrée à la demande de l'intéressé, de son représentant légal ou des administrations publiques françaises (17).

Ce faisant, le décret du 28 décembre 2009 modifie le décret du 30 décembre 1999 qui prévoyait, au surplus, comme mode de preuve la publication au Journal officiel. Cette publication a longtemps été considérée comme une condition d'efficacité du décret : le décret demeurait donc privé d'effet s'il n'était pas publié, et l'intéressé qui décédait entre la signature et la publication de son décret de naturalisation devait être considéré comme n'ayant jamais été français (18). Le législateur a consacré une solution plus respectueuse du droit commun des actes administratifs en disposant que les décrets de naturalisation "prennent effet à la date de leur signature sans, toutefois, qu'il soit porté atteinte à la validité des actes passés par l'intéressé ni aux droits acquis par des tiers antérieurement à la publication du décret sur le fondement de l'extranéité de l'intéressé" (19). C'est dire que la non-publication du décret rend seulement celui-ci inopposable.

Le Conseil d'Etat, saisi du décret, considère que la suppression du Journal officiel comme mode de preuve a été motivée par la volonté de lutter contre la fraude, objectif d'intérêt général. Il incombe, par ailleurs, à l'administration d'adresser à toute personne naturalisée, dès la publication de son décret de naturalisation, un extrait de ce décret, ainsi qu'une copie des actes d'état civil portant mention de la naturalisation. La production des documents permet, selon le Conseil d'Etat, au bénéficiaire d'un décret de naturalisation d'apporter la preuve de sa nationalité française et d'accomplir l'ensemble des démarches administratives pour lesquelles la preuve du décret de naturalisation est requise. Ainsi, et dans ces conditions, la circonstance que le décret attaqué supprime la possibilité de prouver l'existence d'un décret de naturalisation par la production de l'exemplaire du Journal officiel dans lequel le décret de naturalisation a été publié n'a ni pour objet, ni pour effet, de priver les bénéficiaires du décret de naturalisation de leur capacité à prouver leur nationalité française. Les dispositions du décret attaqué ne sont donc pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

De même, le fait de supprimer les "parents et alliés" de la liste des destinataires de l'attestation ministérielle permettant de suppléer l'absence de preuve de l'acquisition de la nationalité n'est pas, selon le Conseil d'Etat, de nature à priver d'effet le droit des tiers se prévalant d'un lien de droit avec une personne naturalisée de prouver auprès des administrations la naturalisation de cette dernière. En effet, les parents et alliés peuvent, d'une part, se procurer une copie de l'ampliation du décret auprès de la personne naturalisée et, d'autre part, les administrations publiques françaises peuvent obtenir auprès des services du ministre chargé des Naturalisations l'attestation de l'existence d'un décret de naturalisation.

Le fait de prévoir un mode de preuve particulier, distinct de celui applicable aux autres modes d'acquisition de la nationalité française, ne constitue pas, ainsi, une rupture du principe d'égalité.

  • Extension du principe d'indépendance de la procédure administrative de reconduite des étrangers signalés par l'application des dispositions de la loi du 12 avril 2000 (CE référé, 24 novembre 2010, n° 344411, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4405GLQ)

Un étranger de nationalité marocaine séjournant irrégulièrement en France a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet des Alpes Maritimes sur le fondement de l'article L. 531-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5803G4P). Cet article prévoit que, lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la Convention de Schengen et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, l'autorité administrative peut décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière. Le préfet a décidé le même jour le maintien de l'intéressé dans les locaux du centre de rétention administrative de Nice. Le placement en rétention a été prolongé par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nice. La reconduite à la frontière et le placement en rétention ont été contestés devant le tribunal administratif de Nice, où le juge des référés a rejeté la demande.

La reconduite à la frontière de l'étranger signalé (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 513-3 N° Lexbase : L1306HP3) constitue une mesure spécifique, distincte des mesures de reconduite à la frontière de l'étranger de droit commun, décrites au titre 1er du Livre V du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce que réaffirme le Conseil d'Etat en l'espèce. C'est le législateur qui a entendu instituer une procédure de reconduite à la frontière distincte de celle des arrêtés de reconduite à la frontière classiques (20). Cette solution fait, depuis lors, l'objet d'une confirmation jurisprudentielle constante (21). L'une des conséquences les plus immédiates pour l'intéressé est la non-application de l'article L. 512-1 de ce code (N° Lexbase : L6590HWY), qui organise un sursis automatique de la décision de reconduite lorsque celle-ci fait l'objet d'un recours en annulation (22). Plus généralement, l'ensemble du régime contentieux spécial des reconduites à la frontière organisé par les articles L. 776-1 (N° Lexbase : L1339HPB) et R. 776-1 (N° Lexbase : L3257AL9) et suivants du Code de justice administrative est inapplicable aux reconduites des étrangers signalés (CJA, art. L. 776-1, précité). Le requérant pourra, ainsi, par exemple, bénéficier d'une formation collégiale de jugement (23) et des conclusions du Rapporteur public, à la différence du reconduit de droit commun, qui se verra appliquer le régime du juge unique sans conclusions de l'article R. 776-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5636ICQ).

Mais, à défaut de texte contraire, la reconduite à la frontière de l'étranger signalé doit, selon le Conseil d'Etat, respecter les contraintes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à l'obligation de motivation (24) et de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 qui reconnaît un droit à être entendu (25). En se bornant à mentionner le numéro de signalement sans indiquer quel Etat a procédé à ce signalement, l'arrêté, en l'espèce, méconnaît l'obligation de motivation et porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et de venir. Constituée par l'obligation faite à une personne de revenir contre sa volonté dans son pays d'origine, cette illégalité est renforcée par le refus d'entendre préalablement l'intéressé.

Le Conseil d'Etat étend, en l'espèce, le principe d'indépendance à la procédure administrative en faisant application aux reconduites d'étrangers signalés des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Ces derniers bénéficient donc du droit de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur leur demande, des observations orales avant l'intervention de la décision de reconduite, à la différence des étrangers reconduits selon la procédure du titre premier du livre V du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (26). En modifiant les dispositions relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite. Par suite, les autres dispositions concernant, notamment, les relations entre l'administration et les usagers, qui font obligation aux administrations de l'Etat de mettre à même un intéressé de présenter des observations écrites avant de prendre à son encontre une décision motivée en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sont pas applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière classiques, alors même que ces arrêtés doivent être motivés en vertu de cette loi du 11 juillet 1979.

Le Conseil d'Etat aurait pu unifier, en l'espèce, le contentieux de la reconduite à la frontière, dont la complexité confine parfois au byzantinisme en traitant de la même manière tous les étrangers faisant l'objet d'une telle mesure, quels que soient les motifs qui la fondent, mais il a préféré confirmer et réaffirmer la volonté univoque du législateur d'instituer une mesure de reconduite autonome (27).

Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz


(1) C. civ., art. 22-1 (N° Lexbase : L8907G9R).
(2) C. civ., art. 21-27 (N° Lexbase : L8911DND).
(3) C. civ., art. 27-2 (N° Lexbase : L2660AB7). Un troisième cas, visant à sanctionner l'obtention de la naturalisation par l'entremise d'un tiers (C. nat., art. 113 N° Lexbase : L4495DY7 et 114 N° Lexbase : L4496DY8), a été supprimé par la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, réformant le droit de la nationalité (N° Lexbase : L0191IPR), JO, 23 juillet 1993, p. 10342.
(4) Voir, par exemple, CE Contentieux, 10 mars 1995, n° 139866 (N° Lexbase : A3076ANA), ou CE Contentieux, 13 mai 1996, n° 158830 (N° Lexbase : A9193ANS).
(5) Voir, par exemple, CE Contentieux, 13 mai 1996, n° 153207 (N° Lexbase : A9113ANT) ou CE Contentieux, 9 février 1998, n° 170270 (N° Lexbase : A6387ASD).
(6) CE, 21 mai 1997, n° 157516 (N° Lexbase : A9810ADP).
(7) CE, 27 janvier 1954, Rec. CE, p. 44.
(8) CE, 15 février 1957, Rec. CE, p. 107.
(9) En vertu de l'article 62 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, relatif à la manifestation de volonté, aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française (N° Lexbase : L3371IMS), JO, 31 décembre 1993, p. 18559.
(10) Article 59 du décret n° 93-1362 précité. L'intéressé dispose d'un délai d'un mois à dater de la notification ou de la publication de l'avis au Journal officiel pour faire parvenir au ministre chargé des Naturalisations ses observations en défense.
(11) Voir, en ce sens, CE, 21 juillet 1992, affirmant que le postulant n'était pas recevable à discuter l'opportunité d'une telle décision, Rec., p. 647, ou CE Contentieux, 6 février 1995, n° 144464 (N° Lexbase : A2649ANG).
(12) CE Contentieux, 27 mai 1983, n° 45690 (N° Lexbase : A8066ALC), Rec. CE, p. 219, concl. Denoix de Saint-Marc, ou encore CE, 30 décembre 1996, n° 159992 et n°159993 (N° Lexbase : A2289APH).
(13) CE Contentieux, 19 mars 1993, Dembo (N° Lexbase : A8962AMU), Rec. CE, Tables, p. 769.
(14) Décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009, sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française (N° Lexbase : L1300IGA), JO, 30 décembre 2009, p. 22768 ; il modifie, notamment, le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, relatif à la manifestation de volonté, aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française (N° Lexbase : L3371IMS).
(15) Les départements concernés par l'expérimentation ont d'abord été : les Bouches-du-Rhône ; l'Hérault ; l'Isère ; la Loire-Atlantique ; le Loiret ; la Moselle ; le Nord ; l'Oise ; l'Orne ; le Pas-de-Calais ; le Puy-de-Dôme ; les Hautes-Pyrénées ; les Pyrénées-Orientales ; le Rhône ; Paris ; la Seine-Maritime ; la Seine-et-Marne ; les Yvelines ; la Seine-Saint-Denis ; le Val-de-Marne et le Val-d'Oise. La réforme a été généralisée à l'ensemble du territoire français, y compris dans les Dom-Tom, à compter du 1er juillet 2010, par le décret n° 2010-725 du 29 juin 2010, relatif aux décisions de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française (N° Lexbase : L6377IM7), JO, 30 juin 2010, p. 11820.
(16) Ils sont passés de 10 mois en 2009 à 4 mois en 2010 pour les dossiers rejetés. Pour les décisions de naturalisation, ils sont passés de 12 mois en 2009 à 5 mois en 2010.
(17) Article 4 du décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009, sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française (N° Lexbase : L1300IGA).
(18) Cass. civ., 16 juillet 1894, S. 1894, 1, p. 457, ou CA Paris, 2 mars 1938, Rev. crit. DIP, 1938, p. 232, note Batiffol.
(19) Article 51 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, préc..
(20) CE avis, 22 mai 1996, n° 176895 (N° Lexbase : A9415ANZ), LPA, 1996, 28 octobre, n° 130, p. 13, note E. Aubin, AJDA, 1996, p. 703, concl. Denis-Linton.
(21) Voir, par exemple, CE, 21 mai 1997, n° 169563 (N° Lexbase : A9911ADG), ou CE Contentieux, 3 septembre 1997, n° 170757 (N° Lexbase : A7751ADG).
(22) CE avis, 22 mai 1996, n° 176895, préc..
(23) CE Contentieux, 30 juillet 1997, n° 169564 (N° Lexbase : A0960AEB).
(24) Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7), JO, 12 juillet 1979, p. 1711.
(25) Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), JO, 13 avril 2000, p. 5646.
(26) CE Contentieux, 19 avril 1991, n° 120435 (N° Lexbase : A9896AQL), Rec. CE , p. 149, AJDA, 1991, p. 641, concl. A.-M. Leroy.
(27) Cf. Conclusions Denis-Linton, AJDA, 1996, p. 703, sous CE, avis, 22 mai 1996, n° 176895, préc..

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Droits fondamentaux

[Questions à...] Code de déontologie : "On ne renonce pas à sa liberté de penser lors d'une embauche, ni même au cours de l'exécution de son contrat de travail" - Questions à Maître Dominique Bianchi, avocat au barreau de Lille

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N0291BR9

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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 17 Janvier 2011

A la suite de la loi américaine "Sarbanes Oxley", des entreprises internationales ont élaboré des codes de conduite applicables dans leur établissement français se traduisant, notamment, par la mise en place de dispositifs d'alerte professionnelle. Ces chartes imposent ou interdisent, également, certains comportements aux salariés (conflits d'intérêts, délits d'initié, détention d'informations privilégiées, etc.). Le législateur, l'administration du travail et la Cour de cassation ont tenté d'encadrer ces clauses portant atteinte à la liberté d'expression des salariés (1). Récemment, le tribunal de grande instance de Lille (TGI Lille, 30 novembre 2010, référé n° 10/00981 N° Lexbase : A7160GNI) a ordonné à une entreprise de mettre en conformité son code éthique avec la loi française et les principes de libertés fondamentales. A l'origine de ce jugement, une filiale française d'un groupe américain a imposé à ses salariés la validation de ce code par le biais d'un programme d'e-learning. Un délégué syndical de la CFDT avait été sanctionné pour avoir refusé de signer cette charte et de suivre ladite formation. Lexbase Hebdo - édition sociale a rencontré Maître Dominique Bianchi, avocat au barreau de Lille, représentant le salarié et le syndicat, qui revient sur l'application des chartes éthiques en France. Lexbase : Le jugement du TGI de Lille rappelle l'arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 2009 (2) qui avait encadré les chartes éthiques de l'entreprise Dassault. En quoi le code éthique mis en place au sein de cette filiale d'une société américaine est-il différent ?

Dominique Bianchi : La similitude des affaires "Dassault" et "Exide Technologie" tient au fait que ces entreprises ont entendu faire application d'une législation américaine, en l'occurrence la loi dite "Sarbanes Oxley", en l'étendant à leur filiales situées à l'étranger, télescopant de facto les législations nationales. Pour autant, et alors que la société Dassault avait mis en place un code dit "de conduite" qui organisait lui-même, et en son sein, un dispositif d'alerte professionnelle, le modus operandi de la société Exide Technologie est resté différent puisqu'une procédure d'alerte a d'abord été mise en oeuvre et qu'à la suite de celle ci, a succédé la mise en place d'un code dit "de déontologie", puis celui d'une séquence informatique visant à s'assurer de l'adhésion des salariés au dit code. Le contrôle juridictionnel est donc réduit, dans la procédure Exide Technologie, à celui de la licéité du code et à celui de ladite séquence informatique en question. Cette procédure s'inscrit, par ailleurs, en parallèle d'une procédure prud'homale visant à faire reconnaître l'illicéité d'un avertissement notifié à un délégué syndical ayant refusé de suivre la séquence informatique de mise en situation du code éthique de la société Exide Technologie.

Lexbase : Ces codes ont été mis en place à la suite de la loi américaine "Sarbanes Oxley" de 2002 afin de s'attaquer aux conflits d'intérêts. Peuvent-ils être réellement appliqués en France ?

Dominique Bianchi : Les évolutions législatives et jurisprudentielles des dix dernières années attestent d'un souci constant de préserver les conditions de travail des salariés et de sécuriser celles-ci, à n'importe quel prix d'ailleurs, même celui de la mauvaise foi (la suspension du contrat de travail en matière de maladie, de maternité, les décisions récentes intervenues en matière de harcèlement moral, d'équité salariale, de discrimination, le rôle grandissant du CHSCT dans l'entreprise, le contentieux de la faute inexcusable, l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur). Rien qui ne se fait ou qui ne se défait en droit du travail aujourd'hui ne se pense autrement que par le prisme de la sécurité au travail. Cette sensibilité ne doit rien au hasard et tient, sans entrer dans le détail, à l'impulsion du droit communautaire... Toujours est-il que ce constat interroge... En effet, comment articuler avec les règles françaises une législation dont la philosophie reste étrangère à la sécurité au travail et dont la seule préoccupation demeure l'éthique des comportements, des affaires (le code mis en place par l'entreprise Dassault s'intitulant Code of Business Conduct) ? Ce seul constat rend compte de la difficulté de conjuguer des règles dont les ambitions restent, originairement, si singulièrement et si profondément différentes.

Lexbase : Certaines dispositions du code éthique, notamment la question des financements des partis politiques, ne s'appliquent pas en France. Cela entraîne-t-il des conséquences sur l'opposabilité dudit code aux salariés ?

Dominique Bianchi : La circonstance que certaines dispositions soient ou ne soient pas applicables en raison de leur illégalité manifeste importe peu. Cela n'autorise pas un employeur à solliciter de ses salariés qu'ils consentent à des obligations, dont l'employeur sait, lui-même, qu'elles restent inapplicables, même en indiquant à ces mêmes salariés qu'ils n'ont pas à respecter ces règles si la loi nationale l'interdit. Par ailleurs, ces codes sont la résultante, bien souvent, de transcriptions et traductions quasi littérales de textes américains ce qui, confusément et par le truchement des renvois, rend difficilement lisible la frontière entre ce qui peut être applicable et ce qui ne l'est pas. Or, et à ce titre, la circonstance même de la signature des salariés n'est pas neutre dès lors qu'elle contractualise l'engagement de ceux-ci sur les obligations qui sont décrites au sein desdits codes. De facto, l'économie de la relation de travail s'en trouve bouleversée et les manquements à ces obligations deviennent opposables au salarié au regard de l'exercice légitime du pouvoir de direction de l'employeur. Peut-on se satisfaire d'incertitudes sur le périmètre même des obligations en cause ? L'article L. 1235-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1338H9G) nous donne un début de réponse puisque, dans le cadre d'une rupture du contrat de travail, le doute profite au salarié. Cela n'est, cependant, satisfaisant pour aucune des parties au contrat de travail, ni pour le salarié, ni pour l'employeur.

Lexbase : Ce jugement est un exemple de l'actualité récente portant sur la difficile articulation entre vie privée/vie professionnelle (3). Est-ce que comme l'avocate de l'entreprise l'énonce, vous pensez que l'on n'entre pas dans une entreprise si l'on ne veut pas voir restreindre une partie de sa liberté de sa pensée ? Quelles sont les conséquences pour l'exécution du contrat de travail des salariés ?

Dominique Bianchi : On ne renonce pas à sa liberté de penser lors d'une embauche, ni même au cours de l'exécution de son contrat de travail. L'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P) pose, d'ailleurs, et de manière très solennelle, le principe selon lequel "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché". Ainsi, sauf circonstances particulières laissées au contrôle a posteriori du juge, la liberté de penser des salariés reste intacte. On notera, néanmoins, que certaines entreprises dites "de tendances", parce que prônant la défense d'idées particulières comme un parti politique ou un syndicat, peuvent ne recruter que des salariés qui adhérent à leurs convictions (4). Les cas présents sont, néanmoins, différents puisque les entreprises, qui font ici débat, ne se singularisent pas par leur conviction politique ou syndicale.

Quoi qu'il en soit, si les salariés ne renoncent pas à leur liberté de penser, ils ne peuvent abuser de l'exercice de leur droit d'expression lequel est encadré dans l'entreprise. A propos du régime de la modification du contrat de travail, le Doyen Waquet évoquait il y a quelques années ce qui relève de la sphère contractuelle et ce qui relève de la sphère non-contractuelle (5). Il me semble possible dans cette logique concentrique d'y adjoindre la sphère privée laquelle doit être sanctuarisée, nonobstant les atteintes multipliées, dont elle fait désormais l'objet comme en atteste, par exemple, la mise à disposition de téléphones et ordinateurs portables "au profit" des salariés. Enfin, il me paraît intéressant de relever que les cas présents pointent, avec intérêt, l'inadéquation qui peut exister entre l'application décidée d'une politique RH dans l'entreprise et son articulation plus ou moins malléable avec les obligations légales.

Lexbase : Le conseil des prud'hommes de Lille va rendre son jugement le 31 janvier sur l'avertissement reçu par le délégué syndical de la CFDT. Le syndicat demande-t-il une réparation pour un préjudice subi ?

Dominique Bianchi : Le syndicat CFDT a introduit, postérieurement, à la procédure prud'homale, mise en oeuvre par le salarié pour remettre en cause de licéité de son avertissement, un contentieux en référé devant le tribunal de grande instance de Lille. L'objet de ce contentieux vise, en application de l'article L. 2131-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2109H9Y), la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des salariés. Abstraction faite de l'état d'avancement de la procédure prud'homale, ayant donné lieu à un changement de conseil et à une décision de départage, et aux règles qui régissent la procédure prud'homale, le syndicat CFDT a renoncé à s'engager sur les mérites d'une intervention volontaire devant le conseil de prud'hommes pour ne pas ajouter inutilement au débat judiciaire relatif à la licéité de l'avertissement notifié.


(1) V. sur cette question, Cass. soc., 8 décembre 2009, n° 08-17.191, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3615EPL) et les obs. de Ch. Willmann, Alerte professionnelle : un code d'entreprise doit être conforme à la loi du 6 janvier 1978, Lexbase Hebdo n° 376 du 17 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7165BMC) ; sur le rapport "Antonmatéi-Vivien" de janvier 2007, v. les obs. de Ch. Willmann, Chartes d'éthique et alerte professionnelle (rapport Antonmatéi-Vivien, janvier 2007), Lexbase Hebdo n° 263 du 7 juin 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3661BB9).
(2) Cass. soc., 8 décembre 2009, préc..
(3) V. not., CPH Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010 n° 09/00316 (N° Lexbase : A6710GKQ) et n° 09/00343 (N° Lexbase : A6712GKS), Facebook m'a licencié ! - Questions à Maître Grégory Saint Michel, avocat au Barreau de Paris, Lexbase Hebdo n° 418 du 25 Novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6896BQH) ; CPH Mantes-la-Jolie, 13 décembre 2010, n° 10/00587 (N° Lexbase : A1067GNT), Licenciement pour port d'un voile : "une pierre à l'édifice de la laïcité" - Questions à Maître Richard Malka, avocat à la cour, Lexbase Hebdo n° 421 du 16 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8427BQ8).
(4) Cass.soc, 20 novembre 1986, n° 84-43.243 (N° Lexbase : A2194AAI), Bull. civ. V, n° 555. Sur cette question, voir récemment, CEDH, 23 septembre 2010, 2 arrêts, req. n° 1620/03 (N° Lexbase : A9856E9W) et req. n° 425/03 (N° Lexbase : A9858E9Y), v. les obs., de Ch. Willmann, Entreprises de tendance : on ne badine pas avec l'amour, Lexbase Hebdo n° 414 du 28 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4392BQQ).
(5) Sur cette question, Cass. soc., 10 juillet 1996, n° 93-41.137 (N° Lexbase : A2054AAC) et sur la distinction entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E8918ES4).

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Fiscalité des entreprises

[Textes] Sociétés de personnes : la réforme issue de la loi de finances rectificative pour 2010

Réf. : Loi n° 2010-1658, 29 décembre 2010, de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L9902IN3)

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par Simon Ginesty, Avocat, Landwell & associés

Le 17 Janvier 2011

Après plusieurs mois, voire plusieurs années de réflexion, le législateur a commencé à se pencher sur le berceau des sociétés de personnes (SDP), qui concernait pas moins de 240 000 sociétés en 2009. Il est inutile de rappeler, ici, combien ce régime, codifié sous une pluie d'articles disparates (dont le plus célèbre, l'article 8 du CGI N° Lexbase : L2311IB9) faisait, depuis longtemps, l'unanimité contre lui : extraordinairement complexe, incompris au plan international, ce régime se singularisait surtout par un pêché originel tenant à sa nature exacte. En effet, le législateur de l'époque n'ayant pas réussi à faire le choix entre deux méthodes, il l'a dotée d'un système mixte : il ne s'agit pas d'une véritable "transparence" fiscale (1), car la personnalité fiscale de la société de personnes est reconnue, ni d'une véritable "opacité" car les revenus sont réputés appréhendés directement par les associés à la clôture de l'exercice. On parle ainsi de société "translucide" ou "semi-transparente".

Le Gouvernement s'était donc engagé, à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (2), à moderniser ce régime, l'objectif affiché étant de s'orienter "vers une plus grande transparence" et de se rapprocher de "ce qui se fait à l'étranger". Devant l'ampleur de la réforme envisagée, le projet ne pouvait qu'être complexe (3). Sans doute trop aux yeux du législateur qui a renoncé, pour l'instant, à en adopter la majeure partie, et ce malgré le soin minutieux qu'avait apporté le ministère des Finances à son élaboration (4).

En conséquence, la réforme des sociétés de personne devrait intervenir en deux étapes :
- une première partie de la réforme, principalement destinée à neutraliser l'application de la théorie du bilan, qui a été adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010 et dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2012 ;
- une seconde partie de la réforme, la plus importante, qui devrait être discutée au Parlement au cours de l'année 2011, probablement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 (5). Sur la forme, de nombreux aménagements ont ou seront, espérons-le, apportés : codifiées aux articles 238-0 A (N° Lexbase : L3333IGK) et suivants du CGI (6), les sociétés de personnes emprunteraient désormais le terme d'"entités transparentes". Sur le fond, la réforme s'attache à réduire "les frottements fiscaux ainsi que les optimisations non souhaitées", notamment au plan international.

Le projet n'envisageait, toutefois, pas une révolution de la fiscalité applicable, malgré l'affirmation selon laquelle "les opérations d'une entité transparente sont réputées avoir été réalisées, à proportion de ses droits dans l'entité, par chacun des associés" (7). Ce principe de transparence affiché, il n'en demeure pas moins que, comme aujourd'hui, trois étapes seraient nécessaires à la détermination du résultat imposable :

- la détermination du résultat social ;

- la répartition du résultat social ;

- et, enfin, l'imposition de la quote-part de profit entre les mains de l'associé.

Voici donc l'occasion pour nous de faire un point d'étape sur cette ambitieuse réforme.

I - La détermination du résultat social

Nous rappelons qu'actuellement, le résultat d'une société de personnes est déterminé à son niveau en prenant en considération, soit la nature de l'activité exercée par l'associé, lorsque celui-ci est une société soumise à l'IS dans les conditions de droit commun ou, s'il s'agit d'une entreprise industrielle, commerciale artisanale ou agricole, relevant de l'IR et placée de plein droit sur un régime réel d'imposition, soit la nature de l'activité et le montant des recettes de la société de personnes dans les autres cas (8). S'agissant des entreprises individuelles, la théorie du bilan s'applique -principe selon lequel l'inscription à l'actif d'un bien permet d'inclure dans le bénéfice net l'ensemble des produits et charges afférents à ce bien, même s'il n'est pas utilisé pour les besoins de l'exploitation-. Par exemple, un déficit généré par un investissement immobilier réalisé par l'intermédiaire d'une société de personnes pourra venir s'imputer sur les BIC ou encore sur les BA générés par cette même société, bien que ce déficit ne soit pas de même nature.

La réforme adoptée par le Parlement ne maintient ces principes que pour les associés soumis à l'IS. En effet, l'imposition de leur quote-part de profit est, et demeurerait, déterminée selon les règles propres à cet impôt et agrégée aux résultats d'IS, quelle que soit l'activité de la société de personnes. Dans les autres cas -tout du moins pour les activités qui relèvent de la catégorie BIC ou BA (9)-, ne sera retenue que la nature de l'activité exercée, ce qui entraînera, ipso facto, la disparition de la théorie du bilan telle que précédemment évoquée.

Une nouvelle rédaction de l'article 155 viendra s'insérer dans le CGI (10), dont l'objectif sera de faire application de la règle dite de "tunnelisation" des revenus. Ne relèveront donc de la catégorie BIC/BA que les revenus nets provenant d'une activité exercée à titre professionnel (11), cette dernière impliquant "la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité" (12). Les activités générant des revenus de nature patrimoniale, mais concourant à l'activité économique professionnelle BIC ou BA, ainsi que les produits et charges y afférents, seront quant à elles incluses dans le secteur professionnel, sous certaines limites (13). Ainsi, la suppression envisagée de la théorie du bilan aura une double conséquence :

- la quote-part de résultat de la société de personnes sera déterminée conformément à la nature d'activité exercée par la SDP (BIC, BNC ou BA) ;

- la quote-part de résultat sera imposée entre les mains de l'associé selon son propre régime fiscal (BIC, BNC ou BA), sauf si l'activité de l'associé y est exercée à titre professionnel (auquel cas, le revenu "conserve" sa nature d'origine).

II - La répartition du résultat social

En raison de la nature même de la semi-transparence, telle qu'elle est appliquée aux sociétés de personnes, les associés sont imposables personnellement à raison de la quote-part qu'ils détiennent dans celle-ci à la clôture de l'exercice. Selon ce principe, la totalité du résultat fiscal constaté à la clôture, même non distribué (14), est répartie entre les associés conformément à leurs droits, sous réserve des possibilités d'aménagement de cette répartition par convention.

Le projet adopté par le Parlement n'envisage pas de modification sur ce point, mais propose de clarifier les règles existantes afin de déterminer la date à laquelle l'associé est réputé appréhender le revenu (15), soit :

- à la clôture de l'exercice de l'entité transparente ou au terme de la période d'imposition pour les opérations relevant de la catégorie des BIC, des BA et des BNC ;

- à la date de réalisation de la plus-value, à la date de perception de revenus de capitaux mobiliers, ou à la fin de l'année civile pour les revenus fonciers (16).

III - L'imposition de l'associé sur la quote-part de profit

L'imposition de l'associé sur la quote-part de profit dépend à la fois du caractère actif ou passif de l'associé et selon qu'il s'agit d'une entreprise ou non. La quote-part ainsi définie sera alors intégrée aux revenus personnels de l'associé :

- avec une assimilation aux autres revenus professionnels pour les entreprises (IS et théorie du bilan à l'IR) ;

- et l'application des règles de "tunnelisation" pour les autres associés.

La réforme des sociétés de personnes devrait entraîner d'importantes modifications de ces règles d'imposition, notamment pour les associés IS.

A - Pour les associés IR

Outre la suppression de la théorie du bilan, telle que précédemment évoquée, la réforme adoptée par le Parlement prévoit que certains produits devront être obligatoirement soumis au régime applicable selon les règles applicables à ces catégories de revenus (17) :

- les revenus provenant de l'activité qui n'est pas exercée à titre professionnel (revenus fonciers, RCM, plus-values mobilières) ;

- les bénéfices non imposables en BIC professionnel (BA, BIC non professionnel, loueur en meublé non professionnel et BNC non professionnel) ;

- les plus-values non professionnelles sur des actifs ayant appartenu au patrimoine professionnel.

Ces règles existent déjà pour partie actuellement mais le projet a le mérite de clarifier, et pour certaines, de légaliser, ces règles connues actuellement sous le terme d'"extourne".

B - Pour les associés IS

Dans le projet présenté par le Gouvernement, les associés des sociétés de personnes qui relèvent de l'impôt sur les sociétés semblaient être les bénéficiaires de cette réforme : d'une part, ils n'étaient soumis à aucune modification des règles comptables ou d'imposition, mais d'autre part, et par "transparence", ils devaient pouvoir bénéficier de deux régimes qui jusqu'alors leur étaient interdits. Arguant d'une incertitude budgétaire, les parlementaires n'ont pas souhaité adopter les modifications proposées. Il faudra donc patienter jusqu'à l'adoption de la seconde partie de la réforme pour déterminer si, comme le projet le proposait, les associés IS pourront bénéficier de ces deux régimes, à savoir :

- la possibilité de se voir appliquer le régime des sociétés mères. Rappelons simplement qu'en vertu des articles 145 (N° Lexbase : L3391IGP) et 216 (N° Lexbase : L3998HLN) du CGI, ce régime permet une exonération des dividendes versés par une société IS (détenue à hauteur d'au moins 5 %), sous réserve d'une réintégration de 5 % pour frais et charges. En affirmant le principe de transparence, la société mère pouvait donc faire valoir ses droits dans une sous filiale détenue par l'intermédiaire d'une société de personnes ;

- la possibilité d'intégrer fiscalement une société de personnes. Il s'agissait là d'une indéniable avancée puisque la société de personne pouvait, par transparence encore (18), être intégrée fiscalement (19). Ainsi, une société mère était désormais en droit d'intercaler entre elle et ses filiales une société de personnes non soumise à l'IS sans remettre en cause le bénéfice de l'intégration fiscale, hypothèse malheureusement impossible aujourd'hui sans faire appel au système de l'"intégration sauvage" (20). En conséquence, les participations détenues directement ou indirectement par une société de personnes elle-même détenue à 95 % au moins par la société mère étaient, par transparence, prises en considération pour le régime de l'intégration.

IV - L'imposition des plus-values

S'agissant des plus-values professionnelles, le Parlement a modifié les règles de détermination applicables, pour n'y soumettre que les biens immobilisés nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle. Ainsi, le prix de cession d'un bien immobilisé sera déterminé par l'application d'un prorata entre, au numérateur, la durée d'utilisation du bien aux fins de l'exercice de l'activité à titre professionnel et, au dénominateur, sa durée d'appartenance au patrimoine professionnel (21). De fait, les biens immobilisés qui ne seront pas nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle seraient soumis au régime des plus-values privées.

Toutefois, le législateur n'a pas retenu les autres modifications présentées dans le projet relatives aux plus-values professionnelles :

- la modification de l'article 151 septies (N° Lexbase : L7200ICN), pour qu'il soit tenu compte du montant total des recettes réalisées par le contribuable dans l'ensemble de ses activités, y compris celles des entités transparentes dans lequel il est associé à proportion de ses droits dans les bénéfices. En effet, nous rappelons, qu'actuellement, le montant des recettes devant être pris en considération pour déterminer le seuil d'exonération est apprécié au niveau de la société de personnes et non au niveau de l'associé ;

- la légalisation d'une jurisprudence importante relative aux ajustements nécessaires à la détermination du prix de revient des parts d'une société de personnes, tels que déterminés par le Conseil d'Etat dans le célèbre arrêt "Quemener" (22) ;

- l'institution d'un mécanisme de report de la plus ou moins-value nette réputée réalisée par un associé BIC, BNC ou BA en cas de fusion, apport partiel d'actif portant sur une branche complète d'activité ou une scission (23) ; en effet, contrairement aux opérations de restructurations affectant les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et les entreprises individuelles (lorsqu'elles se transforment en société) qui peuvent, pour partie, être neutralisées (24), aucun régime dérogatoire, ou presque (25), n'existe concernant les sociétés de personnes dans ce domaine.

On ne peut que souhaiter que la seconde partie du projet de réforme reprenne ces dispositions qui combleraient d'importantes lacunes du régime actuel.

V - La réforme au plan international

Au plan international, le Gouvernement souhaitait éclaircir plusieurs situations dans lesquelles la nature ambiguë des sociétés de personnes françaises pouvait laisser apparaître des "frottements fiscaux". Jusqu'à présent, c'était le juge -aussi bien pour les sociétés de personnes françaises (26) que pour les sociétés de personnes étrangères (27)-, puis l'administration (28) qui avaient dû se résoudre à combler ce vide législatif.

Malheureusement, le texte adopté par le Parlement ne modifie en rien la législation actuelle.

Pourtant, le principe de transparence, qui était clairement réaffirmé dans le projet (29), semblait en ce domaine plus qu'ailleurs particulièrement bienvenu. Il convenait, ainsi, de s'attacher non plus à la simple présence en France d'une société de personne mais de regarder l'origine du flux (France ou étranger) et le bénéficiaire final, afin de déterminer si ce flux ferait l'objet d'une imposition en France. Ce mécanisme de transparence se traduisait, ainsi, par le fait que les opérations d'une entité transparente étaient réputées avoir été réalisées, à proportion de ses droits dans l'entité, par chacun des associés, y compris lorsque l'entité est établie à l'étranger (30).

Dans cette hypothèse, l'appréhension, par exemple, d'un revenu mobilier d'origine étrangère par un associé non-résident par l'intermédiaire d'une société de personnes en France n'avait plus vocation à être imposé en France. Le mécanisme de la transparence produisait alors tous ses effets, à condition toutefois que la convention fiscale liant la France et le pays en cause énonce des dispositions spécifiques relatives à ces sociétés (31). Aussi, le critère déterminant qui était alors mis en jeu serait celui de la présence ou non en France d'un établissement stable, tel que communément défini par les conventions fiscales internationales (32).

Deux limites venaient toutefois tempérer ce principe :

- la première tenait à la définition des termes "régime juridique et fiscal équivalents". Le texte ne précisait pas, par exemple, si une entité étrangère dont la responsabilité des associés serait limitée (comme c'est le cas d'un limited liability partnership de droit anglais par exemple) devrait être considérée comme "équivalent" (33) ;

- la seconde, préventive cette fois, émanait du fait que pour les revenus, bénéfices ou plus-values de source française, l'assimilation des sociétés étrangères aux entités transparentes françaises ne s'appliquaient qu'aux sociétés ou entités "constituées dans un Etat membre de l'Union européenne ou un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A". Ce mécanisme classique de prévention d'évasion fiscale permettait, ainsi, d'éviter une assimilation trop étendue du régime des entités transparentes, mesure qui viserait en premier lieu les entités transparentes constituées sous des cieux cléments (trusts, fondations...). Dans la même logique, il était prévu que la part des bénéfices correspondant aux droits des associés qui sont domiciliés ou établis dans un tel Etat serait "en tout état de cause soumise à l'impôt sur les sociétés au nom de l'entité transparente" (34).

Gageons que le législateur, dans ce domaine comme dans les autres, sera attentif aux commentaires des praticiens afin d'introduire, à l'occasion de la discussion de la seconde partie de cette réforme en 2011, toutes les précisions nécessaires pour une lisibilité accrue de la fiscalité applicable aux sociétés de personnes.


(1) Le seul régime fiscal transparent est celui applicable aux sociétés dites de copropriétés, lesquelles "sont réputées, quelles que soient leurs formes juridiques, ne pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres" (CGI, art. 1655 ter N° Lexbase : L1910HMP).
(2) Le terme de projet employé ici fait référence à la réforme présentée par le Gouvernement et proposée au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010. Ce projet avait été présenté en Conseil des ministres le 17 novembre 2010.
(3) On pouvait, notamment, s'interroger, au vu de la complexité du projet, sur sa conformité à la Constitution (voir sur ce point, Conseil constitutionnel, décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, relatif au dispositif de plafonnement des niches fiscales adopté par le Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006 (N° Lexbase : A1204DMK), le Conseil jugeant notamment "qu'en matière fiscale, la loi, lorsqu'elle atteint un niveau de complexité tel qu'elle devient inintelligible pour le citoyen méconnaît en outre l'article 14 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel : Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée'").
(4) Le Gouvernement a annoncé avoir travaillé sur cette réforme depuis plus de quatre ans. En outre, un document de consultation, détaillant la réforme envisagée, était disponible depuis quelques mois, laissant le soin aux praticiens désireux d'améliorer le projet de faire connaître leurs points de vue.
(5) Le IV de l'article 13 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 prévoit, ainsi, qu'au plus tard le 30 avril 2011, "le Gouvernement dépose sur le bureau de l'Assemblée Nationale et sur celui du Sénat un rapport présentant les différentes options d'une nécessaire modernisation du régime fiscal des sociétés de personnes et entités assimilées garantissant, a minima, une stabilité du coût par rapport à celui du régime fiscal actuel de semi-transparence".
(6) On ne pourrait ainsi plus parler de "société de l'article 8", puisque le projet envisage purement et simplement l'abrogation de ce célèbre article.
(7) Projet, art. 239-0 B I, 1 nouveau. Il est précisé que ce principe vaut pour l'application des chapitres I (impôt sur le revenu), II (impôt sur les bénéfices) et IV (dispositions communes) du titre premier (taxes directes et taxes assimilées) du CGI ainsi que pour l'application de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés. A contrario, il ne vaudrait donc pas ni pour les taxes sur le chiffre d'affaires (y compris la TVA) ou pour les droits indirects, ni pour les impôts directs locaux (y compris la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises).
(8) CGI, art. 238 bis K (N° Lexbase : L4886HLK). Il peut ainsi en résulter un grande difficulté à déterminer le résultat social, dès lors qu'existe plusieurs types d'associés (IR ou IS) ou selon que la société exerce plusieurs activités différentes (activités professionnelles BIC/BA/BNC, activité patrimoniale...)
(9) La loi de finances rectificatives pour 2010 ne prévoit pas de changement en ce qui concerne les modalités de détermination des résultats lorsque la société exerce une activité BNC. Toutefois, nous rappelons que les titulaires de BNC sont déjà soumis, en vertu des articles 92 (N° Lexbase : L7147ICP) et 93 (N° Lexbase : L3459IG9) du CGI, à l'interdiction de comprendre dans leurs bénéfices imposables des produits et charges relatifs à des biens étrangers à l'exercice de leur activité professionnelle.
(10) L'actuel article 155 du CGI (N° Lexbase : L2515HLQ) prévoit l'assimilation aux BIC des opérations entrant dans la catégorie des BA ou des BNC auxquelles une entreprise industrielle étend son activité.
(11) CGI, art. 155 II, 1 et s. nouveau. On remarque, ainsi, la volonté du législateur de renforcer la distinction professionnel/non professionnel, déjà mise en oeuvre par le Conseil d'Etat en ce domaine (V. notamment, CE 9° et 10° s-s-r., 16 mai 2007, n°276598 N° Lexbase : A3874DWE, BDCF, 09/07, p. 12, concl. L. Vallée, qui reconnaît la qualité d'"entreprise" de l'associé professionnel pour les besoins de l'article 238 bis K du CGI).
(12) CGI, art. 155 IV, 1 nouveau, qui reprend la définition posée à l'article 151 septies relatif à l'exonération des plus-values professionnelles.
(13) CGI, art. 155 II, 3. Le seuil sera ainsi fixé à 5 % et pourra exceptionnellement, pour une année seulement, être de 10 %.
(14) Le Conseil d'Etat a, toujours, fait une application rigoureuse de ce principe (voir par exemple Conseil d'Etat, 5 février 1925, RO, 5026 p. 795).
(15) CGI, art. 155 III nouveau.
(16) Cette différenciation de traitement pourrait engendrer de fortes complications lors de l'établissement de l'impôt (conciliation entre créance acquise et encaissement). Pour les revenus fonciers par exemple, ainsi que souligné par M. Gilles Carrez dans son rapport auprès de l'Assemblée nationale, que se passera-t-il si l'on constate à la clôture d'un exercice en juin qu'un revenu n'est en réalité pas un revenu BIC mais des revenus fonciers qui auraient donc dû être imposés au titre de l'année civile précédente ?
(17) CGI, art. 155 III nouveau
(18) Projet, art. 230-0 B I, 1 nouveau précité
(19) Projet, art. 223 A nouveau. Cela étant, on voit mal pour quels motifs les sociétés de personnes françaises ne pourraient bénéficier du même traitement que celui accordé à des sociétés de capitaux d'autres Etats de l'Union européenne depuis la prise en compte de la jurisprudence "Papillon" (CJCE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07 N° Lexbase : A4435EBU).
(20) Le bénéfice du régime de l'intégration fiscale est actuellement conditionné à l'option à l'IS de toutes les sociétés intégrées, quand bien même leur résultat est imposé à l'impôt sur les sociétés dans le chef des personnes morales soumises à cet impôt. Les associés personnes morales imposables à l'IS "importent", en effet, leur quote-part de résultat, permettant ainsi la computation des déficits et des bénéfices directement. Ce système s'avère au final des plus avantageux puisque aucune des conditions légalement requises pour les régimes des sociétés-mères ou d'intégration fiscale n'a à être respectée.
(21) CGI, art. 155 II, 2 nouveau.
(22) CE Contentieux, 16 février 2000, n° 133296 (N° Lexbase : A0346AUD), BGFE, 2/00, p. 6, comm Y. De Gyvre.
(23) Projet, art. 239-0 C, II nouveau. Le régime serait à peu près identique à celui prévu pour les SCP.
(24) CGI, art. 210 A (N° Lexbase : L3936HLD) pour les sociétés IS et art. 151 octies (N° Lexbase : L2463HNK) pour les entreprises individuelles.
(25) CGI, art. 151 octies A (N° Lexbase : L2464HNL), qui prévoit un report d'imposition en cas de restructuration des SCP.
(26) CE Contentieux, 4 avril 1997, n° 144211 (N° Lexbase : A9276ADW), qui leur confère la pleine qualification de sujet fiscal. De fait, les associés non-résidents sont en principe imposables en France sur les bénéfices de la société de personnes, même s'ils n'ont pas eux-mêmes un établissement stable en France tandis que les sociétés de personnes qui ont leur siège en France ont la qualité de résident de France au sens des conventions fiscales conclues par la France.
(27) Par sa décision "Diebold Courtage" (CE Contentieux, 13 octobre 1999, n° 191191 N° Lexbase : A3307AXR), le Conseil d'Etat a accepté de rechercher si les associés d'une société de personnes néerlandaise, dépourvue de la personnalité juridique et fiscalement transparente, avaient la qualité de résidents des Pays-Bas et pouvaient, à ce titre, bénéficier des dispositions de la convention fiscale franco-néerlandaise au titre des redevances perçues via la société de personnes.
(28) BOI 4 H-5-07 du 29 mars 2007 (N° Lexbase : X8412ADW), qui prévoit que les revenus passifs de source française (dividendes, intérêts et redevances) qui bénéficient à des associés non résidents d'une société de personnes étrangère transparente sont éligibles au bénéfice de la convention fiscale s'ils sont résidents d'un Etat avec lequel la France a conclu une convention comportant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et que la société de personnes transparente est elle-même située dans un Etat avec lequel la France a conclu une convention comportant une telle clause. La transparence fiscale de la société de personnes étrangère est alors également admise pour l'application des retenues à la source et du prélèvement forfaitaire sur les dividendes, redevances et intérêts de source française qui bénéficient à ses associés résidents de France.
(29) Les sociétés et entités de droit étranger qui bénéficient dans leur Etat d'origine d'un régime juridique et fiscal équivalents sont assimilés aux sociétés de droit français (projet, art. 239-0 A 1, 5° nouveau).
(30) Projet, art. 239-0 B, I 1 précité.
(31) On notera, à cet effet, que la plupart des conventions fiscales récemment signées par la France contiennent une telle clause. Par exemple : Convention avec la Géorgie du 7 mars 2007 entrée en vigueur le 1er juin 2010 (Protocole) ; avenant à la Convention avec les Etats-Unis du 13 Janvier 2009, entré en vigueur le 23 décembre 2009 ; Convention avec le Royaume-Uni signée le 19 juin 2008, entrée en vigueur le 18 décembre 2009.
(32) Article 5 du modèle de convention de l'OCDE concernant le revenu et la fortune, au terme duquel "l'expression 'établissement stable' désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité".
(33) L'administration admet, aujourd'hui, que les sociétés de personnes étrangères soient assimilées à celles françaises, indépendamment du caractère illimité ou non de la responsabilité des associés. Voir en ce sens, BOI 4 H-5-07 du 29 mars 2007, précité.
(34) Projet, art. 239-0 E I nouveau. Il en serait de même pour les associés de l'entité transparente dont les noms et adresses n'ont pas été communiqués à l'administration ou qui sont établis ou domiciliés dans un Etat ou territoire qui ne reconnaît pas l'entité comme transparente.

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Internet

[Questions à...] La neutralité du net : enjeux et perspectives - Questions à Maître Jean-Marc Coblence, Avocat associé - SCP Coblence & Associés et Président de Cyberlex

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par Vincent Téchené, rédacteur en chef de Lexbase hebdo - édition affaires

Le 17 Janvier 2011

Le 6 décembre 2010, s'est tenue au Sénat la quatrième édition des Rencontres annuelles du droit de l'internet organisée par l'association Cyberlex (1), en partenariat avec l'Association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC). Cette année, les organisateurs avaient, notamment, choisi d'aborder la question de la neutralité d'internet. Le débat sur la neutralité du net ou "Net Neutrality" est apparu aux Etats-Unis au tournant des années 2000, la Federal Communications Commission (FCC) ayant notamment eu à statuer sur des différends opposant des fournisseurs de services internet à des cablô-opérateurs concernant l'accès des premiers au marché des communications internet via le câble. Le débat s'est par la suite déplacé sur la thématique du droit des usagers d'accéder aux contenus et services de leurs choix. La FCC a alors initié une première reconnaissance de ces préoccupations en adoptant, en 2005, quatre principes directeurs : "Policy Statements on 4 Internet freedoms". Fin 2009, la FCC a lancé une nouvelle consultation afin de codifier les principes directeurs adoptés en 2005 et compléter le dispositif. En Europe, le débat sur la neutralité d'internet est nettement plus récent, et ce n'est véritablement qu'à l'occasion des nouvelles Directives (2) relatives aux communications électroniques que des voix se sont exprimées sur la net neutralité. En France, rapports, débats et consultations publiques se multiplient (3), l'ARCEP ayant récemment publié dix propositions et recommandations pour promouvoir un internet neutre et de qualité (4). C'est donc dans ce contexte et pour comprendre les enjeux de la neutralité d'internet que Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré Maître Jean-Marc Coblence, Avocat associé - SCP Coblence & Associés et Président de Cyberlex, qui a accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : Comme définiriez-vous la neutralité d'internet et quels sont les enjeux du débat ?

Jean-Marc Coblence : La neutralité d'internet est une notion protéiforme qui vise, dans son principe, à exclure toute forme de discrimination à l'accès à internet en fonction de l'appareil utilisé, du contenu transmis ou des services accessibles. Se poser la question de la neutralité du net revient, en fait, à s'interroger sur le point de savoir si tout le monde a accès, de façon égalitaire, à l'ensemble de la prestation technique du réseau ou si certains, par exemple, parce qu'ils sont plus puissants économiquement, ont un accès prioritaire par rapport aux autres. D'ailleurs, je ne trouve pas le terme "neutralité" très adapté ; ce qui est "neutre" fait plutôt référence à une sorte d'immobilisme, alors qu'ici c'est tout le contraire. C'est pourquoi je parlerai plutôt d'"objectivité" du net, expression qui me semble mieux refléter la problématique et les véritables enjeux du débat. En effet, aborder la net neutralité, c'est se demander jusqu'à quel point le réseau peut être objectif et transparent.

La transparence est, ici, essentielle : savoir ce qui se passe sur le net et comment cela se passe est déjà un bon début.

Les enjeux sont à la fois politiques, concurrentiels et économiques. Rappelons d'abord qu'il s'agit d'un vrai débat de société démocratique. La Chine ou d'autre Etats dictatoriaux ne se posent pas la question de savoir comment assurer et encadrer la neutralité d'internet. L'approche retenue de la notion traduit ainsi l'état moral, sociologique, juridique et politique de la société en cause Aujourd'hui, par exemple en France, aucun opérateur ne refuserait d'obtempérer à une décision de la puissance publique qui viserait à interdire ou restreindre la bande passante d'un site qui servirait de soutien logistique à des activités terroristes. C'est donc un débat qui ne peut pas être abordé dans l'abstraction et qui se doit d'être nécessairement évolutif. La neutralité du net doit être comprise comme une notion qui évoluera dans le temps en fonction de la société. Il faut seulement élaborer un cadre juridique qui permette d'éviter des abus dans un sens ou dans un autre. Il s'agit là du propre du droit : faire en sorte que l'on vive ensemble !

Lexbase : Quelles sont les difficultés se rapportant à la neutralité du net identifiées sur le marché français ?

Jean-Marc Coblence : Vous remarquerez que le débat, bien que réel, n'est pas très vif en France et cela s'explique par le fait que personne ne s'est jamais vraiment plaint de comportements partiaux de la part des opérateurs techniques. Bien sûr, on a vent de difficultés, comme du cas où un FAI avait limité l'accès de ses abonnés au service Dailymotion, en réduisant leur débit, les empêchant de la sorte de visionner les vidéos hébergées par le site en cause. Mais, il s'agit là d'une "micro" histoire qui, comme les autres, s'est résolue par le lobbying des internautes.

Le débat n'a pourtant jamais été autant d'actualité en France, puisque se pose la question du maintien ou non de l'accessibilité à Weakileaks. En effet, doit-on, au nom d'un principe de transparence démocratique, laisser à Weakileaks la possibilité d'accéder au réseau ou, au contraire, l'interdire au nom d'une politique de puissance publique et de l'ordre public international ?

Au total, même si le problème ne s'est posé que de façon très marginale, on pressent qu'il va prendre de l'ampleur. Il convient donc d'anticiper le phénomène.

Il est à cet égard pertinent d'analyser, les premières condamnations de Google pour son outil Google Suggest, qui propose des mots-clés sur sa page d'accueil, au fur et à mesure de la saisie de la requête (système dit d'auto-complétion) (5). En substance, si les tribunaux français admettent que ce sont bien les requêtes des internautes qui, mécaniquement, produisent les suggestions, ils retiennent en même temps qu'il s'agit d'un mécanisme sur lequel l'homme peut intervenir pour les corriger, notamment, lorsque ces dernières peuvent être diffamatoires ou injurieuses. Il s'agit bien d'un format neutre puisqu'il s'agit d'un schéma mathématique issu de l'accumulation de données objectives. Toutefois, ce schéma "neutre" n'est pas sans contrôle, et l'homme ayant la capacité d'intervenir, il se doit de le faire lorsque le modèle mathématique produit des conséquences qui ne sont pas acceptables par la société.

Lexbase : Les règles existantes aujourd'hui en matière de réglementation sectorielle et en matière de concurrence vous semblent-elles suffisantes pour répondre aux questions suscitées sur la neutralité du net ?

Jean-Marc Coblence : Si la question de la neutralité du net n'est pas en elle-même qu'un problème de droit de la concurrence, les règles du droit de la concurrence ont à l'évidence un rôle à jouer. D'ailleurs, les nombreux monopoles et oligopoles qu'internet a générés, et que l'on connaît aujourd'hui, intéressent les diverses Autorités de concurrence, quel que soit le pays concerné.

J'en veux pour preuve l'avis publié le 14 décembre dernier par l'Autorité française de la concurrence sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne (6), qui a jugé que Google occupait une position "fortement dominante" dans la publicité liée aux recherches sur internet et a listé quatorze "préoccupations" des acteurs du marché liées à cette situation. Or, nombre de ces "préoccupations" ne sont pas étrangères au débat sur la neutralité du net.

On est, à l'inverse, au coeur même du débat lorsque l'autorité propose de vérifier que Google ne favoriserait pas ses propres services en mettant en avant "Google Maps" "dans les résultats de recherche pour toute requête laissant deviner une recherche géographique" ou encore, que le montant des enchères Adwords "reste proportionné à la valeur du service et ne comporte pas de prime d'éviction" lorsque Google ou une de ses filiales y participent. On ne parle encore que de net neutralité lorsque l'Autorité de la concurrence dit qu'il convient de vérifier si les pratiques de Youtube, filiale de Google, "entravent l'indexation de ses contenus par les moteurs de recherche concurrents".

Le droit de la concurrence a donc, on le voit, un rôle essentiel à jouer dans la net neutralité, un rôle essentiel mais pas suffisant et il conviendra probablement et notamment en pratique d'encadrer les mécanismes de gestion de trafic dont l'ARCEP recommande, à juste titre, qu'ils respectent les critères généraux de pertinence, de proportionnalité, d'efficacité, de non-discrimination et de transparence.

Lexbase : Quelles sont les dispositions contenues dans le "paquet Télécom" (7) ayant pour objectif d'assurer la net neutralité ? Comment encadrer la net neutralité ?

Jean-Marc Coblence : Le principe essentiel posé est celui de la transparence Le "paquet Télécom" impose en effet que les utilisateurs soient informés des "niveaux minimaux de qualité des services offerts", des "conditions limitant l'accès à des services ou des applications, et/ou leur utilisation" ainsi que des mesures mises en place pour "mesurer ou orienter le trafic". Or, la transparence est le préalable indispensable à l'appréciation de neutralité du net. Connaître les agissements des opérateurs permet en effet de se prononcer sur le caractère objectif de leur comportement ou, en tous les cas, d'en apprécier le degré de subjectivité. Mais ne nous trompons pas ; il ne s'agit pas "du" texte sur la neutralité du net. D'ailleurs, qui pourrait aujourd'hui rédiger une loi encadrant de façon exhaustive les problématiques posées par ce concept ?

Le problème est particulièrement épineux puisqu'il s'agit d'une problématique internationale, si bien qu'un règlement national de la question n'aura que des conséquences pratiques fort limitées sur les comportements. En même temps, dire qu'un texte international est la solution, relève de l'utopie. Alors pour faire preuve de réalisme, ce qui est indispensable en la matière, il semble que seule une accumulation de textes nationaux créant un contexte général d'encadrement normatif de la neutralité d'internet, duquel se dégageraient des principes consensuels, pourra contraindre les acteurs du web, quels qu'ils soient, à se comporter de façon plus cohérente. Le droit international revient, dans ces matières, à faire naître un consensus le plus large possible sur le plus petit dénominateur commun. C'est certes frustrant, mais il faut avancer et pour cela, il convient d'être extrêmement modeste.

On le voit, la neutralité d'internet est un vrai sujet, sinon le prototype du sujet politique susceptible d'influencer la vie sociale. Il doit ainsi être constamment présent dans l'esprit de tous les intervenants du marché. Enfin, admettons que souvent les pouvoirs publics ne se mobilisent qu'après la survenance d'un évènement sinon catastrophique, du moins remarquable. Si tel doit être le cas pour la neutralité du net, les considérations du débat, nous l'avons vu, sont telles qu'il ne reste qu'à souhaiter que législateur et juristes prennent suffisamment de distance. L'émotion et la colère n'ont jamais été bonnes conseillères !


(1) Cf. le site internet de Cyberlex.
(2) Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (N° Lexbase : L1209IGU) et Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 janvier 2009 (N° Lexbase : L1208IGT).
(3) Cf., notamment, la synthèse, présentée le 18 juin 2010, de la consultation publique sur la neutralité du net installée par le secrétariat d'Etat à la prospective et à l'économie numérique le 24 février 2010 et la proposition de loi relative à la neutralité de l'Internet, enregistrée à l'Assemblée nationale le 20 décembre 2010.
(4) La Neutralité des réseaux et de l'Internet : propositions et orientations de l'ARCEP, 30 septembre 2010.
(5) Cf., notamment, TGI Paris, 17ème ch., 8 septembre 2010.
(6) Autorité de la concurrence, avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010, sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne (N° Lexbase : X9116AH4).
(7) Le "paquet Télécom" comprend les Directives 2009/140 et 2009/136 du janvier 2009, préc. (note 2) ainsi que le Règlement (CE) n° 1211/2009, instituant l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) (N° Lexbase : L1051IGZ).

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Procédure administrative

[Questions à...] Apports et limites du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires - Questions à Pascal Combeau, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

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N0295BRD

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 17 Janvier 2011

La polémique soulevée pendant l'été par la circulaire du 5 août 2010, relative à l'évacuation des campements illicites (N° Lexbase : L0298IND), visant, notamment, les populations roms, a permis de mettre en relief les difficultés inhérentes au régime de publication ou de mise en ligne des circulaires institué par le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 (N° Lexbase : L1366ICL). Aux termes de ce dernier, une circulaire ministérielle nouvelle qui n'est pas mise en ligne sur le site "circulaires.gouv.fr" n'est pas opposable à l'administré. Toutefois, l'on peut relever que le champ d'application du décret reste incertain, puisque l'obligation de mise en ligne ne concerne que les circulaires ministérielles et non celles prises par des autorités locales ou les directions administratives. En outre, le décret du 8 décembre 2008 n'apporte pas de précisions relativement aux délais de mise en ligne de ces circulaires. Enfin, ce texte a laissé en suspens la question de leur invocabilité par les administrés. Pour faire le point sur toutes ces questions, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Pascal Combeau (1), Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et au Centre d'études et de recherches sur le droit administratif et la réforme de l'Etat (CERDARE), spécialiste de droit administratif et de droit des circulaires administratives. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le régime de publication ou de mise en ligne des circulaires institué par le décret du 8 décembre 2008 ?

Pascal Combeau : Ce décret du Premier ministre, adopté à la surprise générale, marque un changement significatif dans le traitement du régime juridique des circulaires administratives, jusque là appréhendé principalement sous l'angle contentieux, à travers la question de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir (2). Les pouvoirs publics, sans doute conscients de ce que les impératifs de sécurité juridique s'accommodaient mal avec ce "droit souterrain" (3) ont décidé d'agir sur un autre terrain, celui du statut juridique et, plus précisément, sur celui des conditions de publicité des circulaires.

Il faut dire que le régime général de publication instauré par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (4), applicable à toutes les circulaires ainsi qu'aux directives administratives, était, et reste encore, aujourd'hui très insuffisant. La sanction de l'inopposabilité que l'on connaît pour les actes unilatéraux en cas de non-respect de cette formalité n'est pas applicable aux circulaires. L'obligation de publication instaurée par la loi de 1978 demeure donc assez vaine et finalement très mal respectée.

La finalité du décret de 2008 est de créer, pour les circulaires adressées par les ministres aux services et administrations de l'Etat, un régime ad'hoc de publicité qui vient s'ajouter à ce régime de publication dont le décret prévoit le maintien. Selon l'article 1er du décret, les circulaires ministérielles doivent désormais figurer, depuis le 1er mai 2009, sur un site internet dédié relevant du Premier ministre (circulaires.gouv.fr). C'est bien l'idée d'accessibilité et donc de sécurité juridique qui sous-tend cette nouvelle obligation puisque cet article 1er précise que les circulaires sont classées par domaine et répertoriées de manière à faciliter leur consultation. Surtout, cette obligation est désormais sanctionnée comme le précise l'article 1er, alinéa 2, du décret : une circulaire ministérielle nouvelle qui ne serait pas mise en ligne sur le site n'est pas opposable à l'administré. Ce mécanisme est assez inédit et montre comment internet peut aujourd'hui contribuer à mettre au jour ce droit souterrain et, par là, renforcer l'accès au droit (5).

Lexbase : Le champ d'application de ce décret n'est-il pas incertain, notamment du fait de la dérogation introduite par le décret du 28 avril 2009 ?

Pascal Combeau : La question mérite effectivement d'être posée. Le décret n° 2009-471 du 28 avril 2009, relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires (N° Lexbase : L1349IEP), intervenu quelques jours avant l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme prévu au 1er mai 2009, a complété les dispositions initiales concernant les circulaires ministérielles déjà signées et publiées à cette date. L'article 2 du décret a instauré, pour ces dernières, une sanction assez radicale d'abrogation automatique si elles ne sont pas reprises sur le site, mécanisme qui n'est pas sans rappeler l'obligation d'abrogation des règlements devenus sans objet (6).

Du point de vue de la sécurité juridique, cette disposition pouvait apparaître comme un élément de rationalisation en obligeant l'administration à faire un tri effectif entre les circulaires qu'elle souhaite voir reprises et celles, fort nombreuses, qui n'ont plus d'intérêt, notamment parce que le texte interprété a disparu. Mais, du point de vue de l'administration, ce tri semblait comme un objectif impossible à atteindre du fait du nombre considérable de circulaires concernées et en raison de la date-couperet imposé par le décret, à savoir le 1er mai 2009.

Le décret du 28 avril 2009 est venu conforter l'administration en consacrant une dérogation : l'abrogation automatique ne s'applique pas aux circulaires et instructions publiées avant le 1er mai 2009 dont la loi permet à un administré de se prévaloir. Cette formule ambiguë qui vise les circulaires dont l'invocabilité a été reconnue par la loi fait référence à deux types de circulaires : celles relevant de la matière fiscale (7) et celles adoptées en droit de la Sécurité sociale (8). On peut évidemment regretter cette dérogation qui vient atténuer très sensiblement la portée du décret de 2008. C'est en effet dans ces deux domaines (et principalement en matière fiscale) que les circulaires et instructions, expression d'un véritable pouvoir normatif d'interprétation administrative, sont les plus nombreuses.

Lexbase : Quelles applications des dispositions du décret de 2008 en a fait le juge administratif jusqu'à présent ?

Pascal Combeau : A ma connaissance, il y a eu assez peu d'application jurisprudentielle pour l'instant. Deux affaires méritent toutefois l'attention.

Dans une ordonnance du Conseil d'Etat datant du 15 janvier 2010 (9), était soulevée une question relative à l'articulation entre circulaires mises en ligne et circulaires abrogées en application de l'article 2 du décret de 2008. Pour demander la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), de l'exécution de la circulaire du ministre de l'Immigration du 23 novembre 2009, relative à l'aide au séjour irrégulier, et de la circulaire du ministre de la Justice du même jour qui y est annexée (10), les requérants se fondaient notamment sur le fait que ces circulaires, publiées et répondant aux conditions du décret de 2008, faisaient explicitement référence à des circulaires de 2006 qui n'ont pas été mises en ligne. L'argument n'était pas dénué de pertinence puisque les circulaires de 2009 énoncent que les circulaires de 2006 "conservent toute leur légitimité et leur portée", alors que selon l'article 2 du décret de 2008, elles sont bien abrogées. Le juge des référés n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur ce doute sérieux, estimant que la condition d'urgence, en l'espèce, n'était pas remplie. Sans doute, le juge administratif aura-t-il l'occasion de se pencher à nouveau sur cette délicate question.

Un arrêt d'avril 2010 (11) apporte une précision importante relative au champ d'application du décret de 2008. Le Conseil d'Etat décide, ainsi, d'appliquer l'article 1er du décret de 2008 aux instructions ministérielles non écrites. En l'espèce, était en cause une instruction "dont l'existence, déniée par le ministre après qu'il a soutenu l'avoir retirée, est suffisamment révélée par des courriers de préfets la mettant en application [...]". Appliquant le décret du 8 décembre 2008 à cette instruction non écrite, le Conseil d'Etat constate qu'elle ne figure pas sur le site internet relevant du Premier ministre et qu'elle doit, conformément à l'article 2 du même décret, être regardée comme abrogée à compter du 1er mai 2009. Cette interprétation audacieuse relativise le lien entre la publication des circulaires régie par la loi de 1978 et la mise en ligne prévue par le décret de 2008.

Lexbase : Qu'en est-il de la question de l'invocabilité des circulaires par les administrés ?

Pascal Combeau : La technique de l'invocabilité, qui peut se définir comme la faculté pour le citoyen de se prévaloir devant l'administration des dispositions d'un acte, est, à côté de l'opposabilité, l'autre pilier du statut juridique des circulaires. Elle est aussi un élément essentiel de la sécurité juridique qui implique non seulement une meilleure accessibilité au droit mais aussi le respect d'une forme de confiance légitime en incitant l'administration à respecter sa propre doctrine.

Le décret de 2008, s'il a tenté d'améliorer les conditions de l'opposabilité des circulaires, a laissé en suspens la question de l'invocabilité, comme l'a d'ailleurs relevé le rapport "Warsmann" (12). Certaines dispositions législatives ont pu consacrer ce mécanisme pour des circulaires et instructions prises dans des domaines très particuliers, comme en matière fiscale (LPF, art. L. 80 A N° Lexbase : L4634ICM)) ou sociale (CSS, art. L. 243-6-2 N° Lexbase : L6610G9P), d'ailleurs exclues de l'obligation de mise en ligne avant le 1er mai 2009 par le décret n° 2009-471. Mais il n'existe pas de dispositions à portée générale. L'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers (N° Lexbase : L0278A3P) avait bien tenté une généralisation mais la jurisprudence avait curieusement décidé d'ignorer cette disposition qui a fini par être abrogée par le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006, relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif (N° Lexbase : L9571HIC). A l'heure actuelle, la jurisprudence n'admet que l'administré puisse invoquer une circulaire que si celle-ci a un caractère réglementaire (13).

Je reste persuadé que les pouvoirs publics, et notamment le législateur, doivent se saisir de cette question même si elle reste juridiquement délicate car cette garantie, comme le montre l'exemple fiscal, peut conduire l'autorité administrative à se substituer à la loi. A défaut, je plaide pour que la jurisprudence déconnecte la question de l'invocabilité des questions de compétence, comme l'a fait l'arrêt "Duvignères" (14) qui a lié la recevabilité du recours au caractère impératif de la circulaire et non plus à son caractère réglementaire.

Lexbase : Plus généralement, comment améliorer l'accès des citoyens au "droit souterrain" ?

Pascal Combeau : L'idée qui sous-tend le décret de 2008, à savoir renforcer les modes de publicité, me semble une bonne voie pour y parvenir. Le problème de ce décret est d'avoir envisagé la question de manière trop restrictive, comme le montre très bien le rapport "Warsmann" de 2008.

D'abord, parce que l'obligation de mise en ligne ne concerne que les circulaires ministérielles. Ne sont, ainsi, concernées ni les autres circulaires, en particulier celles prises par des autorités locales, ni d'autres catégories d'actes internes, comme certaines mesures d'organisation du service, notes ou réponses ou encore les directives administratives. Paradoxalement, le décret de 2008 a rendu plus insaisissable ce "droit souterrain" en établissant une césure entre les circulaires ministérielles et les autres actes administratifs internes, alors que ce type de droit doit être traité de manière globale et doit pouvoir bénéficier, dans son ensemble, de cette mise en ligne.

Ensuite, parce que la technique de la mise en ligne sur un site relevant du Premier ministre pose question : la doctrine ministérielle peut être réorientée au profit d'une "doctrine primo-ministérielle" ; l'accès au site "circulaires.gouv.fr", distinct du site "legifrance.gouv.fr" (qui y fait renvoi dans une rubrique "autres publications légales en ligne") n'est pas forcément aisé et son utilisation (notamment par mot-clé) reste périlleuse.

Enfin, parce que ce décret ne fait pas assez le lien avec le régime de publication instauré par la loi de 1978 et largement occulté en 2008.

L'accès au "droit souterrain" appelle donc d'autres réformes, notamment une révision de la loi de 1978 sur les modes de publication et une réforme de l'obligation de mise en ligne qui doit être précisée et élargie. Pourquoi ne pas imaginer une loi qui définirait tous les aspects du régime juridique de ce droit souterrain, des conditions de son opposabilité à celles de son invocabilité ? Ce volet juridique ne suffit cependant pas, il faut y ajouter un volet managérial qui nécessite de réfléchir sur un mode de gestion et de régulation par l'administration de ses propres circulaires et, plus largement, de son droit interne qui, pour l'instant, se développe de manière anarchique au détriment du citoyen.

Comme on le voit, le décret de 2008 n'a fait qu'ouvrir une brèche dans le vaste chantier du droit souterrain et de son régime juridique qui reste encore à définir. L'activité interne de l'administration dont l'interprétation administrative (15) n'est qu'une facette est une réalité dont le droit doit se saisir.


(1) V. not. : P. Combeau, Un oubli dans la réforme : l'invocabilité des circulaires et instructions administratives, AJDA, 2000, p. 495 et s. ; note sous CE Contentieux, 18 décembre 2002, n° 233618 (N° Lexbase : A9733A7M), LPA, 23 juin 2003 ; Les fonctions juridiques de l'interprétation administrative, RFDA, 2004, p. 1069 et s. ; Du nouveau en matière d'invocabilité de l'interprétation administrative : le cas de la doctrine sociale dans la loi de simplification du droit, JCP éd. G, 2005, I, 153 ; Doctrine fiscale, doctrine sociale... et après ?, AJDA, 2005, p. 1809 ; Le décret du 28 novembre 1983 est mort, vive la loi ?, AJDA, 2006, p. 1745 et s. ; avec S. Formery, Le décret du 8 décembre 2008 : un nouvel éclairage sur le droit souterrain ?, AJDA, 2009, p. 809 et s.
(2) CE Contentieux, 18 décembre 2002, n° 233618, précité, Rec., p. 463, concl. P. Fombeur.
(3) Selon l'expression utilisée par le rapport du Conseil d'Etat, Sécurité juridique et complexité du droit, EDCE n° 57, La doc. fr., 2006, p. 276.
(4) Loi n° 78-753, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (N° Lexbase : L6533AG3), art. 7, modifié par l'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005, relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques (N° Lexbase : L8433G8T).
(5) V. P. Sablière, Nul n'est censé ignorer internet ?, AJDA, 2010, p. 127 et s.
(6) Consacrée par la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007, relative à la simplification du droit (N° Lexbase : L5483H3H), et inscrite à l'article 16-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE).
(7) Dont le régime d'invocabilité résulte de l'art. L. 80 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4634ICM).
(8) Dont l'invocabilité est reconnue par l'article L 243-6-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6610G9P), issu de l'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005, relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales (N° Lexbase : L8435G8W), prise sur le fondement de l'article 52 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU).
(9) CE référé, 15 janvier 2010, n° 334879 (N° Lexbase : A7598EQH).
(10) Circulaire du ministre de l'Immigration du 23 novembre 2009 (N° Lexbase : L8282IMP), définissant les conditions de mise en oeuvre des dispositions des articles L. 622-1 (N° Lexbase : L5886G4R) et L. 622-4 (N° Lexbase : L1322HPN) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
(11) CE 9° et 10° s-s-r., 16 avril 2010, n° 279817, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0114EW7).
(12) Rapport sur la qualité et la simplification du droit, remis au Premier ministre le 31 décembre 2008 et disponible sur le site de la documentation française.
(13) Voir, par exemple, CE 10° s-s., 24 novembre 2010, n° 310885 (N° Lexbase : A4296GLP).
(14) CE Contentieux, 18 décembre 2002, n° 233618, précité.
(15) Voir, sur ce point, B. Bertrand, L'interprétation des actes administratifs unilatéraux, Dr. adm. 2010, n° 12, p. 6 et s..

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Janvier 2011 (spéciale lois de finances)

Lecture: 11 min

N0304BRP

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III

Le 24 Janvier 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en procédures fiscales réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III. Au sommaire de cette chronique : un arrêt rendu le 9 novembre 2010, publié au Bulletin, par lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur la solidarité fiscale au regard d'une demande d'annulation d'une inscription aux hypothèques (Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-69.316, F-P+B). Puis, l'auteur revient sur l'obligations déclaratives et le lieu d'imposition d'un contribuable possédant plusieurs résidences en France à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 10 décembre 2010 et publié au recueil Lebon (CE 9° et 10 s-s-r., 10 décembre 2010, n° 307322, publié au recueil Lebon). Enfin, cette chronique mentionne deux circulaires du 2 novembre 2010, l'une relative aux principes d'organisation du contrôle fiscal et l'autre relative à l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre du Budget.
  • Solidarité fiscale et demande d'annulation d'une inscription aux hypothèques (Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-69.316, F-P+B N° Lexbase : A9057GGK)

A l'époque des faits chacun des époux était tenu solidairement responsable du paiement de l'impôt sur le revenu, y compris les acomptes ou les versements mensuels, quel que soit le régime matrimonial retenu. La solidarité jouait, également, pour le paiement de la taxe d'habitation. Ce principe valait pour les personnes liées par un PACS, sauf disposition expresse contraire.

La doctrine administrative précise que la solidarité fiscale trouve à s'appliquer pendant l'instance de divorce, après le divorce et en cas de rupture de vie commune, s'il reste des sommes à payer au titre de l'imposition commune (instruction du 20 avril 2009, BOI 5 B-13-09 N° Lexbase : X6615AEQ). En conséquence, le fait que la mise en recouvrement des impositions intervienne après le divorce est sans influence sur l'exigibilité de la dette à laquelle est tenue un époux, dès lors que les impositions sont relatives à l'impôt sur le revenu dû au titre des années antérieures au divorce (CAA Versailles, 1ère ch., 5 juin 2008, n° 06VE02848 N° Lexbase : A4330D9A).

L'article 6-4 du CGI (N° Lexbase : L1025HLK) prévoit trois cas d'impositions distinctes. Le premier cas vise les époux séparés de biens et ne vivant plus sous le même toit. Le deuxième cas concerne ceux qui, en instance de divorce ou de séparation de corps, ont été autorisés par le juge à avoir des résidences séparées. Le troisième cas a trait à la situation d'abandon du domicile conjugal, par l'un ou l'autre des époux, chacun disposant de revenus distincts. L'administration supporte la charge de la preuve de la cessation de toute vie commune pendant l'année ou les années d'imposition concernées, lorsque l'administration veut soumettre à des impositions distinctes des époux non séparés de biens et disposant de revenus distincts.

Il a été jugé que n'est pas responsable solidaire la personne qui n'habite pas sous le même toit que son conjoint, quand bien même les deux conjoints ont gardé des intérêts communs et se rendent visite à l'occasion de séjours en France (CE 3° et 8° s-s-r., 9 février 2005, n° 263640 N° Lexbase : A6778DG7, RJF, 2005, 5, comm. 503).

Il ne fait aucun doute que deux époux qui, au regard de la loi, sont divorcés, ce qu'attestent des actes d'état civil opposables à tous les tiers lorsqu'ils sont régulièrement établis et publiés, doivent être imposés séparément alors même qu'ils s'étaient présentés comme mariés devant l'administration fiscale (CE 3° et 8° s-s-r., 8 mars 2004, n° 248094 N° Lexbase : A5704DBU, RJF, 2004, 1, comm. 62).

En l'espèce, la Cour de cassation retient que l'établissement, avant divorce, d'avis distincts d'impôt sur le revenu n'est pas de nature à exonérer les époux de la solidarité (CGI, art. 1685-2 ancien N° Lexbase : L3269HMZ), au motif qu'ils n'étaient pas dans l'un cas des cas visé par l'article 6-4 précité.

Dans l'hypothèse où une ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à avoir des résidences séparées est postérieure à la perception par l'épouse de sommes sur lesquelles ont été assises les impositions en litige, la décision de rejet de la réclamation présentée par l'époux est régulièrement notifiée à "Monsieur et Madame", à l'adresse qui est uniquement celle de l'époux quand bien même l'administration connaît le domicile de l'épouse (CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2010, n° 312461 N° Lexbase : A4482GCY, Droit fiscal, 2010, 48, comm. 582, concl. Lieber). En conséquence, cette notification fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de l'épouse.

Dans l'affaire qui nous occupe, le divorce par consentement mutuel des époux a été prononcé par un jugement du 11 juin 2004. En garantie d'impôts sur le revenu et de contributions sociales dus par l'ex-époux, au titre de 2002 et 2003, le trésorier avait inscrit le 13 juillet 2006 une hypothèque légale du trésor sur un bien immobilier attribué à l'ex-épouse lors du divorce.

Quand bien même l'imposition distincte serait obligatoire, et la solidarité écartée, la contribuable resterait débitrice de la moitié de l'impôt sur le revenu et contributions sociales dus par son ancien mari. En effet, l'article 1483 du Code civil (N° Lexbase : L1621ABN) dispose que "chacun des époux ne peut être poursuivi que pour la moitié des dettes qui étaient entrées en communauté du chef de son conjoint".

Par conséquent, le Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que celle-ci demandait, à tort, l'annulation de cette inscription.

Devant des situations souvent difficiles et toujours douloureuses, le législateur a fait évoluer les choses. En effet, l'article 9 de la loi de finances pour 2008 (loi n° 2007-1822, 24 décembre 2007 N° Lexbase : L5488H3N) a modifié ce dispositif.

Il a abrogé, à compter du 1er janvier 2008, les articles 1685 et 1685 bis (N° Lexbase : L3270HM3) du CGI et maintenu à l'article 1691 bis (N° Lexbase : L3330IAL) du même code, le principe de la solidarité fiscale en matière d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation. Chacun des époux ou des partenaires d'un PACS peut être recherché pour le paiement du montant total de l'imposition, sans qu'il y ait lieu de procéder entre eux à une répartition préalable de la dette fiscale du foyer (instruction du 20 avril 2009, BOI 5 B-13-09). Le nouveau dispositif institue corrélativement une nouvelle procédure légale de décharge de responsabilité solidaire applicable en matière d'impôt sur le revenu, de taxe d'habitation et d'impôt de solidarité sur la fortune pour les personnes divorcées ou séparées.

Il est mis en place un droit automatique à décharge de responsabilité solidaire, sous réserve de respecter certaines conditions, pour le paiement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En outre, le dispositif prévoit le bénéfice de la remise gracieuse pour les personnes divorcées ou séparées ayant déjà bénéficié de la décharge de responsabilité solidaire prévue au II de l'article 1691 bis du CGI.

  • Obligations déclaratives et lieu d'imposition d'un contribuable possédant plusieurs résidences en France (CE 9° et 10 s-s-r., 10 décembre 2010, n° 307322, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7162GM9)

La présente décision nous donne l'occasion de faire le point sur les obligations déclaratives et le lieu d'imposition d'un contribuable possédant plusieurs résidences en France, mais aussi, sur ce qu'il est convenu d'appeler la prise de position formelle de l'administration.

En l'espèce, la contribuable dispose d'une double résidence dans l'Eure et en Corse. L'administration, pensant qu'elle résidait dans l'Eure, lui a adressé une mise en demeure de produire ses déclarations de revenus des années 1996 et 1998. Ne l'ayant pas fait la contribuable a été taxée d'office.

Devant la cour administrative d'appel (CAA Douai, 3ème ch., 2 mai 2007, n° 06DA00640 N° Lexbase : A2577DXQ), l'administration a décidé un dégrèvement des impositions au titre de l'année 1996. Tirant argument de cette situation, la contribuable a considéré que l'administration avait pris une position formelle, au sens de l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L9343IER), et qu'elle devait en tirer les conséquences. Observons que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen.

L'article 10 du CGI (N° Lexbase : L1045HLB) pose deux principes assez simples. Le premier principe est d'affirmer que, si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. Le second principe est de considérer que, si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement.

La contribuable fait valoir que le siège social de la société de promotion et de distribution touristique, dont elle est la gérante, est en Corse. A cette occasion, elle indique une adresse qui, en fait, est celle d'une résidence de tourisme destinée aux locations saisonnières. Par ailleurs, elle ne conteste pas le fait d'occuper un poste de technicien supérieur à la direction départementale de l'équipement de l'Eure, d'occuper un logement dans ce même département et d'y acquitter la taxe d'habitation. En outre, elle-même mentionne, sur les pièces de procédure, sa domiciliation dans l'Eure.

Tous ces éléments permettent de conclure que le centre des impôts situé dans l'Eure était parfaitement compétent pour lui adresser une mise en demeure de souscrire sa déclaration de revenus et, par suite, d'établir l'imposition suivant la procédure de taxation d'office.

En effet, l'article L. 66 du LPF (N° Lexbase : L7601HEA) dispose que sont taxés d'office, à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus. Rappelons à cet égard qu'il appartient au contribuable d'apporter la preuve que sa déclaration a été déposée dans les délais légaux (CE, 3 juillet 1974, n° 83243, Droit fiscal, 1975, comm. 383, concl. Latournerie), et que la production d'une photocopie de la déclaration ne suffit pas à justifier que celle-ci a été adressée dans les délais au service compétent (CE Contentieux, 15 avril 1988, n° 58907 N° Lexbase : A7029APZ, RJF, 1988, 6, comm. 689). En l'absence de déclarations les contribuables défaillants encourent des pénalités et amendes.

Il ne faut pas négliger que, lorsque un contribuable est en situation d'être taxé d'office, faute d'avoir déclaré son revenu global dans les délais légaux, les moyens tirés des irrégularités qui auraient entaché une seconde mise en demeure envoyée par l'administration et une vérification personnelle sont inopérants (CE Contentieux, 16 juin 1993, n° 78695 N° Lexbase : A0087ANK, RJF, 1993, 9, comm. 1194).

Reste la question de savoir si en accordant un dégrèvement au titre d'une année l'administration a pris formellement position au sens de l'article L. 80 B du LPF. L'article précité implique que la prise de position soit formelle, le silence de l'administration ne peut être tenu pour une position formelle (Cass. com., 7 janvier 1997, n° 95-11.685 N° Lexbase : A8829CNC, RJF, 1997, 4, comm. 397). Le Conseil d'Etat observe que l'administration a accordé un dégrèvement sans que ce dernier soit motivé, ce que nous pouvons regretter car la contribuable aurait pu ainsi comprendre les raisons qui ont motivé cette attitude bienveillante. En conséquence, cette situation ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du LPF. Cette position du Conseil d'Etat est conforme à sa jurisprudence (CE 9° et 10° s-s-r., 8 mars 2002, n° 221667 N° Lexbase : A2564AYM, RJF, 2002, 6, comm. 681 ; CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 264718 N° Lexbase : A3480DIQ, RJF, 2005, 8-9, comm. 879).

  • Circulaires du 2 novembre 2010, relatives aux principes d'organisation du contrôle fiscal (N° Lexbase : L3137INI, Droit fiscal, 2010, 45, comm. 14368) et à l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre du Budget (N° Lexbase : L0187IPM, Droit fiscal, 2010, 45, comm. 14369)

Le contrôle fiscal regroupe plus de 40 000 vérifications de comptabilité et plus de 4 500 examens de situation fiscale personnelle (ESFP), chaque année. Mais, c'est aussi 1 160 décisions annuelles de justice avec 653 peines de prison dont 594 sont assorties de sursis. Seules 59 décisions sont des peines de prison fermes. Mais, c'est aussi 15,6 milliards d'euros de droits et pénalités rappelés (cf. www.impot.gouv.fr).

Il n'est pas fréquent que le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat fixe la doctrine d'emploi de l'organisation du contrôle fiscal, y compris dans l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre du Budget.

Dans une première circulaire relative aux principes d'organisation du contrôle fiscal, le ministre rappelle qu'il lui appartient de définir la politique de contrôle fiscal, mais son application en revient aux services de la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Il appartient à l'administration de faire des propositions de vérifications. Le ministre prend un engagement qui ne semble supporter aucun aménagement : "je m'abstiendrai de toute intervention, que ce soit dans le choix des contrôles, le cours des investigations où les éventuelles décisions de poursuites pénales".

La circulaire rappelle les trois finalités du contrôle fiscal, qui figuraient déjà dans les contrats de performance de la Direction générale des impôts, à savoir une finalité dissuasive en étant présent auprès de l'ensemble des catégories de contribuables, sans laisser se créer des zones de non-droit, une finalité budgétaire dont l'objectif est de recouvrer rapidement l'impôt éludé et une finalité répressive visant à faire sanctionner les comportements délibérément frauduleux.

Le ministre fixe les orientations stratégiques du contrôle fiscal pour la période 2011-2012.

L'objectif est clairement de lutter, au nom du civisme fiscal, contre les différentes formes de fraude. Il s'agit de fédérer tous les moyens des administrations ; ce qui n'est pas totalement nouveau, mais qui mérite d'être signalé, pour lutter contre la fraude individuelle mais aussi celle mise en oeuvre par des bandes organisées. A cet égard, il souligne que la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) donnée à certains agents de la DGFIP (C. proc. pén., art. 28-2 N° Lexbase : L3331IGH) doit permettre d'améliorer l'efficacité de l'action pénale. Parmi les priorités tracées, l'amélioration de la couverture du tissu fiscal est clairement identifiée. Les personnes physiques et les entreprises, notamment les plus petites, ne doivent pas échapper au contrôle. Enfin, l'amélioration des relations avec "les usagers de bonne foi" reste une priorité.

La DGFIP est chargée de mettre en oeuvre, de façon opérationnelle, le contrôle fiscal. Celle-ci fait une programmation déconcentrée des contrôles en faisant une analyse "risque" des dossiers et en recherchant des informations. La circulaire précise qu'"aucune dénonciation anonyme ne sera prise en considération d'aucune façon, quel que soit le support utilisé à cet effet (oral, écrit, internet, blog...)". Il est recommandé aux agents de faire preuve de professionnalisme, notamment en respectant les procédures et les droits du contribuable. Enfin, il est demandé aux agents de mettre en oeuvre les procédures qui permettent de saisir le juge pour les fraudes les plus graves. La circulaire précise que "la finalité répressive peut également induire des sanctions qui relèvent du juge pénal". La mise en oeuvre pour des raisons d'efficacité et de rapidité de la responsabilité des services opérationnels.

Enfin, dans la lutte contre les paradis fiscaux, le ministre rappelle que la procédure d'enquêtes fiscales, mise en place à compter de la fin de l'année 2010, peut être utilisée en présence d'éléments de présomptions de fraude complexe basée sur le recours à des paradis fiscaux ou à des procédés de falsification qui sont soumis à l'avis de la Commission des infractions fiscales qui apprécie leur caractère suffisant.

Chaque année, le Directeur général des finances publiques rendra compte au ministre des résultats obtenus.

Dans une seconde circulaire relative à l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre, celui-ci prend l'engagement de s'"abstenir de toute intervention dans le cours des procédures individuelles de contrôle", il veillera "simplement à ce qu'elles soient mises en oeuvre avec l'efficacité, la compétence, le souci déontologique" nécessaires.

Les demandes adressées au ministre seront transmises et instruites par les services compétents, suivant les règles en vigueur. Il appartiendra aux services territoriaux de faire usage de leurs délégations de signatures, "ou s'il est plus opportun que la décision porte la signature du ministre lui-même".

Le ministre ne prend l'engagement de statuer qu'une fois qu'il aura été saisi d'un projet de décision motivée préparé par les services. En cas de doute sur la solution, le Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes pourra être saisi pour avis.

Ces deux circulaires traduisent un souci de transparence, d'impartialité et de neutralité.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] De l'incompatibilité des indemnités journalières de l'assurance maladie avec une activité sportive ou sociale (membre d'un CHSCT)

Réf. : Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, 3 arrêts, n° 09-14.575, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9045GMX), n° 09-16.140, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9050GM7) et n° 09-17.449, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9080GMA)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

Le 17 Janvier 2011

Le bénéfice des indemnités journalières de l'assurance maladie n'est pas un thème intellectuellement ou scientifiquement porteur. L'affirmation, approximative et trop rapide, est pourtant triplement démentie par l'actualité judiciaire, scientifique et législative :
- la Cour de cassation s'est prononcée, par trois arrêts, sur la condition relative à l'exercice d'une activité, qu'elle soit sportive (Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-14.575, FS-P+B+R et n° 09-16.140, FS-P+B+R) ou de représentation du personnel (Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-17.449, FS-P+B+R) ;
- la doctrine poursuit ses réflexions sur les conséquences attachées au comportement frauduleux des assurés sociaux, et plus largement, des bénéficiaires de prestations sociales (1) ;
- enfin, la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la Sécurité sociale pour 2011 témoigne de la volonté des organismes de gestion des prestations sociales, de renforcer les sanctions (2).
Il faut, en effet, rappeler que le bénéfice de l'indemnité journalière versée au titre de l'assurance maladie est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire d'observer les prescriptions du praticien, de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical, de respecter les heures de présences obligatoires et de s'abstenir de toute activité non autorisée (CSS, art. L. 323-6) (I). Le législateur a prévu un régime de sanctions sévères, renforcées par la loi n° 2010-1594 de financement de la Sécurité sociale pour 2011 (II).
Résumé

Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-14.575, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9045GMX)

L'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée

L'intéressée a participé, pendant son arrêt de travail, à une compétition sportive de sorte que le manquement reproché à Mme X était constitué. Il appartient à l'assurée de prouver qu'elle a été autorisée à pratiquer cette activité.

Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-16.140, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9050GM7)

L'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée. L'intéressée a participé, pendant son arrêt de travail, à une compétition sportive sans y avoir été autorisée. La prescription de "sorties libres" n'équivaut pas à une telle autorisation.

Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-17.449, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9080GMA)

Il résulte des articles L. 321-1 (N° Lexbase : L3953IGI) et L. 323-6 (N° Lexbase : L9710INX) du Code de la Sécurité sociale que l'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisé. M. X a exercé son mandat de membre du comité durant son arrêt maladie, activité assimilée à du temps de travail effectif, et la circonstance, au demeurant non justifiée, de la coïncidence entre les heures de délégation et les heures de sortie autorisées est indifférente, l'exercice répété et prolongé de son activité de représentant du personnel étant incompatible avec l'arrêt de travail et le service des indemnités journalières.

I - Condition relative à la cessation effective de toute activité

A - Principe

Le législateur interdit à l'assuré social de se livrer à toute activité incompatible avec la prescription de repos (CSS, art. L. 323-6, 4°). Deux sanctions sont prévues :

- en cas d'inobservation volontaire de ses obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes ;

- en outre, si l'activité a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière (dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9748IND).

Cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'une reprise d'activité prescrite dans un but thérapeutique.

B - Domaine de l'interdiction

La Cour de cassation donne une portée extensive au principe d'interdiction de toute activité qui pèse sur le salarié malade percevant des indemnités journalières. Ainsi, le malade ne doit se livrer à aucun travail, rémunéré ou non, et ce, même pendant les heures de sortie autorisées pendant cette période (3).

1 - Peu importe le statut

Statut de gérant.

L'assuré, exerçant simultanément des activités salariées et non salariées et atteint d'une affection de longue durée ayant entraîné une interruption de travail, doit, sauf autorisation donnée par la caisse primaire, cesser également son activité non salariée, la preuve de l'autorisation incombant à l'assuré qui en allègue l'existence (4).

Statut de salarié et de travailleur libéral.

Il importe peu qu'un médecin exerce sa profession à la fois à titre libéral et en qualité de salarié à temps partiel (5). En l'espèce, il s'agissait d'arrêts de travail consécutifs à une maladie professionnelle contractée en milieu hospitalier, le médecin concerné continuant à exercer son activité libérale. La Cour de cassation a retenu la même position dans une affaire semblable, alors même que la CPAM avait informé le médecin par lettre de l'interdiction de ne se livrer à aucune activité (6).

2 - Peu importe le caractère professionnel ou non professionnel de l'activité

L'assuré doit s'abstenir d'exercer une activité quelconque durant son arrêt de travail, même lorsque celle-ci n'est pas d'ordre professionnel.

Les indemnités journalières ont été supprimées lorsqu'il a été constaté que

- l'assuré effectuait des travaux de bricolage (7) ;

- ou une activité ludique à caractère bénévole (8) durant son arrêt de travail.

- la participation, pendant un arrêt de travail, à une compétition sportive constitue un manquement aux articles L. 321-1 et L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale relatifs au versement des indemnités journalières. Telle est la solution de deux arrêts rendus par la deuxième chambre civile, le 9 décembre 2010 (Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-14.575, FS-P+B+R et n° 09-16.140, FS-P+B+R). L'assuré aurait dû prouver qu'il avait été autorisé à pratiquer cette activité (n° 09-14.575) et en l'absence de cette autorisation, la prescription de sorties libres n'équivalait pas à une telle autorisation (n° 09-16.140).

Dans la première affaire, la CPAM de la Marne a décidé de réclamer à Mme X, les indemnités journalières au motif que cette dernière avait participé à une compétition sportive. Le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Reims, le 13 mars 2009, a estimé que Mme X n'est pas tenue de rembourser les indemnités, les arrêts de travail ne comportant aucune mention relative à l'interdiction d'exercer une activité non autorisée et l'article L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale conditionnant expressément le prononcé d'une sanction à une inobservation volontaire de l'assuré aux obligations mentionnées, la caisse n'établissant pas, par ailleurs, que Mme X ait exercé une activité qui ne lui avait pas été préalablement autorisée par son médecin. Pour la Cour de cassation, le tribunal, ayant inversé la charge de la preuve, c'est à l'assurée de prouver l'autorisation de pratiquer cette activité.

Dans la seconde affaire, la même caisse a réclamé à Mme Y, ces indemnités journalières à la suite de la participation de cette dernière à une compétition de volley-ball. Pour le TASS, les certificats médicaux, mentionnant que Mme Y était autorisée à des horaires libres de sortie, la salariée étant traitée pour un état dépressif, afin d'éviter un repli sur soi et que dans ces conditions, la pratique du sport, même si elle n'a pas été expressément autorisée par le médecin traitant, l'a été implicitement par l'emploi de la terminologie "sorties libres", la pratique du sport étant une bonne thérapie contre un état dépressif. La Haute juridiction, estimant que le tribunal a violé les articles L. 321-1 et L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale, casse le jugement du TASS.

- enfin, la Cour de cassation a décidé (arrêt rapporté, Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-17.449, FS-P+B+R) que l'exercice d'une activité de représentant du personnel est assimilé à du temps de travail effectif. Elle est donc incompatible avec l'arrêt de travail et le service des indemnités journalières. L'assuré manque alors à son obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée énoncée aux articles L. 321-1 et L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale. Il appartient, cependant, aux juridictions du contentieux général de la Sécurité sociale saisies d'un tel recours, de contrôler l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré.

Dans cette affaire, M. X, salarié de la société X et placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 29 août 2006, a continué à exercer ses fonctions de secrétaire général du CHSCT durant son arrêt. La CPAM de Lille lui a notifié un indu correspondant aux indemnités journalières versées depuis le 31 août 2006. La Cour de cassation suit le raisonnement du TASS de Lille, en constatant que l'exercice répété et prolongé de son activité de représentant du personnel étant incompatible avec l'arrêt de travail et le service des indemnités journalières, l'assuré avait manqué à son obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée. Cependant, la Haute juridiction censure le jugement car il appartient aux juridictions de la Sécurité sociale de contrôler l'adéquation du montant de la sanction prononcée à l'importance de l'infraction commise par l'assuré.

C - Dérogations : évolutions récentes du principe de non exercice de toute activité

La loi n° 2010-1594 de financement de la Sécurité sociale pour 2011 (N° Lexbase : L9761INT) a prévu d'insérer un nouvel article L. 323-3-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9648INN) selon lequel le versement de l'indemnité journalière ne fait pas obstacle à ce que l'assuré demande, avec l'accord du médecin traitant, à accéder aux actions de formation professionnelle continue (C. trav., art. L. 6313-1 N° Lexbase : L9605IEH) ou à des actions d'évaluation, d'accompagnement, d'information et de conseil auxquelles la CPAM participe, sous réserve qu'après avis du médecin-conseil la durée de ces actions soit compatible avec la durée prévisionnelle de l'arrêt de travail. La caisse fait part de son accord à l'assuré et à l'employeur, ce dernier en informant le médecin du travail.

II - Sanction du non-respect des obligations de l'assuré

A - Un régime sévère de sanctions...

Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 (N° Lexbase : L0836GT7).

La loi n° 2004-810 du 13 août 2004, portant réforme de l'assurance maladie, a intégré à l'article L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale les règles contenues dans les articles 37 à 41 du règlement intérieur des caisses primaires pour sanctionner les manquements aux obligations en matière d'arrêt de travail.

En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, la CPAM peut fixer l'étendue de la pénalité dans la limite des indemnités journalières dues pour toute la période d'incapacité temporaire de l'assuré. Il appartient aux tribunaux de vérifier si l'infraction au règlement est établie et si la sanction a été prise suivant une procédure régulière.

La Cour de cassation estimait que les juges n'ont pas à substituer leur appréciation à celle de la caisse sur l'importance de la sanction en ce qui concerne la privation du versement des indemnités journalières (9). Puis, la Cour de cassation a reconnu qu'il appartient aux juridictions du contentieux général de la Sécurité sociale d'apprécier l'adéquation du montant de la sanction prononcée par tout organisme social à l'importance de l'infraction commise par l'assuré (10). En effet, l'article L. 323-6, reprenant l'article 41 du règlement intérieur des caisses primaires (prohibant tout travail rémunéré ou non, pendant un congé maladie), permet aux directeurs de caisses de retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues, lorsque l'assuré enfreint volontairement le règlement des caisses ou les prescriptions du médecin traitant.

Puis la loi 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 (N° Lexbase : L9699DLS) a obligé le médecin mandaté par un employeur à transmettre au service du contrôle médical de la CPAM son avis concluant à l'absence de justification de l'arrêt de travail, le service médical pouvant décider de suspendre le versement des indemnités journalières.

Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010.

Comme le soulignent les travaux parlementaires, avec un montant de près de 6 milliards d'euros en 2009 pour le seul régime général, les dépenses d'indemnités journalières maladie représentent 10 % de l'ensemble des dépenses de soins de ville (11).

Depuis 2007, à partir du quarante-cinquième jour, tous les arrêts de travail sont contrôlés. Pour ceux de courte durée, les contrôles ciblent prioritairement les assurés ayant des arrêts fréquents. La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 (N° Lexbase : L1205IGQ) a généralisé l'expérimentation, menée depuis 2008, de la contre-visite d'un médecin diligenté par l'employeur et de la suspension systématique du versement des indemnités journalières en cas d'arrêt de travail injustifié.

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 (art. 114) organise de nouvelles sanctions (12). En effet, l'article L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale prévoit un seul type de sanction en cas d'inobservation volontaire par l'assuré de ses obligations durant un arrêt de travail indemnisé : la retenue des indemnités journalières. Cette mesure est inadaptée, notamment en cas d'activité non autorisée "rémunérée", car la simple retenue des indemnités journalières n'est pas suffisamment dissuasive. En cas d'inobservation volontaire des obligations liées aux arrêts de travail, l'assuré doit désormais restituer à la caisse les indemnités versées correspondantes. De plus, s'il exerce une activité non autorisée et rémunérée pendant un arrêt de travail, il s'expose à une pénalité financière (CSS, art. L. 323-6).

L'avant-dernier alinéa de l'article L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale est remplacé par deux alinéas, selon lesquels en cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire des indemnités journalières restitue à la CPAM les indemnités versées correspondantes. En outre, si l'activité a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière (dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-14).

Cet article prévoit que le montant de la pénalité, qui est prononcé par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 50 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.

B - ...entendues strictement par la Cour de cassation

La Cour de cassation s'est prononcée, à de nombreuses reprises, refusant le cumul entre l'exercice d'une activité et le bénéfice d'indemnités journalières :

- à l'assuré qui effectuait des travaux de peinture pendant une période d'arrêt de travail (13) ;

- à l'assuré qui reconnaît avoir consacré quelques heures par semaine à ses activités professionnelles (14) ;

- à l'assuré qui s'est livré durant son arrêt de travail à une activité de gérant, les juges du fond ne pouvant considérer que cette activité ne saurait être qualifiée de direction de l'entreprise (15).

Au final, il importe peu que l'assuré ait ou non perçu les indemnités journalières (16).


(1) A. Bourgeois, Les sanctions répressives dans le système français de sécurité sociale, Directeur de thèse, M. J.-P. Laborde, Professeur à l'Université de Bordeaux IV, Thèse soutenue le 8 décembre 2010 ; C. Nagels et S. Smeets (dir.), La fraude sociale - Une priorité de politique criminelle ?, Bruylant, Volume n° 36, septembre 2009 ; Conseil d'Etat, 11 février 2011, "Entretiens du Palais-Royal" en droit social, thème : "Fraudes et protection sociale" ; M. Del Sol, loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la Sécurité sociale pour 2010 : mesures de contrôle et de lutte contre la fraude, JCP éd. S, 2010, n° 1005.
(2) Assemblée nationale, rapport de Y. Bur, J.-P. Door, B. Poletti, D. Jacquat et M.-F. Clergeau, au nom de la commission des affaires sociales, n° 2916 ; avis de M.-A. Montchamp, au nom de la commission des finances, n° 2912 ; Sénat, rapport d'A. Vasselle, A. Lardeux, D. Leclerc, G. Dériot et S. Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, n° 88 (2010-2011) ; avis de J.-J. Jégou, au nom de la commission des finances, n° 90 (2010-2011) ; Assemblée nationale, rapport d'Y. Bur, au nom de la commission mixte paritaire, n° 2950 ; Sénat, rapport d'A. Vasselle, au nom de la commission mixte paritaire, n° 121 (2010-2011) ; Cons. const., 16 décembre 2010, n° 2010-620 DC (N° Lexbase : A1868GNI).
(3) Cass. soc., 4 déc. 1997, n° 96-13.768, inédit (N° Lexbase : A7398CMX), "pour accueillir le recours de l'assuré, la décision attaquée énonce que le fait d'être gérant de sociétés ne constitue pas une activité nécessitant l'absence du malade de son domicile en dehors des heures autorisées et que la Caisse ne rapporte pas la preuve que M. X se soit livré à une activité de gérant, constitutive d'un travail au sens du règlement précité ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'intéressé exerçait un travail pendant la durée de son incapacité temporaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Cass. civ. 2, 25 juin 2009, n° 08-17.594, inédit (N° Lexbase : A4282EIG), "après avoir relevé qu'au cours de son arrêt de travail l'intéressé s'était livré, même d'une manière limitée, à des tâches inhérentes à sa fonction de gérant de brasserie, le tribunal a violé les textes susvisés".
(4) Cass. soc., 25 mars 1993, n° 89-20.311 (N° Lexbase : A4743AH7), Bull. civ. V, n° 101, p. 67, "l'assuré, atteint d'une affection de longue durée ayant entraîné une interruption de travail, doit, sauf autorisation donnée par la caisse primaire, s'abstenir de toute activité, la preuve de l'autorisation incombant à l'assuré qui en allègue l'existence".
(5) Cass. soc., 12 décembre 2002, n° 01-20.189 (N° Lexbase : A4240A4S), Bull. civ. V, n° 382 p. 379, "le service des indemnités journalières est subordonné à l'interruption du travail qu'il soit exercé à titre salarié ou libéral".
(6) Cass. civ. 2, 12 juillet 2006, n° 04-30.770 (N° Lexbase : A4361DQL), "il résulte de l'article L. 433-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9747INC) que, sauf exception dans les conditions prévues à l'alinéa 4, le service des indemnités journalières est subordonné à l'interruption de tout travail rémunéré que celui-ci soit exercé à titre salarié ou libéral et constaté que Mme X avait poursuivi son activité libérale pendant son arrêt de travail du 1er décembre 1996 au 6 avril 1997, la cour d'appel en a exactement déduit que la caisse, sans être tenue de saisir la commission des infractions, était en droit de refuser le paiement des prestations litigieuses pour la période considérée".
(7) Cass. civ. 2, 25 juin 2009, n° 08-14.670 (N° Lexbase : A4202EIH), "il résultait de ses constatations que M. X se livrait sans autorisation au moment où l'agent de la caisse s'est présenté à son domicile, à une activité constituant une infraction aux dispositions de l'article 104 du règlement intérieur des caisses de Sécurité sociale pour le service des prestations et indemnités en matière d'accidents du travail".
(8) Cass. civ. 2, 9 avril 2009, n° 07-18.294 (N° Lexbase : A4965EGY), "il résultait de ses constatations que Mme X avait participé, pendant une prescription de repos, et sans autorisation préalable de son médecin traitant, à des représentations publiques d'un spectacle musical, de sorte que l'infraction aux dispositions de l'article 37 du règlement intérieur des caisses primaires d'assurance maladie était constituée".
(9) Cass. soc., 28 octobre 1993, n° 90-14.242 (N° Lexbase : A2116AGH), "s'il appartient aux tribunaux de vérifier si l'infraction au règlement est établie et si la sanction a été prise suivant une procédure régulière, en revanche, ils n'ont pas à substituer leur appréciation à celle de la caisse sur l'importance de la sanction, laquelle peut porter sur des indemnités journalières déjà versées" ; Cass. soc., 8 octobre 1998, n° 96-22.441 (N° Lexbase : A2958AGN), "la Caisse n'a fait qu'user de son pouvoir en fixant l'étendue de la pénalité infligée à Mme X et que s'il appartient aux tribunaux de vérifier si une infraction volontaire au règlement intérieur est établie, ils n'ont pas, en revanche, à substituer leur appréciation à celle de la Caisse sur l'importance de la sanction infligée à l'assurée".
(10) Cass. civ. 2, 19 février 2009, n° 07-20.374 (N° Lexbase : A3932EDY), Bull. civ. 2, n° 6, "il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d'apprécier l'adéquation du montant de la sanction prononcée par tout organisme social à l'importance de l'infraction commise par l'assuré. Ainsi, un tribunal des affaires de la Sécurité sociale a pu décider de ramener à la moitié des indemnités journalières réclamées la sanction infligée par une caisse du régime social des indépendants à une assurée qui ne s'était pas rendue à une visite médicale à laquelle elle avait été convoquée à une époque où elle se trouvait dans un autre département dans lequel elle avait demandé l'autorisation à la caisse de séjourner sans attendre l'autorisation de la caisse".
(11) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 2916, tome 1, prec., p. 306.
(12) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 2916, tome 1, prec., p. 305.
(13) Cass. soc., 6 novembre 1985, n° 84-11.543 (N° Lexbase : A3835AG7) et n° 84-11.762 (N° Lexbase : A3836AG8), Bull. civ. V, n° 518, p. 376, "l'article 37 du règlement intérieur provisoire des caisses primaires d'assurance maladie pour le service des prestations prohibe tout travail rémunéré ou non pendant la durée de l'incapacité temporaire. Par suite encourt la cassation la décision qui déclare non justifiée la sanction de suppression des indemnités journalières prise par la caisse contre un assuré qui effectuait des travaux de peinture pendant une période d'arrêt de travail" ; Cass. soc., 19 octobre 1988, n° 86-14.256 (N° Lexbase : A8620AAI), Bull. civ. V, n° 530, p. 342, "l'article 37 du règlement intérieur provisoire des caisses primaires d'assurance maladie pour le service des prestations prohibe tout travail rémunéré ou non pendant la durée de l'incapacité temporaire. Par suite encourt la cassation la décision qui déclare non justifiée la sanction de suppression des indemnités journalières prise par la caisse contre un assuré qui effectuait des travaux de jardinage pendant une période d'arrêt de travail ; Cass. soc. 11 janvier 1989, n° 86-13.442, inédit (N° Lexbase : A1940CRB), "la prohibition du travail pendant la période d'arrêt pour maladie est générale et ne souffre que l'exception envisagée par le règlement intérieur des caisses, le tribunal des affaires de Sécurité sociale a violé les textes susvisés".
(14) Cass. soc., 19 juillet 2000, n° 99-10.987 (N° Lexbase : A0949CXG), "l'intéressé reconnaissait avoir consacré quelques heures chaque semaine à ses activités professionnelles, en a déduit à bon droit que la caisse était fondée à lui réclamer à titre de pénalité le remboursement des indemnités perçues pendant la période litigieuse".
(15) Cass. soc., 23 mars 2000, n° 98-19.042 (N° Lexbase : A8998AGD), "l'assuré malade ne doit se livrer à aucun travail rémunéré ou non, sauf autorisation du médecin traitant ; qu'en cas d'infraction, la Caisse est fondée à lui retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues".
(16) Cass. soc., 18 juin 1992, n° 90-13.748 (N° Lexbase : A4765CWE), "pour admettre partiellement le recours de l'intéressé, l'arrêt attaqué a énoncé que l'article 41 du règlement intérieur des caisses ne prévoit que la retenue, à titre de sanction, des indemnités journalières dues et non le remboursement de celles qui ont déjà été versées ; qu'en statuant ainsi, alors que la caisse n'a fait qu'user de son pouvoir de fixer l'étendue de la pénalité dans la limite des indemnités journalières afférentes à la période d'incapacité temporaire, sans qu'il y ait à distinguer selon qu'elle ont été ou non perçues par l'assuré".

Décisions

Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-14.575, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9045GMX)

Cassation, TASS Reims, 13 mars 2009

Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-16.140, FS-P+B+R(N° Lexbase : A9050GM7)

Cassation, TASS Reims, 15 mai 2009

Cass. civ. 2, 9 décembre 2010, n° 09-17.449, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9080GMA)

Cassation, TASS Lille, 22 janvier 2009

Textes concernés : CSS, art. L. 321-1 (N° Lexbase : L3953IGI) et L. 323-6 (N° Lexbase : L9710INX)

Mots-clés : assurance maladie, indemnités journalières, bénéfice, conditions, non exercice d'une activité, activité, définition, régime, compatibilité, compétition sportive (non), mandat CHSCT (non).

Liens base : (N° Lexbase : E9934BX9)

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