La lettre juridique n°390 du 8 avril 2010

La lettre juridique - Édition n°390

Éditorial

Schizophrénie du patronyme : hamburgers et conseils juridiques sous la même enseigne ?

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N7303BNS

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"C'est parce qu'il n'est pas si aisé de se faire un nom par un ouvrage parfait que d'en faire valoir un médiocre par le nom qu'on s'est déjà acquis" dixit La Bruyère dans ses Caractères, que le nom commercial d'une entreprise ou d'une association professionnelle, c'est-à-dire le nom sous lequel l'activité sera connue du public, n'est pas à un élément du fond de commerce comme les autres, le plus souvent fongible.

Et, si "c'est un poids bien pesant qu'un nom trop tôt fameux", nous livre Voltaire dans La Henriade, gageons que, si autant de noms patronymiques sont l'apanage de marques toutes les plus célèbres et les plus profitables les unes que les autres, et dans tous les domaines commerciaux (Chanel, Cartier, Renault, Ferrari, Hachette, Bordas, Fleury Michon, Poulain...), c'est qu'il est des poids qui peuvent faire effet de masse, tant les forces gravitationnelles ne s'exercent pas tout à fait de la même manière, sur le plan commercial s'entend, selon que l'on s'appelle Lefebvre, Dalloz... ou Lexbase.

D'ailleurs, si traditionnellement on distingue la dénomination sociale du nom commercial, voire de l'enseigne -si l'on pense à la Sarl Dupond & Durand franchisée qui a autant de consanguinité avec Richard et Maurice McDonald que les 31 000 autres oripeaux de la restauration rapide-, c'est que, à bien y réfléchir, il est plus facile à Ray Crock de racheter, en 1961, le nom "McDonald", enseigne franchisée sous son égide depuis 1954, que de créer sa propre marque aux accents patronymiques -Monsieur Crock, pour des hamburgers, ce n'était pas forcément du meilleur goût !-.

Et, pour rester sur le cas symbolique de la firme illinoise, l'on se souvient que, loin de renoncer aux hamburgers, les frères McDonald ont monté leur propre restaurant The Big M, après la vente de leur nom patronymique comme marque commerciale, pour fermer leur nouveau restaurant, presque aussitôt, face à la concurrence d'un franchisé... McDonald's ! Pour la petite histoire, l'accord de franchise initial prévoyait le reversement d'une somme égale à 0,5 % des revenus annuels de la chaîne, soit près de 100 millions de dollars par an, alors que Richard et Maurice M. préférèrent "céder " leur nom de famille et rebondir dans la restauration sous leurs propres ailes... Il faut croire que, en matière de restauration rapide, il importe assez peu de savoir qui il y a derrière les fourneaux...

Ce long aparté, pour illustrer, si besoin était, qu'argument d'autorité oblige, un nom patronymique ayant fait ses preuves sur le plan commercial et industriel constitue la plus belle des cartes de visite, quand il n'est pas devenu un nom commun par antonomase (frigidaire, kärcher, barbie et autre ricard en témoignent, aujourd'hui).

Sur le plan juridique, l'affaire est, depuis longtemps, tranchée : l'article L. 711-1 du Code de propriété intellectuelle dispose que la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Peuvent, notamment, constituer un tel signe les dénominations sous toutes les formes telles que les noms patronymiques et géographiques ou pseudonymes ; la Directive 89/104 du 21 décembre 1988 énonce, également, que peuvent constituer des marques tous les signes de représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes ; et l'arrêt "Bordas" du 12 mars 1985 permet au nom patronymique de faire l'objet d'une exploitation commerciale -la cession du nom comme marque commerciale devenant définitive et irrévocable sauf stipulation contraire-.

Et, finalement, la commercialité du nom patronymique, originellement attribut de la personnalité inaliénable, ne pose pas de problème conceptuel lorsqu'il est affaire de voiture, de livres ou d'hamburgers ! Elle relève, en revanche, d'une particulière complexité lorsque l'intuitu personae entre le prestataire et le client est trompeur. Les affaires "Ducasse" du 6 mai 2003, et "Inès de la Fressange" du 31 janvier 2006, en constituent deux exemples topiques : la Cour de cassation considérant, dans le premier cas, que le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu, à l'insertion de son patronyme dans la dénomination sociale d'une société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services ; et dans le second cas, que Mme de La Fressange, cédante, n'était pas recevable en une action tendant à l'éviction de l'acquéreur, Mme de La Fressange ayant déposé diverses marques utilisant les éléments de son nom de famille, qu'elle a cédées, ainsi que ses droits de marques existants ou futurs portant sur son nom, à une société, qui s'était engagée notamment à lui consentir un contrat de travail et qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il reste que tous ces exemples relèvent d'une activité commerciale classique. Le trouble que peut susciter la jurisprudence de la Cour de cassation n'est-il pas, encore plus grand, lorsque l'on est en présence d'une activité libérale ? "Les grands noms abaissent au lieu d'élever ceux qui ne les savent pas soutenir" nous dit, un brin cynique, La Rochefoucauld (François VI de son état, prince de Marcillac...) dans ses Maximes ? Demandons à Alain Bensoussan d'Alain Bensoussan Avocats SELAS ; à Gilles August et Olivier Debouzy du Cabinet August & Debouzy, à Philippe Lefèvre, Françoise et Philippe Pelletier du Cabinet Lefèvre Pelletier et Associés et aux nombreux autres fondateurs ou héritiers de grands noms de l'Avocature, si leurs noms, qui n'en constituent pas moins la marque d'un savoir, d'une pratique, d'une déontologie, d'une exigence professionnelle, ne doivent pas faire l'objet d'une attention quotidienne pour garantir l'avenir et le développement des cabinets éponymes ? Et qui mieux que les dépositaires patronymiques sont à même de défendre la qualité professionnelle des cabinets dont ils sont associés et/ou fondateurs ? Aussi, lorsque la cour d'appel de Paris, le 1er décembre 2009, faisant une application classique de la jurisprudence du Quai de l'Horloge, retient que la qualité d'associé fondateur d'un cabinet d'avocats ne justifie pas l'inamovibilité de ce dernier et ne lui ouvre pas droit à interdire l'utilisation de la marque de l'association après son départ, la position des juges parisiens se comprend aisément au regard de l'objectif de sécurité juridique. Mais, elle ne peut laisser de marbre ceux pour qui la relation de confiance avec le client, fondée sur une individualisation de la prestation juridique ou judiciaire, doit gagner en transparence... Hamburgers et conseils juridiques : il n'est pas tout à fait question de la même déontologie et de la même responsabilité vis-à-vis de la clientèle. Et, un nom, dans le cadre d'une association libérale, c'est tout de même un gage d'assurance et de professionnalisme.

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Rémunération

[Jurisprudence] Maintien du véhicule de fonction pendant les congés maladie et maternité

Réf. : Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-43.996, Société Exelice, FS-P+B (N° Lexbase : A1534EUD)

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N7299BNN

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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


De nombreuses entreprises françaises mettent à la disposition de leurs salariés un véhicule dit de fonction. Parfois, le véhicule est mis à disposition tel un outil de travail pour permettre au salarié d'exécuter sa mission. Parfois, la mise à disposition constitue un véritable avantage octroyé au salarié qui pourra utiliser son véhicule pendant ses temps de repos ou de vacances. L'employeur doit-il aller jusqu'à maintenir cette mise à disposition lorsque le salarié est placé pour de longs mois en congé maladie ou en congé maternité ? A cette question, la Chambre sociale répond par l'affirmative dans un arrêt rendu le 24 mars 2010 : le salarié dont le contrat de travail est suspendu continue de bénéficier du véhicule mis à sa disposition à titre personnel (I). Une telle solution, très surprenante de prime abord, repose en réalité sur une analyse renouvelée des avantages octroyés au salarié en sus de sa rémunération (II).


Résumé

Un véhicule de fonction, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail.

I - L'affirmation du maintien de la mise à disposition du véhicule de fonction pendant la suspension du contrat de travail

Le véhicule mis à la disposition du salarié dans le cadre de son activité peut entrer dans deux catégories distinctes, essentiellement établies aux fins de déterminer si le véhicule constitue ou non un avantage en nature soumis, à ce titre, à cotisations sociales.

  • Le véhicule mis à disposition du salarié pour les besoins de l'activité

La première catégorie correspond à l'hypothèse dans laquelle un véhicule est mis à la disposition du salarié pour l'exercice de ses fonctions (1). Ces véhicules sont principalement mis à disposition de salariés itinérants dont les tâches professionnelles ne peuvent être accomplies qu'à la condition qu'ils puissent se déplacer : taxi, VRP, chauffeur routier ou chauffeur de bus, etc.. Il est alors généralement considéré que la fourniture du véhicule s'apparente à la fourniture du matériel nécessaire à un salarié pour travailler (2).

Le salarié doit restituer le véhicule dès qu'il n'exerce plus ses fonctions, lors de ses congés, du repos hebdomadaire, ou de la suspension de son contrat de travail en raison d'un arrêt maladie par exemple. Le salarié doit également se conformer à des directives parfois très précises à l'égard de ce véhicule, par exemple s'agissant du lieu de stationnement de celui-ci lorsque le salarié ne travaille pas (3).

  • Le véhicule mis à disposition du salarié à titre personnel

La seconde catégorie s'entend de l'hypothèse dans laquelle un véhicule est mis à la disposition du salarié à titre personnel. Dans ce cas de figure, la fourniture du véhicule constitue un avantage en nature et, donc, un véritable élément de la rémunération du salarié qui doit, de ce fait, être soumis à cotisations sociales. La mise à disposition fait l'objet d'une évaluation monétaire afin, d'abord, de pouvoir comptabiliser cet élément dans la rémunération et ainsi vérifier le respect des minimums légaux et conventionnels, ensuite, pour déterminer l'assiette des cotisations sociales (4).

Le salarié peut utiliser le véhicule comme il le souhaite hors de ses heures de travail. Il n'est pas tenu de restituer le véhicule lors de ses temps de repos, week-end ou congés payés. Il a d'ailleurs été jugé, à plusieurs reprises, que le salarié démissionnaire qui était dispensé d'exécuter son préavis par l'employeur pouvait conserver le véhicule jusqu'à l'expiration de ce préavis (5). En outre, constituant un élément de son salaire, l'employeur ne peut évidemment pas supprimer l'avantage octroyé sans obtenir le consentement du salarié (6). A ce titre, la Cour de cassation estime que la privation du véhicule de fonction en cas de faute constitue une modification du contrat de travail pour motif disciplinaire et, plus encore, une sanction pécuniaire prohibée (7). C'est sur la question de la suppression du véhicule de fonction, entendu comme un avantage en nature, que la Chambre sociale était appelée à se prononcer.

  • L'espèce

Dans cette affaire, une salariée, engagée en qualité de commerciale, bénéficiait d'un véhicule de fonction mis à sa disposition par l'employeur. En septembre 2001, la salariée fut placée en arrêt maladie avant, quelques mois plus tard, de bénéficier d'un congé maternité. Au mois de novembre 2002, la salariée prenait acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à l'employeur la modification unilatérale du contrat de travail résultant de la modification du taux de commissionnement et du retrait du véhicule mis à sa disposition.

La cour d'appel de Colmar, saisie de l'affaire, jugeait que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait l'employeur au versement de dommages et intérêts destinés à compenser le préjudice subi du fait de la privation du véhicule pendant la durée de l'arrêt de travail.

L'employeur se pourvut en cassation au moyen, principalement, que le taux de commissionnement pouvait varier à condition que les variations reposent sur des éléments objectifs et non seulement sur la volonté de l'employeur. Surtout, l'employeur faisait grief à l'arrêt d'appel d'avoir jugé que le retrait à un salarié, pendant la suspension de son contrat de travail, d'un véhicule mis à sa disposition pour exercer son activité, constitue une faute de l'employeur et justifie une prise d'acte de la rupture. L'argumentation tenait donc, pour l'essentiel, sur le fait que le véhicule avait été octroyé à la salariée pour l'exercice de ses fonctions et non au titre d'un avantage en nature.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 24 mars 2010, rejette pourtant le pourvoi de l'employeur.

Dans un premier temps, elle juge, par un motif sur lequel nous ne nous attarderons pas, "que la réduction du taux de commissionnement sans l'accord de la salariée constituait une modification du contrat de travail". Rien ici que de très classique, puisque l'on sait que la rémunération constitue l'un des éléments du contrat de travail dont ni le volume, ni la structure ne peuvent être modifiés unilatéralement par l'employeur.

Dans un second temps, la Chambre sociale s'intéresse au véhicule mis à la disposition de la salariée. Sur ce point, elle juge "qu'un véhicule de fonction, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail". La Haute juridiction en déduit que, puisque l'employeur avait repris, lors de l'arrêt de travail de la salariée, le véhicule de fonction qui lui était attribué, la cour d'appel en a justement conclu que le comportement de l'employeur était fautif.

II - La justification du maintien de la mise à disposition du véhicule de fonction pendant la suspension du contrat de travail

La solution rendue par la Chambre sociale est relativement étonnante, même s'il est difficile de savoir si la solution est guidée par l'intention des Hauts magistrats d'exclure toute possibilité de suspension de l'octroi du véhicule de fonction ou si la solution est nécessairement limitée aux moyens soulevés par l'employeur.

  • Une réponse adaptée à la question posée par l'employeur

En effet, l'employeur se bornait à contester le caractère de véhicule mis à disposition à titre personnel de la salariée, c'est-à-dire de véhicule laissé en permanence à sa disposition. Or, cette question tient exclusivement d'un moyen de fait et non d'un moyen de droit, faits déjà jugés par les juges du fond et déjà analysés comme constituant un avantage en nature et non la fourniture d'un outil de travail. Par conséquent, le moyen soulevé par l'employeur était stérile et la Cour de cassation ne pouvait répondre autrement.

En revanche, on peut se demander si la réponse de la Chambre sociale aurait été différente si l'employeur avait argumenté sur un autre fondement.

  • Une solution étonnante au regard de la qualification de rémunération

En effet, la mise à disposition d'un véhicule à titre personnel et permanent constitue, nous l'avons vu, un élément de la rémunération du salarié qui en bénéficie. Le paiement de la rémunération du salarié appartient à la catégorie des obligations principales des parties au contrat de travail : l'obligation principale du salarié est de fournir un travail, l'obligation principale de l'employeur de verser la rémunération.

Or, durant un arrêt de travail pour maladie ou pour maternité, le contrat de travail du salarié se trouve suspendu. Certes, la théorie de la suspension du contrat de travail a toujours prêté à controverse doctrinale puisque celle-ci n'a pas été expressément reprise par le législateur qui se contente d'établir un certain nombre de situations dans lesquelles une des parties est dispensée de l'obligation d'exécuter le contrat de travail. Pour autant, on peut probablement s'entendre sur le fait que la suspension du contrat de travail emporte la suspension de l'obligation principale du salarié et, parfois, de l'obligation accessoire de l'employeur.

Le contrat de travail étant suspendu pendant le congé maladie ou le congé maternité, l'employeur devrait-il continuer à verser la rémunération du salarié et, notamment, continuer à mettre à sa disposition un véhicule de fonction ? La réponse à cette question dépend du type de suspension. En cas de congé maternité, l'employeur n'est pas tenu de maintenir la rémunération puisque celle-ci est intégralement compensée par les indemnités journalières de l'assurance maternité de la sécurité sociale. En cas de congé maladie, l'employeur peut, en revanche, être tenu au maintien d'une partie de la rémunération destinée à compenser le caractère partiel de l'indemnité journalière maladie.

Dans ces conditions, on peut conclure que l'employeur, lorsqu'il n'est pas tenu de maintenir la rémunération, devrait parfaitement pouvoir suspendre l'octroi d'un véhicule de fonction constituant un élément de cette rémunération. La seule limite tient à ce que l'employeur ne puisse unilatéralement retirer définitivement l'avantage et soit donc tenu de remettre à disposition du salarié le véhicule à l'issue de la suspension du contrat, sous peine de se voir reprocher une modification unilatérale du contrat de travail.

Pour autant, la motivation de la Chambre sociale est sans ambiguïté : le véhicule de fonction "ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension". Très critiquable au regard de la théorie classique des avantages en nature et du sort de la rémunération pendant la suspension du contrat de travail, cette solution peut éventuellement être justifiée par une autre approche.

  • Une solution s'appuyant sur le caractère "accessoire" de la mise à disposition du véhicule

En effet, d'aucuns considèrent parfois que l'octroi de certains avantages en nature au salarié ne constituent un élément de rémunération que sur le plan des cotisations sociales et de l'assiette fiscale. Au contraire, en matière de contrat de travail, la mise à disposition d'un logement, d'un véhicule, d'un ordinateur, d'un téléphone mobile ou d'une somme d'argent au titre d'un prêt constituerait l'exécution d'une convention accessoire au contrat de travail (8).

Le régime de ces conventions accessoires est difficile à dégager, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer si ces conventions particulières -bail, prêt, dépôt, etc.- doivent suivre leur régime propre issu du droit des contrats spéciaux ou si, au contraire, leur régime doit être adapté en raison du particularisme de la relation de travail dont elles sont les accessoires.

Quoi qu'il en soit, si la qualification de convention accessoire est retenue, la solution rendue par la Chambre sociale est alors nettement moins susceptible de critiques. En effet, il est communément admis que, durant la suspension du contrat de travail, quelle qu'en soit la cause, seules les obligations principales des parties sont suspendues (9). En revanche, les obligations accessoires telles que l'obligation de loyauté par exemple demeure effectives (10). Dès lors que la fourniture du véhicule constitue un prêt accessoire au contrat de travail, il est alors logique que lui aussi soit maintenu durant la suspension pour maladie ou pour maternité.

Ce raisonnement a, cependant, l'inconvénient d'être en contradiction avec celui adopté par la deuxième chambre civile en matière de cotisations sociales qui voit clairement dans cette mise à disposition un avantage en nature, un élément de la rémunération. Espérons-le, une chambre mixte sera sûrement un jour appelée à trancher cette divergence.

Enfin, relevons que la Chambre sociale ménage la faculté pour l'employeur de se prémunir contre ce maintien forcé de la mise à disposition du véhicule. En effet, si le véhicule ne peut être retiré, c'est à la condition nous dit la Cour qu'aucune stipulation contraire n'ait été prévue. Il demeure donc loisible à l'employeur d'agrémenter la clause du contrat mettant à disposition du salarié le véhicule de la possibilité que le salarié restitue le véhicule pendant certains de ses congés, notamment en cas de congé maladie ou maternité. Nul doute que la rédaction des clauses de mise à disposition de véhicules devrait rapidement évoluer !


(1) Pour des illustrations, v. Cass. soc., 17 septembre 2008, n° 07-41.876, M. Guy Sauer, F-D (N° Lexbase : A4080EAD). CA Bordeaux, ch. soc., sect. A, 15 janvier 2008, n° 06/05886, Boisnier c/ SARL CSB.
(2) F. Gaudu, R. Vatinet, Les contrats du travail. Traité des contrats, sous la dir. de J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 300.
(3) V., par ex., CA Paris, 21ème ch., sect. B, 21 octobre 2004, n° 03/31156.
(4) Arrêté du 10 décembre 2002, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale (N° Lexbase : L9385A84).
(5) Cass. soc., 8 mars 2000, n° 99-43.091, M. Volmers c/ Société Lafarge couverture (N° Lexbase : A4966AGZ).
(6) Contra, v. un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris qui juge que l'avantage en nature étant octroyé par voie d'engagement unilatéral, il peut être supprimé à condition de respecter les règles de dénonciation idoines (CA Paris, 18ème ch., sect. D, 6 septembre 2005, n° 05/03301, Association pour adultes et jeunes handicapés c/ Leborgne N° Lexbase : A9430DKH). Il n'est cependant pas certain qu'une telle position serait aujourd'hui adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation tant celle-ci tient la rémunération du salarié comme l'élément le plus intangible de la relation de travail. Pour une illustration de cette idée, lire nos obs., La rémunération, toujours et encore plus contractuelle !, Lexbase Hebdo n° 311 du 3 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4903BGP).
(7) Cass. soc., 12 décembre 2000, n° 98-44.760, M. Portanguen c/ Société Cecorev (N° Lexbase : A1160AIS), Dr. soc., 2001, p. 196, note A. Mazeaud.
(8) F. Gaudu, R. Vatinet, Les contrats du travail. Traité des contrats, préc..
(9) J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, avec la coll. de G. Auzero, Dalloz, 24ème éd., 2008, p. 500.
(10) V., par ex., Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41.343, Union mutuelle solidarité c/ Mme Marie-Jeanne Clain, inédit (N° Lexbase : A5289A7Z) et les obs. de A. Garat, Le salarié est soumis à une obligation de collaboration durant la suspension de son contrat pour maladie, Lexbase Hebdo n° 65 du 4 avril 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N6688AAX).


Décision

Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-43.996, Société Exelice, FS-P+B (N° Lexbase : A1534EUD)

Rejet, CA Colmar, ch. soc., sect. C, 6 juin 2008

Textes visés : néant

Mots-clés : véhicule de fonction ; véhicule mis à disposition à titre personnel ; suppression du véhicule pendant le congé maladie ou le congé maternité ; manquement de l'employeur à ses obligations ; prise d'acte de la rupture

Lien base : (N° Lexbase : E0739ETK)

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[Manifestations à venir] La fiducie dans tous ses états

Lecture: 1 min

N7367BN8

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Le 07 Octobre 2010

L'Association Henri Capitant et le Centre Obligations, Biens, Marchés de la Faculté de droit - UPEC sont heureux de vous informer de la tenue, le 15 avril 2010, de la quinzième Journée nationale de l'Association Henri Capitant consacrée à la fiducie.
  • Thèmes abordés

- La propriété fiduciaire en question : unité ou dualité ?
- Le droit des incapacités à l'épreuve du contrat de fiducie
- Avocat fiduciaire et responsabilité du fiduciaire
- Les apports de l'analyse comptable et fiscale à la théorie générale de la fiducie
- La réception en France des fiducies étrangères : avancée ou recul ?
- Utilités et avenir de la fiducie : de la fiducie-sûreté à la finance islamique

  • Intervenants

Michel Grimaldi, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), Président de l'Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française
Jean-Jacques Israel, Professeur à l'UPEC, Doyen de la Faculté de Droit
Marie-Elodie Ancel, Professeur à l'UPEC, Directeur du Laboratoire Obligations, Biens, Marchés
Pierre Crocq, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
Nathalie Peterka, Professeur à l'UPEC
Pierre Berger, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Fidal
Philippe Delebecque, Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Denis Mazeaud, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), Secrétaire général de l'Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française
Philippe Neau-Leduc, Professeur à l'Université de Montpellier
Caroline Deneuville, Notaire à Paris
Augustin Aynès, Professeur à l'UPEC
Reinhard Dammann, Avocat au Barreau de Paris, Clifford Chance
Alain Gourio, Docteur en droit, Responsable de la coordination juridique Groupe BNP Paribas
Stéphane Piedelièvre, Professeur à l'UPEC
Gilles Saint Marc, Avocat au Barreau de Paris, Gide LoyretteNouel AARPI
Xavier de Roux, Avocat au Barreau de Paris
Philippe Dupichot, Professeur à l'UPEC, Secrétaire général adjoint de l'Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française

  • Date

Jeudi 15 avril 2010
9h00 - 18h00

  • Lieu

Université Paris-Est Créteil Val de Marne
83-85 avenue du Général de Gaulle
94000 Créteil
Métro : Créteil l'Echat (ligne 8)

  • Tarif

50 euros
Entrée gratuite pour les étudiants et enseignants-chercheurs

  • Renseignements et inscriptions

colloquefiducie@u-pec.fr

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Responsabilité médicale

[Panorama] Panorama de responsabilité civile médicale (février et mars 2010)

Lecture: 18 min

N7306BNW

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit médical"

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver le panorama de responsabilité civile médicale de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit médical", consacrée à l'actualité de février et mars 2010. Seront abordés les derniers arrêts rendus en matière de faute technique, de réparation des infections nosocomiales, de prédisposition de la victime ou encore l'actualité de l'indemnisation par la solidarité nationale.

1. Responsabilité médicale

1.1. Responsabilité pour faute

1.1.1. Faute technique

Dès lors que les fautes commises ont retardé le diagnostic de souffrance foetale et ont ainsi contribué directement au préjudice subi par l'enfant et ses parents, en ce qu'ils ont fait obstacle à la mise en place de mesures adaptées pour empêcher ou limiter les conséquences de l'hypoxie à l'origine des déficits et qu'il en est de même des fautes commises lors de l'accouchement qui ont contribué à prolonger la souffrance foetale ou à différer les manoeuvres utiles de réanimation, dont les fautes avaient, au moins pour partie, été à l'origine du dommage, le médecin généraliste, le gynécologue obstétricien et la sage femme doivent être déclarés responsables in solidum de la perte de chance subie par l'enfant de voir limiter son infirmité cérébrale, peu important que l'origine première du handicap soit affectée d'un degré d'incertitude.

Cadre juridique applicable. L'article 1er de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303 N° Lexbase : L1457AXA) a souhaité soustraire au droit commun de la responsabilité civile la réparation des dommages liés à la naissance d'enfants handicapés, pour en confier essentiellement la prise en charge à la collectivité par le biais de l'aide sociale (1).

L'application de ce dispositif aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi a été écartée en raison de sa contrariété avec l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) (2), ce qui autorise ces derniers à agir sur le fondement du droit commun.

L'affaire. Dans cette affaire, un enfant, né le 16 septembre 1993, souffrait d'un polyhandicap sévère lié à des atteintes neurologiques dues pour partie à une mauvaise prise en charge lors de l'accouchement.

La cour d'appel d'Angers avait considéré, suivant en cela le rapport des experts, que les fautes commises par le médecin généraliste, le gynécologue-obstétricien et la sage-femme avaient retardé le diagnostic de souffrance foetale et ainsi directement contribué à la réalisation du préjudice de l'enfant, et de ses parents, en empêchant la mise en oeuvre de mesures qui auraient été de nature à empêcher ou limiter le dommage.

Parmi les nombreux griefs que les demandeurs développaient dans le cadre de leur pourvoi, figurait le rapport d'expertise qui indiquait qu'il n'était pas possible de déterminer l'origine de l'état antérieur du foetus, les fautes n'ayant contribué qu'à hauteur des ¾ à causer le dommage, ce qui serait de nature à écarter l'imputabilité du dommage aux éventuels manquements constatés.

Le rejet logique du pourvoi. L'argument a été écarté par la Cour de cassation. Les médecins et la clinique étaient, en effet, mis en cause pour avoir aggravé le handicap de l'enfant par des fautes ayant retardé le diagnostic ou la prise en charge, et non pour l'avoir entièrement causé (3). Seule importait, par conséquent, la certitude du lien de causalité entre ces fautes et le dommage résidant dans l'aggravation, peu important alors l'origine précise du handicap qui avait été aggravé, puisque cet état antérieur avait été en toute hypothèse prise en compte lors de l'évaluation du préjudice réparable (4). Dès lors, les juges du fond avaient pu souverainement évaluer le quantum de la chance perdue et la part de responsabilité revenant à chacun (5).

  • Cass. civ. 1, 11 mars 2010, n° 09-11.270, Société Medical Insurance company Ltd, représentée en France par la société François Branchet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1775ETW)

L'intervention chirurgicale était une réponse thérapeutique adaptée, même si la nécessité immédiate n'en n'était pas justifiée au regard de l'absence d'éléments en faveur d'une rapide aggravation des troubles.

Solution. L'adoption de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 n'a pas modifié le rôle central de la faute médicale dans la mise en cause de la responsabilité des professionnels de santé et des établissements.

Cet arrêt confirme que les médecins doivent poser un diagnostic adapté aux symptômes du patient (6), et prescrire le traitement adéquat, le degré d'excellence attendu du médecin demeurant établi par référence à un standard de conduite établi à partir des qualités que l'on est en droit d'attendre d'un professionnel de même spécialité (7).

1.1.2. Manquement à l'obligation d'information

  • Cass. civ. 1, 11 mars 2010, n° 09-11.270, Société Medical Insurance company Ltd, représentée en France par la société François Branchet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1775ETW)

En raison du court laps de temps qui avait séparé la consultation initiale et l'opération, la victime n'ayant reçu aucune information sur les différentes techniques envisagées, les risques de chacune et les raisons du choix du chirurgien pour l'une d'entre elles, n'avait pu bénéficier d'un délai de réflexion, pour mûrir sa décision en fonction de la pathologie initiale dont il souffrait, des risques d'évolution ou d'aggravation de celle-ci et pour réunir d'autres avis et d'autres informations nécessaires avant une opération grave à risques. En privant la victime de la faculté de consentir d'une façon éclairée à l'intervention, le chirurgien avait donc manqué à son devoir d'information et ainsi privé le patient d'une chance d'échapper à une infirmité.

Cadre juridique. D'abord déterminé par la jurisprudence, l'étendue de l'obligation d'information qui pèse sur le médecin a été fixée par la loi "Kouchner" du 4 mars 2002. L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5232IEI) dispose que l'information "porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus". L'article L. 1111-4 (N° Lexbase : L9876G8B) dispose, pour sa part, que le consentement du patient doit être "libre et éclairé", ce qui implique qu'il doit consentir "en pleine connaissance de cause" (8) et sans subir la moindre pression. Sauf urgence, le médecin doit par conséquent laisser au patient le temps nécessaire à la réflexion. C'est ce que confirme très logiquement cette décision.

Les faits. Dans cette affaire, un patient avait été paralysé à la suite de l'exérèse d'une hernie discale. Il avait alors recherché la responsabilité civile de son médecin à qui il reprochait de ne pas lui avoir laissé suffisamment de temps pour envisager sereinement, le cas échéant après avoir pris l'avis d'autres spécialistes, des alternatives thérapeutiques au traitement chirurgical présentant moins de risques.

La cour d'appel lui avait donné raison et réparé une perte de chance d'avoir pu éviter la paralysie, à hauteur de 80 %. Pour condamner le chirurgien, les juges avaient considéré qu'il avait commis une faute en ne laissant qu'un laps de temps très court au patient entre la consultation initiale et l'opération, ce dernier n'ayant par ailleurs reçu aucune information sur les différentes techniques envisagées, les risques de chacune et les raisons du choix du chirurgien pour l'une d'entre elles, et n'avait donc pu bénéficier d'un délai de réflexion pour mûrir sa décision en fonction de la pathologie initiale dont il souffrait, des risques d'évolution ou d'aggravation de celle-ci et pour réunir d'autres avis et d'autres informations nécessaires avant une opération grave à risques.

La solution est logiquement confirmée par le rejet du pourvoi.

1.2. Infections nosocomiales

  • Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-20.571, Office national d'Indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et nosocomiales (ONIAM), F-D (N° Lexbase : A7638EQX)

Régime applicable rationae temporis. La succession des lois "Kouchner" du 4 mars 2002 et "About" du 30 décembre 2002 (loi n° 2002-1577 N° Lexbase : L9375A8Q) ont sensiblement compliqué la détermination du régime applicable aux victimes d'infections nosocomiales.

La loi du 4 mars 2002 avait traité l'infection nosocomiale comme un cas de responsabilité médicale sans faute ordinaire des établissements, et un cas de responsabilité médicale pour faute des professionnels de santé. L'ONIAM ne devait donc intervenir qu'en cas d'aléa thérapeutique, d'absence de faute d'un professionnel de santé, ou en cas de refus d'offre ou d'épuisement des garanties d'assurance, dans les conditions du droit commun.

La loi du 31 décembre 2002 a modifié ce schéma pour la responsabilité des établissements de santé ; ces derniers demeurent bien responsables sans faute, mais uniquement pour les dommages les moins graves. Dès lors que la victime de l'infection est décédée ou présente un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, l'ONIAM indemnisera la victime et se retournera contre l'établissement, mais uniquement si ce dernier a commis une faute (9).

Ce régime issu de la loi du 30 décembre 2002 a modifié les règles d'indemnisation et a été logiquement déclaré applicable uniquement aux infections contractées à partir du 1er janvier 2003 ; pour celles qui ont été contractées entre le 5 septembre 2001 et le 31 décembre 2002, ce sont les dispositions de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, qui continuent de s'appliquer (10), comme le démontre cet arrêt rendu le 28 janvier 2010 et qui concernait une opération réalisée le 2 octobre 2001.

L'affaire. Dans cette affaire, l'assureur de l'établissement au sein duquel la patiente avait contracté l'infection litigieuse avait refusé de faire une offre d'indemnisation et l'ONIAM s'était donc substitué à lui, comme le prévoit l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L2468DKM), puis retourné contre lui par subrogation dans les droits de la victime.

La cour d'appel avait retenu dans ce cadre la responsabilité in solidum de l'établissement et du médecin ayant opéré à titre libéral la patiente, après avoir relevé que tous deux étaient tenus, à l'égard de celle-ci, d'une égale obligation de sécurité de résultat.

La solution correspondait à l'état de la jurisprudence depuis 1999 (11), mais ne tenait pas compte de la date de l'infection qui entrait dans le champ d'application temporel de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002. Or, l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique a certes repris à son compte le principe d'une responsabilité sans faute des établissements de santé dégagé en 1999 par la Cour de cassation par le truchement de l'obligation de sécurité de résultat, mais pas pour les professionnels de santé qui ne peuvent voir leur responsabilité engagée qu'en cas de faute prouvée.

Dès lors, les juges qui statuent dans le cadre du recours subrogatoire de l'ONIAM ne peuvent pas, en principe, condamner in solidum l'établissement et le médecin. En effet, ou le médecin a commis une faute, et non l'établissement, et dans ce cas il répond seul de l'intégralité du dommage (12), ou il n'en a pas commis et, n'engageant pas sa responsabilité, il ne saurait être condamné aux côtés de l'établissement dans le cadre du recours de l'Office.

La cassation s'imposait donc, puisque les juges du fond avaient condamné le médecin, qui plus est intégralement, sans avoir caractérisé la moindre faute à sa charge.

1.3. Prédispositions de la victime

  • Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 08-20.571, Office national d'Indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et nosocomiales (ONIAM), F-D (N° Lexbase : A7638EQX)

Le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

Principes applicables. Cet arrêt confirme le rôle que joue classiquement l'état antérieur de la victime lors de la détermination de l'étendue de son droit à indemnisation du dommage corporel (13).

Le juge civil ne prend, en effet, en compte que les prédispositions avérées de la victime et refuse de tenir compte de l'état latent (14), et ce depuis la fin des années 1950 (15). La Chambre criminelle retient, d'ailleurs, des solutions identiques (16). La prise en compte effective de l'état antérieur est rare (17) et conduira à des résultats variables (18).

Confirmation en l'espèce. Dans cette affaire, une patiente âgée de 79 ans avait présenté une infection bactérienne à la suite d'une reprise de prothèse de hanche effectuée le 2 octobre 2001, ce qui l'a conduit, malgré la mise en place d'une antibiothérapie, à une ablation totale entraînant une perte d'autonomie et son admission en maison de retraite.

L'assureur de l'établissement ayant refusé sa garantie, l'ONIAM a indemnisé la patiente, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique, puis exercé une action subrogatoire en responsabilité contre l'établissement et contre le chirurgien.

Pour limiter à 50 % les sommes dues à l'ONIAM au titre des préjudices subis par la victime, l'arrêt d'appel avait retenu, à la suite du rapport d'expertise, que l'âge de la victime intervient comme un facteur péjoratif dans le risque infectieux postopératoire et qu'il y a lieu, dans l'évaluation des préjudices, de tenir compte de son passé médical antérieur, étant rappelé qu'il s'agissait d'une intervention chirurgicale programmée sur un terrain présentant des risques liés, d'une part, à l'âge et, d'autre part, au fait d'un geste itératif de remplacement de prothèse, lesquels risques se sont d'ailleurs réalisés sous forme d'une infection nosocomiale avec sa spirale thérapeutique conséquente. Dès lors, il convenait de considérer que l'état de santé de la victime étant altéré par ses antécédents, le préjudice subi lui a fait perdre une chance d'éviter les séquelles liées à la dépose de la prothèse rendue nécessaire par l'infection, cette dépose ayant entraîné une perte de longueur du membre inférieur ainsi qu'une perte de mobilité et d'autonomie.

L'arrêt est cassé au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), la Cour de cassation considérant que "le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable".

Commentaire. La solution retenue n'appelle pas de remarque particulière en ce qu'elle fait ici application d'une jurisprudence désormais bien établie. Les juges du fond ne peuvent en effet retenir l'état antérieur de la victime que si celui-ci s'était manifesté avant la survenance du dommage de manière évidente, ce qui exclut d'en tenir compte au titre d'un état latent.

On s'étonnera, en revanche, du visa de l'article 1147 du Code civil dans une affaire mettant en cause des faits postérieurs au 5 septembre 2001, étant entendu que, depuis cette date, l'application de la loi du 4 mars 2002 s'impose sans qu'il soit par ailleurs possible de continuer à invoquer l'application du droit commun de la responsabilité civile ou administrative (19). Or, l'article L. 1142-15, alinéa 4, du Code de la santé publique, dispose bien qu'après avoir indemnisé la victime en lieu et place de l'assureur défaillant, "l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, contre son assureur". Dès lors, le recours de l'ONIAM doit être fondé sur les articles L. 1142-15 (principe du recours) et L. 1142-1 du Code de la santé publique (responsabilité de l'établissement), mais nullement sur celles de l'article 1147 du Code civil.

Portée sur la pratique des commissions. Cette décision est importante car elle démontre qu'en dépit de l'intervention de la loi du 4 mars 2002, rien ne doit changer dans la prise en compte de l'état antérieur. Or, tel n'est pas toujours le cas devant les Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) et l'ONIAM pousse d'ailleurs au partage entre les conséquences directes de l'accident médical, et la part devant revenir à l'état antérieur.

Il faut dire que la rédaction de l'article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique, oriente plutôt vers ce partage. Le texte, qui définit les conditions d'indemnisation par l'ONIAM, fait, en effet, référence aux accidents médicaux qui "ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci", suggérant ainsi qu'il conviendrait de tenir compte de l'état antérieur de la victime pour ne contraindre l'office à indemniser que la part de l'état final imputable au seul accident.

C'est donc à une interprétation restrictive que se livre ici la Cour de cassation. Si l'anormalité des conséquences est une condition de l'indemnisation au titre de la solidarité, seul l'état antérieur révélé avant l'accident justifiera désormais une réduction de l'indemnisation, et non tout état antérieur.

2. Indemnisation au titre de la solidarité

  • Cass. civ. 1, 11 mars 2010, n° 09-11.270, Société Medical Insurance company Ltd, représentée en France par la société François Branchet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1775ETW)

Il résulte du rapprochement des articles L. 1142-1 et L. 1142-18 du Code de la santé publique que ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale les préjudices, non indemnisés, ayant pour seule origine un accident non fautif.

Cadre juridique applicable. La loi "Kouchner" du 4 mars 2002 a substitué au droit commun de la responsabilité civile et administrative un régime légal d'indemnisation poursuivant un objectif propre empruntant pour partie ses principes au droit de la responsabilité civile, et pour partie à une logique de solidarité.

La doctrine, qui a abondamment commenté ce dispositif nouveau, n'a pas manqué de souligner l'articulation des régimes de responsabilité et de solidarité et le caractère subsidiaire du régime de solidarité, puisque lorsqu'elle est caractérisée la responsabilité d'un établissement ou d'un professionnel de santé doit être mise en cause, à l'exclusion du régime de solidarité qui n'intervient qu'en l'absence de responsabilité établie, qu'il s'agisse d'ailleurs de responsabilité médicale ou de la responsabilité d'un producteur de produit de santé (20).

La loi a toutefois prévu l'hypothèse dans laquelle un accident médical pourrait n'avoir été causé que partiellement par une faute médicale, et que, dans cette hypothèse, la commission émet un avis qui détermine la part qui revient à la responsabilité et celle qui devra être prise en compte par l'ONIAM (21).

Les faits. Dans cette affaire, déjà évoquée au titre du manquement du médecin à son obligation d'information, la juridiction d'appel avait conclu que la faute commise par le médecin qui n'avait pas laissé suffisamment de temps au patient pour prendre une décision éclairée sur le traitement à suivre pour une hernie discale, lui avait fait perdre une chance de se soustraire à l'accident médical, perte de chance évaluée à 80 %. La victime avait donc logiquement demandé à ce que les 20 % restant soient imputés à la réalisation d'un aléa thérapeutique et que l'ONIAM soit condamné dans cette proportion. Elle avait été, sur ce point, déboutée, la cour d'appel ayant considéré que, dès lors qu'une faute, quelle qu'elle soit, a été retenue à l'encontre du praticien, l'indemnisation est à la charge de ce dernier, l'obligation d'indemnisation au titre de la solidarité nationale n'étant que subsidiaire.

L'arrêt est logiquement cassé, sur ce point, la Haute juridiction relevant que "l'indemnité allouée à [la victime] avait pour objet de réparer le préjudice né d'une perte de chance d'éviter l'accident médical litigieux, accident dont la survenance n'était pas imputable à une faute [du médecin], à l'encontre duquel avait été exclusivement retenu un manquement à son devoir d'information". En d'autres termes, les 20 % manquant étaient bien la conséquence de la réalisation d'un aléa thérapeutique, n'engageant pas la responsabilité d'un médecin ou d'un établissement de santé et devant donc être prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Une solution logique. La thèse retenue par la cour d'appel n'était pas totalement inepte. L'article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique dispose, en effet, que l'ONIAM indemnise la victime "lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement ou d'un service" n'est pas engagée, ce qui pourrait accréditer la thèse d'une obligation de l'Office présentant un caractère purement subsidiaire par rapport à celle des assureurs de responsabilité. Par ailleurs, l'article L. 1142-18 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4426DLI), qui permet le partage entre les deux volets du système d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, vise "la commission" et pourrait donc bien ne pas concerner le juge.

Ce double argument de texte ne résiste toutefois pas longtemps à l'analyse.

L'article L. 1142-1-II du Code de la santé publique pose, en effet, un principe auquel l'article L. 1142-18 fait exception. C'est donc dans l'interprétation de ce dernier que réside la solution. Or, même si effectivement ce texte ne vise que la commission, il se situe dans une section IV consacrée à l'"Indemnisation des victimes", de telle sorte qu'il est possible, et même souhaitable, de considérer qu'il exprime une règle de fond, et non de procédure. Tel est, en toute hypothèse, l'esprit du système mis en place.

Une solution qui met en évidence le rôle déviant du défaut d'information. Il est des hypothèses dans lesquelles un accident médical non fautif et une faute médicale peuvent avoir causé ensemble le dommage à la victime, sans que la logique ne s'en trouve atteinte. Il en ira ainsi toutes les fois que la faute médicale intervient postérieurement à l'accident et n'a pas permis d'en limiter les conséquences dommageables pour le patient, ou a contribué à aggraver son état. Dans cette hypothèse, il va de soi qu'il conviendra de déterminer la part du dommage imputable à l'accident médical, et celle qui incombe à la faute médicale ou à une éventuelle infection nosocomiale contractée postérieurement à celui-ci.

Il semble, en revanche, plus délicat d'admettre un partage lorsque la faute médicale a précédé l'accident médical, qu'on envisage, en effet, la faute technique ou le manquement à l'obligation d'information, car le constat dans la même affaire d'une faute médicale ayant causé le dommage et d'un aléa nous semble logiquement incompatible, tout comme la faute et la force majeure ne peuvent logiquement cohabiter en matière de responsabilité civile. En effet, ou une faute médicale ayant été à l'origine du dommage est caractérisée, et l'accident ne saurait logiquement être imputé à un aléa thérapeutique, où le dommage est bien imputable à un aléa thérapeutique et dans ce cas la faute médicale, même caractérisée, est indifférente à la survenance du dommage imputable à la seule survenance de l'aléa.

Cette incompatibilité logique, déjà perceptible pour la faute technique, nous semble encore plus évidente lorsqu'on envisage l'existence d'un manquement à l'obligation d'information portant sur l'existence du risque qui s'est finalement réalisé.

Le caractère artificiel de ce raisonnement avait été souligné avant la réforme intervenue en 2002 (22), même si le tour de passe-passe pouvait, à la rigueur, être admis compte tenu du refus de faire peser sur le médecin la réparation des conséquences d'un aléa thérapeutique et du souci louable d'indemniser les victimes (23).

Mais depuis que l'ONIAM a été créé précisément pour indemniser les victimes d'aléas thérapeutiques, il nous semble que ce raisonnement devrait être banni, même si l'ONIAM, par le biais de ses représentants au sein des CRCI, continue d'en réclamer systématiquement l'application pour tenter de limiter l'étendue de ses obligations et ce afin de provoquer un partage sur le fondement de l'article L. 1142-18 du Code de la santé publique, partage qui aboutit au même résultat que l'application de la théorie de perte de chance, comme le démontre d'ailleurs l'arrêt rendu le 11 mars 2010 (24).

Or, ce partage nous semble totalement illogique dès lors qu'est en cause l'existence d'un aléa thérapeutique, puisqu'il permet à l'ONIAM de s'exonérer, en tout ou partie, de ses propres obligations, ce qui aboutit à considérer finalement son rôle comme en partie subsidiaire (25). Du point de vue de l'Office, en effet, il importe peu de savoir si une faute a été commise antérieurement à l'accident médical, dès lors que l'existence d'un aléa thérapeutique a été admise par les experts, celle-ci ne pouvant, par hypothèse, avoir contribué à causer un dommage qui se serait de toute façon réalisé.

C'est d'ailleurs bien pour cette raison que nous avions proposé d'écarter d'emblée la possibilité de retenir comme faute médicale, dans le cadre défini par l'article L. 1142-1, I, du Code de la santé publique, le manquement du médecin ou de l'établissement à son obligation d'information, celui-ci ne pouvant être sanctionné que par l'attribution de dommages et intérêts distincts réparant le préjudice causé par la privation de son droit à l'information et de décider, de manière éclairée, des actes médicaux concernant sa personne (26).

L'affirmation par la première chambre civile du caractère non subsidiaire des propres obligations de l'ONIAM devrait donc conduire non pas à admettre un partage avec la responsabilité lorsqu'un défaut d'information a précédé la réalisation de l'aléa thérapeutique, comme cela a été admis dans cette affaire, mais au contraire à exclure tout partage avec la responsabilité pour la réparation des conséquences de la réalisation de l'aléa thérapeutique, au bénéfice de la seule obligation de l'Office.


(1) Aujourd'hui, C. act. soc. fam., art. L. 114-5 (N° Lexbase : L8912G8L).
(2) Cass. civ. 1, 8 juillet 2008, n° 07-12.159, M. Eric Lallement, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5290D9S), JCP éd. G, 2008, II, 10166, avis C. Melloté, note P. Sargos ; et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (avril à septembre 2008), Lexbase Hebdo n° 321 du 6 octobre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N3835BHI).
(3) Pour une hypothèse où les souffrances foetales n'ont pas été imputées à des fautes médicales : Cass. civ. 1, 7 décembre 2004, n° 03-17.035, M. Kouider Houari c/ M. Edouard Bouche, F-D (N° Lexbase : A3661DEC).
(4) Lire S. Hocquet-Berg, Les prédispositions de la victime dans Etudes offertes à Hubert Groutel, Litec, 2006, p. 169.
(5) Pour une hypothèse de réparation intégrale dans une hypothèse comparable, par le Conseil d'Etat : CE 4° et 5° s-s-r., 16 décembre 2005, n° 251543, Centre Hospitalier Départemental de la Roche-sur-Yon (N° Lexbase : A0961DMK).
(6) Pour une hypothèse de réponse thérapeutique inadaptée : Cass. civ. 1, 27 janvier 2004, n° 01-13.499, M. Benrabah c/ Société Clinique Sainte-Isabelle, F-D (N° Lexbase : A0359DBW).
(7) Sur l'appréciation de la "faute diagnostique" (expression inédite) : Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 08-15.560, M. Philippe Nevière, F-D (N° Lexbase : A4234EIN), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (avril à juillet 2009) (troisième partie), Lexbase Hebdo n° 363 du 17 septembre 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N9249BL7).
(8) Cass. civ. 1, 27 octobre 1953, Gaz. Pal., 1954, 1, p. 148.
(9) C. santé publ., art. L. 1142-1-1 (N° Lexbase : L1859IEL).
(10) Cass. civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-17.605, Association Centre chirurgical Marie Lannelongue, établissement de soins privés, F-P+B (N° Lexbase : A8084EAN), et nos obs., in Panorama de responsabilité civile médicale (octobre à décembre 2008), Lexbase Hebdo n° 333 du 15 janvier 2009 (N° Lexbase : N2339BIH).
(11) Cass. civ. 1, 29 juin 1999, n° 97-15.818, M. X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A6644AHK), JCP éd. G, 1999, II, 10138, rapp. P. Sargos.
(12) Sauf à démontrer l'existence d'une faute également commise par l'établissement, notamment en matière de prévention des infections, ce qui provoquera un partage à proportion de la gravité des fautes respectives.
(13) S. Hocquet-Berg,préc., 2006, pp. 169-187. Dernièrement, en matière d'accidents de la circulation, Cass. civ. 2, 10 novembre 2009, n° 08-16.920, Mme Sabrina Espigue, FS-P+B (N° Lexbase : A1675END).
(14) Jurisprudence antérieure: Cass. crim., 14 janvier 1971, n° 69-92.994 (N° Lexbase : A3767CHY), Bull. crim., n° 13 ; Cass. civ. 1, 15 février 1972, n° 70-11.489 (N° Lexbase : A5163CHP), Bull. civ. I, n° 51 : "la réparation du dommage ne saurait incomber pour le tout a son auteur lorsque la partie lésée a contribue au fait préjudiciable ou lorsqu'il a été relève chez la victime une prédisposition à ce dommage".
(15) Cass. civ. 1, 16 mai 1959, Bull. civ. 1, n° 299.
(16) Cass. crim., 10 avril 1973, n° 71-92.772 (N° Lexbase : A8959CGW) ; Cass. crim., 13 juillet 2006, n° 04-19.380, inédit (N° Lexbase : A4334DQL), Resp. civ. et assur., 2006, comm. 361, obs. S. Hocquet-Berg ; RTDCiv., 2007, p. 128, obs. P. Jourdain. Cass. crim., 30 janvier 2007, n° 05-87.617 (N° Lexbase : A3011DU3), Bull. crim., n° 23, Droit pénal 2007, n° 6, p. 25, note M. Véron. Cass. crim., 16 juin 2009, n° 08-88.283, inédit (N° Lexbase : A7598EIA).
(17) Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 00-10.650, M. Bernard Rémond c/ Mme Nelly Burgot, F-D (N° Lexbase : A8407AXN) : "l'accident a seulement provoqué une décompensation douloureuse d'un état arthrosique antérieur mais n'a pas modifié cet état, qui, même sans l'intervention de l'accident, aurait conduit à l'incapacité fonctionnelle".
(18) Cass. crim., 18 février 2003, n° 02-84.254, inédit (N° Lexbase : A4880EUB) (réduction de moitié) ; Cass. civ. 2, 12 décembre 2002, n° 00-14.015, Mme Anne Didier, épouse Motin c/ M. Pascal Boudier, F-D (N° Lexbase : A4032A44).
(19) En ce sens notamment F. Dreifuss-Netter, Feue la responsabilité civile contractuelle du médecin ?, Resp. civ. et assur., 2002, chron. 17.
(20) Solution qui résulte expressément de l'article L. 1142-1-I du Code de la santé publique.
(21) C. santé publ., art. L. 1142-18 (N° Lexbase : L4426DLI).
(22) M. Lamarche, Heurs et malheurs de l'obligation d'information en matière médicale, RRJ, 1998, pp. 1223-1241.
(23) Cass. civ. 1, 8 novembre 2000, n° 99-11.735, M X c/ M Yet autre (N° Lexbase : A7649AHR), Resp. civ. et assur., 2000, comm. 375 : "Attendu que la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient" ; Cass. civ. 1, 27 mars 2001, n° 99-13.471, M. Vlado Smatt c/ Mlle Soumilla Rahilou, F-P (N° Lexbase : A1115ATH), Resp. civ. et assur., 2001, chron. 13, par Ch. Radé.
(24) Selon les propres statistiques fournies par l'Office, le pourcentage de partages opérés entre la faute et l'aléa oscille entre 6 et 14 % (2,17 % pour 2003, 6,07 % pour 2004, 11,33 % pour 2005, 14,27 % pour 2006 et 6,59 % pour 2007).
(25) Un même raisonnement nous conduit d'ailleurs à souhaiter interdire le recours de l'EFS contre le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident s'agissant de la réparation du préjudice spécifique de contamination (en ce sens Resp. civ. et assur., 2006, comm. 226).
(26) En ce sens, notre étude dans Resp. civ. et assur., mai 2002, chron. 7, p. 7.

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Interprofessionnalité

[Questions à...] Notaire et avocat : deux professions concurrentes ou complémentaires ? - Questions à Véronique Furnal, avocate associée du cabinet Gatienne Brault et Associés et Bruno Casteran, notaire à Paris

Lecture: 6 min

N7338BN4

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

Depuis bientôt deux ans, la presse généraliste et spécialisée se fait l'écho des querelles (souvent passionnées) entre les notaires et les avocats sur leur champ d'activité respectif, chacun redoutant l'assaut de l'autre. Pour preuve, la polémique autour de la création de l'acte d'avocat. Mais, la presse s'intéresse, semble-t-il, moins à l'entente qui existe aussi entre ceux qui très souvent, par la force des choses ou par choix, travaillent ensemble. Au point que certains membres de ces professions envisagent celles-ci comme complémentaires l'une de l'autre et non forcément comme concurrentes. Des partenariats se sont formés pour permettre d'offrir un service sur mesure et de qualité à la clientèle. Parallèlement, le Gouvernement, séduit par la proposition du rapport "Darrois" de renforcer l'interprofessionnalité, plutôt que la création d'une grande profession du droit, devrait offrir des moyens supplémentaires pour permettre aux professionnels du droit de travailler ensemble. Un exemple récent : le projet de loi présenté par Michèle Alliot-Marie au Conseil des ministres le 17 mars dernier (1) comporte des dispositions ouvrant aux professions juridiques réglementées la possibilité de créer ensemble des holdings détenant une participation au sein des sociétés d'exercice de deux ou plusieurs de ces professions. A contre-courant, Lexbase Hebdo - édition professions laisse de côté les "sujets qui fâchent" et explore, cette semaine, la complémentarité des professions d'avocat et de notaire, avec Véronique Furnal, avocate associée du cabinet Gatienne Brault & Associés et Bruno Casteran, notaire à Paris (75017).

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter rapidement vos structures d'exercice ?

Véronique Furnal : Créé en 2000, Gatienne Brault & Associés est un cabinet "de niche", spécialisé en M&A (fusion/acquisition) et fonds de private equity. Nous conseillons les entreprises et les groupes pour l'ensemble de leurs opérations de haut de bilan (acquisitions, cessions d'entreprises, créations de filiales communes, structuration de véhicules d'investissement, etc.) et nous intervenons, également, dans la mise en place de plan d'accès du management au capital (stock options, actions gratuites, bons de créateurs d'entreprise -BCE-, instruments alternatifs).

Bruno Casteran : L'étude, créée en 2009, est née du regroupement de professionnels qui partagent une vision commune de leur métier et des compétences complémentaires. Outre les prestations classiques du notariat, nous offrons une expertise pointue, d'une part, en matière d'immobilier institutionnel et d'entreprise et, d'autre part, en droit de la famille et ingénierie patrimoniale. Notre première année d'existence a été satisfaisante, malgré le contexte de crise financière, et notre activité continue de se développer.

Lexbase : Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble ? Sur quels dossiers vos interventions sont-elles complémentaires ? Quels avantages vos structures et clientèles respectives en retirent-elles ?

Véronique Furnal et Bruno Casteran : Aujourd'hui, nous collaborons sur un dossier mêlant des aspects "corporate" et immobiliers. Notre relation est sereine et nous envisageons de renouveler l'expérience chaque fois que cela sera opportun. Nos champs d'intervention sont complémentaires. Nous associons, donc, nos expertises et organisons nos réseaux ou pôles de compétences, en fonction des besoins de notre clientèle.

Véronique Furnal : Prenons l'exemple des opérations de croissance organique et/ou externe et de restructuration d'entreprises : aux côtés des aspects corporate et M&A, il arrive souvent que se posent des problématiques sous-jacentes essentielles, notamment, en matière immobilière, patrimoniale et/ou de donation.

C'est le cas du dossier sur lequel nous venons de travailler ensemble. L'un de nos clients envisageait une opération de croissance externe d'envergure, portant sur l'acquisition combinée des "murs et fonds". Le montage consistait à créer une SCI qui deviendrait propriétaire de l'immeuble et serait logée au sein d'une structure ad hoc (société foncière, société de crédit bail, etc.). Cette opération nécessitant l'intervention d'un notaire, en particulier sur la partie "acquisition des murs", nous avons fait appel à Bruno Casteran.

Nous connaissions l'étude et l'équipe de Bruno Casteran pour avoir déjà travaillé sur d'autres dossiers. Outre la qualité de leurs prestations, nous apprécions particulièrement la modernité de leurs méthodes de travail et leur réactivité. Si notre expertise diffère, nous travaillons de la même façon et avec les mêmes outils. La situation n'est finalement pas si différente de celle où nous faisons intervenir certains de nos confrères dont l'activité est complémentaire de la nôtre (droit de la concurrence, droit social, fiscalité, etc.).

Bruno Casteran : Notre collaboration sur différents dossiers fonctionne bien, car le partage du travail est sain : il repose sur nos domaines d'expertise respectifs. Nous choisissons de raisonner par spécialités, ce qui exclut la compétitivité entre nous.

Nous tenons, néanmoins, compte des spécificités de nos professions ; en particulier, déontologiques.

Lexbase : Le projet de loi présenté par Michèle Alliot-Marie sur la réforme des professions juridiques et judiciaires et réglementées prévoit un rapprochement capitalistique des professionnels du droit. Qu'est-il permis, aujourd'hui, pour les structures d'exercice des avocats et celles des notaires ? Qu'est ce que le texte pourrait changer ?

Véronique Furnal et Bruno Casteran : La loi "Murcef" (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier N° Lexbase : L0256AWE) a permis la constitution de sociétés holdings de professions libérales, les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFL).

Aux termes de l'article 48-2 du décret n° 2004-852 (N° Lexbase : L8898H3X), des avocats appartenant ou non à un même barreau peuvent constituer une SPFL d'avocats, dans laquelle peuvent, également, être associées des personnes exerçant une profession judiciaire ou juridique soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. En ce compris les notaires.

L'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 (loi n° 90-1258, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales N° Lexbase : L3046AIN) précise, toutefois, que plus de la moitié du capital et des droits de vote doivent toujours être détenus par des personnes exerçant la profession d'avocat. En outre, les dirigeants de la structure et, le cas échéant, les deux tiers au moins des membres du conseil d'administration ou de surveillance doivent appartenir à la profession d'avocat.

Parallèlement, la loi du 11 décembre 2001 a autorisé les personnes morales SCP et SEL à exercer la profession d'avocat et à détenir plus de la moitié des actions ou des parts d'une autre SEL ou d'une SPFL.

Quant aux notaires, s'ils pouvaient créer des SPFL, le décret du 23 août 2004 (décret n° 2004-856, pris pour l'application à la profession de notaire du titre IV de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L1594GT9) fermait le capital à toute personne qui n'était pas membre de cette profession (contrairement au dispositif applicable aux avocats), sauf :

- pendant un délai de dix ans pour les personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé la profession ; et

- pour leurs ayants droit, pendant un délai de cinq ans.

Cette restriction a été récemment supprimée par le décret du 22 septembre 2009 (décret n° 2009-1142, autorisant l'ouverture du capital des sociétés de participations financières de professions libérales d'huissiers de justice, de commissaires-priseurs judiciaires et de notaires aux membres des professions judiciaires ou juridiques N° Lexbase : L7937IEP), qui autorise l'ouverture du capital des SPFL de notaires aux membres des professions judiciaires ou juridiques soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

De la même façon que pour les SPFL d'avocats, la majorité du capital et des droits de vote de la holding doivent toujours être détenus par des notaires.

L'article 21 du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées étend les cas de figure : de la diversité des actionnaires, on passe à la diversité de la structure. Le texte, s'il est voté, permettrait, en effet, aux personnes physiques ou morales exerçant plusieurs professions juridiques ou judiciaires réglementées de constituer des SPFL détenant des droits sociaux dans des sociétés dont l'objet est l'exercice de deux ou plusieurs des professions d'avocat, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de notaire. Ces sociétés pourront, par ailleurs, participer à tout groupement de droit étranger ayant pour objet l'exercice d'une des professions précitées. Une limite est ici aussi prévue : plus de la moitié du capital et des droits de vote devrait être détenue par des professionnels en exercice au sein des structures dans lesquelles la SPFL détient une participation.

Autrement dit, les professionnels de toutes les familles du droit (notaires, avocats, etc.) pourraient exercer au sein d'une même structure, détenue par une holding dont ils seraient les associés majoritaires.

Lexbase : L'objectif du projet de loi est de renforcer la compétitivité des structures françaises face aux cabinets anglo-saxons. Pensez-vous que la mesure remplisse cet objectif ?

Véronique Furnal et Bruno Casteran : Les rapprochements capitalistiques entre les avocats et les autres professions juridiques réglementées étaient admis depuis 2004 au sein des holdings de cabinets d'avocats. Le décret du 22 septembre 2009 (précité) a continué cette ouverture en transposant le régime aux notaires, mais également, aux huissiers et commissaires-priseurs judiciaires. Le projet de loi présenté par le Garde des Sceaux serait une étape supplémentaire et logique de ce dispositif. Il s'agirait, donc, d'une avancée, mais pas vraiment d'une révolution en soi.

Cette nouvelle possibilité peut s'adresser à des structures plus importantes que les nôtres en termes d'effectifs et qui souhaitent proposer un service global à leur clientèle, à l'instar des cabinets anglo-saxons.

Dans nos structures à taille "humaine", la démarche "all inclusive" est informelle, mais s'organise efficacement au gré des besoins. Nos profils sont différents, mais complémentaires. Notre valeur ajoutée repose sur notre technicité et notre collaboration nous permet de muscler notre intervention, de sorte que cette démarche pluridisciplinaire bénéficie pleinement au client.

En résumé, notre différence de culture professionnelle et de domaine d'intervention, loin d'être un frein à l'aboutissement d'un dossier, représente une réelle force pour le client, ce qui constitue toute la richesse de notre collaboration.


(1) Lire Ce qu'il faut retenir du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, Lexbase Hebdo n° 24 du 25 mars 2010 - édition professions (N° Lexbase : N6155BNB).

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Fiscalité immobilière

[Textes] La France met en conformité le régime de la TVA immobilière avec le droit communautaire

Réf. : Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L6232IGW)

Lecture: 8 min

N7259BN8

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par Guy Quillévéré, Rapporteur public près le tribunal administratif de Nantes

Le 07 Octobre 2010

Les règles en matière de TVA sur les opérations immobilières constituaient, avant la réforme, un régime essentiellement dérogatoire aux règles communautaires nées de la transposition de la 6ème Directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9). La Commission européenne avait, récemment, demandé à la France de modifier sa législation sur les terrains à bâtir (communiqué IP/09/1767 du 20 novembre 2009). La réforme de la TVA immobilière insérée dans la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 N° Lexbase : L6232IGW) satisfait à cette demande, mais recouvre plus largement une harmonisation ambitieuse de la TVA immobilière avec la Directive TVA du 28 novembre 2006 (Directive 2006/112/CE N° Lexbase : L7664HTZ) puisqu'elle conduit, notamment, à modifier la définition des terrains à bâtir, à inverser le redevable de la TVA, à mettre fin à l'exonération de TVA pour les terrains à bâtir et à modifier le régime des marchands de biens. I - Les enjeux et l'esprit de la réforme

La mise en conformité du droit français avec le droit communautaire est motivée par la recherche d'une sécurité juridique accrue, la lutte contre l'évasion fiscale et la simplification espérée du régime de la TVA immobilière.

A - La lutte contre l'évasion fiscale, premier motif de la réforme

Nonobstant les litiges devant les juridictions françaises soulignant l'incompatibilité de certaines dispositions de droit national avec le droit communautaire (par exemple, CAA de Bordeaux, 3ème ch., 4 avril 2006, n° 02BX01880 N° Lexbase : A4889EUM ou CAA de Paris, 2ème ch., 11 juillet 2006, n° 04PA01325 N° Lexbase : A8312DQW), le législateur français a tardé à intervenir. Les enjeux économiques et juridiques liés à la demande de mise en conformité au droit communautaire, en dépit du caractère non délocalisable des immeubles, imposaient toutefois à la France d'apporter une réponse à la demande de la Commission. Cette dernière avait, en effet, demandé instamment à la France, le 20 novembre 2009, et sous peine de la saisine de la CJUE, de revoir les modalités d'imposition des terrains à bâtir (TAB), réalisées au profit des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles d'habitation.

Avant la réforme, il était notamment prévu un régime spécial pour les acquisitions de terrains par des personnes physiques en vue de construire un bien immobilier qu'elles affectaient à un usage d'habitation. C'est ce dispositif qui a été regardé par la Commission comme contraire à la Directive TVA. Il existait un biais juridique résultant de la définition différente de redevable en matière d'acquisition de terrain à bâtir lequel pouvait générer une évasion fiscale substantielle. En droit interne, c'est l'acquéreur qui est le redevable légal, alors que le droit communautaire prévoit que c'est le vendeur qui doit, dans tous les cas, acquitter la TVA. Ce biais juridique risquait d'engendrer une évasion fiscale, dès lors qu'il était exploité par des professionnels de l'immobilier lors d'une opération portant sur un terrain à bâtir. Ainsi, l'acquéreur, invoquant le droit communautaire et l'incompatibilité de la disposition de droit interne, pouvait échapper au paiement de la taxe, le redevable étant au regard du droit communautaire le vendeur. Parallèlement, le cédant dispensé de s'acquitter de la TVA pouvait la déduire en sa qualité de redevable au regard des règles applicables du droit communautaire. De cette manière, le biais né de la non-conformité de la disposition nationale au droit communautaire pouvait emporter, par une exploitation habile de la règle de droit, la circonstance étonnante où la TVA d'amont serait déduite alors que le service ne serait pas assuré du recouvrement de la TVA.

Ainsi, la mise en conformité du droit national, au droit communautaire en matière d'exigibilité de la TVA en matière de vente en l'état de futur achèvement, de taxation sur la marge dont bénéficiaient les marchands de biens à l'occasion de certaines opérations immobilière, ou encore l'exonération de TVA des cessions de terrains à bâtir au profit des particuliers pour la construction de leurs logements, participe, tout comme l'harmonisation de la notion de redevable au droit communautaire, d'une mise en cohérence des règles juridiques assurant une réduction des contradictions exploitables du droit interne et communautaire, susceptibles d'engendrer une évasion fiscale.

B - Une volonté affichée de simplification et de mise en cohérence du régime juridique de la TVA immobilière

Outre, le biais introduit par la qualité du redevable, subsistaient d'autres différences entre le droit national et le droit communautaire. Ainsi, les terrains à bâtir relevaient d'un régime ad hoc de taxation aux droits d'enregistrement en contradiction avec la Directive de 2006 qui prévoit que ces opérations ne peuvent être exonérées de TVA. De même, les marchands de biens connaissaient un régime particulier de TVA sur leur marge leur permettant de déduire la TVA grevant les frais d'aménagement. Ces règles dérogatoires appliquées par la France pour les immeubles qui sont essentiellement issues d'une loi de 1963, portant réforme de l'enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière, se devaient d'être simplifiées (loi n° 63-254 du 15 mars 1963 N° Lexbase : L4721GUE).

La réforme de la TVA immobilière exprime, en conséquence, une volonté de simplification qui se traduit par une banalisation des opérations portant sur les immeubles au regard de la TVA, ces dernières faisant désormais partie, en un sens, du droit commun de la TVA. La mise en conformité du droit interne au droit communautaire est l'occasion pour le législateur d'initier un réel effort de simplification d'un régime juridique traditionnellement regardé comme complexe et dérogatoire. Cette simplification des règles applicables offre ainsi une souplesse accrue aux opérateurs pour placer leurs opérations sous tel ou tel régime d'exonération ou de réduction des droits de mutation à titre onéreux. La réforme est donc l'occasion de supprimer certaines dispositions obsolètes, mais surtout de définir une nouvelle ligne de partage permettant de distinguer les opérations réalisées dans le cadre d'une activité économique de celles réalisées en dehors d'une telle activité.

II - Nouvelle frontière et principales mesures de la réforme

La réforme de la TVA immobilière la fond dans la TVA de droit commun, l'économie générale de la réforme conduisant à identifier les principales mesures, et à s'intéresser plus précisément à la nouvelle rédaction de l'article 256 II 1° du CGI (N° Lexbase : L7496IGQ).

A - La suppression de la TVA immobilière et la distinction des opérations éligibles à la TVA en fonction du critère de l'activité économique

Le régime de la TVA immobilière est supprimé en tant que tel par la nouvelle écriture de l'article 256 du CGI. Il est, dorénavant, fondé sur la distinction entre opérations entrant dans le cadre d'une activité économique définie à l'article 256 A du CGI (N° Lexbase : L3557IAY) et celles réalisées en dehors, et non plus sur les opérations entrant ou non dans le champ d'application de la TVA.

Ainsi, relèvent du champ d'application de la TVA de droit commun l'ensemble des livraisons de biens meubles ou immeubles. La suppression de la référence à la notion de "meuble", porte création d'un nouveau partage entre les opérations réalisées dans le cadre d'une activité économique et celles qui ne le sont pas. Les opérations immobilières réalisées dans le cadre d'une activité économique sont traitées différemment des autres opérations immobilières. Cela s'est traduit par une nouvelle écriture de l'article 256 II, 1° du CGI. La summadivisio repose donc sur le fait que le vendeur soit ou non assujetti à la TVA pour les opérations portant sur des immeubles ou des terrains bâtis ou non. Cela conduit par exemple à exonérer de TVA les livraisons de terrains qui ne sont pas à bâtir effectuées par un vendeur assujetti et à regarder la même opération faite par un vendeur non assujetti comme hors du champ d'application de la TVA.

Notons qu'en matière de droits de mutation à titre onéreux, le législateur a mis à profit la réforme pour assouplir les conditions d'application des régimes de faveur permettant une exonération ou une réduction des droits de mutation.

B - Les principales règles applicables

Lorsque le vendeur est un non assujetti à la TVA les ventes de terrains à bâtir sont hors champ de la TVA. Les livraisons de terrains à bâtir par un assujetti sont, de leur côté, soumises de plein droit à la TVA, la notion de terrain à bâtir recouvrant désormais une définition objective s'appuyant sur le droit de l'urbanisme, et non plus sur l'intention de construire de l'acquéreur. Le nouvel article 257 du CGI (N° Lexbase : L7350IGC) redéfinit le terrain à bâtir lequel est désormais compris comme : "Terrains situés dans un secteur désigné comme constructible du fait de leur classement par un plan local d'urbanisme ou par un document d'urbanisme en tenant lieu dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation, ou par une carte communale dans une zone constructible". La TVA est appliquée sur le prix total lorsque le terrain avait ouvert droit à déduction lors de son acquisition par le cédant et sur la marge lorsque le terrain n'avait pas ouvert droit à déduction lors de son acquisition par le cédant. La livraison des autres terrains effectuée par un assujetti est exonérée de TVA même si les assujettis ont la possibilité de soumettre volontairement cette livraison à la TVA sur option (CGI, art. 260-5° bis N° Lexbase : L7398IG4).

Les droits de mutation à titre onéreux (DTMO) diffèrent (0,715 % ou 5,09 %) selon que la TVA est due sur le prix total ou sur la marge, l'engagement de construire et de revendre dans des délais respectifs de 4 et 5 ans, qui disparaît pour les besoins de la TVA, demeure une notion utile pour les droits d'enregistrement. L'articulation des délais de construction et de revente pour la fixation des DTMO devra être précisée par l'administration.

Pour les livraisons d'immeubles neufs, la TVA est calculée sur le prix total et les DTMO sont des droits réduits à 0,715 % (CGI, art.1594 F quinquies N° Lexbase : L7462IGH). Par ailleurs, s'agissant des immeubles autres qu'un immeuble neuf, la vente entre deux assujettis est exonérée de TVA mais une option est possible pour une taxation sur le prix total ou par application du régime de la marge (CGI, art. 260-5 bis). En ce qui concerne les DTMO le taux global de 5,09 % est applicable sauf si un constructeur effectue une activité économique et prend un engagement de construire dans le délai de quatre ans auquel cas l'opération est exonérée de DTMO ; si est pris un engagement de revendre, le taux réduit de 0,715 % s'applique. Si le vendeur est assujetti ou non à la TVA, mais non l'acheteur, les DTMO sont ceux de droit commun de 5,09 % ; si le vendeur n'est pas assujetti à la TVA, les DTMO sont de 5,09 %, sauf s'il existe un engagement de revendre les DTMO étant alors de 0,715 %, l'exonération prévaut en présence d'un engagement de construire (CGI, 1594-0 G N° Lexbase : L7443IGR).

Une autre innovation importante de la réforme est la généralisation de l'obligation de livraison à soi-même des immeubles non vendus dans les deux ans de leur achèvement. La TVA s'appliquera, ainsi, aux livraisons à soi-même d'immeubles réalisées par des assujettis ou des non assujettis, ou à des livraisons qui ne sont pas le fait d'assujettis. La TVA s'appliquera, désormais, à certaines opérations qui ne constituent pas des livraisons d'immeubles en tant que telles, par exemples, les cessions de droits portants sur des immeubles dont le régime suit celui de l'immeuble sur lequel ils portent. La réforme emporte donc des conséquences importantes notamment pour les activités d'achat revente d'immeubles. Par ailleurs, la réforme met fin à l'inversion du redevable et les règles d'exigibilité applicables aux ventes en état de futur achèvement ont été modifiées.

Des instructions administratives l'une relative à la TVA, l'autre aux droits de mutation à titre onéreux, vont commenter cette réforme qui s'applique aux opérations immobilières réalisées à compter du 11 mars 2010 et touchera de nombreux professionnels, lotisseurs, promoteurs ou marchands de biens.

newsid:387259

Urbanisme

[Jurisprudence] Chronique de droit de l'urbanisme - Avril 2010

Lecture: 18 min

N7350BNK

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par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat

Le 21 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de droit de l'urbanisme, rédigée par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat. Par deux décisions des 10 ("M. et Mme Thévenet") et 12 mars 2010 ("Lille Métropole Communauté urbaine"), le Conseil d'Etat a apporté des précisions sur la procédure applicable aux autorisations de construire. La première de ces décisions ("M. et Mme Thévenet") confirme le caractère de mesures de police des décisions d'interruption des travaux prises par le maire et leur soumission à une procédure contradictoire, tout en précisant les conditions qui, en cas d'urgence, permettent de s'affranchir de cette procédure. La seconde de ces décisions ("Lille Métropole Communauté urbaine") transpose aux plans locaux d'urbanisme la solution jusqu'alors applicable aux plans d'occupation des sols en cas de modification de ces documents après l'enquête publique. Si les solutions dégagées par ces deux décisions confirment, pour l'essentiel, une jurisprudence assez bien établie, il n'en est pas de même des deux autres décisions du 10 mars 2010 ("Société civile immobilière GFM" et "Lévy") qui retiennent une solution inédite : le Conseil d'Etat a, en effet, indiqué, pour la première fois, quels étaient les préjudices dont le propriétaire d'un bien préempté était fondé à demander réparation, que l'administration ait finalement renoncé à exercer son droit de préemption ("Société civile immobilière GFM"), ou qu'elle ait mené à son terme la procédure de préemption ("MM. Jean et Guy Levy").
  • Les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 sont, sauf urgence, applicables aux décisions par lesquelles le maire ordonne l'interruption des travaux (CE 1° et 6° s-s-r., 10 mars 2010, n° 324076, M. et Mme Thévenet, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1637ETS)

1) Les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables aux décisions retirant des décisions de non-opposition à travaux et des permis de construire

Selon le Conseil d'Etat, la décision implicite de non-opposition à travaux intervenue en application des dispositions de l'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6344IDC) est une décision créant des droits au profit de son bénéficiaire. Le retrait d'une telle décision doit, non seulement, être motivé en application de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7), mais, en outre, respecter les exigences de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0400AIN), ce qui signifie que la décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations.

Rappelons que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoient "qu'exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 [...] n'interviennent qu'après que la personne a été mise à même de présenter des observations". Dès lors qu'une décision de retrait d'une non-opposition tacite à déclaration de travaux est un acte qui retire une décision créatrice de droit, et qui doit, à ce titre, être motivé en application de la loi du 11 juillet 1979, une telle décision de retrait doit faire l'objet, en application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, d'une procédure contradictoire. Une décision du 30 mai 2007 (1) est venue confirmer et solenniser la solution déjà retenue par le Conseil dans une décision du 23 juin 2004 (2), rendue en sous-section jugeant seule et en cassation d'une ordonnance de référé. Ajoutons que le Conseil d'Etat avait déjà jugé que les décisions de retrait de permis de construire tacites devaient respecter les exigences des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 (3).

2) La décision du 10 mars 2010 confirme l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux arrêtés interruptifs de travaux

Avant la décision "M. et Mme Thévenet", les juges du fond avaient déjà considéré que les arrêtés interruptifs de travaux étaient soumis à la procédure contradictoire de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors qu'ils constituent des mesures de police figurant au nombre des décisions mentionnées à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 (4). Le Conseil d'Etat avait, quant à lui, retenu une même solution lorsqu'il avait été saisi dans le cadre de procédures d'urgence (5). Dans le cadre des procédures normales, le Conseil avait écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, à l'occasion d'une affaire dans laquelle les requérants avaient pu faire part de leurs observations (6), mais il l'avait accueilli dans une espèce où le courrier les invitant à présenter des observations ne leur avait été notifié que la veille de la date à laquelle l'arrêté interruptif de travaux avait été pris (7).

En indiquant, dans sa décision du 10 mars 2010, que "la décision par laquelle le maire ordonne l'interruption des travaux au motif qu'ils ne sont pas menés en conformité avec une autorisation de construire, qui est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations, sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles", le Conseil d'Etat confirme donc que les arrêtés interruptifs de travaux doivent respecter les exigences posées par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. La décision du 10 mars 2010, sur ce point, vient donc seulement consacrer une jurisprudence déjà bien établie.

3) La décision du 10 mars 2010 innove en précisant à quelles conditions un arrêté interruptif de travaux est dispensé, au nom de l'urgence, du respect des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000

Le Conseil précise, en effet, dans cette décision, que "la situation d'urgence permettant à l'administration de se dispenser de cette procédure contradictoire s'apprécie tant au regard des conséquences dommageables des travaux litigieux, que de la nécessité de les interrompre rapidement en raison de la brièveté de leur exécution". Elle s'apprécie donc au regard de la brièveté du délai d'exécution, mais aussi des conséquences dommageables des travaux. Ces deux critères, l'un temporel et l'autre matériel, sont cumulatifs, ce qui signifie que la seule brièveté du délai d'exécution des travaux ne peut suffire, à elle seule, à caractériser une situation d'urgence permettant de s'affranchir du respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. C'est la raison pour laquelle, dans la décision commentée, le Conseil d'Etat a annulé pour erreur de droit l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille : celle-ci s'était, en effet, bornée "à relever, qu'eu égard au délai de réalisation des travaux, qui n'était que de quelques jours, le maire a été placé dans une situation d'urgence telle qu'il pouvait s'abstenir de respecter la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, sans rechercher quels étaient l'importance et les effets des travaux en cause". Autrement dit, la cour s'est contentée de vérifier le respect du seul critère du délai d'exécution des travaux, alors qu'elle aurait aussi dû, pour caractériser l'existence d'une situation d'urgence, vérifier si le second critère tenant aux travaux en cause était, également, rempli.

Le Conseil d'Etat, après avoir annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, a donc, également, examiné l'importance et les effets des travaux. En l'espèce, il s'agissait de la construction, en contrebas d'une maison, d'un mur de 3,20 mètres de haut, alors que seul 1,20 mètre avait été autorisé. Les deux mètres d'écart permettaient au propriétaire de niveler le terrain d'assiette de la maison. Le Conseil a estimé que l'importance du mur et ses effets sur le voisinage comportaient des conséquences dommageables importantes : le critère matériel de caractérisation de l'urgence était donc rempli. Or, le critère temporel l'était, également, eu égard à la brièveté de l'exécution des travaux. En conséquence, le Conseil a considéré que la situation d'urgence était caractérisée, ce qui rendait inopposable toute procédure contradictoire préalable.

  • Les conditions de modification du plan local d'urbanisme après enquête publique : neutralisation jurisprudentielle des modifications législatives (CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2010, n° 312108, Lille Métropole Communauté urbaine, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1612ETU)

1) Les deux conditions présidant à la modification du plan d'occupation des sols après enquête publique

Dans le droit applicable au POS avant l'entrée en vigueur de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 N° Lexbase : L9087ARY), les possibilités d'apporter des changements au contenu du plan avant son approbation étaient strictement limitées par l'article R. 123-12 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2924DZC). Il en résultait que "les modifications apportées à un projet de plan d'occupation des sols entre la date de sa soumission à enquête publique et celle de son approbation ne peuvent avoir pour objet que de tenir compte des résultats de l'enquête publique ou des propositions de la commission de conciliation, même lorsque ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet" (8).

La modification du POS était soumise à deux conditions cumulatives. En premier lieu, elles ne pouvaient avoir pour objet que de tenir compte des résultats de l'enquête publique ou des propositions de la commission de conciliation (9). En second lieu, les modifications après enquête ne pouvaient remettre en cause l'économie générale du projet de plan (10). Le Conseil d'Etat a, ainsi, jugé que n'affectait pas l'économie générale du plan une modification du règlement d'une zone NA ne représentant que 3 % du territoire de la commune pour y interdire les lotissements et ne conserver que les constructions existantes (11), ou des modifications d'importance limitée et portant sur des espaces de faible superficie (12).

La notion d'économie générale est éclairée par l'abondante jurisprudence appliquée au champ d'application de la procédure de modification du plan en vigueur et qui paraît transposable à la modification d'un projet de plan avant son approbation. Il convient de rappeler, à cet égard, les observations du commissaire du Gouvernement Bonichot (13) : "Un plan d'occupation des sols est un parti d'urbanisme, c'est-à-dire un ensemble de choix d'urbanisme qui ont leur cohérence. Il faut bien voir que les différents choix à faire pour l'élaboration d'un plan d'occupation des sols n'ont pas tous la même importance et même en réalité, des choix importants, il n'y en a qu'un nombre limité. Dans ces conditions, lorsqu'est remise en cause une des options d'urbanisme et que cette remise en cause a une incidence, même limitée sur l'ensemble du plan, on peut dire qu'il y a modification de l'économie générale du plan".

Précisons, enfin, qu'en cas de changements affectant l'économie générale, une nouvelle enquête est nécessaire et doit être précédée d'une nouvelle délibération du conseil municipal arrêtant le projet de plan modifié (14).

2) Ces conditions sont, également, applicables à la modification des plans locaux d'urbanisme

Dans le droit aujourd'hui applicable au PLU, le Code de l'urbanisme ne prévoit plus de restrictions : l'article L. 123-10 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2416ATN) prend le parti du laconisme par cette formule : "après l'enquête publique, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé [...]". Est-ce à dire que la collectivité chargée de l'élaboration peut apporter toutes les modifications qu'elle juge utile ? La décision du 12 mars 2010 apporte une réponse claire à cette question : les deux conditions auxquelles était soumise la modification des POS restent applicables à la modification des PLU. Selon le Conseil, en effet, "il ressort du rapprochement des articles L. 123-3-1 ancien (N° Lexbase : L2428IBK) et L. 123-10 précités, qui sont rédigés dans des termes semblables, ainsi que des travaux préparatoires de la loi du 13 décembre 2000, que le législateur n'a pas entendu remettre en cause les conditions ci-dessus rappelées [absence de remise en cause de l'économie générale du projet et modification procédant de l'enquête publique] dans lesquelles le plan d'urbanisme peut être modifié après l'enquête publique [...] par suite, et alors même que les nouvelles dispositions [...] de l'article R. 123-19 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3315HCR), ne font plus apparaître la mention que le plan d'urbanisme est éventuellement modifié 'pour tenir compte des résultats de l'enquête publique', les modifications des plans d'urbanisme doivent, à peine d'irrégularité, continuer à respecter les deux conditions analysées ci-dessus".

L'on voit donc que le Conseil d'Etat a neutralisé la modification des dispositions législatives et réglementaires intervenue dans le cadre de la substitution des PLU aux POS, afin que cette modification ne conduise pas à laisser aux collectivités une trop grande marge de manoeuvre en matière de modification des documents d'urbanisme.

Deux hypothèses doivent, à cet égard, être envisagées. En premier lieu, lorsque la modification du PLU ne procède pas de l'enquête publique, mais ne remet pas en cause l'économie générale du projet, la collectivité doit (seulement) procéder à une nouvelle enquête publique. Rappelons, sur ce point, qu'en cas de nouvelle enquête publique, le maire doit demander au président du tribunal administratif la désignation d'un commissaire-enquêteur : cette nouvelle enquête ne peut être légalement confiée par le maire au commissaire-enquêteur qui avait conduit la première enquête, car en remettant son rapport, il avait épuisé sa compétence avec la remise du rapport d'enquête (15). Cette première hypothèse (modification ne procédant pas de l'enquête publique mais ne remettant pas en cause l'économie générale du projet) était celle de la décision du 12 mars 2010. Le Conseil d'Etat a, ainsi, considéré "qu'en relevant que la modification dans le choix du zonage d'un espace d'environ huit hectares, qui ne procédait pas de l'enquête publique, ne pouvait, même en application des nouvelles dispositions de l'article R. 123-19 du Code de l'urbanisme, intervenir sans être soumise à une nouvelle enquête publique, alors même qu'elle ne portait pas atteinte à l'économie générale du plan local d'urbanisme, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit". Autrement dit, dès lors que l'économie générale du PLU n'est pas remise en cause, il faut seulement procéder à une nouvelle enquête publique.

En second lieu, lorsque la modification du PLU remet en cause l'économie générale du projet (que la modification résulte, ou non, de l'enquête publique), il faut non seulement procéder à une nouvelle enquête publique mais, en outre, faire précéder cette enquête d'une délibération arrêtant le nouveau projet de plan (16). En effet, l'enquête ne peut porter que sur le plan tel qu'il a été arrêté. Le projet de plan tel qu'il aura fait l'objet du nouvel arrêt par le conseil municipal (ou l'organe délibérant de l'EPCI) devra donc, à nouveau, être soumis à diverses consultations. L'exigence d'une délibération arrêtant le nouveau projet de plan s'impose dès que la modification remet en cause l'économie générale du projet. Il a été jugé que la circonstance que cette modification résulte, ou non, de l'enquête publique était indifférente puisque la seule remise en cause de l'économie générale rend le PLU adopté illégal (17).

  • Les modalités d'indemnisation du préjudice subi par le propriétaire d'un bien préempté (CE 1° et 6° s-s-r., 10 mars 2010, n° 323543, Société civile immobilière GFM N° Lexbase : A7984ETU et n° 323081, MM. Jean et Guy Levy N° Lexbase : A1633ETN, mentionnés dans les tables du recueil Lebon)

1) La fixation du prix du bien illégalement préempté en cas d'annulation de la décision de préemption

Rappelons d'abord que, s'il incombe au titulaire du droit de préemption de s'abstenir de vendre à un tiers le bien illégalement acquis, celui-ci doit, également, sauf atteinte excessive à l'intérêt général apprécié au regard de l'ensemble des intérêts en présence, proposer à l'acquéreur évincé, puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir ledit bien (18).

Par une décision du 31 décembre 2008 (19), le Conseil d'Etat a précisé les modalités de fixation du bien illégalement préempté lorsque la procédure de préemption, contrairement à ce qu'il en est dans la décision commentée du 10 mars 2010, a été menée à bien, et que son annulation n'est intervenue que plusieurs années après que l'administration a exercé son droit de préemption et est devenue propriétaire du bien en cause. Selon le Conseil, l'immeuble litigieux doit être proposé à l'acquéreur évincé au prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner, et non pas à un prix nouveau correspondant à la valeur du bien au jour de sa "restitution". Toutefois, ce principe peut être infléchi lorsque des modifications ont été apportées à la consistance physique du bien.

En premier lieu donc, le prix auquel le titulaire du droit de préemption propose à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien illégalement acquis est, en principe, celui indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner. Il s'agit ainsi de "rétablir autant que possible les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle" (20). En effet, si le prix devait être déterminé, non pas sur la base de la valeur indiquée dans la transaction initiale, mais en fonction de la valeur dudit bien au moment de la restitution de celui-ci, ceci reviendrait dans certains cas à priver l'ancien propriétaire, voire l'acquéreur évincé, d'une éventuelle plus-value, celle-ci étant alors captée par la collectivité publique -alors même que cette dernière a commis une illégalité- et ce, en méconnaissance des règles dégagées par la Cour européenne dans l'arrêt "Motais de Narbonne" (21).

En second lieu, le prix de référence auquel est proposé l'immeuble à l'acquéreur évincé ou au propriétaire initial peut faire l'objet d'un "ajustement" pour tenir compte "des éventuelles modifications apportées au bien consécutivement à l'exercice de la préemption litigieuse". Dans l'hypothèse où des travaux de réparation, ou d'amélioration, ont été réalisés à la suite de la préemption litigieuse, la collectivité publique est fondée à réclamer à l'acquéreur évincé -et aussi très certainement au vendeur, au cas où la rétrocession de l'immeuble lui serait proposée- le remboursement des sommes qu'elle a engagées à cet effet. Cette solution vise à éviter un "enrichissement injustifié" de l'acquéreur et, par là même, au respect de la règle prétorienne que "nul ne doit s'enrichir aux dépens d'autrui". Dans l'hypothèse contraire de dégradation du bien, le prix de référence doit être diminué des dépenses que l'acquéreur évincé ou, vraisemblablement, même si cela n'est pas indiqué, l'ancien propriétaire, devrait exposer pour remettre le bien dans l'état dans lequel il se trouvait initialement.

2) L'indemnisation du propriétaire du bien illégalement préempté en cas d'abandon de la procédure de préemption

L'on sait que toute décision de préemption illégale constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune et que le propriétaire peut obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité. La détermination du préjudice indemnisable soulève, toutefois, des difficultés particulières dans l'hypothèse où le titulaire du droit de préemption, bien qu'ayant exercé son droit et, ainsi, bloqué la vente envisagée, n'a pas été jusqu'au bout et a renoncé à l'acquisition. Dans la décision "Société civile immobilière GFM" du 10 mars 2010, le Conseil d'Etat précise, de manière particulièrement pédagogique, les règles qui s'appliquent alors pour calculer le préjudice indemnisable. Dans son principe, il existe "dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de décision de renonciation". Un second préjudice indemnisable réside dans l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le vendeur de "disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévu par cet acte et la date de la vente effective, dès lors que celle-ci a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité". En revanche, il n'y a pas lieu de retenir le préjudice subi à raison de la différence entre le prix figurant dans la promesse de vente initiale et celui proposé par la commune dans sa décision de préemption.

Il résulte de cette décision que le propriétaire d'un bien illégalement préempté peut obtenir réparation de deux préjudices, le second préjudice étant en quelque sorte la prolongation temporelle du premier. Le premier préjudice équivaut à la différence entre le prix de vente du bien tel que fixé par la promesse (ou le compromis) de vente, et la valeur du bien à la date à laquelle l'administration a décidé de renoncer à exercer son droit de préemption. Le second préjudice prolonge temporellement le premier et il est soumis à une condition de délai puisqu'il équivaut à la différence entre le prix de vente du bien tel que fixé par la promesse (ou le compromis) de vente et le prix auquel le bien a été effectivement vendu, à condition que cette vente soit intervenue dans un délai raisonnable après renonciation de l'administration à exercer son droit de préemption. L'on peut penser que ce délai raisonnable sera de quelques mois mais qu'il pourra être plus important en cas (comme actuellement) de crise du marché immobilier se traduisant par un allongement des délais de transaction. Il est probable que le juge administratif tiendra compte des délais moyens de transaction pour des biens similaires.

Eu égard à la condition de délai raisonnable à laquelle elle est soumise, l'indemnisation de ce second préjudice est plus aléatoire que l'indemnisation du premier préjudice. En effet, "lorsque la vente n'a pas eu lieu dans un tel délai, quelles qu'en soient les raisons, le terme à prendre en compte pour l'évaluation de ce second préjudice doit être fixé à la date de la décision de renonciation", ce qui signifie que, si la condition de délai raisonnable n'est pas remplie, l'indemnisation ne peut couvrir que le premier préjudice.

En revanche, le propriétaire d'un bien que l'administration a renoncé de préempter ne pourra demander à être indemnisé à hauteur de la différence entre le prix de vente du bien tel que fixé par la promesse (ou le compromis) de vente, et le prix auquel l'administration se proposait d'acquérir le bien dans le cadre de son droit de préemption. La décision du 10 mars 2010 relève, ainsi, que la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en écartant ce mode de calcul du préjudice, et qu'elle a pu se fonder sur le motif que le vendeur "avait retrouvé la libre disposition de son bien après que la commune d'Orange eût renoncé à exercer son droit de préemption", et qu'il n'établissait pas avoir été définitivement privé, "du fait de la décision illégale de préemption, de la possibilité de retirer d'une vente ultérieure une somme au moins égale à celle escomptée dans le compromis signé avec le premier acquéreur pressenti" (22).

Le propriétaire du bien que l'administration a finalement renoncé à préempter ne peut donc se prévaloir du prix que celle-ci proposait à cette fin, dès lors que ce prix ne lui a, en tout état de cause, pas été imposé, à défaut pour la procédure de préemption d'avoir abouti. Autrement dit, le prix d'acquisition du bien fixé par l'administration est resté purement virtuel. De deux choses l'une : soit l'intervention et l'inaboutissement d'une procédure de préemption n'ont pas empêché le propriétaire de vendre son bien à un prix au moins équivalent au prix de vente du bien tel que fixé par la promesse (ou le compromis) de vente, et dans ce cas, celui-ci ne subit aucun préjudice ; soit l'intervention et l'inaboutissement d'une procédure de préemption ont contraint le propriétaire à vendre son bien à un prix inférieur au prix de vente du bien tel que fixé par la promesse (ou le compromis) de vente, et dans ce cas, le préjudice subi, qui doit être indemnisé, correspond au second préjudice prévu par la décision du Conseil d'Etat, et est égal à la différence entre le prix de vente du bien tel que fixé par la promesse (ou le compromis) de vente et le prix auquel le bien a été effectivement vendu, à condition que cette vente soit intervenue dans un délai raisonnable après renonciation de l'administration à exercer son droit de préemption.

3) Le propriétaire d'un bien légalement préempté à un prix inférieur à l'offre de l'acquéreur évincé ne subit aucun préjudice si cette offre est sans rapport avec la valeur vénale du bien

Dans la décision "MM. Jean et Guy Levy" du 10 mars 2010, le Conseil d'Etat a précisé les conditions dans lesquelles le propriétaire d'un bien légalement préempté peut être indemnisé. Il juge, d'abord, qu'une décision de préemption est susceptible de caractériser une charge disproportionnée de nature à caractériser une méconnaissance, au détriment du cédant, des stipulations de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625AZ9). Rappelons, à cet égard que, selon la jurisprudence, ces stipulations ne sont, en revanche, pas applicables à la situation de l'acquéreur évincé, lequel n'est jamais devenu propriétaire du bien (23). Le préjudice peut avoir pour origine la différence entre l'offre de l'acheteur évincé et le prix de la préemption. Toutefois, lorsque, comme en l'espèce, cette offre excède sensiblement la valeur vénale du bien, il peut être supposé qu'elle n'aurait pas été maintenue : dans un tel cas, le propriétaire ne peut donc prétendre à une "indemnisation raisonnablement en rapport avec la valeur" de l'immeuble, ni par voie de conséquence, d'une "charge disproportionnée". Le préjudice ne peut davantage résulter d'une augmentation de la valeur vénale du bien, laquelle ne pourrait être prise en compte que pour apprécier, le cas échéant, le préjudice subi par l'acquéreur éconduit.

Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat


(1) CE 9° et 10° s-s-r., 30 mai 2007, n° 288519, SCI Agyr (N° Lexbase : A5266DWX).
(2) CE 3° s-s., 23 juin 2004, n° 264681, Société Orange France SA (N° Lexbase : A7898DCI).
(3) CE 3° et 8° s-s-r., 23 avril 2003, n° 249712, Société Bouygues Immobilier (N° Lexbase : A7785C8T) ; CE 2° et 7° s-s-r., 19 février 2007, n° 296283, Société Avignon construction immobilier (N° Lexbase : A2750DUE).
(4) TA Versailles, 5 octobre 2004, n° 0303294, M. Olivier Ducastel et Mme Patricia Jamain ; CAA Marseille, 1ère ch., 11 janvier 2007, n° 03MA02065, M. Frontoni (N° Lexbase : A2582DU8) : annulation de l'arrêté interruptif pour méconnaissance de la procédure contradictoire ; la cour administrative d'appel de Bordeaux est venue préciser récemment que l'administration n'avait pas à informer les intéressés de ce qu'ils peuvent présenter des observations écrites : CAA Bordeaux, 5ème ch., 6 octobre 2008, n° 06BX00762, M. Marin (N° Lexbase : A4878EU9).
(5) CE 3° et 8° s-s-r., 3 mai 2002, n° 240853, Ministre de l'Equipement c/ M. Frontoni (N° Lexbase : A6458AYT), BJDU, 2002 p. 211 ; CE Contentieux, 15 mars 2004, n° 259853, M. Ducastel (N° Lexbase : A6152DBH), Constr.-Urb., 2004, n° 117, obs. Cornille : le moyen tiré de ce que l'arrêté interruptif de travaux a été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur sa légalité.
(6) CE 6° s-s., 3 octobre 2007, no 297261, SCI Blaise-Pascal N° Lexbase : A6702DYU).
(7) CE 6° s-s., 18 avril 2008, n° 0304957, SARL Kaibacker (N° Lexbase : A9532D78).
(8) CE Contentieux, 6 octobre 1995, n° 156123, Aberkhzer (N° Lexbase : A6271ANL), Dr. adm., 1995, comm. 799, RD publ., 1/1996, chron. dr. adm. imm. J.-P. Lebreton, n° 28.
(9) CAA Douai 1ère ch., 31 octobre 2007, n° 07DA00095, Société immobilière de Lomme (N° Lexbase : A9791DZN), Revue de Droit Immobilier, 2008, p. 457, note Adjaout.
(10) CE Contentieux, 21 septembre 1992, n° 110167, Association de défense de Juan-les-Pins et de ses pinèdes (N° Lexbase : A7707ARU) ; CE Contentieux, 14 octobre 1992, n° 99865, Association Lindenkuppel (N° Lexbase : A7978ARW) ; CE Contentieux, 17 mars 1993, n° 88650, Godfryd et époux Woodford (N° Lexbase : A8894AMD) ; CE Contentieux, 29 décembre 1995, n° 129529, Association Espace Benoît Suzer (N° Lexbase : A7007ANT) ; CE Contentieux, 30 décembre 1998, n° 171740, Vaillant-Orsoni (N° Lexbase : A8663ASN), Constr.-Urb., 1999, n° 102, note Larralde, BJDU, 1999, p. 56 : une modification qui réduit sensiblement les zones naturelles au profit des zones urbaines d'une commune littorale de faible étendue remet en cause l'économie générale du plan (en l'espèce, il s'agissait de la commune de l'Ile-Rousse en Corse).
(11) CE Contentieux, 25 novembre 1998, n° 163902, M. et Mme Chevalier (N° Lexbase : A9037ASI), BJDU, 1999, p. 36, concl. Maugüé.
(12) CE Contentieux, 15 mars 1999, n° 148027, Commune de Courbevoie (N° Lexbase : A4341AX3).
(13) Conclusions sous CE 7 janvier 1987, n° 65201, Pierre-Duplaix (N° Lexbase : A3179APG), Quotidien juridique du 30 mai 1987, n° 61, p. 3.
(14) CE 1° et 2° s-s-r., 14 mars 2003, n° 235421, Association syndicale du lotissement des rives du Rhône (N° Lexbase : A5608A7T), Tables, p. 1023, BJDU, 2003, p. 24, concl. Stahl, RDI, 2003, p. 367, note Robineau, Constr.-Urb., 2003, n° 185, note Benoit-Cattin.
(15) CE Contentieux, 17 janvier 1990, n° 91894, Commune de Witry-les-Reims c/ Bouche (N° Lexbase : A5813AQD), aux Tables, pp. 1030-1031, Dr. adm., 1990, comm. 138.
(16) CE 1° et 2° s-s-r., 14 mars 2003, n° 235421, Association syndicale du lotissement des rives du Rhône, précité.
(17) TA Nîmes, 26 décembre 2006, n° 0630054, Commune de Richerenches, Dr. adm. 2007, n° 96, note Plunian, BJDU, 2007, p. 307.
(18) CE Contentieux, 26 février 2003, n° 231558, M. et Mme Bour (N° Lexbase : A3418A7Q), Recueil, p. 59.
(19) CE Contentieux, 31 décembre 2008, n° 293853, MM. Aires et Claudio Pereira Dos Santos Maia (N° Lexbase : A6574ECH).
(20) CE Contentieux, 26 février 2003, n° 231558, M. et Mme Bour, précité.
(21) CEDH, 2 juillet 2002, Req. 48161/99, Motais de Narbonne (N° Lexbase : A1464AZA), AJDA, 2002, p. 1226, note R. Hostiou.
(22) CAA Marseille, 1ère ch., 23 octobre 2008, n° 06MA02490, SCI G.F.M (N° Lexbase : A4242EBQ).
(23) CE 5° et 7° s-s-r., 8 décembre 2000, n° 188046, Epoux Meirone (N° Lexbase : A1403AIS), aux Tables, p. 1002.

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Social général

[Point de vue...] Refondation du droit social. Concilier protection des travailleurs et efficacité économique. A propos du rapport du Conseil d'analyse économique, présenté au ministre du Travail le 19 janvier 2010

Réf. : Refondation du droit social, par Jacques Barthélémy, Avocat conseil, Ancien professeur et Gilbert Cette, Professeur d'économie

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N7362BNY

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par Jacques Barthélémy, Avocat-conseil en droit social, Fondateur du Cabinet Barthélémy

Le 07 Octobre 2010

Les mutations du travail induites des progrès des TIC et de la mondialisation des échanges feront que le droit du travail actuel, conçu par et pour la civilisation de l'usine, sombrera dans des dérives technocratiques conduisant à son ineffectivité, les concepts fondés sur la qualité de "mineur social" du travailleur étant inadaptés aux nouvelles relations de travail. Par ailleurs, de très nombreuses études d'économistes attestent de la mauvaise qualité des relations sociales en France. Les rigidités sur le marché du travail dues à l'excès de réglementation ont d'autant plus un effet négatif sur l'emploi que la boulimie législative crée de l'insécurité juridique. Ces constats invitent à une refondation du droit social pour l'adapter à la civilisation naissante du savoir. Elle ne peut se construire que dans la perspective d'une harmonie entre protection du travailleur et efficacité économique. Le droit du travail se doit d'autant plus de veiller à son impact sur le fonctionnement de l'entreprise que la conciliation entre économique et social autorise plus d'efficacité dans sa fonction protectrice. Le principe de proportionnalité est le catalyseur de ce droit nouveau prenant simultanément en compte les intérêts du salarié et ceux de l'entreprise. 1/ L'instrument par excellence de cette transformation, c'est le tissu conventionnel, dont l'autonomie et l'importance doivent être maximisées. La seule limite à cette autonomie doit être constituée par ce qui relève de l'ordre public, qui doit refluer dans les limites de ce que recouvre la notion civiliste du terme. Une partie significative des textes légaux incontournables est aujourd'hui liée à la suspicion à l'égard du consentement du travailleur, qu'il faut donc protéger y compris contre lui-même. En d'autres termes, la dérogation -aujourd'hui l'exception, devant être prévue par un texte- doit devenir la règle, sous réserve de l'ordre public stricto sensu. Il est même possible d'envisager le remplacement de cette technique, qui consacre la supplétivité des normes légales, par le renversement de la hiérarchie des normes qui met en oeuvre leur subsidiarité introduite par la loi du 20 août 2008 (1) dans le domaine de la durée du travail. L'autonomie doit être aussi la règle dans les rapports entre accords de rangs différents, sous réserve des domaines où l'accord participe à l'identité de la branche et contribue à la poursuite d'un objectif de solidarité.

Une telle évolution est en marche depuis longtemps, d'abord par la "Nouvelle société" de Chaban-Delmas et les lois "Auroux" (2), plus récemment par les lois du 4 mai 2004 (3) et du 20 août 2008. Ces évolutions n'ont été possibles qu'en raison de celles des mentalités, chacun des textes récents ayant été inspirés par un accord collectif. Il faut d'autant plus parachever la construction d'un droit plus contractuel et moins réglementaire que l'état actuel de demi-mesure crée de l'insécurité juridique et favorise une judiciarisation excessive.

C'est, dans cette perspective, qu'il convient :

- d'abord, de donner sa pleine puissance à la notion de représentativité des organisations syndicales. L'abandon de celle de droit au profit d'une mesure d'audience effective à partir du résultat des élections professionnelles est un progrès, surtout dans le contexte d'un droit réduisant la portée du principe de faveur. Ce n'est, toutefois, pas suffisant. Si l'on veut que l'essentiel du droit social émane de contrats collectifs, il faut favoriser l'élévation du nombre des syndiqués. Il est des moyens d'y remédier tels le développement de services apportés par les syndicats à leurs membres ou l'instauration par accord d'une déontologie.

- ensuite, instaurer des règles de conduite de la négociation, par le biais d'un accord de méthode discuté avant d'engager la négociation sur le fond et dont le contenu sera considéré comme substantiel. Il s'agit de favoriser équilibre des pouvoirs entre les parties, comportement de bonne foi des négociateurs et exécution loyale de la convention, tous éléments permettant au contrat de faire seul la loi des parties ;

- enfin, il convient de distinguer la nature juridique des accords suivant leur niveau : l'accord national interprofessionnel, quasi-règlement, surtout s'il se substitue à l'acte réglementaire pour définir les modalités d'application de la loi ; la Convention de branche, la loi professionnelle, malgré sa nature contractuelle prioritaire ; l'accord d'entreprise, ayant une nature contractuelle pure, ce qui pose la question de sa relation avec le contrat de travail.

2/ Le règlement appelle la sanction, tandis que le contrat suscite plutôt le compromis. Par voie de conséquence, le droit social nouveau ne peut qu'inciter à revisiter l'arsenal des sanctions et les moyens de résoudre les litiges.

Tout d'abord, le volume des sanctions pénales doit régresser car, non seulement elles n'ont, la plupart du temps, aucun impact pédagogique, mais, encore, elles touchent à des domaines où la sanction civile suffit. Les contraventions en matière de durée du travail, par exemple, n'ont guère de justification sauf pour la partie de la réglementation qui concerne la protection de la santé (c'est-à-dire durée maximum, repos minimum pour l'essentiel).

Ensuite, il convient de développer le champ des sanctions administratives, spécialement dans ce qui touche à l'emploi.

Enfin, il est indispensable de modifier en profondeur l'arsenal judiciaire : il faut redonner à la conciliation devant le conseil de prud'hommes toute sa portée en exigeant, à peine de perte du procès, la présence effective des parties et en interdisant aux conciliateurs d'être juges du fond. Au début du XXème siècle, plus de 80 % des litiges individuels se traitaient en conciliation contre moins de 10 % aujourd'hui.

Il faut favoriser le recours à la médiation qui a l'immense mérite que soient prises en compte les raisons profondes du litige -d'ordre affectif souvent-, alors que le débat judiciaire fait se concentrer les discussions sur la seule technique juridique.

Il faut rendre possible le recours à l'arbitrage. Le monopole du conseil de prud'hommes se justifie par la suspicion à l'égard du consentement du salarié. En atteste le fait que le compromis d'arbitrage est admis par la Cour de cassation parce que la rupture du contrat de travail est alors consommée ; tandis que la clause compromissoire est prohibée. Ce monopole se justifie aussi par les vertus du paritarisme.

Si on trouve les moyens de contourner ces deux obstacles, rien ne doit s'opposer à l'introduction de la technique arbitrale dans le droit du travail. Après tout, les partenaires sociaux ont introduit la rupture d'un commun accord alors que la Cour de cassation l'avait écartée au nom, justement, du déséquilibre contractuel. Voilà pourquoi le recours à l'arbitrage pourrait être admis s'il était organisé par convention de branche étendue. La validité de la dérogation dépendrait de procédures entourant la conclusion du contrat de travail incluant une clause compromissoire et de la composition du collège arbitral, fondé sur la technique de l'échevinage. Le coût en serait mutualisé au niveau de la branche. Les parties à la convention de branche pourraient réserver la procédure à certaines catégories de salariés (par exemple les cadres) et(ou) à certains types de litiges (par exemple ceux liés à l'exécution du contrat de travail).

La procédure de conciliation des conflits est obligatoire dans les conventions de branches étendues. Mais les dispositifs existant sont inefficaces parce que relevant de clauses de style en annihilant les effets potentiels. Les procédures d'arbitrage qui existaient parfois en vertu de la loi du 11 février 1950 ont toutes disparu, en raison de l'inefficacité d'une commission composée paritairement de ceux qui négocient la convention. Ici, un simple effort de créativité s'impose de la part des partenaires sociaux.

3/ Les mutations du travail induites des progrès des TIC et de la mondialisation des échanges obligeront de plus en plus à introduire dans les rapports de travail de la flexicurité, ce qui oblige à penser autrement les protections. Elle va se construire autour d'une plus grande flexibilité au profit de l'entreprise (notamment en matière de licenciement), mais aussi pour favoriser le libre choix du travailleur, dans les limites de l'intérêt de l'entreprise.

Dès lors, les droits protecteurs des travailleurs vont être déconnectés du contrat de travail et de l'ancienneté dans l'entreprise. Même si la mutualisation n'est pas le seul moyen d'y parvenir, elle se développera d'autant plus aisément qu'elle permet la poursuite d'un objectif de solidarité.

Ceci pourrait favoriser l'émergence d'une authentique Sécurité sociale de nature conventionnelle permettant de résoudre des questions dont l'importance s'accroît avec l'épanouissement des droits fondamentaux de la personne à l'intérieur de la sphère professionnelle : en particulier, le droit à l'employabilité qui ne saurait se résumer à l'adaptation des compétences aux évolutions du poste ; il doit s'entendre comme celui de tout travailleur à acquérir la qualification correspondant à ses ambitions.

Ceci pourrait aussi contribuer à résoudre les difficultés liées à la précarité en apportant, grâce à un droit de tirage social sur un fonds mutualisé, la faculté de concilier adaptation du volume des emplois à la situation économique et maintien d'un degré élevé de protection du travailleur. Les dispositions de l'Ani du 11 janvier 2008, relatives à la portabilité des garanties de prévoyance, sont l'amorce de cette évolution.

Doit alors être revisité le concept de paritarisme, qui visait à assurer une protection alors que les avantages ne sont pas garantis.

4/ La refondation ne peut reposer que sur des objectifs précis : encourager la négociation collective, notamment par des mesures incitatives (et non par des sanctions pénales) ; maintenir la fonction protectrice du droit du travail, qui ne peut être malmenée au nom de l'efficacité économique et même au nom de l'emploi ; favoriser l'intelligibilité du droit du travail ; réduire les sources d'insécurité et d'inégalités que le droit peut créer ; et réduire les risques de judiciarisation nés de ces incertitudes.

Quelle que soit la solution retenue, deux écueils majeurs doivent être évités : celui de construire un arsenal dirigiste, le législateur n'étant pas le mieux placé pour définir des règles autres que celles inhérentes à des principes. Celui, à l'inverse, d'une confiance exagérée dans le contrat, même si ici une distinction s'impose entre le contrat collectif et le contrat individuel et, dans ce dernier, entre catégories de personnels eu égard à leur capacité plus ou moins grande à négocier dans l'équilibre des pouvoirs.

Et puis, il faut prendre en considération les contraintes juridiques en amont, de sources nationales, émanant de disciplines fondamentales telles le droit civil, ou internationales, telles la CESDH. Dans cette perspective, il est important de souligner que la faculté d'évolution est plus grande dans un Etat de common law, même si, dans un Etat de civil law comme le nôtre, la marge pour les modifications en profondeur est importante, d'autant que les mentalités évoluent fortement.

Au vu de ce travail de fond, basé sur la rigueur des raisonnements tout autant que sur l'analyse des situations, quelques vingt préconisations sont faites, rassemblées en quatre sous-ensembles pouvant faire chacun l'objet d'une concertation en application de la loi du 31 janvier 2007 ("Larcher") (4), donc d'un Ani si les partenaires sociaux le jugent utile.

Ces quatre grands thèmes sont consacrés à améliorer le dialogue social, élargir le champ d'exercice du droit conventionnel, rendre plus efficace le traitement des conflits et le non respect du droit social, sécuriser les parcours professionnels.

Ce rapport, c'est donc, d'abord, une invitation des partenaires sociaux à l'initiative et à l'inventivité.


(1) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ).
(2) Loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, relative au développement des institutions représentatives du personnel (N° Lexbase : L7836HYU) ; loi n° 82-957 du 13 novembre 1982, relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail (N° Lexbase : L2703GUN).
(3) Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8).
(4) Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007, de modernisation du dialogue social (N° Lexbase : L2479HUD).

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Contrat de travail

[Jurisprudence] La fraude (du salarié) corrompt toute chose

Réf. : Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-45.552, M. Thierry Negre c/ Société Calor et a., FS-P+B (N° Lexbase : A1563EUG)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Nombreux sont aujourd'hui les employeurs à ressentir un certain sentiment de découragement devant un droit du travail de plus en plus pléthorique et toujours aussi favorable aux salariés. Ils se consoleront certainement à la lecture de ce nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 24 mars 2010 qui consacre, de manière formellement inédite, le principe selon lequel le salarié, qui refuse de signer son contrat de mission uniquement pour prétendre ultérieurement poursuivre la requalification judiciaire de son contrat, doit être débouté de ses demandes (I), ce dont on ne peut, bien entendu, que se réjouir, et ce qui ouvre d'intéressantes perspectives (II).



Résumé

La fraude corrompt tout. Si la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse.
La cour d'appel qui a relevé que le salarié a refusé de signer les contrats de mission qui lui avaient été adressés dans le seul but de se prévaloir ultérieurement de l'irrégularité résultant du défaut de signature, en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu à requalification.

I - Le refus frauduleux de signer le contrat de mission

  • Exigence d'un écrit signé par le salarié

L'article L. 1251-16 du Code du travail (N° Lexbase : L1550H9B) dispose que le contrat de mission passé par le salarié avec l'entreprise de travail temporaire est établi par écrit et fixe une liste de sept mentions obligatoires. Si le non-respect de ces exigences ne fait naître aucun droit contre l'entreprise utilisatrice, dans la mesure où cette règle n'est pas visée par l'article L. 1251-40 du Code du travail (N° Lexbase : L1596H9Y) (1), elle permet au salarié d'obtenir, dans les rapports avec son employeur, l'entreprise de travail temporaire, la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée.

  • Sanction du défaut de signature

La règle, qui vaut pour l'existence d'un écrit et pour les mentions obligatoires, vaut également pour la signature du salarié (2). Mais qu'en est-il lorsque l'absence de signature résulte d'une manoeuvre du salarié qui tente d'obtenir ainsi les avantages liés à la requalification de son contrat de travail ?

Dans une précédente décision demeurée inédite et rendue en 2009, la Chambre sociale avait logiquement écarté les prétentions du salarié en considérant "que le salarié, qui s'était délibérément abstenu de signer le contrat de mission, ne pouvait se prévaloir de sa propre faute pour solliciter la requalification du contrat de travail en un contrat à durée indéterminée". En d'autres termes, "nul ne peut se fonder sur sa propre turpitude" (3).

C'est cette solution qui se trouve ici confirmée, le fondement du rejet des prétentions du salarié étant légèrement modifié puisque c'est l'adage "fraus omni corrumpit" ("la fraude corrompt toute chose") qui est préféré.

  • L'affaire

Dans cette affaire, un salarié avait été employé en qualité de cariste pendant cinq semaines dans le cadre de contrats de mise à disposition et de mission établis par la société Adecco. Soutenant qu'il n'y avait pas eu de contrats de mission signés, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale en demandant la requalification de son contrat de travail, en vain.

Il n'aura pas plus de chance en cassation dans la mesure où la Haute juridiction rejette ici ses prétentions. Après avoir constaté que "la fraude corrompt tout", la Cour précise que, "si la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse".

II - Une solution prometteuse

  • Une solution justifiée

Comme nous l'avons indiqué, la solution n'est pas nouvelle et se justifie pleinement dans la mesure où, dans ces affaires, les salariés sont de mauvaise foi. Certes, il convient d'espérer que les juges du fond n'avaient pas conclu ainsi sans de solides preuves tirées, par exemple, de témoignages de collègues ou de très fortes présomptions "graves, précises et concordantes", mais la solution finalement retenue ne saurait être sérieusement discutée.

  • Une référence prometteuse à la théorie de la fraude à la loi

La référence à la théorie de la fraude à la loi est des plus intéressantes.

Ce n'est, bien entendu, pas la première fois que la Chambre sociale de la Cour de cassation y fait référence, mais c'est en tout cas la première fois que ce principe est consacré, dans un arrêt publié, pour sanctionner le comportement frauduleux d'un salarié. Jusqu'à présent, en effet, le "principe selon lequel la fraude corrompt tout", seul (4) ou en complément des articles 1131 (N° Lexbase : L1231AB9) et 1133 (N° Lexbase : L1233ABB) du Code civil (5), voire de son article 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) (6), avait été visé pour neutraliser des comportements patronaux déviants destinés à évincer l'application de la loi française (7), à contraindre un salarié à renoncer aux avantages d'une mutation (8) ou à frauder les dispositions applicables aux conventions d'allocation spéciale-licenciement du Fonds national de l'emploi (9).

La solution est intéressante en ce qu'elle est susceptible de s'appliquer à des situations voisines, qu'il s'agisse d'envisager la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée non signé en contrat à durée indéterminée (10) ou, simplement, la question de la validité de la période d'essai ou de l'opposabilité des dispositions d'un contrat de travail non signé.

  • Le retour salutaire de la morale contractuelle

Ce retour en force d'une théorie vieille comme le monde est totalement nécessaire. Même si le droit du travail moderne se caractérise par son caractère asymétriquement protecteur, seul le salarié ayant finalement besoin d'être protégé par l'attribution de prérogatives juridiques à lui réservées, la "morale" contractuelle, elle, ne saurait s'imposer qu'à l'une des parties contractantes. Il serait, en effet, proprement scandaleux que seul l'employeur soit contraint d'être de bonne foi, dans l'exécution du contrat, ou se voit sanctionné en présence d'une fraude et ce, alors que le salarié pourrait, en toute impunité, tricher et mentir (11).

Reste à savoir si ce retour en grâce de la morale contractuelle sera susceptible de progresser et de s'appliquer dans des cas de figure où certains salariés abusent objectivement de leur position de force. Ainsi, ne pourrait-on pas s'interroger sur l'opportunité d'admettre, certes dans des hypothèses exceptionnelles, l'abus du droit de refuser une proposition de modification du contrat de travail, à l'instar des dispositions de l'article L. 1226-14, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L1033H97), qui permettent de tenir compte du refus abusif d'une offre de reclassement pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ? On pense, notamment, ici, au salarié qui a signé une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière avant 2002 et qui refuserait la proposition d'introduction de cette contrepartie faite par l'employeur pour sauver la clause.

L'avenir nous dira si cet arrêt annonce une évolution en ce sens de la jurisprudence...


(1) Solution rappelée dernièrement par Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-70.057, M. Dominique Dufour, F-D (N° Lexbase : A8146ETU) : "Mais attendu, d'abord, qu'un travailleur temporaire ne peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits afférents à un contrat à durée indéterminée que s'il y a eu violation des dispositions des articles L. 1251-5 (N° Lexbase : L1525H9D) à L. 1251-7, L. 1251-10 (N° Lexbase : L1534H9P) à L. 1251-12, L. 1251-30 (N° Lexbase : L1578H9C) et L. 1251-35 (N° Lexbase : L1586H9M) du Code du travail et non, comme en l'espèce, en cas d'absence de remise du contrat de mission dans le délai légal ou d'absence de signature".
(2) Cass. soc., 7 mars 2000, n° 97-41.463, M. Beleknaoui c/ Société Groupe Elan travail temporaire (N° Lexbase : A6361AGP), Bull. civ. V, n° 90 ; Cass. soc., 17 septembre 2008, n° 07-40.704, M. Jimmy Gauthiez, F-P+B (N° Lexbase : A4074EA7).
(3) Cass. soc., 11 mars 2009, n° 07-44.433, M. El Hadi Moulbab, F-D (N° Lexbase : A7135EDM) : "mais attendu que la cour d'appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et sans encourir les griefs du moyen, a constaté, d'une part, que le contrat de mission du 14 avril au 23 avril 2004 avait été adressé au salarié dès le début de la mission et, d'autre part, que c'est de son propre chef que le salarié n'avait pas souhaité retourner le contrat signé ; qu'en l'état de ces constatations, elle en a déduit à bon droit que le salarié, qui s'était délibérément abstenu de signer le contrat de mission, ne pouvait se prévaloir de sa propre faute pour solliciter la requalification du contrat de travail en un contrat à durée indéterminée".
(4) Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-44.728, Mme Sylvie Croze c/ Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, F-D (N° Lexbase : A6135DNK).
(5) Cass. soc., 15 juillet 1998, n° 96-40.878, M. Rondet c/ Société Le Courrier Picard (N° Lexbase : A5609ACQ), Bull. civ. V, n° 385.
(6) Cass. soc., 20 mai 2009, n° 08-42.147, M. Frédéric Bataille, F-D (N° Lexbase : A2025EHH).
(7) Cass. soc., 20 mai 2009, n° 08-42.147, préc..
(8) Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-44.728, Mme Sylvie Croze c/ Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, F-D (N° Lexbase : A6135DNK).
(9) Cass. soc., 15 juillet 1998, n° 96-40.878, préc..
(10) Cass. soc., 22 octobre 1996, n° 95-40.266, M. Jean-Claude Guichard c/ Société Techma export (N° Lexbase : A2827AGS), RJS, 1996, n° 1238 ; Cass. soc., 26 octobre 1999, n° 97-41.992, M. Dubois c/ Société Les Journaux de Saône-et-Loire (N° Lexbase : A4772AGT) ; Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-41.796, M. Michel Le Moux c/ Mme Yolaine Belliard, inédit (N° Lexbase : A9299CWC) ; Cass. soc., 16 mai 2000, n° 97-45.758, Société ETF Ingenierie, société anonyme c/ Mlle Dominique Foucat, inédit (N° Lexbase : A2123CU8) ; Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-47.656, M. François Vazard c/ Mme Nadine Breion, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée Eurinformat, FS-P+B (N° Lexbase : A7535DPR), RDT, 2006, p. 170, obs. G. Auzero ; Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 07-41.779, Mme Nathalie Lasserre, F-D (N° Lexbase : A2440EBY).
(11) En ce sens, notre analyse à propos de l'application de la théorie du "solidarisme contractuel" en droit du travail : Le solidarisme contractuel en droit du travail : mythe ou réalité ?, dans Le solidarisme, sous la dir. de L. Grynbaum et M. Nicod, Economica-études juridiques n° 18, 2004, pp. 75-93.


Décision

Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-45.552, M. Thierry Negre c/ Société Calor et a., FS-P+B (N° Lexbase : A1563EUG)

Rejet CA Lyon, ch. soc., 3 mars 2008

Dispositions applicables : C. trav., art. L. 1251-16 (N° Lexbase : L1550H9B), L. 1251-17 (N° Lexbase : L1553H9E) et L. 125-3 (N° Lexbase : L9638GQZ), devenus L. 8241-1 (N° Lexbase : L3717IBB) et L. 8241-2 (N° Lexbase : L3648H9Y) ; principe selon lequel la fraude corrompt tout

Mots clef : travail temporaire ; contrat de mission ; signature ; défaut ; fraude

Lien base : (N° Lexbase : E7970ESY)

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Sociétés

[Le point sur...] SA "non cotées" et SAS : calendrier opérationnel d'approbation annuelle des comptes de l'exercice clos

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N7301BNQ

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par Guy de Foresta, Avocat au Barreau de Lyon, Of Counsel Bignon, Lebray & Associés

Le 30 Mars 2011

Cette présentation, qui vise à l'exhaustivité des règles pratiques imposées par la loi et les règlements aux sociétés anonymes (SA) et sociétés par actions simplifiées (SAS) tenues de faire approuver annuellement les comptes de leur dernier exercice clos, traduit bien l'alourdissement des obligations et du formalisme mis à la charge des sociétés commerciales depuis un certain nombre d'années. Il est vrai toutefois, qu'en sens contraire, des textes récents -la "LME" (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR) en particulier- ont procédé à un allègement en faveur de certaines SAS.
A cet égard, la différence entre les règles détaillées et contraignantes applicables aux SA mais pas aux SAS qui méritent bien aussi leur nom de "simplifiée" est flagrante. Dans la limite des règles impératives du Code du travail relatives aux droits du comité d'entreprise et à leur exercice, c'est aux options retenues par les rédacteurs de statuts de SAS que sont renvoyées les règles propres à l'organisation, à la compétence et à la tenue des décisions collectives d'associés comme celles relatives aux droits d'information et de communication des associés. L'on notera que dans les SAS présidées par un associé unique personne physique, les opérations d'approbation des comptes sont désormais réduites à une simple formalité de publicité.

CALENDRIER OPERATIONNEL D'APPROBATION ANNUELLE DES COMPTES DE L'EXERCICE CLOS
Délais ultimes impératifs OPERATIONS A MENER
SA SAS
1 Clôture de l'exercice + 1 mois :
C. com., art. R. 225-30 (N° Lexbase : L0165HZ7) et R. 225-57 (N° Lexbase : L0192HZ7)
- Avis au CAC de la poursuite au cours de l'exercice écoulé des conventions autorisées au cours d'exercices antérieurs : C. com., art. L. 225-38 (N° Lexbase : L5909AIP), L. 225-86 (N° Lexbase : L5957AIH), R. 225-30.

- Sanctions pénales : C. com., art. L. 820-4
(N° Lexbase : L2939HCT).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al.3 N° Lexbase : L2477IBD).
2 Selon les statuts ou les usages :
C. com., art. L.225-64, al. 4 (N° Lexbase : L5935AIN), et R. 823-9 (N° Lexbase : L2308HZI).
Les modes et délais de convocation sont librement fixés dans les statuts.
D'une manière générale, les convocations doivent être adressées aux membres avec un délai suffisant pour leur permettre d'assister à la séance.
En pratique, l'on retient souvent un délai d'au moins huit jours.
SA à directoire :

Convocation à la réunion du directoire qui arrête les comptes de l'exercice écoulé (cf. 3 ci-après) :
- des membres du directoire (C. com., art. L. 225-36-1 N° Lexbase : L2208ATX) ;
- des commissaires aux comptes par lettre recommandée AR (C. com., art. L. 823-17 N° Lexbase : L3053HC3 et R. 823-9) ;
- et le cas échéant des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-62 N° Lexbase : L2888H9T).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al.3).

3 Clôture de l'exercice + 3 mois : C. com., art. L. 225-68 (N° Lexbase : L6246ICC) et R. 225-55 (N° Lexbase : L0190HZ3). SA à directoire :

Réunion du directoire pour établir les documents suivants devant être présentés au conseil de surveillance :
- l'inventaire ;
- le rapport de gestion et comptes annuels de l'exercice ainsi que les comptes consolidés et rapport de gestion du groupe s'il y a lieu (C. com., art. L. 232-1 (N° Lexbase : L8724IET), L. 225-68 (N° Lexbase : L6246ICC), L. 225-100 (N° Lexbase : L3029HNI).

Sanctions pénales : C. com., art. L. 242-8 (N° Lexbase : L6422AIP).

- établir le cas échéant les autres rapports à présenter à l'AGOA : rapport complémentaire sur l'usage des délégations en matière d'augmentation de capital (C. com., art. L. 225-129-5 N° Lexbase : L8384GQL), rapport sur les options de souscription ou d'achat d'actions (C. com., art. L. 225-184 N° Lexbase : L0862ICW), rapport sur les attributions gratuites d'actions (C. com., art. L. 225-197-4 N° Lexbase : L0980ICB) ;
- arrêter l'ordre du jour et le texte des résolutions de l'AGOA et convoquer celle-ci. (C. com., art. L. 225-103 N° Lexbase : L5974AI4).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (L. 227-1, al. 3).
4 Selon les statuts ou les usages -souvent AGOA - 53 jours :
C. com., art. L. 225-36-1.
Les modes et délais de convocation sont librement fixés dans les statuts.
D'une manière générale, les convocations doivent être adressées avec un délai suffisant pour leur permettre d'assister à la séance.
En pratique, l'on retient souvent un délai d'au moins huit jours

En SAS, souvent décision d'approbation des comptes - (1 mois + 8 jours)

SA à conseil d'administration :

Convocation à la réunion du conseil d'administration qui arrête les comptes de l'exercice écoulé (cf. 5 et 6 ci-après) :
- des administrateurs (C. com., art. L. 225-36-1) ;
- des commissaires aux comptes par lettre recommandée AR (C. com., art. L. 823-17 et R. 823-9) ;
- et le cas échéant des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-62).

- L'obligation de convocation pour l'arrêté des comptes ne s'applique qu'aux membres du comité d'entreprise (si la SAS en est doté), qui sous réserves des statuts, sont convoqués à une réunion de la présidence (C. com., art. L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET et L. 227-1, al. 3 et C. trav., art. L. 2323-66 N° Lexbase : L2899H9A).
5 AGOA - 45 jours : C. com., art. R. 232-1 (N° Lexbase : L0432HZZ) et R. 225-32 (N° Lexbase : L0167HZ9)

En SAS, souvent AGOA - 1 mois

SA à conseil d'administration :

Réunion du conseil d'administration (C. com., art. L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET et L. 225-103 N° Lexbase : L5974AI4) pour :
- arrêter les comptes annuels et l'inventaire (C. com., art. L. 232-1) et, le cas échéant, les comptes consolidés (C. com. art. L. 233-16 N° Lexbase : L0468HZD)
- établir le rapport de gestion (C. com., art. L. 232-1, R. 225-102 N° Lexbase : L0237HZS, R. 225-104 N° Lexbase : L0239HZU et R. 225-105 N° Lexbase : L0240HZW) et, le cas échéant, le rapport de gestion du groupe (C. com., art. L. 233-16), sous peine de sanctions pénales (C. com., art. L. 242-8 N° Lexbase : L6422AIP et L. 247-1 N° Lexbase : L6471AII) ;
- établir, le cas échéant, les autres rapports à présenter à l'AGOA : rapport complémentaire sur l'usage des délégations en matière d'augmentation de capital (C. com., art. L. 225-129-5 N° Lexbase : L8384GQL), rapport sur les options de souscription ou d'achat d'actions (C. com., art. L. 225-184 N° Lexbase : L0862ICW), rapport sur les attributions gratuites d'actions (C. com., art. L. 225-197-4 N° Lexbase : L0980ICB) ;
- arrêter l'ordre du jour et le texte des résolutions de l'AGOA et convoquer l'AGOA (C. com., art. L.225-103)

Communication par le président du conseil d'administration aux administrateurs et au CAC de la liste et de l'objet des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, à l'exclusion de celles qui ne sont pas significatives en raison de leur objet ou de leurs implications financières passées entre la société et l'un de ses dirigeants, administrateurs ou actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote au plus tard le jour de cette réunion (C. com., art. L. 225-39 N° Lexbase : L5910AIQ).

- Réunion de la présidence ou de l'organe désigné éventuellement dans les statuts à cet effet, pour les mêmes points qu'en SA (C. com., art. L. 227-1, al. 3, L. 232-1, L. 225-103 et L. 242-8).

- Sanctions pénales (C. com., L. 244-1 et L. 242-8)

- La communication au CAC, s'il en existe, porte sur "le texte" même de ces conventions (C. com., art. L. 227-11 N° Lexbase : L6166AI9).

6 Convocation de l'AGOA - 45 jours : C. com., art. R. 232-1

En SAS : Décision d'approbation - 38 jours
Délai "de raison", sous réserves des statuts.

Mise à disposition des commissaires aux comptes au siège social (C. com., art. L. 232-1, III) et remise sur demande d'une copie des documents suivants (C. com., art. R. 232-1) :
- comptes annuels : bilan, compte de résultat, annexe ;
- rapport de gestion auquel est joint le rapport du président du conseil d'administration ;
- le cas échéant, comptes consolidés et rapport sur la gestion du groupe.

Sanctions pénales (C. com. art., L. 820-4 N° Lexbase : L2939HCT).

- Obligation analogue vis-à-vis du comité d'entreprise et/ou du commissaire aux comptes (si la SAS en est dotée ; C. com., art. L. 227-1, III, L. 232-1, III, R. 232-1 et L. 820-4 ; C. trav., art. L. 2323-8 N° Lexbase : L2739H9C).
7 AGOA - 35 jours

AGOA - 44 jours/33 jours

En l'absence de délai légal, le délai d'envoi de l'avis doit être suffisant pour permettre aux actionnaires qui en ont fait la demande de déposer valablement des projets de résolutions, les demandes d'inscription de ces projets devant être transmises à la société 25 jours au moins avant la date de l'assemblée (cf. 8 ci-après). En l'absence de délai légal, le délai d'envoi de l'avis doit être suffisant pour permettre aux actionnaires qui en ont fait la demande de déposer valablement des projets de résolutions, les demandes d'inscription de ces projets devant être transmises à la société 25 jours au moins avant la date de l'assemblée (cf. 8 ci-après).

- Envoi, par lettre recommandée, aux actionnaires qui ont demandé à être informés de la date de réunion des assemblées ordinaires ou de toutes les assemblées, (sous réserve qu'ils aient adressé le montant des frais d'envoi), d'un avis précisant la date prévue de l'assemblé. Par courrier électronique si les actionnaires ont opté pour ce mode de communication (C. com., art. R. 225-72 N° Lexbase : L2609IED et R. 225-63 N° Lexbase : L0198HZD) - Non visées par ces dispositions, sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
8 AGOA - 25 jours :
C. com., art. R. 225-73 (N° Lexbase : L2584IEG), R. 225-63 (N° Lexbase : L0198HZD), R. 225-74 (N° Lexbase : L0209HZR), R. 225-71 (N° Lexbase : L0156ID7) et R. 225-72 (N° Lexbase : L2609IED) ; C.trav., art. R. 2323-14 (N° Lexbase : L2601IE3)

Délais non impératifs en SAS

- Les actionnaires représentant 5 % du capital social ou moins, et de manière dégressive par tranches, si le capital est supérieur à 750 000 euros, une association d'actionnaires (C. com., art. L. 225-120 N° Lexbase : L6800HCT) et/ou le comité d'entreprise peuvent requérir l'inscription à l'ordre du jour de l'AGOA de projets de résolutions (C. com., art. L. 225-105 N° Lexbase : L5976AI8, R. 225-71 et R. 225-73, II ; C. trav., art. L. 2323-15 N° Lexbase : L2761H97, L. 2323-67 N° Lexbase : L2904H9G) et R. 2323-14, I° N° Lexbase : L2601IE3), par lettre recommandée avec AR ou par courrier électronique (C. com., R. 225-73, II), accompagnée du texte des projets de résolutions qui peuvent être assortis d'un bref exposé des motifs (C. com., R. 225-71).
Cette demande doit être adressée 25 jours avant l'AGOA et, pour les actionnaires être accompagnée d'une attestation d'inscription en compte. L'examen de la résolution est subordonné à la transmission d'une nouvelle attestation au 3ème jour ouvré précédant l'AGOA (C. com., art. R. 225-71, dernier al.)
- Pas de règles obligatoires à ce sujet pour les associés, sous réserves des statuts, mais ceux-ci doivent en fixer pour le comité d'entreprise. (C. trav., R. 2323-16 N° Lexbase : L9172ID3)
9 Dans les 5 jours de la réception de la demande :
C. com., art. R. 225-63, R. 225-74 et C. trav., art. R. 2323-15 (N° Lexbase : L9288IDD)

Délais non impératifs en SAS

- Accusé de réception par le président du conseil d'administration ou le directoire des demandes d'inscription de projets de résolutions (cf. 8 ci-dessus). - Pas de règles obligatoires à ce sujet pour les associés, sous réserves des statuts, mais ceux-ci doivent en fixer pour le comité d'entreprise (C. trav., art. R. 2323-16).
10 AGOA -16 jours : C. com., art. R. 225-90 (N° Lexbase : L0225HZD)

Délais non impératifs en SAS

En cas de demande d'inscription à l'ordre du jour (cf. 8 et 9 ci-avant), réunion du conseil d'administration ou du directoire à l'effet :
- d'arrêter en conséquence l'ordre du jour de l'assemblée et le texte des résolutions présentées ou agrées ;
- de statuer sur les projets de résolutions demandés (C. com., art. R. 225-74).

Etablissement par les dirigeants sociaux de la liste des actionnaires contenant les noms, prénom usuel et domicile de chaque actionnaire titulaire d'actions nominatives inscrit à cette date sur les registres d'actions nominatives et le nombre de ses actions (C. com., art. L. 225-116 N° Lexbase : L5987AIL et R. 225-90 N° Lexbase : L0225HZD)

Préparation des documents à envoyer ou à mettre à la disposition des actionnaires.

- Pas de règles obligatoires à ce sujet pour les associés, sous réserves des statuts, mais ceux-ci doivent en fixer pour le comité d'entreprise. (C. trav., art. R. 2323-16).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).

11 AGOA -15 jours :
C. com., art. R. 225-59 (N° Lexbase : L0194HZ9)
SA à directoire

- Réunion du conseil de surveillance pour établir le rapport contenant ses observations sur le rapport du directoire ainsi que sur les comptes de l'exercice (ce document devant être mis à la disposition des actionnaires). Les commissaires aux comptes doivent être convoqués à cette réunion en même temps que les membres du conseil de surveillance, par lettre recommandée avec AR.
La liste et l'objet des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales (à l'exclusion de celles qui ne sont pas significatives), passées entre la société et l'un des membres du directoire et/ou du conseil de surveillance ou actionnaire détenant plus de 10 % des droits de vote, doit être communiquée aux membres du conseil de surveillance et aux commissaires aux comptes par le président du conseil de surveillance au plus tard le jour de cette réunion (C. com., art. L. 225-68 N° Lexbase : L6246ICC, L. 225-86 N° Lexbase : L5957AIH, L. 225-87 N° Lexbase : L5958AII, L. 823-17 N° Lexbase : L3053HC3, R. 823-9 N° Lexbase : L2308HZI et R. 225-59 N° Lexbase : L0194HZ9).

- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
12 AGOA - 15 jours :
C. com., art. R. 225-83 (N° Lexbase : L7026H94) et R. 225-161 (N° Lexbase : L0296HZY)
Dépôt par les CAC au siège social :
- du rapport sur les comptes annuels (C. com. art. L. 225-40 N° Lexbase : L5911AIR) ;
- le cas échéant, du rapport sur les comptes consolidés (C. com., art. R. 225-161 N° Lexbase : L0296HZY) ;
- du rapport spécial sur les conventions réglementées (C. com., art. L. 225-40 et L. 225-88 N° Lexbase : L5959AIK).
- Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
13 AGOA -15 jours :
C. com., art. R. 225-69 (N° Lexbase : L0204HZL)

Fixé par les statuts en SAS : souvent AGOA - 8 jours

- Convocation de tous les actionnaires par lettre simple ou recommandée adressée, aux frais de la société, à chaque actionnaire ou encore par courrier électronique si l'actionnaire a opté pour ce mode de communication et contenant les mentions visées à l'article R. 225-66 du Code de commerce (N° Lexbase : L0201HZH). - Modalités et délais de convocation des associés librement fixés par les statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
14 AGOA -15 jours :
C. com., art. R. 823-9 (N° Lexbase : L2308HZI)

Fixé par les statuts en SAS : souvent AGOA - 8 jours

- Convocation des commissaires aux comptes par LR/AR (C. com., art. L. 823-17 N° Lexbase : L3053HC3 et R. 823-9), sous peine de sanctions pénales (C. com., art. L.  820-4 N° Lexbase : L2939HCT)

- Convocation des délégués du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-67 N° Lexbase : L2904H9G)

- Si la décision collective des associés d'approbation des comptes se fait sous forme d'assemblée générale, la convocation des CAC est obligatoire, sous peine de lourdes sanctions pénales (C. com., art. L. 832-17 et L. 820-4)
15 A compter de la convocation de l'AGOA et jusqu'à J - 5 inclus :
C. com., art. R. 225-88 (N° Lexbase : L0186IDA)
- Envoi aux actionnaires qui en font la demande des documents et renseignements visés aux articles R. 225-81 (N° Lexbase : L0216HZZ), R. 225-83 (N° Lexbase : L7026H94) et L. 820-3 (N° Lexbase : L2937HCR) du Code de commerce et à l'article L. 2323-74 du Code du travail (N° Lexbase : L2924H98). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
16 A compter de la convocation de l'AGOA :
C. com., art. R. 225-89 (N° Lexbase : L4636H9L) et C. trav., art L. 2323-74 (N° Lexbase : L2924H98)
- Mise à disposition des actionnaires au siège social des documents visés aux articles L. 225-108 (N° Lexbase : L5979AIB), R. 225-83 (N° Lexbase : L7026H94), L. 225-101 (N° Lexbase : L0236HZR), L. 820-3 (N° Lexbase : L2937HCR) du Code de commerce et à l'article L. 2323-74 du Code du travail.

- Communication de ces documents aux membres du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2323-8 N° Lexbase : L2739H9C)

- Mise à disposition des associés et du comité d'entreprises au minimum et sous réserve des statuts, des comptes sociaux et du rapport de gestion (société et groupe) et des rapports des commissaires aux comptes (C. com., art. L. 227-1, al. 3 et L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET ; C. trav., art. L. 2323-8).
17 AGOA - 6 jours :
C. com., art. R. 225-75 (N° Lexbase : L0210HZS)
- Réception des demandes de formulaire de vote par correspondance au siège social (C. com., art. R. 225-75) - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
18 Entre la convocation et AGOA - 4ème jour ouvré :
C. com., art. R. 225-84 (N° Lexbase : L0149IDU)
- Communication par les actionnaires de leurs questions écrites (C. com., art. L. 225-108, al. 3 N° Lexbase : L5979AIB et R. 225-84) - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
19 AGOA - 3 jours :
C. com., art. R. 225-77 (N° Lexbase : L0158ID9)
- Réception des votes par correspondance (C. com., art. R. 225-77) - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
20 AGOA -1 jour à 15h00 (Paris) :
C. com., art. R. 225-77 (N° Lexbase : L0158ID9)
-  Réception des votes électroniques à distance (C. com., art. R. 225-77). - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
21 Avant l'AGOA - En cas de questions écrites des actionnaires, réunion du conseil d'administration ou du directoire pour examiner les questions écrites des actionnaires (C. com., art. L. 225-108, al. 3 N° Lexbase : L5979AIB) - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
22 AGOA (clôture de l'exercice + 6 mois) :
C. com., art. L. 225-100 (N° Lexbase : L3029HNI) et L. 227-9, al. 3 (N° Lexbase : L2484IBM, en SASU)

En SAS à pluralité d'associés, pas de délai obligatoire :
C. com., art. L. 227-1, al. 3

  • Réunion de l'assemblée ordinaire annuelle

Rapport : présentation des rapports suivants :
- rapport de gestion de la société (de gestion du groupe) ;
- rapport des commissaires aux comptes ;
- rapports spéciaux sur les stock-options et sur les attributions d'actions gratuites ;
- rapport complémentaire sur l'utilisation des délégations de compétence et de pouvoir en matière d'augmentation de capital.

Auditions :
- audition des observations du comité d'entreprises et, s'il y a lieu, de celles du conseil de surveillance ;
- audition, s'il y a lieu, de l'avis de l'assemblée spéciale des actionnaires à dividende prioritaire.

Comptes sociaux :
- présentation des comptes annuels et des comptes consolidés ;
- approbation par les actionnaires des comptes annuels et des comptes consolidés ;
- approbation par les actionnaires de certaines dépenses somptuaires non déductibles (CGI, art. 39 N° Lexbase : L3894IAH) ;
- décision d'affectation du résultat.

Autres :
- nomination/renouvellement/révocation d'administrateurs, de membres du conseil de surveillance, de commissaire aux comptes, de membres du directoire (révocation seulement) (C. com., art. L. 225-61 N° Lexbase : L5932AIK, L. 225-18 N° Lexbase : L5889AIX, L. 225-75 N° Lexbase : L5946AI3, L. 225-228 N° Lexbase : L6068ICQ) ;
- approbation ou pas des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-40 N° Lexbase : L5911AIR, L. 225-41 N° Lexbase : L5912AIS, L. 225-42 N° Lexbase : L5913AIT, L. 225-89 N° Lexbase : L5960AIL, L. 225-90 N° Lexbase : L5961AIM) ;
- toute autre question de sa compétence (C. com., art. L. 225-105 N° Lexbase : L5976AI8, L. 225-21 N° Lexbase : L5892AI3).

- Approbation des comptes par décision collective des associés, en la forme retenue pour les statuts.

- Analogue à la situation en SA mais :

- Pas d'approbation obligatoire des comptes consolidés.

- Approbation ou pas des conventions réglementées au vu du rapport du commissaire aux comptes ou, à défaut de commissaire aux comptes, du président. (C. com., art. L. 227-1, al. 3, et L. 232-1)

- En SASU présidée par un associé unique, personne physique, uniquement procédure simplifiée d'approbation (cf. 24, ci-après)

- Absence de sanctions pénales

23 AGOA + 15 jours :
C. com., art. L. 233-8 (N° Lexbase : L4179H9N) et R. 233-2 (N° Lexbase : L4179H9N)
- Publication dans un journal d'annonces légales du département du siège social d'un avis relative au nombre total de droits de vote existants à la date de l'AGOA (C. com., art. L. 233-8 et R. 233-2) - Non visées par ces dispositions sous réserves des statuts (C. com., art. L. 227-1, al. 3).
24 AGOA + 1mois :
C. com., art. L. 232-23 (N° Lexbase : L2419IB9)
Dépôt au greffe du tribunal de commerce, en 2 exemplaires certifiés conformes (C. com., art. L. 232-23) :
- des comptes sociaux annuels ;
- du rapport de gestion, auquel est joint le rapport du président du conseil d'administration
- du rapport des commissaires aux comptes et, éventuellement, de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée aux comptes annuels ;
- de la proposition d'affectation du résultat soumise à l'AGOA et la résolution d'affectation votée
- ainsi que, le cas échéant, des comptes consolidés, du rapport de gestion du groupe et du rapport des CAC sur les comptes consolidés et du rapport du conseil de surveillance.

Sanctions pénales : C. com., art. R. 247-3 (N° Lexbase : L0515HZ4).

- Idem qu'en SA.

- En SASU présidée par un associé unique, personne physique, le dépôt des comptes et de l'inventaire signés ainsi que de l'affectation des résultats, vaut approbation des comptes (C. com., art. L. 227-9 N° Lexbase : L2484IBM et L. 232-23).

Sanctions pénales : C. com., art. R.  247-3

Précisions :

- Ce calendrier concerne les formes sociales de société anonyme -à conseil d'administration comme à directoire et conseil de surveillance- et de SAS, que ces dernières disposent de plusieurs ou d'un seul associé (SASU).

- Il ne s'étend pas aux obligations propres aux sociétés anonymes qui offrent au public des titres financiers ou procèdent à l'admission d'instruments financiers aux négociations sur un marché boursier.

- En ce sens, il ne concerne que les SA dont toutes les actions sont nominatives.

- Le calendrier ne concerne par ailleurs que les seules obligations propres à l'approbation annuelle des comptes de l'exercice.

- En ce sens, il ne s'étend pas à celles qui pèsent sur les sociétés tenues d'établir des documents de gestion prévisionnelle (cf. C. com., art. L. 232-2).

- A cet égard, il faut néanmoins souligner que pour des raisons pratiques et pour autant qu'elles puissent l'organiser, les sociétés, lorsqu'il s'agit de SA à conseil d'administration, peuvent avoir intérêt à faire coïncider la réunion du conseil chargée d'établir les documents dans les 4 mois de la clôture de l'exercice clos au plus tard, avec celle d'arrêté des comptes mentionnés au point 5 du calendrier.

- De même, mais à l'inverse, pour la réunion du directoire d'arrêté des comptes (cf. point 3 du calendrier) et celle d'établissement de ces documents de gestion prévisionnelle.

- S'agissant des délais visés en jours dans les colonnes du calendrier, il convient, en l'absence de dispositions spécifiques de ne pas compter le 1er jour mais de compter le dernier. Par exemple, la convocation 15 jours à l'avance d'une assemblée prévue pour le 30 juin doit être effectuée le 15 juin au plus tard (compte tenu des règles de computation des délais fixées par les articles 641 N° Lexbase : L6802H73 et 642 N° Lexbase : L6803H74 du Code de procédure civile).

- Pour les SAS, le calendrier ne mentionne que les obligations mises à la charge de ces sociétés par la loi et les règlements seuls, à l'exception de leurs statuts qui fixent les règles à suivre en matière notamment d'organisation et de compétence des décisions collectives d'associés, de délais et de modalités de leurs convocations, de droit d'information et de vote des associés, l'exercice du droit d'information des commissaires aux comptes et d'exercice des droits du comité d'entreprise, s'il en existe.

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[Jurisprudence] La qualité d'associé fondateur d'un cabinet d'avocats ne justifie pas l'inamovibilité de ce dernier et ne lui ouvre pas droit à interdire l'utilisation de la marque de l'association après son départ

Réf. : CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 1er décembre 2009, n° 08/16721 (N° Lexbase : A1637EQP)

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N7260BN9

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse 1 Capitole

Le 07 Octobre 2010

L'existence d'une société suppose de la part de chaque associé la volonté de participer sur un pied d'égalité à l'entreprise commune ; c'est ce que la jurisprudence qualifie d'affectio societatis. Cette volonté qui s'exprime lors de la création doit, pour que la société puisse fonctionner, se maintenir tout au long de son existence. Or, l'entente cordiale qui préside à la naissance de la société peut se détériorer au fil du temps. Si cette dégradation s'avère profonde et durable, elle reflète la disparition de l'affectio societatis. Pour remédier à cette situation, différentes solutions relevant de conceptions opposées sont envisageables : l'une accorde la prééminence à l'intérêt personnel, la société étant un instrument au service de l'associé ; l'autre donne la préférence à l'intérêt social auquel les intérêts individuels ne sauraient porter préjudice. Solution radicale à la mésentente, la dissolution (1) peut, toutefois, être évitée grâce à des moyens, spécifiques à certaines catégories de sociétés permettant de gérer, voire de prévenir la crise : le retrait ou l'exclusion d'un associé (2). Cependant, les juges ne sauraient en principe rejeter une demande en dissolution et ordonner l'exclusion de l'associé demandeur en l'obligeant à céder ses titres à ses coassociés ou à la société (3). Dans pratiquement tous les cas, la sortie d'un associé consécutive à une mésentente avec les autres associés pose des difficultés de toutes sortes, notamment celle tenant à l'évaluation des droits de cet associé, à l'indemnisation de l'intéressé qui considère avoir subi un préjudice ou encore, plus rarement, à la qualification du départ de ce dernier : est ce un retrait comme l'invoquent les associés restant, ou une exclusion comme le prétend l'associé partant ? La situation se complique notablement lorsque cet événement s'accompagne de la révocation de l'associé en sa qualité de dirigeant et que de surcroît, ce dernier et les autres parties au litige expriment d'autres prétentions, en dépit d'un accord préalablement passé entre eux.

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 1er décembre 2009 constitue le réceptacle de ce type de difficultés.

1. Le litige puise son origine dans une sentence arbitrale intervenue entre un avocat et les autres membres de l'association professionnelle de confrères qu'il a créée en 1988 avec deux autres membres actuels de celle-ci. Cette sentence rendue le 29 juillet 2008 par le délégué du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris a constaté un certain nombre d'éléments dont les suivants :

- la notification faite le 30 juin 2008 par cet avocat de l'exercice de son droit de retrait de l'association ;

- le retrait de l'intéressé le 30 décembre 2008 en application des statuts de l'association, sauf meilleur accord des parties ;

- l'injonction des parties de se réunir afin de définir les conditions d'usage des locaux de l'association par l'associé retrayant ;

- l'irrecevabilité de la demande d'interdiction d'usage par l'association de la marque "BMH Avocats" et du signe utilisés par celle-ci ;

- l'engagement de ne plus utiliser le nom de l'intéressé dès son retrait effectif de l'association ;

- la liquidation du montant des frais d'arbitrage réglés par moitié par chacune des parties.

Pour autant, l'avocat plaignant poursuit l'infirmation de la sentence arbitrale et demande la reconnaissance qu'il a fait l'objet d'une exclusion abusive et fautive de la part de ses co-associés, en conséquence de quoi il réclame réparation des différents préjudices matériels et moraux subis par lui. Il revendique, également, l'interdiction d'usage de la marque actuelle de l'association d'avocats et ses dérivés, ainsi que le nom de l'un des fondateurs sans son accord et celui du troisième fondateur. Il propose, enfin, les règles de liquidation de la rémunération qui lui est due au titre de l'année 2008.

Cet avocat soutient, en outre, que les autres associés ont progressivement et insidieusement remis en cause les différentes prérogatives attachées à sa qualité d'associé fondateur, notamment l'inamovibilité et le droit de veto. Il réfute les différents griefs faits à son encontre par ses associés, notamment un conflit d'intérêts, qui ont conduit à son exclusion de fait en le contraignant à quitter son cabinet parce qu'il ne disposait plus des moyens en personnel et en matériel pour exercer sa profession. Enfin, il qualifie d'abusive la décision de mettre fin à ses fonctions de gérant dont il revendique l'inamovibilité en raison de sa qualité de fondateur et que l'arrivée de nouveaux associés ne pourrait remettre en cause.

Les associés intimés considèrent qu'aucune exclusion de droit ou de fait n'a été prononcée contre le demandeur qui, au contraire, a mis en oeuvre son droit de retrait. Aussi, demandent-ils à titre reconventionnel sa condamnation au remboursement de plusieurs sommes d'argent.

2. La cour d'appel de Paris tranche, en l'espèce, les différents points du litige dont elle se trouve saisie.

S'agissant de la qualité de fondateur de l'appelant, les juges du fond relèvent qu'au regard d'une convention d'association non contestée, datée du 1er juillet 2005 et plusieurs fois modifiée, l'intéressé a assuré les fonctions de gérant de droit, non point en cette qualité, mais en tant qu'associé senior, la qualité d'associé fondateur et l'inamovibilité invoquées par lui étant ignorées par les statuts de l'association. En effet, cette inamovibilité ne saurait provenir que d'une disposition statutaire de ladite association.

En ce qui concerne la destitution de ses attributions de dirigeant, la juridiction de seconde instance rejette la prétention de l'intéressé selon laquelle il a été victime d'un "coup de force" visant à le déposséder de son cabinet et à l'obliger à quitter l'association professionnelle. En revanche, elle retient l'argument des intimés faisant valoir l'atteinte portée par ses fautes déontologiques et professionnelles au bon fonctionnement de l'association, ainsi que par la violation des statuts et du règlement intérieur. En outre, la décision de mettre fin aux fonctions de dirigeant de droit au cours de l'assemblée générale du 19 mars 2008 est intervenue conformément aux dispositions de la convention d'association. Elle a donc été prise régulièrement, c'est-à-dire par le vote des associés représentant les trois-quarts des parts des bénéfices et l'unanimité des associés gérants, l'intéressé n'ayant pas participé au scrutin.

De surcroît, l'avocat plaignant a adressé le 7 février 2008 un message par lequel il a accepté d'abandonner la gestion de droit du cabinet, afin de rétablir la confiance essentielle à la bonne marche de l'association. Il est, par la suite, revenu sur sa décision en prétextant avoir pâti d'une procédure d'exclusion et, par courrier du 10 février 2008, a soumis au Bâtonnier de l'Ordre des avocats le différend l'opposant à ses associés.

A propos de l'exclusion de l'association professionnelle, la cour d'appel de Paris constate que par la multiplication de ses fautes et par son attitude d'obstruction et d'abstention, l'intéressé s'est personnellement placé dans une situation qui l'a conduit à quitter le cabinet.

Au regard des faits relevés et souverainement appréciés par elle, cette cour ne retient aucune faute à la charge des intimés à qui l'appelant ne peut faire grief d'une exclusion de droit ou de fait, abusive et fautive. Aussi, déboute-t-elle ce dernier de toutes ses demandes à caractère indemnitaire, en dépit de sa contestation des faits qui lui sont reprochés par ses associés. Plus précisément, elle lui refuse l'indemnisation des prétendus préjudices financiers tenant à la perte de clientèle, à l'usage illicite de la marque "BMH Avocats", à l'atteinte à l'image de la marque et aux frais de réinstallation, sans oublier l'indemnisation du préjudice moral. Elle approuve les motifs énoncés en première instance en vertu desquels le requérant n'est pas fondé à demander et à obtenir l'interdiction de la marque, dès lors que les statuts de l'association conformes aux dispositions de l'article 124 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L0256A9D) prévoient la dénomination "BMH Avocats", laquelle est protégée en tant que marque déposée.

En définitive, les juges d'appel lui accordent seulement l'engagement des autres associés de ne plus utiliser son nom dès son retrait effectif de l'association professionnelle. En d'autres termes, elle confirme la sentence arbitrale rendue le 29 juillet 2008 par le délégué du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris.


(1) P. Canin, La mésentente entre associés, cause de dissolution judiciaire anticipée des sociétés, Dr. Sociétés, janvier 1998, p. 4 ; H. Matsopoulou, La dissolution pour mésentente entre associés, Rev. Sociétés, 1998, p. 21.
(2) J.-P. Storck, La continuation d'une société par l'élimination d'un associé, Rev. Sociétés, 1982, p. 332 ; J.-M. de Bermond de Vaulx, La mésentente entre associés pourrait-elle devenir un juste motif d'exclusion d'une société ?, JCP éd. E, 1990, II, 15921 ; JCP éd. N, 1991, I, 439 ; S. Darriosecq et N. Métais, Les clauses d'exclusion, solution à la mésentente entre associés, Bull. Joly Sociétés, 1998, p. 908.
(3) J.-J. Daigre, L'exclusion d'un associé en réponse à une demande de dissolution, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 576.

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