La lettre juridique n°385 du 4 mars 2010

La lettre juridique - Édition n°385

Éditorial

Conflit de funérailles : épouse versus belle-mère - qui est la plus qualifiée pour décider de l'organisation des obsèques ?

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 27 Mars 2014


La mort est un événement difficile à appréhender, les funérailles aussi. Longtemps gouverné par le droit canonique, le droit des funérailles a été fortement influencé par la tradition chrétienne et ses rites propres. Il a pourtant largement évolué depuis la fin du XIXème siècle. La loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles est, en effet, intervenue pour permettre aux défunts d'être inhumés non plus obligatoirement selon des rites religieux mais de manière civile. La sécularisation à l'oeuvre sous la IIIème République a donc donné à un individu athée ou agnostique la possibilité de ne pas se faire inhumer selon des rites qu'il n'aurait pas choisis de son vivant. La liberté de conscience s'en est trouvée renforcée jusque dans la mort. La même loi dispose en son article 3, toujours en vigueur à ce jour, que tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, a le droit de régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. Lorsque les conditions des funérailles n'ont pas été expressément formulées, il importe donc de déterminer quelle est la personne la plus apte à connaître les volontés du défunt quant à l'organisation de ses obsèques. Les textes ne sont, dans ce domaine, d'aucun secours puisque s'il est fréquemment fait référence dans le Code général des collectivités territoriales à "la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles", aucune définition légale ou réglementaire n'est donnée de cette personne.

L'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 rappelle, à propos de la définition de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, que lorsqu'aucun écrit n'est laissé par le défunt, ce sont les membres de la famille qui sont présumés être chargés de pourvoir aux funérailles. Et il appartient au juge civil, seul compétent en la matière, de décider quel membre de la famille ou quel héritier est, suivant les circonstances, le plus qualifié pour l'interprétation et l'exécution de la volonté présumée du défunt. En vertu d'une jurisprudence constante, le conjoint survivant bénéficie d'une sorte de priorité pour régler les conditions de la sépulture du défunt même sur les autres membres de la famille. Ce droit n'est cependant ni exclusif, ni absolu. Des circonstances particulières peuvent faire écarter le droit du conjoint survivant. La Cour de cassation considère qu'à défaut d'ordre de préférence légal, il convient de rechercher les éléments permettant de déterminer qui apparaît comme le meilleur interprète des volontés du défunt.

L'autre innovation non négligeable, en matière de funérailles, est la possibilité, par la loi de 1887, de recourir à la crémation. Ainsi, depuis les années 1990, l'incinération est de plus en plus pratiquée. Alors qu'en 1980, cette technique n'était utilisée que pour 0,9 % des obsèques, en 2008 le taux de crémation approchait 28 %. Certaines religions, comme l'islam notamment, ou encore le judaïsme, y restent toutefois définitivement opposées.

Alors quelle position adopter lorsque le défunt n'a pas laissé d'instruction quant à ses funérailles et qu'un litige apparaît, entre les membres de sa famille, sur le rite funéraire à pratiquer ?

Telle était la question posée à la Cour de cassation dans un arrêt en date du 2 février dernier. Dans cette affaire un conflit était né entre une veuve et sa belle-mère sur le mode d'inhumation du mari, et fils, décédé. Alors que la seconde réclamait une inhumation dans le caveau familial en Tunisie selon le rite musulman, la première souhaitait une incinération -allant par là même à l'encontre des préconisations de l'islam-. Les juges ayant tranché en faveur de la veuve, sa belle-mère s'est pourvue en cassation arguant "qu'en cas de doute sur la volonté du défunt et d'opposition entre les divers membres de la famille, notamment à raison de traditions religieuses, doit être privilégiée la modalité qui n'est pas par elle-même de nature à heurter les convictions ou sentiments des uns ou des autres. Ainsi, en ordonnant l'incinération, contraire à la tradition musulmane et aux sentiments de la famille par le sang, plutôt que l'inhumation, qui n'est contraire à aucune tradition et ne pouvait donc par elle-même heurter quiconque, le premier président aurait violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887".

Que nenni répondra la Haute juridiction : en l'absence de volonté connue du défunt, sa veuve, avec laquelle celui-ci a vécu pendant plus de trente et dont il a eu quatre enfants, était la plus qualifiée pour décider de l'organisation des obsèques, compte tenu de cette vie commune et des liens affectifs, non remis en cause, ayant uni ce couple !

Bref, ici peu importe la religion, le rite, ou la famille par le sang, seule compte la désignation de la personne qualifiée pour organiser les obsèques, quelles qu'elles soient !

Ce faisant, la Cour de cassation change le fondement du raisonnement qu'elle avait tenu, en juin 2005, dans un litige où les faits étaient similaires (veuve contre enfants d'un premier lit, cette fois). En effet, dans cette affaire largement relayée par les médias, la Cour de cassation s'était uniquement appuyée sur l'aspect religieux en retenant que la victime, "s'il n'était pas un pratiquant régulier, était de tradition musulmane, qu'il avait manifesté le voeu d'être inhumé, et que rien ne permettait d'affirmer qu'il eût entendu rompre tous liens avec cette tradition ; qu'il résulte de ces constatations, qui réfutent nécessairement les motifs du premier juge, que le premier président a fait ressortir la volonté de M. X d'être inhumé dans le respect de la tradition musulmane".

L'arrêt du 2 février dernier entend donc marquer que la personne qui a partagé la vie du défunt pendant de longues années est  a priori la plus à même de décider du déroulement des obsèques. Mais, comme l'affirme le Professeur Jean Hauser, "tout est question d'espèce et au fond [le conjoint] ne bénéficie guère que d'une sorte de présomption d'autorité qui n'est justifiable [...] que s'il n'y a pas mésintelligence entre les conjoints. Il ne suffirait donc pas d'être conjoint pour être l'interprète privilégié des volontés du défunt, il faudrait encore être un conjoint heureux en ménage."

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Licenciement

[Jurisprudence] L'employeur peut anticiper la fin du congé de maternité et convoquer la salariée à l'entretien préalable à son licenciement pour faute grave

Réf. : Cass. soc., 17 février 2010, n° 06-41.392, M. Marc-Antoine de Paepe, F-P+B (N° Lexbase : A0348ESP)

Lecture: 6 min

N4668BN9

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


Le droit du travail s'efforce de protéger les femmes enceintes, ou qui viennent d'accoucher, contre les mesures discriminatoires ou qui porteraient atteinte à leur santé ou leur sécurité. C'est pour cette raison qu'il est interdit de licencier une femme pendant toute la période de son congé de maternité, quel que soit le motif retenu. Dans un arrêt en date du 17 février 2010, la Chambre sociale de la Cour de cassation admet, toutefois, que l'employeur peut la convoquer à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave, pour des faits étrangers à la maternité, dès lors que la mesure est notifiée après la cessation du congé, peu important, dès lors, que le licenciement intervienne dans la période de protection de quatre semaines qui suit le congé. La solution est conforme à la lettre de la loi (I), mais en viole, selon nous, l'esprit (II).


Résumé

Pendant les quatre semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail, le licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement est possible.

I - Le respect de la lettre

  • Cadre légal

Le Code du travail, et singulièrement son article L. 1225-4 (N° Lexbase : L0854H9I), assure aux femmes une protection efficace contre toutes mesures liées à la grossesse ou la maternité.

En premier lieu, leur licenciement est interdit pendant une période qui court du jour de la grossesse jusqu'à quatre semaines après l'expiration du congé de maternité (1), sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la maternité. En second lieu, et même dans les cas où le licenciement pourrait être justifié par l'un de ces deux motifs exceptionnels, celui-ci ne peut pas être notifié, ni prendre effet, pendant les périodes de suspension du contrat de travail, c'est-à-dire tant que dure le congé de maternité et ce, à peine de nullité (2).

  • Problème en l'espèce

Reste à déterminer le sort qui doit être réservé au licenciement prononcé après l'expiration du congé de maternité, pendant la période des quatre semaines qui suit celui-ci, et au terme d'une procédure initiée pendant le congé.

Dans cette affaire, une salariée avait été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave pendant la période de congé maternité, licenciement qui lui avait été notifié quatre jours après l'expiration de celui-ci.

La cour d'appel d'Angers avait annulé ce licenciement et condamné l'employeur à payer à la salariée diverses sommes, au motif qu'un licenciement, même fondé sur une faute grave non liée à l'état de grossesse, ne peut être notifié ou prendre effet pendant la période où la femme peut suspendre son contrat de travail, cette période étant étendue aux quatre semaines suivant la période du congé de maternité.

Après avoir affirmé que, "selon les dispositions de l'article L. 1225- 4 du Code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ; que, toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; que dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail", la Chambre sociale de la Cour de cassation en tire comme conséquence que, "pendant les quatre semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail, le licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement est possible", avant de casser la décision rendue au fond.

  • Une cassation juridiquement justifiée

La protection de la femme enceinte contre le licenciement tient, comme cela a été rappelé, en trois temps : 1° l'interdiction de licencier pendant une période couvrant largement le premier jour de grossesse et les quatre semaines qui suivent l'expiration du congé de maternité (C. trav., art. L. 122-25-2 N° Lexbase : L5495ACI, devenu L. 1225-4) ; 2° la possibilité exceptionnelle de licencier la salariée pour une faute grave ou un motif étrangers à la grossesse ou la maternité (même texte) ; 3° l'interdiction de signifier ou de faire prendre effet un licenciement justifié pendant la durée du congé de maternité (C. trav., art. L. 122-27 N° Lexbase : L5493ACG, ramené dans l'article L. 1225-4).

La lecture du texte est, sur ce point, très clair : l'interdiction de notifier le licenciement fondé sur une faute grave étrangère à la grossesse concerne bien la période du congé de maternité et non l'intégralité de la période d'interdiction de licencier. Cette référence résultait expressément de l'ancien article L. 122-27 du Code du travail, qui visait explicitement "la période de suspension prévue à l'article L. 122-26", c'est-à-dire la "période qui commence six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci", et se retrouve maintenant dans le nouvel article L. 1225-4, qui a regroupé les trois temps dans un seul et même article. Le texte vise bien "les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa" ; or, pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration du congé de maternité, le contrat de travail de salariée n'est plus suspendu.

II - Le non-respect de l'esprit

  • L'esprit du droit communautaire

La Directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (N° Lexbase : L7504AUH), dispose, dans son article 10 ("Interdiction de licenciement"), que " 1) les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses, au sens de l'article 2, pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu'au terme du congé de maternité visé à l'article 8, paragraphe 1, sauf dans les cas d'exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l'autorité compétente ait donné son accord" (3).

La Cour de Luxembourg a considéré, dans un arrêt rendu le 11 octobre 2007, que "l'article 10 de la Directive [...] doit être interprété en ce sens qu'il interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant pendant la période de protection visée au paragraphe 1 de cet article, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision avant l'échéance de cette période" (4). Même si, dans l'arrêt, les "mesures préparatoires" consistaient en "la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée" (cons. 33), la finalité de la règle posée invite à admettre que l'entretien préalable au licenciement réalisé pendant la période de suspension du contrat constituerait bien pareille "mesure" (5).

Il convient, toutefois, de rappeler que, contrairement aux dispositions plus favorables adoptées par le droit français, la protection accordée par la Directive aux femmes enceintes n'interdit pas de manière absolue le licenciement qui demeure exceptionnellement possible pour des motifs étrangers à la maternité et à condition que l'employeur s'en justifie (6).

En d'autres termes, il est interdit aux Etats membres d'exclure le régime de prohibition des licenciements pour les mesures qui, quoique prononcées après la reprise du travail, auraient été initiées pendant la période de suspension, mais pas de prévoir que ce licenciement sera possible dès lors qu'il repose sur un motif explicite étranger à la grossesse ou la maternité.

  • Situation de la solution au regard des objectifs poursuivis par la législation protectrice

La solution adoptée par la Cour de cassation laisse, toutefois, un goût amer. Est-il, en effet, convenable de permettre à un employeur de commencer la procédure de licenciement disciplinaire, en convoquant la salariée à l'entretien préalable, alors que celle-ci est encore en congé de maternité ? Peut-on véritablement considérer que cette dernière, qui n'a pas encore repris le travail après seize semaines au moins d'arrêt, sera psychologiquement armée pour se défendre utilement ? On peut en douter et regretter le caractère pusillanime de la décision.

Il nous semble que ce qui ressort clairement des termes de la jurisprudence communautaire, c'est que la période de congé de maternité doit être considérée comme un véritable sanctuaire et ce, pour assurer à la femme la protection la plus effective possible, ce qui justifie que la protection s'étende également aux mesures préparatoires au licenciement postérieur.

Dès lors, cette logique devrait prévaloir ici et le licenciement préparé être traité comme le licenciement notifié ou exécuté. Certes, dans cette affaire, ce n'est pas ainsi que la cour d'appel d'Angers avait justifié la nullité du licenciement ; mais la Cour de cassation aurait pu, pour sauver la décision et assurer l'effectivité de la protection de la femme enceinte, procéder par substitution de motifs.


(1) Ce délai est fixé par la loi. Contrairement à la solution qui prévaut pour les salariés qui reprennent leur travail après une absence pour cause de maladie ou d'accident et qui doivent, sous certaines conditions de durée d'absence (7/21 jours selon l'origine ou non professionnelle de l'accident ou de la maladie), subir une visite médicale de reprise qui détermine la fin de la suspension de leur contrat de travail, la visite que doit subir la femme après son accouchement ne prolonge pas le délai de protection (Cass. soc., 29 septembre 2004, n° 02-42.461, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4509DDD et les obs. de S. Martin-Cuenot, Confirmation de la singularité de la protection reconnue à la femme enceinte contre le licenciement, Lexbase Hebdo n° 137 du 7 octobre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3020ABH).
(2) La nullité de ce licenciement entraîne le droit à réintégration de la salariée (Cass. soc., 30 avril 2003, n° 00-44.811, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7501BSM, Dr. soc., 2003, p. 831, chron. B. Gauriau. Lire, également, les obs. de S. Koleck-Desautel, La Cour de cassation consacre le droit à réintégration de la femme enceinte illégalement licenciée, Lexbase Hebdo n° 71 du 15 mai 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7288AA8).
(3) Sur la question, P. Rodière, Droit social de l'Union européenne, LGDJ, 1998, n° 342 ; B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, 3ème éd., 2006, n° 588.
(4) CJCE, 11 octobre 2007, aff. C-460/06, Nadine Paquay c/ Société d'architectes Hoet + Minne SPRL (N° Lexbase : A7181DYM).
(5) Cons. 35 : "Il convient de relever qu'une interprétation contraire, limitant l'interdiction de licenciement à la seule notification d'une décision de licenciement pendant la période de protection visée à l'article 10 de la Directive 92/85, priverait cet article de son effet utile et pourrait engendrer un risque de contournement par des employeurs de cette interdiction au détriment des droits consacrés par la Directive 92/85 aux femmes enceintes, accouchées et allaitantes".
(6) Principe expressément rappelé par la Cour dans son arrêt, cons. 36 : "Il y a lieu, toutefois, de rappeler que, ainsi qu'il ressort du point 31 du présent arrêt, une travailleuse enceinte, accouchée ou allaitante peut, conformément aux dispositions de l'article 10, point 1, de la Directive 92/85, être licenciée pendant la période de protection visée à cette disposition dans des cas d'exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou les pratiques nationales".


Décision

Cass. soc., 17 février 2010, n° 06-41.392, M. Marc-Antoine de Paepe, F-P+B (N° Lexbase : A0348ESP)

Cassation CA Angers, ch. soc., 16 janvier 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 1225-4 (N° Lexbase : L0854H9I), L. 1225-17 (N° Lexbase : L5727IAD) et L. 1225-71 (N° Lexbase : L0999H9U)

Mots clef : maternité ; protection ; licenciement ; congé maternité

Lien base : (N° Lexbase : E3340ETU)

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Avocats

[Questions à...] Communication des avocats sur internet - Questions à Christiane Féral-Schuhl, associée du cabinet Féral-Schuhl / Sainte-Marie et Présidente de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ)

Lecture: 5 min

N4687BNW

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 03 Mars 2011


Maître Christiane Féral-Schuhl, avocate associée du cabinet Féral-Schuhl / Sainte-Marie et présidente de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), est LA référence en matière d'internet et de nouvelles technologies sur la place parisienne. Qui mieux qu'elle pouvait, alors, nous exposer les moyens permettant aux avocats d'investir la toile (principalement, à des fins de communication) et nous rappeler la réglementation applicable à la matière ? La candidate au Bâtonnat du Barreau de Paris nous a fait l'honneur d'un entretien sur un sujet qui, aujourd'hui, retient la plus grande attention de la part des confrères. Focus.



Lexbase : Les avocats communiquent-ils sur internet ?
Via quels supports ?

Christiane Féral-Schuhl : Depuis plusieurs années maintenant, les avocats sont de plus en plus nombreux à communiquer sur internet.

Les confrères utilisent surtout des outils, désormais "classiques", tels que les messageries ou encore les sites internet pour présenter leurs structures, les avocats qui y exercent, leurs activités et, le cas échéant, leurs domaines de spécialisation.

Beaucoup de cabinets ont, également, mis en place des intranet leur permettant de gérer l'archivage, la gestion partagée des documents, ou encore des "e-rooms" et, plus généralement, des espaces de travail collaboratifs.

Par ailleurs, beaucoup de jeunes avocats créent des blogs à titre individuel pour réagir ou commenter l'actualité juridique de leur domaine d'activité, ce qui leur permet de faire connaître au public leur expertise. L'ADIJ a, d'ailleurs, décidé de récompenser chaque année un cyber-blogueur. Cet événement nous permet de faire le point sur l'existant et de vérifier la compatibilité des pratiques avec la réglementation applicable, mais surtout, de mesurer les avancées en termes de communication.

Nous constatons, également, un certain succès quant aux outils que l'on peut qualifier de "nouvelle génération", tels les réseaux sociaux "grand public" (Facebook, Twitter), en particulier chez les jeunes avocats. Ayant grandi avec internet, ils ont développé des usages spécifiques, qui favorisent le partage des connaissances et leur permettent de communiquer avec peu de moyens (1). Il faut garder présent à l'esprit que beaucoup de nos jeunes confrères rencontrent actuellement une grande difficulté à trouver une collaboration et n'ont d'autres choix que de s'installer seul. Certains travaillent de chez eux, "avec les moyens du bord". Cette tendance ne fait malheureusement que s'intensifier. Les réseaux sociaux constituent pour eux une forme de "réseautage" favorisant l'échange et l'entraide.

Lexbase : Quels textes réglementent la communication des avocats sur internet ?

Christiane Féral-Schuhl : La communication des avocats est régie par l'article 15 du décret du 12 juillet 2005 (décret n° 2005-790, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA). Le texte pose un principe général, applicable quel que soit le support envisagé : "la publicité est permise à l'avocat, si elle procure une information au public et si sa mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession". Il précise, en outre, que "la publicité inclut la diffusion de l'information sur la nature des prestations de services proposées, dès lors qu'elle est exclusive de toute forme de démarchage".

La première condition posée tient à la finalité de la publicité : elle ne doit avoir d'autre but que d'informer le public. Cette information porte sur les mentions figurant habituellement sur les sites : présentation de la structure, des activités, etc..

La seconde condition tient au respect des principes essentiels régissant la profession. Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ), l'avocat exerce ses fonctions "avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité". L'article 3 du décret du 12 juillet 2005 ajoute qu'il est soumis, dans son exercice, au respect "des principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie". Les principes de confidentialité et de secret professionnel sont, également, consacrés.

Enfin, le texte pose une interdiction absolue en ce qui concerne le démarchage et va jusqu'à préciser que "toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel est interdite à l'avocat".

Le règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) reprend ces exigences et les affine à l'article 10. Il ajoute, notamment, que, "quelle que soit la forme de publicité utilisée, toutes mentions laudatives ou comparatives et toutes indications relatives à l'identité des clients sont prohibées". Il décline, ensuite, les différents supports existants, l'article 10-11 étant consacré à la publicité sur internet.

Ces dispositions réglementent les mentions obligatoires devant figurer sur le site (adresse du cabinet, nom et prénom de l'avocat, barreau d'appartenance, numéro de téléphone et de fax, etc.) et celles autorisées (les titres universitaires et les diplômes et fonctions d'enseignement supérieur français et étrangers, les distinctions professionnelles etc.). Le site de l'avocat ne peut comporter aucun encart ou bannière publicitaire pour quelque produit ou service que ce soit. L'avocat a l'obligation de contrôler les liens hypertextes figurant sur son site, afin de s'assurer qu'ils ne sont pas contraires aux principes essentiels de la profession. Si tel est le cas, il doit les supprimer sans délai. Enfin, le texte prévoit expressément que le contenu du site doit être respectueux du secret professionnel, de la dignité et de l'honneur de la profession.

L'Ordre exerce un contrôle : toute ouverture ou modification du site, ainsi que toute insertion de lien hypertexte doivent lui être préalablement notifiées pour homologation. Si cette dernière règle est louable, je doute qu'elle soit systématiquement mise en oeuvre, ni même que l'Ordre dispose des moyens lui permettant d'exercer un tel contrôle. Une décision a, néanmoins, connu un certain écho, celle de la cour d'appel de Toulouse en date du 15 février 2001 (CA Toulouse, 1ère ch., n° 2000/01962, Me Lassus c/ Conseil de l'Ordre des avocats de Toulouse N° Lexbase : A6132ATB), rendue au sujet du nom de domaine avocat-toulouse.com (2).

Lexbase : Ces règles visent le site du cabinet ou de l'avocat. Ont-elles vocation à s'appliquer aux autres supports tels les blogs ou les réseaux sociaux ? Selon vous, est-il opportun d'adopter une réglementation particulière en la matière ?

Christiane Féral-Schuhl : Les blogs et les réseaux sociaux sont des outils récents. Aucune disposition ne les règlemente spécifiquement. Je ne suis, d'ailleurs, pas convaincue de la nécessité de fixer un régime particulier. La réglementation existante pose, il me semble, suffisamment de points de repère. La plupart des principes posés dans le cadre du site internet du cabinet -notamment, l'information du public et le respect des principes essentiels de la profession- sont transposables à ces nouveaux supports.

Néanmoins, un petit nombre de dispositions pose, il est vrai, quelques problèmes. Par exemple, la frontière du démarchage n'est pas toujours bien délimitée, en particulier, concernant les réseaux sociaux. Avertir l'Ordre de toute présence sur un réseau ou de toute publication sur un blog serait, par ailleurs, irréalisable. Ces cas particuliers commandent plus de souplesse.

Lexbase : Existe-t-il des inconvénients pour les avocats à communiquer sur internet ? Est-il opportun pour les cabinets d'établir une "politique" en la matière ?

Christiane Féral-Schuhl : S'il existe de nombreux avantages à communiquer sur internet, il faut, toutefois, rester vigilant. A l'heure du web 2.0, les internautes ne mesurent pas toujours l'impact de leur "participation" à la toile. Or, il faut garder présent à l'esprit que toute information peut être diffusée très rapidement, dans le monde entier et de façon quasi-permanente, et qu'il est très compliqué, voire impossible, de supprimer une information une fois diffusée. En témoignent les nombreux débats actuels sur le droit à l'oubli (3).

Les cabinets d'avocats sont confrontés, comme toute entreprise, à des risques amplifiés par ces nouveaux outils : fuite d'information, fausses rumeurs, perte du contrôle de leur communication extérieure etc..

Etablir une politique commune au sein du cabinet, qui pourrait prendre la forme d'une "charte de bonne conduite", permettrait d'éviter (au moins en grande partie) de telles dérives. Cela ne nécessite pas que la "norme" soit élaborée. Une simple mention qui s'afficherait au moment de la connexion à internet pourrait rappeler certaines obligations : secret professionnel, confidentialité....


(1) Lire De la nécessité d'intégrer le web à l'exercice de la profession d'avocat - Questions à Clarisse Berrebi - avocate et Présidente nationale de l'ACE-JA, Lexbase Hebdo n° 15 du 18 janvier 2010 - édition professions (N° Lexbase : N9623BMD).
(2) Lire Avocat : quel-nom-de-domaine.com ?, Lexbase Hebdo n° 20 du 25 février 2010 - édition professions (N° Lexbase : N2584BNZ).
(3) Lire Colloque e-liberté / e-sécurité, Lexbase Hebdo n° 21 du 4 mars 2010 - édition professions (N° Lexbase : N4691BN3).

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Conflit relatif aux funérailles : le privilège de la veuve

Réf. : Cass. civ. 1, 2 février 2010, n° 10-11.295, Mme Souad Bellil, veuve Ben Rehouma, F-P+B (N° Lexbase : A7926ERY)

Lecture: 6 min

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt du 2 février 2010 montre à quel point, dans certaines familles, la douleur et le deuil, loin d'apaiser les conflits, les exacerbent ! Dans une espèce qui aurait sans doute plu à Balzac, une veuve affrontait la famille de son défunt époux à propos des modalités des funérailles de ce dernier. Comme souvent dans ce type de contentieux, l'une des parties prônait l'incinération tandis que l'autre souhaitait que le défunt soit inhumé. C'est la mère du défunt qui avait saisi le tribunal d'instance "pour voir dire, principalement, que l'épouse de ce dernier ne pourrait être considérée comme l'interprète des volontés du défunt qui devra être inhumé en Tunisie". Le tribunal d'instance a, en effet, une compétence particulière pour régler les contestations qui s'élèvent entre les proches à propos des conditions des funérailles d'un défunt, en vertu de l'article R. 221-7 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L6642IAA), dans le cadre d'une procédure d'urgence dont les modalités sont précisées par l'article 1061-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1422H4G) (1). Au-delà du traditionnel conflit belle-fille/belle-mère, l'arrêt s'inscrit, comme plusieurs autres rendus sur la même question, dans un contexte culturel particulier. Le défunt étant d'origine musulmane, sa famille par le sang était particulièrement heurtée par la perspective d'une crémation contraire aux préceptes de l'islam. La décision du 2 février 2010 s'inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle, à défaut d'expression de la volonté du défunt, critère essentiel en la matière, il faut désigner la personne la mieux à même de connaître les souhaits de ce dernier (I), le conjoint bénéficiant, du fait de la vie commune, d'une présomption de proximité avec le disparu (II).

I - La désignation de la personne la mieux placée pour connaître les souhaits du défunt

Primauté de la volonté du défunt. La règle à suivre est rappelée par la Cour de cassation dans l'arrêt du 2 février 2010 : "il convenait de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt en ce qui concerne l'organisation de ses funérailles et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités". Tout le droit des funérailles est, en effet, fondé autour de la notion de "dernières volontés" dès lors que celles-ci ne sont pas contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs (2). Le choix des modalités de ses propres funérailles peut, en effet, être considéré comme relevant d'une liberté individuelle, même si la Cour européenne des droits de l'Homme a pu affirmer que cette liberté n'était pas à l'abri d'un certain pouvoir de réglementation de l'Etat au nom de la protection de l'ordre, de la morale et des droits d'autrui (3). L'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 (N° Lexbase : L6047IG3) dispose que tout majeur peut régler les conditions de ses funérailles selon une volonté qui s'impose à ses proches. Le texte prévoit précisément que cette volonté peut être, notamment, exprimée par voie testamentaire.

Preuve de la volonté par tous moyens. A défaut de testament par lequel le défunt exprimerait ses volontés quant à l'organisation de ses funérailles, "il convient de rechercher quelle aurait été la volonté du défunt s'il s'était exprimé" (4). Dans un arrêt de 2005, la Cour de cassation affirme ainsi que "l'ordonnance qui retient exactement qu'il convenait de chercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt [...] constate d'abord qu'Amar B., s'il n'était pas pratiquant régulier, était de tradition musulmane, qu'il avait manifesté le voeu d'être inhumé et que rien ne permettait d'affirmer qu'il eut entendu rompre tous liens avec cette tradition" (Cass. civ. 1, 15 juin 2005, n° 05-15.839, FS-P+B N° Lexbase : A7668DIT). Il s'agit alors pour les proches en conflit à propos des modalités de funérailles du défunt d'établir quels étaient les souhaits de ce dernier sur ce point.

Volonté supposée du défunt exprimée par un proche. En réalité, dans la plupart des hypothèses qui donnent lieu à un contentieux judiciaire, il n'existe pas de preuves matérielles de volonté du défunt quant aux modalités de sa sépulture et le juge doit alors désigner, parmi les proches, celui dont il pense qu'il est le mieux à même de savoir ce que le défunt aurait souhaité (5). Ainsi, la cour d'appel de Limoges affirme-t-elle dans un arrêt du 25 août 2005 "qu'en l'absence de preuve matérielle de la volonté du défunt quant aux modalités de sa sépulture, il convient de rechercher quelles personnes étaient le mieux à même d'apprécier cette volonté et par conséquent de la faire connaître" (6). C'est donc bien en tant que "porte-parole" du défunt que cette personne doit être choisie et non en raison des arguments objectifs ou subjectifs qu'elle avance en faveur d'un type de sépulture (7). Ainsi, la cour d'appel de Paris considère-t-elle "que, indépendamment de la valeur des arguments invoqués par M. X en faveur de l'inhumation traditionnelle permettant de disposer d'un lieu de sépulture favorisant le travail de deuil, il convient de rechercher la volonté du défunt pour la faire primer" (8). Dans un arrêt du 12 juin 2001, la cour d'appel de Paris a cependant fait primer l'intérêt des jeunes enfants du défunt, sans rechercher véritablement quelle aurait pu être la volonté de ce dernier (9).

Lien avec le défunt. La personne désignée pour organiser les funérailles du défunt bénéficie donc d'une présomption de confiance de la part du juge qui considère qu'elle fera prévaloir la volonté supposée du défunt. En réalité, c'est bien la volonté de la personne désignée qui, dans la plupart des cas, présidera à l'organisation des obsèques... L'étude de la jurisprudence montre que les personnes désignées peuvent être très diverses. S'il s'agit, en principe, d'un membre de la famille du défunt, les amis ne sont pas exclus dès lors que leurs liens avec ce dernier permettent de supposer qu'ils feront de bons interprètes des dernières volontés qu'il aurait pu exprimer (10).

Conflits. Lorsque plusieurs personnes se prétendent chacune la mieux à même de déterminer la volonté supposée du défunt, "il appartient au juge de déterminer souverainement quels sont, parmi les proches du défunt, celui ou ceux que leurs rapports privilégiés d'intimité avec lui permettent de reconnaître comme les interprètes les plus qualifiés de sa volonté probable" (11). La tâche peut s'avérer délicate, surtout lorsque le défunt laisse plusieurs proches par le sang. "On comprend qu'il ne peut pas y avoir d'ordre successoral comme en matière patrimoniale. Il n'est pas question d'interroger en priorité les descendants puis les ascendants selon un ordre préétabli. Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation" (12). Comme la solution de l'arrêt commenté le laisse entendre, le conjoint bénéficie cependant d'une certaine primauté.

II - La primauté du conjoint vivant avec le défunt

Le privilège de la veuve. Selon la Cour de cassation, "Mme Z, sa veuve, avec laquelle celui-ci a vécu pendant plus de trente et dont il a eu quatre enfants, était la plus qualifiée pour décider de l'organisation des obsèques, compte tenu de cette vie commune et des liens affectifs, non remis en cause, ayant uni ce couple". Cette primauté du conjoint survivant se retrouve dans plusieurs décisions antérieures. Ainsi, la cour d'appel de Paris n'a pas hésité, dans un arrêt du 5 mai 2009 (13), à affirmer que "le droit reconnaît traditionnellement une priorité au conjoint survivant sur les autres membres de la famille quant au choix du lieu de sépulture (14)". Cette primauté reposerait sur l'idée que le conjoint reste en principe l'interprète privilégié de la volonté du défunt (15).

Communauté de vie. Moins que la qualité de conjoint, c'est la vie commune qui justifie la primauté du veuf ou de la veuve en matière de choix de sépulture. L'intimité partagée avec le défunt le place en effet en meilleure position pour savoir ce que ce dernier aurait souhaité comme dernière demeure. Dans l'arrêt du 2 février 2010, la Cour de cassation insiste particulièrement sur cet aspect, soulignant le fait que la veuve a vécu plus de trente ans avec le défunt et les liens affectifs "non remis en cause" qui l'unissaient à lui. A l'inverse, plusieurs décisions ont écarté le conjoint comme meilleur interprète des volontés du défunt concernant les funérailles de ce dernier en raison de la séparation des époux. Ainsi le tribunal de Lille, dans une décision du 20 mai 2005 (16), considère que "le conjoint ne peut être qualifié d'interprète privilégié que dans la mesure où il existe une communauté de vie ; qu'en l'espèce, les époux B. étaient séparés et une procédure de divorce avait été engagée [...] que si les enfants, tous majeurs, n'habitaient plus avec leur père, ils étaient par les liens du sang les proches parents, dévolutaires naturels du choix de la sépulture" (17).

Allant plus loin, certaines juridictions, comme la cour d'appel de Paris (18), refusent de laisser le conjoint organiser les obsèques en cas de mésentente établie des époux. Comme l'affirme le Professeur Hauser, "tout est question d'espèce et au fond [le conjoint] ne bénéficie guère que d'une sorte de présomption d'autorité qui n'est justifiable [...] que s'il n'y a pas mésintelligence entre les conjoints. Il ne suffirait donc pas d'être conjoint pour être l'interprète privilégié des volontés du défunt, il faudrait encore être un conjoint heureux en ménage" (19).

Concubinage. Dès lors que la primauté accordée au veuf ou à la veuve pour organiser les obsèques de son conjoint est fondée sur la communauté de vie et les liens affectifs, aucune raison ne permet de refuser la même faveur au concubin ou au partenaire qui réunit les mêmes caractéristiques, "sous réserve de la démonstration de la stabilité des relations de concubinage ; et ce qui, désormais, sera en principe d'autant plus vrai en cas de conclusion d'un pacte civil de solidarité" (20). La jurisprudence s'est logiquement orientée en ce sens. La cour d'appel de Limoges a ainsi, par exemple, considéré dans une décision du 25 août 2005 (21), que la concubine du défunt, qui vivait avec lui depuis cinq ans, "apparaît comme ayant été la personne la plus proche du défunt au cours des dernières années" (22).


(1) P. Berchon, Rep. civ., V° Sépulture.
(2) X. Labbée, Le chemin du Paradis, D., 2005, p. 2431.
(3) CEDH, 17 janvier 2006, Req. 61564/00, Elli Poluhas Dödsbo c/ Suède (N° Lexbase : A3720DMQ).
(4) X. Labbée, La dévolution successorale des restes mortels, AJFamille, 2004, p. 123.
(5) TI Lille, ord., 20 mai 2005, n° 124/05 : "Attendu qu'à défaut de pouvoir déterminer clairement la volonté du défunt, il convient de rechercher la personne la plus qualifiée pour être l'interprète de cette volonté".
(6) CA Limoges, 1ère ch., 25 août 2005, n° 1174/05, M. Cédric B. c/ Mme Dominique B. épouse G. (N° Lexbase : A4855ECS).
(7) La cour d'appel de Toulouse, dans un arrêt du 26 juin 2000 (RG n° 1999/00180), a précisé que "la question du lieu d'inhumation en l'absence de volonté clairement exprimée par le défunt se pose de façon différente selon que l'enterrement n'a pas encore eu lieu, ou au contraire a déjà été célébré. Dans ce second cas, le principe général du respect d'une sépulture impose à ceux qui allèguent une violation des souhaits du défunt et qui sollicitent l'exhumation, de rapporter la preuve de ce que sa volonté n'aurait pas été respectée et qu'ils sont les mieux à même d'exprimer cette volonté".
(8) CA Paris, 12 avril 2002, RG n° 2002/60305.
(9) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 5 mai 2009, n° 07/20251, Mme Josette P. c/ Mme Micheline M. (N° Lexbase : A1495EI9).
(10) Cass. civ. 1, 26 avril 1984, n° 83-11.117, Mme Madrière c/ Mlle Massin (N° Lexbase : A0764AAK), Bull. civ. I, n° 142, D., 1985, IR 18, obs. R. Lindon, JCP éd. G, 1984, IV, 212 ; CA Montpellier, 6 décembre 1982, Gaz. Pal., 1983, 2, Somm. 432 ; v. aussi CA Versailles, 24 avril 1979, Gaz. Pal., 1981, 1, Somm. 105.
(11) P. Berchon, art. préc..
(12) X. Labbée, art. préc..
(13) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 5 mai 2009, préc..
(14) Dans le même sens : Cass. civ. 1, 31 mars 1981, n° 80-11761, Epoux Quenivet c/ Dame Quenivet (N° Lexbase : A6350CKE), Bull. civ. I, n° 114, JCP éd. G, 1981, IV, 224 ; CA Riom, 23 juin 1981 et CA Lyon, 18 novembre 1981, JCP éd. G,1983, II,19956, note Almaira
(15) En ce sens Malaurie et Aynès, Les personnes, n° 303.
(16) TI de Lille, 20 mai 2005, n° 124/05.
(17) Dans le même sens : Cass. civ. 1, 14 octobre 1970, n° 69-12083, Dame Bieu c/ Consorts Bieu (N° Lexbase : A4521CHW), D., 1971, 94 ; CA Paris, 10 juin 1980, Gaz. Pal. 1981, 1, Somm. 43 ; CA Lyon, 18 novembre 1981, JCP éd. G, 1983, II, 19956, note G. Almairac ; CA Dijon, 22 avril 1986, D., 1986, IR, 408 ; CA Nancy, 23 juillet 1998, Dr. fam., 1999, comm. 32, note B. Beignier ; CA Toulouse, 22 novembre 1999, JCP éd. G, 2000, IV, 1765 ; CA Toulouse, 4 septembre 2000, Dr. fam., 2001, comm. 9, note B. Beignier.
(18) CA Paris, 16 septembre 1993, RTDCiv., 1994, p. 76, obs. J. Hauser.
(19) J. Hauser, art. préc..
(20) P. Berchon, art. préc..
(21) Préc..
(22) Dans le même sens : Cass. civ. 1, 8 juillet 1986, n° 85-12.725, Mme Barnaud et autre c/ Mme Leclerc et autre (N° Lexbase : A5735AAN), Bull. civ. I, n° 205 ; CA Douai, 7 juillet 1998, JCP éd. G, 1998, II, 10173, note X. Labbée, Dr. fam., 1998, comm. 176, note B. Beignier ; CA Agen, 20 janvier 1999, JCP éd. G, 1999, II, 10159, note T. Garé, Dr. fam., 1999, comm. 55, note B. Beignier ; CA Versailles, 26 mars 1999, Dr. fam., 2001, comm. 9, note B. Beignier ; CA Reims, 1er février 2001, Dr. fam., 2001, comm. 114, note B. Beignier ; CA Bourges, 16 juin 2003, JCP éd. G, 2004, IV, 1834 ; CA Poitiers, 7 mars 2007, JCP éd. N, 2008, 1178, note D. Dutrieux.

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Santé

[Evénement] Colloque "Risques psycho-sociaux et Ressources Humaines"

Lecture: 1 min

N4658BNT

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Le 07 Octobre 2010

A l'occasion de la remise des diplômes de la promotion 2008-2009 le vendredi 19 mars 2010, les étudiants du Master 2 "Développement des Ressources Humaines" de l'Université Paris I-Sorbonne ont le plaisir de vous inviter à une conférence "Risques psycho-sociaux et ressources humaines".
  • Intervenants

Jean-Denis Combrexelle, Directeur général du travail, ministère du Travail

Jean-Louis Malys, Secrétaire national de la CFDT en charge de la négociation interprofessionnelle sur la violence et le harcèlement

Jean-Christophe Sciberras, Directeur relations sociales Rhodia-France, vice-président de l'ANDRH

Marie-Christine Soula, Ancien médecin-inspecteur régional du travail, Directrice du Pôle santé de l'Institut français du stress (IFAS)

La conférence sera animée par Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université Paris I-Sorbonne et directeur du M2 "DRH-Sorbonne"

  • Date et lieu

Vendredi 19 mars 2010

19h/20h

Amphithéâtre Richelieu, Sorbonne

Entrée : 17, rue de la Sorbonne
75005 Paris

Accès : RER Luxembourg, ou ligne 10 : M° Cluny-La Sorbonne

  • Renseignements

Inscription nécessaire sur le site : colloque@sorbonnerh.net

Se munir d'une carte d'identité pour entrer à la Sorbonne

Pour tout autre renseignement : www.sorbonne-rh.com

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Licenciement

[Jurisprudence] Nullité du licenciement et refus de réintégration par le salarié : quelles conséquences ?

Réf. : Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.640, Mme Yamina Lahraoui c/ Société Groupe Vog, FS-P+B (N° Lexbase : A0477ESH)

Lecture: 7 min

N4665BN4

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Le Code du travail fait interdiction à l'employeur de résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée et pendant l'intégralité des périodes de suspension auxquelles elle a droit. En outre, pendant le congé de maternité, aucun licenciement ne peut être signifié à la salariée, quelle qu'en soit la cause. Le licenciement prononcé en violation de ces prescriptions est nul et la salariée peut exiger sa réintégration dans l'entreprise. Dans la mesure où il ne s'agit que d'une faculté, la salariée peut préférer demander au juge une simple indemnisation. Mais, il lui est également loisible de demander sa réintégration pour ensuite la refuser. Un tel refus entraîne des conséquences en terme d'indemnisation, que la Cour de cassation vient préciser dans un important arrêt rendu le 17 février 2010.


Résumé

Après avoir relevé que la salariée avait refusé, le 12 octobre 2007, la réintégration proposée par l'employeur en exécution du jugement du conseil de prud'hommes et décidé à bon droit que l'appel du jugement interjeté par l'employeur ne faisait pas obstacle à cette réintégration, la cour d'appel en a justement déduit que la salariée ne pouvait prétendre au paiement d'un salaire après le 12 octobre 2007, dès lors qu'elle s'était abstenue de reprendre sa prestation de travail.
Cependant, le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

I - La nullité du licenciement

  • La sanction

Aux termes de l'article L. 1225-4 du Code du travail, il est interdit à l'employeur de résilier le contrat de travail d'une salarié en état de grossesse médicalement constatée et pendant l'intégralité des périodes de suspension auxquelles elle a droit, qu'elle en use ou non, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes.

Après avoir posé le principe de l'interdiction, ce même texte ajoute que l'employeur peut, toutefois, résilier le contrat s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité de maintenir le contrat, pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Il faut, toutefois, ajouter que, pendant le congé maternité, la protection de la salariée contre le licenciement est renforcée. La résiliation du contrat de travail ne peut pas être signifiée, ni prendre effet pendant cette période, quelle que soit la cause de licenciement invoquée par l'employeur (C. trav., art. L. 1225-4, al. 2 N° Lexbase : L0854H9I).

Il n'est guère besoin de s'étendre sur la sanction encourue par l'employeur qui met un terme au contrat de travail de la salariée en violation des dispositions qui viennent d'être évoquées : le licenciement est nul, en application de la loi.

C'est apparemment ce qui s'était passé dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt sous examen. En l'espèce, une salariée, engagée en août 2003 en qualité de coiffeuse, avait fait connaître à son employeur, alors qu'elle était en congé de maternité, son désir de prendre, à compter du 26 août 2004, un congé parental d'éducation après la naissance de son deuxième enfant. L'employeur ayant refusé la demande, il avait licencié la salariée, le 26 novembre 2004, pour faute grave résultant d'un abandon de poste depuis le 26 août 2004. Faisant valoir que le licenciement avait été prononcé pendant la suspension de son contrat de travail, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale pour contester la validité du licenciement, demander sa réintégration et le paiement des salaires et congés payés afférents jusqu'à la réintégration effective. On peut penser que les juges du fond avaient prononcé la nullité du licenciement puisque le litige portait sur les conséquences du refus de la salariée d'être réintégrée dans son emploi, alors que cette mesure avait été décidée par les magistrats (1).

  • Les conséquences de la nullité

Dès lors que le licenciement est nul, la salariée peut exiger d'être réintégrée dans son emploi. On sait qu'il a fallu attendre de nombreuses années pour que la Cour de cassation finisse par admettre cette solution (2). Il est vrai que la rédaction maladroite des textes de loi pouvait donner lieu à interprétation.

Si la salariée demande sa réintégration, l'employeur ne peut s'y soustraire. Dans ce cas, il doit verser à celle-ci les salaires perdus entre le jour du licenciement et celui de la réintégration effective. Mais, la réintégration n'est qu'une faculté pour la salariée illégalement licenciée, qui peut donc préférer une indemnisation. Dans ce cas, l'employeur sera condamné, comme dans les autres cas de nullité, à trois paiements : le paiement des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité (3), le paiement des indemnités de licenciement et de préavis et le paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement (4). Il est une autre hypothèse, révélée par l'arrêt sous examen : celle dans laquelle la salariée demande sa réintégration, l'obtient du juge puis finit par y renoncer.

II - Le refus de la réintégration par la salariée

  • Le droit de refuser et la période postérieure au refus

Le droit à être réintégré consécutivement à la nullité du licenciement est, si l'on peut dire, abandonné à la volonté de la salariée. En d'autres termes, il n'y a là pour elle qu'une simple faculté. Elle peut donc saisir le juge d'une simple demande à indemnisation ou d'une demande de réintégration. Mais elle peut tout aussi bien, après avoir obtenu du juge sa réintégration, la refuser que ce soit de sa propre initiative ou après qu'une proposition en ce sens lui a été faite par l'employeur, en exécution du jugement du conseil de prud'hommes.

A cet égard, et ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, l'appel du jugement interjeté par l'employeur ne fait pas obstacle à cette réintégration. Il en résulte que celui-ci peut, à bon droit, proposer à la salariée d'être réintégrée ; proposition que celle-ci peut, de manière tout aussi justifiée, décliner. Mais, dans une telle hypothèse, et c'est là un autre enseignement de l'arrêt du 17 février 2010, la salariée ne peut prétendre à paiement de son salaire après son refus à être réintégrée, dès lors qu'elle s'est abstenue de reprendre sa prestation de travail. Cette solution nous paraît pleinement justifiée. La salariée ne peut pas, à la fois, demander sa réintégration au juge, l'obtenir, la refuser alors que l'employeur exécute le jugement et prétendre au paiement des salaires postérieurement à son refus. Et il n'y a pas lieu ici de tenir compte d'une quelconque réintégration effective puisque, précisément, la salariée ne souhaite plus revenir dans l'entreprise (5).

L'employeur a, quant à lui, tout intérêt à proposer la réintégration immédiatement après le jugement prud'homal l'y condamnant, y compris s'il a interjeté appel de ce jugement car, pendant ce temps, la "roue des salaires" continue de tourner. Reste à savoir quelle serait la conséquence d'une absence de réponse de la salariée à cette proposition. A notre sens, dès lors que la salariée s'abstient de reprendre son travail, la solution retenue dans l'arrêt commenté doit s'appliquer.

  • La période antérieure au refus

En l'espèce, non seulement les juges du fond avaient exclu que la salariée puisse prétendre au paiement des salaires postérieurs à son refus d'être réintégré, mais ils avaient, en outre, rejeté sa demande en paiement de rappel de salaires pour la période allant de son licenciement jusqu'au jour du refus précité. Pour aller à l'essentiel, la cour d'appel avait considéré que la salariée était à l'origine de son préjudice, celle-ci ayant refusé la réintégration qu'elle avait pourtant expressément demandée.

L'arrêt est censuré par la Cour de cassation au visa de l'article L. 1225-71 du Code du travail. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (6). Par conséquent, en statuant comme elle a fait, alors que le refus par la salariée à compter du 12 octobre 2007 de la réintégration proposée par l'employeur ne pouvait la priver d'une indemnisation dans la limite des salaires qu'elle n'avait pas perçus pour la période comprise entre le licenciement et la date de ce refus, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Là encore, la solution paraît devoir être approuvée. Dès lors que le licenciement est nul, il ne peut produire aucun effet et la salariée doit pouvoir obtenir sa réintégration. Si elle la demande et qu'elle l'obtient, elle doit percevoir les salaires dus entre le licenciement et le jour de sa réintégration. Mais, nous l'avons relevé, cette réintégration n'est qu'une faculté qu'elle peut donc ne pas exercer que ce soit en amont du jugement ou en aval de celui-ci. En cas de refus, la période d'indemnisation n'est donc plus bornée par la réintégration effective mais par le refus de réintégration.

Il n'en demeure pas moins que cette solution conduit à une situation pour le moins curieuse. Ainsi que nous l'avons vu précédemment, si la salariée ne demande pas au juge sa réintégration, elle n'obtiendra que le paiement des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité. En revanche, si elle demande sa réintégration et qu'elle l'obtient, il lui sera loisible de la refuser pour obtenir alors le paiement des salaires qui auraient du lui être versés entre le licenciement et le jour de son refus. On devine alors sans peine que la salariée a tout intérêt à privilégier la seconde option, même si, dès le départ, elle n'envisage nullement de revenir dans l'entreprise. On peut, toutefois, s'interroger sur le fait de savoir si, dans ce cas, la salariée peut également prétendre en outre au paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du caractère illicite de licenciement et au moins égaux à six mois de salaire.


(1) On avouera être dubitatif quant à la nullité du licenciement. En effet, il apparaît que celui-ci avait été prononcé en novembre 2004. Or, la salariée avait demandé à bénéficier d'un congé parental d'éducation à compter d'août 2004. Par suite, le licenciement semblait être intervenu non durant la période de suspension du contrat de travail pour congé de maternité, mais pendant le congé parental.
(2) Cass. soc., 30 avril 2003, n° 00-44.811, Mme Gabrielle Velmon c/ Association Groupe Promotrans (N° Lexbase : A7501BSM), Bull. civ. V, n° 152 ; D., 2004, somm., p. 178, obs. B. Lardy-Pélissier.
(3) C. trav., art. L. 1225-71, al. 2 (N° Lexbase : L0999H9U). La salariée a droit au paiement de tous les salaires qui auraient été versés du jour où elle a dû cesser son travail du fait du licenciement jusqu'au jour où cesse la période de protection (c'est-à-dire quatre semaines après l'expiration du congé maternité).
(4) Cass. soc., 9 octobre 2001, n° 99-44.353, Mme Cécile Hille c/ Société SVP Service (N° Lexbase : A2229AWH) (le montant de l'indemnité ne peut être inférieur à six mois de salaire).
(5) Ce que soutenait pourtant la salariée dans son pourvoi. Cette argumentation procédait de la considération que la salariée n'avait pas à reprendre le travail dans la mesure où le jugement du conseil de prud'hommes n'était pas assorti de l'exécution provisoire en ce qui concerne notamment la réintégration et ses conséquences.
(6) Il est important de remarquer que la Cour de cassation vise "le" salarié dont licenciement est nul. La solution vaut donc sans doute pour tous les cas de nullité du licenciement et non exclusivement pour celui de la salariée en état de grossesse.


Décision

Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.640, Mme Yamina Lahraoui c/ Société Groupe Vog, FS-P+B (N° Lexbase : A0477ESH)

Cassation partielle de CA de Douai, ch. soc., 31 octobre 2008

Texte visé : C. trav., art. L. 1225-71 (N° Lexbase : L0999H9U)

Mots-clefs : femme enceinte ; protection contre le licenciement ; nullité ; réintégration ; refus ; conséquences

Lien base : (N° Lexbase : E3343ETY)

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Environnement

[Questions à...] Après l'échec du sommet de Copenhague sur le climat et la censure constitutionnelle de la contribution carbone - Questions à Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS et à l'Ecole Polytechnique

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N4659BNU

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

Le cabinet d'avocats Savin-Martinet organisait, le jeudi 11 février 2010 au Cercle de l'Union Interalliée, un petit déjeuner autour de la thématique "L'après-Copenhague : constat d'espoir ou de désespoir ?". En effet, du 7 au 18 décembre 2009, la capitale danoise a accueilli le sommet de l'ONU sur le changement climatique, durant lequel les dirigeants du monde entier ont tenté de se rassembler autour d'un projet politique pour donner suite au Protocole de Kyoto qui expire fin 2012. Si la réalité du bouleversement climatique fait aujourd'hui consensus au sein de la communauté scientifique, puisque le quatrième rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC) pointe les émissions de gaz à effet de serre, principalement dues à l'utilisation croissante d'énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) et à la déforestation, comme principales responsables de ce phénomène, l'impression qui se dégage à la suite de ce sommet est celle d'une relative impuissance politique entre, d'un côté, une Europe vertueuse mais pesant peu sur la scène internationale du fait de son manque d'intégration politique, et, de l'autre, des pays en développement qui ne semblent pas prêts à sacrifier leur développement économique sur l'autel de préoccupations jugées encore secondaires. Pour faire le point sur ces enjeux, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré le principal conférencier de cette réunion matinale, Monsieur Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS et à l'Ecole Polytechnique, qui a récemment présidé l'atelier n° 1 de la Conférence d'experts sur la contribution climat-énergie placée sous la présidence de l'ancien Premier ministre Michel Rocard.

Lexbase : Comment analysez-vous l'échec du sommet de Copenhague, qui se voulait la "réunion de la dernière chance" ?

Olivier Godard : Parler d'échec, c'est situer l'événement par rapport aux vives attentes et aux efforts intenses consentis qui, les unes et les autres, s'inscrivaient dans une direction précise, celle d'une coordination internationale de plus en plus forte et "juridiquement contraignante" sur un périmètre de plus en plus étendu devant englober, de façon ultime, l'ensemble de la communauté internationale. A Copenhague c'est l'idéal, surtout européen, d'un quasi-gouvernement mondial de la protection du climat qui s'est fracassé. Il n'a pas laissé la place à rien, mais à une coordination faible restaurant en sa majesté le principe de souveraineté des grandes puissances et, par la force des choses, la domination des vues des pays les plus émetteurs en gaz à effet de serre (GES) sur les règles du jeu.

Copenhague l'a mis en scène devant les caméras du monde entier : les européens, qui se prenaient pour les leaders historiques naturels du combat pour le climat et pour sa gouvernance mondiale, se sont vu signifier avec netteté que d'autres reprenaient les choses en main à leur manière. Ces autres, réunissant puissances dominantes d'aujourd'hui et de demain, ont élaboré entre eux un modus vivendi pompeusement appelé "accord de Copenhague" qui a l'immense avantage, à leurs yeux, de ne pas préempter leurs politiques domestiques et de ne pas les lier à un pouvoir supranational. Ils n'ont laissé aux européens maintenus hors du coup qu'une seule option, comme les grandes puissances avaient coutume de le faire avec les "petits" Etats : signer sur le papier là où on le leur disait.

Copenhague, c'est à la fois l'échec du leadership européen et l'échec d'une conception forte, empreinte de supranationalité, de la coordination internationale pour la protection de biens collectifs planétaires. C'est aussi la fin du rêve de certains économistes de voir s'installer un marché mondial du carbone. Paradoxalement, un tel marché n'était envisageable que dans le scénario d'une coordination forte avec des règles et des limites d'émissions contraignantes. Des marchés du carbone resteront possibles à l'échelle des pays ou de régions, comme l'Europe, mais, dans la mesure où ils reflèteront des ambitions et des contraintes hétérogènes, ils ne pourront pas être couplés : si l'Europe se donne un prix directeur de 30 euros la tonne et que les Etats-Unis ne veulent pas d'objectifs trop contraignants qui les amèneraient au-delà de 10 dollars, ces derniers ne voudront pas coupler leurs système avec celui des européens. Il restera peut-être un élément commun aux différentes initiatives régionales : les mécanismes de projets comme le mécanisme de développement propre actuel. Les ensembles régionaux pourront être en compétition pour la récupération de crédits offsets tirés de projets réalisés dans les pays en développement.

Depuis décembre 2009, la recherche des responsables et des coupables a commencé. L'on a incriminé les errements et insuffisances de la présidence danoise et mis en cause la quasi-absence des allemands. L'on a dénoncé l'incapacité des 27 à parler d'une seule voix et à intervenir à temps dans la négociation, tant ils étaient absorbés par leur propre coordination. L'on a condamné les initiatives parallèles d'autopromotion de la France en grand organisateur de la réconciliation internationale. Rien de cela ne va à l'essentiel. L'essentiel est que le jeu international est nécessairement dominé par ceux qui tiennent les cartes en main. S'agissant d'un problème de pollution planétaire, ce sont les plus gros pollueurs actuels et futurs qui détiennent ces cartes. S'agissant d'un problème touchant la géopolitique, ce sont les grandes puissances énergétiques qui sont maîtres du jeu. Les vraies grandes puissances sont des acteurs clés de ces deux parties. Il se trouve qu'elles n'accordent pas la priorité au problème climatique et sont très peu désireuses de se lier par des règles internationales, considérées comme des atteintes à la souveraineté de leurs politiques intérieures.

L'Europe se veut plus vertueuse que les autres et l'est objectivement : elle ne représente plus qu'environ 10 % des émissions mondiales de GES et a établi, dès 2005, via la Directive (CE) 2003/87 du 13 octobre 2003 (N° Lexbase : L5687DL9), un système européen d'échange de quotas d'émission de GES, alors même que le Protocole de Kyoto n'était toujours pas entré en vigueur. Ce système "vise à inciter tout participant audit système à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés afin d'en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d'émissions supérieure aux quotas alloués" (cf. CJCE, 16 décembre 2008, aff. C-127/07, Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. c/ Premier ministre N° Lexbase : A8256EBE).

Cependant, tout en étant démunie de réserves énergétiques, l'Europe des 27 ne détient, pour sa part, aucune des cartes clés de ces deux jeux : elle pèse objectivement de moins en moins. Il n'est donc pas étonnant qu'elle soit à peine mieux traitée que les petites îles du Pacifique. Son erreur est de ne pas avoir tenu compte de l'évolution de ce rapport de forces depuis la Conférence des Nations-Unies sur l'environnement et le développement qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992, et d'avoir voulu se donner un rôle qui peut, certes convenir à l'image qu'elle veut se donner d'elle-même, mais pas à celui que les autres pays veulent lui concéder.

Ce qui s'était passé à Kyoto aurait déjà dû lui mettre la puce à l'oreille. L'on n'avait abouti à un accord sur ce Protocole en 1997 uniquement parce que l'Europe avait in fine accepté de renoncer à tout ce qu'elle avait inconsidérément mis en avant comme conditions contraignantes sur les "politiques et mesures" coordonnées qu'elle voulait imposer, sur les "mécanismes de flexibilité" dont elle ne voulait pas -ne s'agissait-il pas "d'échappatoires" ?- et sur les dispositifs de contrôles. Mieux, elle a consenti, au dernier moment, à adopter l'architecture des propositions américaines qui reposait sur l'idée du cap and trade. Que, par la suite, ce soit l'Union européenne qui devienne la pionnière militante du marché du carbone et que les américains se soient finalement refusés à ratifier Kyoto après avoir totalement imposé leurs vues sur l'architecture du Protocole, ne fait que renforcer l'ironie de la situation. Un vrai "leader" gagne sur ses idées et sur ses propositions, pas en les abandonnant pour prendre celles de l'adversaire au moment ultime...

Parce que la réunion de Copenhague devait être l'aboutissement de la "dernière chance", après la relance faite péniblement à Bali deux ans auparavant, et au terme d'un travail intense de tous les experts et négociateurs, et qu'elle a manifesté avec fracas l'échec de cette tentative, l'on doit prendre la mesure intellectuelle de l'évènement : il s'agit d'une bifurcation majeure par rapport à tout ce qui a été entrepris depuis Rio en 1992, et Kyoto en 1997. Contrairement à ce que disent certains responsables européens, il ne s'agit pas là d'un retard de quelques mois sur la voie antérieurement tracée, qui verrait la signature à Mexico en décembre 2010 de ce qui était attendu à Copenhague en décembre 2009. Il faut repenser la coordination internationale dans le cadre d'un régime de faible coordination d'initiatives nationales ou régionales prises, pour l'essentiel, en fonction des agendas nationaux ou régionaux dominés par le pilotage de la croissance, la gestion de l'endettement et des financements, et la géopolitique de l'énergie. Les opinions publiques et les responsables politiques de chaque pays, de chaque région, comme l'Europe, sont, ainsi, mis devant leurs responsabilités qu'ils ont, désormais, à apprécier et à prendre sans miser sur un accord international dans lequel leur action serait, à la fois, fondue et confortée.

Une coordination faible et des choix dominés par les agendas nationaux, cela signifie, également, que le seuil des 2 degrés de réchauffement à ne pas franchir, mentionné par ledit accord de Copenhague comme l'objectif supposé être poursuivi, n'est, désormais, qu'un leurre à destination des opinions publiques. La totalisation des annonces de réduction des émissions transmises par les Gouvernements fin janvier pour l'horizon 2020 ne laisse guère de doutes. Les objectifs déclarés, qui n'engagent aucunement ces derniers, sont à peu près inférieurs de moitié aux réductions à opérer pour avoir, effectivement, 50 % de chances de ne pas franchir le seuil des 2 degrés. Il est donc sage de dire, désormais, à tous les responsables dont les actions engagent une parcelle du long terme : vous devez préparer le pays, les régions, les secteurs, les territoires à un monde dont la température moyenne aura augmenté de 4 degrés d'ici 2100, car c'est dorénavant un scénario très plausible.

Il va falloir élaborer un nouveau cadre d'interprétation de la question climatique. Les pays ayant en commun l'humanisme occidental, qui mettent souvent en avant un combat pour des valeurs universelles, vont se trouver confrontés à une alternative majeure entre une réduction de la problématique à une realpolitik de l'énergie, et la détermination d'une politique assise sur un fondement moral de responsabilité pour l'avenir climatique de l'Humanité et de solidarité avec ceux qui vont être les victimes des changements en cours et à venir du climat, et, en particulier, avec la pointe avancée de ces victimes qui se présenteront en masse aux frontières de l'Europe comme des autres pays moins frappés par le climat. Allons-nous accueillir ces réfugiés climatiques avec des canonnières ou les parquer dans des camps dont ils ne pourront sortir ? Comment parviendrons-nous à leur faire une place chez nous, alors que nous sommes déjà confrontés, sans faire preuve de générosité particulière, au spectacle de ces migrants illégaux venus d'Afrique ou d'ailleurs qui tentent leur chance sans désemparer en dépit des mesures de répression et de reconduite que nous prenons à leur encontre ?

Lexbase : Le marché de quotas de CO2, tel qu'il vient d'être profondément remanié par la Directive 2009/29 (CE) du 23 avril 2009 (N° Lexbase : L3136IEU), est-il un instrument efficient pour réduire les gaz à effet de serre ?

Olivier Godard : Aux yeux des économistes, la régulation d'un problème passe soit par les quantités, soit par les prix, et, au total, c'est l'équilibre prix-quantités qui importe pour l'efficacité économique de la régulation au service d'un objectif environnemental. Dans un cas, c'est par la taxation que l'autorité administrative introduit un prix pour une externalité de manière à infléchir les usages et atteindre un objectif défini en quantités. Dans l'autre cas, l'autorité publique fixe les quantités, mais prévoit les conditions d'un échange qui, si le marché fonctionne correctement, permettra l'apparition d'un prix directeur qui jouera un rôle équivalent à celui de la taxe. Au niveau de l'analyse la plus abstraite des mécanismes, il n'y a donc pas lieu d'ouvrir une querelle de principe contre le marché européen du carbone. Le problème n'est pas de principe, mais d'application.

Du fait du fonctionnement institutionnel particulier de l'Union européenne, qui n'est pas un Etat fédéral, les règles initiales pour la période 2005-2007, et encore pour la période 2008-2012, ne sont pas les meilleures : on a laissé chaque Etat définir lui-même les plafonds d'émissions à imposer aux secteurs industriels concernés, ce qui revenait à mettre ces Etats en concurrence de générosité vis-à-vis, chacun, de ses industriels. La seule règle était que les limites de la quantité totale de quotas à allouer soient respectées (TPICE, 1er octobre 2007, aff. T-27/07, US Steel Koice c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A5641ESQ). Quel Gouvernement ne chercherait pas à avantager l'industrie nationale dans un tel jeu ? À l'exception du Royaume-Uni, cette manière de faire a abouti à une surallocation générale de quotas qui a provoqué, lorsque les entreprises s'en sont aperçues, un effondrement des cours en avril 2006.

Par ailleurs, l'idée d'une allocation gratuite pour les nouvelles installations ou les extensions de capacités, motivée par le même jeu de concurrence entre Etats pour attirer l'investissement chez soi, était, également, économiquement aberrante, puisque cela revenait à renoncer à réorienter, en fonction de la nouvelle économie du carbone, les investissements dans de nouvelles capacités de production, donc à prolonger les bases productives de la croissance des émissions de GES pour plusieurs décennies ! L'allocation gratuite aux installations existantes peut se défendre à titre transitoire, mais quid des nouveaux investissements ? La solution trouvée pour limiter ce contre-signal, c'est-à-dire imposer des normes techniques sur les nouvelles installations, n'a fait que renouer avec le dirigisme technologique auquel on voulait mettre fin par la création du marché de quotas, et n'a pas empêché, par exemple, l'installation de nouvelles centrales thermiques au charbon non équipées de capture et de séquestration du carbone.

Il y avait d'autres défauts dans les règles -comme l'horizon trop court de prévisibilité donné aux opérateurs industriels- et l'expérience a révélé d'autres imperfections : assez grande volatilité des cours -mais pas plus grande que celle du pétrole-, fraude à la TVA pour un montant élevé -4 milliards d'euros !-, insuffisante sécurité de l'accès aux registres électroniques...

L'on escomptait des règles plus saines à partir de 2013, notamment du fait d'un passage progressif à la mise aux enchères. Toutefois, cette bonne idée va être, en partie, mise à mal par l'étendue du régime dérogatoire prévu pour les secteurs ou sous-secteurs industriels réputés "exposés" à un risque de "fuite de carbone" du fait d'une perte de compétitivité au regard de concurrents étrangers. Ce sont près de 80 % des émissions industrielles du périmètre de l'Emission Trading Scheme (ETS) (système d'échanges de quotas d'émission de CO2) -cela ne concerne pas la production d'électricité, source d'environ 50 % des émissions européennes incluses dans l'ETS, qui sera soumise aux enchères à 100 % dès 2013, avec quelques exceptions pour les pays au réseau électrique non intégré à un réseau européen (la Pologne)- qui vont bénéficier du statut dérogatoire reposant sur le maintien de la gratuité à 100 % pour les émissions correspondant à un benchmark technologique déterminé à partir des émissions les 10 % les plus efficaces dans chaque secteur. Or, maintenir l'allocation gratuite n'est pas un moyen efficace pour neutraliser la perte de compétitivité de produits, même si cela préserve la santé financière des entreprises, santé dont elles auront le loisir de faire profiter d'autres pays à travers leurs investissements.

La solution efficace pour, à la fois préserver l'intégrité environnementale et économique de la politique climatique européenne, compromise par le jeu du commerce international qui permet aux consommateurs de bénéficier des prix internationaux qui n'intègrent pas la valeur du carbone, et une saine compétitivité de l'industrie européenne, serait l'introduction d'un dispositif d'ajustement aux frontières de l'Union européenne pouvant prendre la forme d'une taxe aux frontières ou de l'obligation des importateurs de se procurer des quotas sur le marché, que l'on appelle "l'inclusion carbone". Pour des raisons idéologiques, cette solution qui est économiquement fondée et juridiquement admissible, même au regard des règles de l'OMC, n'a actuellement la faveur d'aucun pays européen sauf la France, seul pays à défendre officiellement la mise en oeuvre de cette solution pourtant mentionnée comme une option dans la Directive d'avril 2009 réformant l'ETS.

Lexbase : Dans ce contexte, comment se situe la mise en place pour le moins chaotique de la contribution carbone en France ?

Olivier Godard : L'on peut rappeler, tout d'abord, que la contribution carbone devait s'insérer à l'intérieur d'un ensemble normatif européen dénommé paquet "climat-énergie" composé :

- du Règlement (CE) n° 443/2009 du 23 avril 2009, établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers (N° Lexbase : L3134IES) ;
- des Directives (CE) du 23 avril 2009, 2009/28, relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (N° Lexbase : L3135IET), 2009/29, modifiant la Directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (N° Lexbase : L3136IEU), 2009/30 modifiant la Directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles, ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre (N° Lexbase : L3137IEW), 2009/31 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone (N° Lexbase : L3138IEX), 2009/33 relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie (N° Lexbase : L1679IEW) ;
- et de la Décision (CE) n° 406/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, relative à l'effort à fournir par les Etats membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020 (N° Lexbase : L6054IGC).

D'une certaine manière, l'on a affaire à un télescopage, comme entre deux trains en sens inverse sur une même voie, mais avec des conséquences tout de même moins dommageables. Ce n'est pas qu'on soit dans l'impossibilité de chercher à combiner approche par les quantités et approche par les prix. En cas d'incertitude marquée sur les coûts de réduction des émissions de GES, une telle combinaison peut être la plus efficace économiquement, en plafonnant, par exemple, par une taxe libératoire -à la différence d'une pénalité non libératoire- le coût maximal qui sera demandé aux opérateurs industriels pour réduire leurs émissions d'une tonne supplémentaire. Ou bien en séparant nettement les secteurs soumis à un instrument et ceux soumis à l'autre en fonction de propriétés objectives. Tout cela exige, cependant, d'être pensé de façon intégrée dans la conception retenue au départ, et non pas ajouté en cours de route.

D'un point de vue économique, l'approche initiale du Gouvernement français se défendait : il y avait l'ETS pour les activités productives très fortement émettrices car très consommatrices d'énergie, mais il n'y avait pas d'incitation économique particulière pour les "émissions diffuses". La politique était donc jusqu'alors bancale. La France ne pouvait pas étendre, à elle seule, l'ETS aux secteurs diffus et ces émissions diffuses se prêtent moins bien à une approche de marché. En termes techniques, les coûts de transaction seraient élevés si chaque habitant devait intervenir sur le marché du carbone pour se procurer des quotas à hauteur de sa consommation d'essence ou de fuel pour se chauffer. L'alternative consistant à réserver les quotas aux quelques grands opérateurs énergétiques contrôlant l'entrée du carbone dans l'économie -ce qu'on appelle l'approche amont- reviendrait à faire une confiance aveugle à des entreprises oligopolistiques pour gérer de façon optimale dans l'intérêt national la transmission du signal prix jusqu'au consommateur final.

La tradition française dans le domaine de l'énergie a été celle d'une fiscalité gérée par l'Etat et contrôlée démocratiquement. Le principe de la taxe carbone se justifiait donc pour réguler les émissions diffuses. Du fait de cette division des territoires d'application, la coexistence des deux systèmes pouvait se défendre, en dépit de quelques frottements sur les bords et en dépit du fait que deux signaux-prix différents étaient donnés à l'économie française, sans que les différences entre ces deux signaux soient, pour le moment, économiquement justifiées. Le Gouvernement a, d'ailleurs, choisi un taux de contribution carbone relativement proche du prix de marché du carbone, mais très éloigné de celui que recommandait les commissions d'experts qui s'étaient penchées sur le sujet à la demande du Gouvernement (Commission Quinet en 2008, et Conférence d'experts présidée par Michel Rocard en 2009), ce qui traduit le fait que l'ambition des objectifs assignés à la France par le "paquet climat-énergie" est inférieure à l'ambition que la France s'est donnée pour elle-même dans sa législation (cf. loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, relative au secteur de l'énergie, N° Lexbase : L6723HT8 et loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement N° Lexbase : L6063IEB), en se référant à une division par 4 de ses émissions d'ici 2050 et à une réduction moyenne de 3 % par an.

La décision du Conseil constitutionnel de fin décembre 2009 (Cons. const., décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 N° Lexbase : A9026EPY) a mis fin à ce schéma de division du travail en censurant le projet gouvernemental. C'est l'ampleur des exemptions concédées, en particulier l'exemption totale visant les émissions des installations industrielles soumises au système européen des quotas, qui est à l'origine de cette censure. Deux motifs généraux sont mis en avant, comme en 2000 pour la censure du projet du Gouvernement Jospin d'étendre la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux consommations intermédiaires d'énergie : inadéquation des moyens aux objectifs, et rupture manifeste de l'égalité devant les charges publiques. C'est qu'en France, une taxe conçue pour infléchir les comportements et non pour collecter de la ressource fiscale est, néanmoins, considérée en droit administratif comme un "impôt", et donc soumise aux exigences générales de toute imposition. C'est inadapté, mais c'est ainsi : il ne nous a pas été possible de faire inclure dans la Charte de l'environnement, issue de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 (N° Lexbase : L0268G8G), et dont la valeur constitutionnelle a été consacrée par le Conseil d'Etat en 2008 (CE Contentieux, 3 octobre 2008, n° 297931, Commune d'Annecy N° Lexbase : A5992EA8 et lire N° Lexbase : N4739BHY), un article spécifique attribuant un statut particulier aux instruments économiques des politiques environnementales, qu'il s'agisse de taxes incitatives ou de marché de permis.

Le Gouvernement et le Parlement sont donc invités à reprendre leur copie de façon à soumettre les émissions industrielles à la contribution carbone, quitte à ce que ce soit fait avec des taux et des mécanismes de compensation particuliers pour tenir compte des enjeux de compétitivité dont le Conseil constitutionnel reconnaît la légitimité. Contrairement à plusieurs collègues économistes qui ont dénoncé la dégradation de l'efficacité économique qui résulterait de la soumission des entreprises à un double système, dans lequel le monde industriel voit en s'étouffant de colère une "double peine", il me paraît possible de trouver une solution intelligente pour articuler contribution carbone et participation au marché de quotas, de façon à ce que les décisions économiques soient prises en fonction d'un signal-prix unique, en l'occurrence celui de la contribution carbone française qui est supposée être en phase avec les objectifs que la France s'est donnés.

Sans rentrer dans la technique, je propose de mettre en place un dispositif de taxation comportant deux composantes : a) un prélèvement de base qui serait le même, par unité de valeur ajoutée, pour toutes les installations qui se situeraient à la moyenne des émissions de leur secteur, afin de prendre en compte, au nom de l'équité, les contraintes technologiques propres à chaque secteur d'activité ; b) une modulation, à l'intérieur de chaque secteur, afin que l'opération soit blanche pour l'installation se situant à la moyenne de son secteur, pénalisante pour les "gros émetteurs" et bénéficiaire pour les "vertueux", comme dans un dispositif de bonus-malus. Cette modulation serait donc assise sur l'intensité en émissions de la valeur ajoutée de chaque secteur. Afin d'éviter de trop importants transferts entre installations d'un même secteur, un coefficient de modération de ces transferts serait prévu. L'ensemble du dispositif serait assis sur des données objectives et connues : la valeur ajoutée et les émissions, ce qui coupe court à un jeu de lobbying sans fin de la part des entreprises, chacune voulant faire valoir ses circonstances particulières. Le tout délivrerait le signal économique à la marge qui complèterait le signal donné par le prix de marché du quota pour s'élever à la hauteur du taux de la contribution carbone, 17 euros dans le projet initial du Gouvernement. Il n'y aurait donc, au final, qu'une seule peine, calibrée sur la contribution carbone. Certes, cela correspond à un niveau plus élevé que le niveau courant du prix de marché du carbone. Mais ce dernier est fluctuant. La contribution carbone aurait l'avantage de satisfaire une revendication constante des entreprises industrielles : disposer d'un repère économique stable et prévisible pour organiser rationnellement leurs investissements et leurs évolutions technologiques. Il n'est pas aberrant qu'ils payent un peu plus cher pour ce signal stable et prévisible. Il reste aux pouvoirs publics français à s'arranger pour s'engager sur une trajectoire d'évolution du taux de la contribution carbone afin de garantir la prévisibilité effective de cette contribution.

L'on a vu une initiative des sénateurs Keller, Arthuis et Marini en faveur d'une autre approche consistant non à étendre l'application de la contribution carbone aux entreprises industrielles, mais à profiter de la possibilité de modifier les règles du plan national d'affectation des quotas en réintroduisant une part de mise aux enchères des quotas, plafonnée jusqu'en 2012 par les règles européennes à 10 %, solution que la France avait écarté jusqu'alors au profit d'une allocation gratuite à 100 %. Cette solution préserve l'unicité du signal prix, mais en choisissant celui du marché du carbone, et non celui de la contribution climat, ce qui pose problème pour les conditions de concurrence intranationale, en particulier pour les matériaux de construction dont certains seraient soumis à la contribution carbone (le bois) et d'autres (l'acier, le ciment) au marché du carbone. Elle me paraît surtout incertaine du point de vue constitutionnel. Pas plus que la vente de lots de bois sur pied par l'ONF ou la vente de licences de téléphonie mobile, la vente de quotas d'émissions de CO2 ne saurait être assimilée à un impôt, à la différence de la contribution carbone. Le Conseil constitutionnel pourrait donc à nouveau constater l'étendue de l'exemption intégrée à un nouveau dispositif d'imposition, en contradiction avec les objectifs assignés à cette imposition.

Lexbase : La création d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, afin de préserver l'intégrité environnementale des politiques de l'UE, est-elle réaliste ?

Olivier Godard : Si l'on souhaite mettre en oeuvre ce mécanisme pour les matériaux de base, et non pas pour tout produit importé, il est assez aisé de déterminer comment s'y prendre. Il ne s'agirait pas de chercher à recueillir de l'information sur les émissions effectives que la production d'acier ou de ciment importé aurait occasionné, mais d'adopter une convention selon laquelle ces importations seraient réputées avoir été produites selon un certain benchmark. Ce dernier pourrait être le niveau moyen des émissions pour des productions équivalentes en Europe, ou, de façon plus favorable aux importations, le même benchmark que celui utilisé par la Commission pour l'allocation gratuite, à savoir les émissions unitaires moyennes des 10 % les plus efficaces, à charge pour les importateurs de prouver que les émissions effectives étaient inférieures au benchmark choisi. Il conviendrait, de façon symétrique, de restituer des quotas aux entreprises européennes en proportion de leurs exportations hors Europe. Là aussi, la restitution se ferait non en fonction des émissions réelles mais en fonction de celles d'un benchmark, de façon à maintenir l'incitation à réduire les émissions.

Ceci étant, il n'est sans doute pas réaliste de penser qu'avec un nouveau Parlement nettement plus à droite que le précédent et une Commission dominée par des responsables ayant en commun une idéologie véhiculant une vision anti-protectionniste, un tel dispositif puisse être adopté dans les cinq prochaines années. Une fois de plus, l'Europe est renvoyée à ses contradictions et à son impuissance à mettre en place des dispositifs correspondant aux objectifs du développement durable qu'elle dit poursuivre : concilier efficacité économique, équité sociale et protection de l'environnement.

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Internet

[Questions à...] Enjeux de l'arrêt "Tiscali" du 14 janvier 2010 sur la responsabilité des opérateurs hybrides du web 2.0 - Questions à Giuseppe de Martino, Directeur juridique et réglementaire monde de Dailymotion et Président de l'ASIC

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N2558BN3

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

La solution rendue le 14 janvier dernier (Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 06-18.855, FS-P+B N° Lexbase : A2918EQ7) par la première chambre civile dans la célèbre affaire de contrefaçon des BD de Lucky Luke et de Black & Mortimer a fait trembler les hébergeurs et pourrait bien devenir aussi célèbre que les personnages qu'elle concerne. La Cour de cassation a confirmé l'arrêt rendu sous l'empire de la loi ancienne (1) par la cour d'appel de Paris, le 7 juin 2006 (CA Paris, 4ème ch., sect. A, n° 05/07835, SA Tiscali c/ SA Dargaud Lombard N° Lexbase : A6632DR3), qui dénie la simple qualité d'hébergeur à la société Tiscali Media, devenue Telecom Italia (ci-après "Tiscali"), et lui applique la responsabilité plus lourde d'un éditeur. Soulignons, au passage, que le rapporteur de la décision n'est autre que Marie-Françoise Marais, aujourd'hui présidente de l'Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet). Est-il besoin de rappeler les faits ? Les éditeurs Dargaud Lombard et Lucky Comics, avisés par le Centre national de la lutte contre la délinquance de haute technologie, ont fait constater par huissier la présence de bandes dessinées numérisées dont elles détenaient les droits sur le site du fournisseur d'accès à internet (FAI) Tiscali. A leur demande d'identification de la personne à l'origine de la diffusion litigieuse, le FAI a fourni aux éditeurs une fiche d'identification inexploitable contenant les informations suivantes, étant précisé qu'elles n'ont qu'une valeur déclarative :
"- Nom : Bande
- Prénom : Dessinée
- Date de naissance : 25/03/1980
- Adresse : rue de la BD
- Code postal : 1000
- Ville : Bruxelles
".

A défaut de pouvoir agir contre l'internaute, les ayants droit se sont retournés contre la société Tiscali, avec succès.

Quelques semaines avant l'arrêt retentissant du 14 janvier 2010, Lexbase Hebdo - édition privée générale avait rencontré Giuseppe de Martino, Directeur juridique et réglementaire monde de Dailymotion et Président de l'ASIC (Association des services internet communautaires) (2), qui était revenu sur la responsabilité des hébergeurs (3). Il nous exposait, notamment, les dispositions favorables à ces acteurs de la toile, contenues dans la "LCEN" (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance en l'économie numérique N° Lexbase : L2600DZC) et issues de la Directive du 8 juin 2000 dite "Commerce électronique" (Directive 2000/31, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur N° Lexbase : L8018AUI).
Ce régime est-il, aujourd'hui, remis en cause par la jurisprudence ? La question se pose, en particulier, pour les opérateurs hybrides du web 2.0. Lexbase Hebdo - édition privée générale a donc rencontré, une nouvelle fois, Giuseppe de Martino, président de la première organisation française des acteurs de l'internet communautaire, qui nous explique les raisons pour lesquelles, en dépit de la sévérité de l'arrêt du 14 janvier dernier, il reste confiant.

Lexbase : Sur quels fondements repose la condamnation de la société Tiscali ?

Giuseppe de Martino : Devant le tribunal de grande instance de Paris, les éditeurs Lucky Comics et Dargaud Lombard ont agi contre Tiscali sur le fondement des articles :
- L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3360ADS), relatif à la contrefaçon ;
- 43-9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (N° Lexbase : L8240AGB), tel que modifié par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 (N° Lexbase : L1233AII), aux termes duquel "les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 sont tenus de détenir et de conserver les données de nature à permettre l'identification de toute personne ayant contribué à la création d'un contenu des services dont ils sont prestataires" ;
- et 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ).

Les juges de première instance (TGI Paris, 16 février 2005) les ont déboutés de leur action en contrefaçon, au motif que l'article 43-9 invoqué ne permettait de retenir la responsabilité des hébergeurs "que si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu" (loi n° 86-1067, art. 43-8), ce qui ne pouvait être reproché en l'espèce. Le tribunal a, toutefois, retenu une faute commise par le FAI au titre de son obligation d'identification des personnes ayant contribué à la création d'un contenu sur leur site.
Cette décision a été infirmée en appel. La cour a considéré que Tiscali ne pouvait être regardée comme un simple hébergeur, et de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986. Elle était, au contraire, éditeur, dès lors qu'elle proposait aux internautes de créer leurs pages personnelles à partir de son site "www.chez.tiscali.fr" et qu'elle exploitait commercialement ce site, invitant les annonceurs à mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles (4). L'exonération de responsabilité prévue à l'article 43-8 ne pouvait, donc, pas jouer. Les juges ont, eux aussi, reproché à Tiscali son manquement à l'obligation d'identification des personnes à l'origine de la diffusion des contenus.
La première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé cette solution le 14 janvier dernier. Les juges ont, en effet, retenu la qualification d'éditeur : "la société Tiscali Média a offert à l'internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion ; ces seules constatations souveraines font ressortir que les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage, visées par l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000 applicable aux faits dénoncés, de sorte que ladite société ne pouvait invoquer le bénéfice de ce texte".

Le point relatif au manquement à l'obligation d'identification retenu par la cour d'appel à l'encontre de Tiscali n'a, quant à lui, pas été examiné par la Haute juridiction.

Lexbase : Partagez-vous le raisonnement de la première chambre civile ?

Giuseppe de Martino : Reprenons ce raisonnement : la Cour de cassation condamne la société Tiscali pour contrefaçon, car celle-ci est responsable du contenu diffusé sur son site par des internautes, au titre de son statut d'éditeur. Si Tiscali est qualifiée comme tel, c'est parce qu'elle a dépassé les simples fonctions de stockage visées par l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa version alors applicable.

Jusqu'ici, tout est clair. Mais, il reste à déterminer en quoi ces fonctions auraient été dépassées et c'est là où le bât blesse.
Pour caractériser un éventuel dépassement, il convient de définir la notion de "simples fonctions de stockage visées à l'article 43-8" -notons, au passage, que ce texte a préféré la notion de "stockage direct et permanent", à celle retenue par la Cour-. Or, la loi ne donne aucune indication. En l'absence de précision légale, la Cour de cassation n'a pas cru devoir se livrer à l'exercice, mais décide que ce point relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Ceux-ci ont relevé que "la société Tiscali Média a offert à l'internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion". Deux critères fondant l'exclusion de "simples fonctions de stockage" sont dégagés : l'hébergement restreint à une seule partie du site web (structure du site) et la présence de publicités payantes (activité de régie publicitaire).
La solution est critiquable, qu'elle soit envisagée, aussi bien, sous l'aspect structurel, que sous l'aspect économique.

A la lecture des arrêts, dès lors que la prestation technique d'hébergement requiert une interface web structurée, l'opérateur développe une activité plus large que la pure fonction de stockage. L'activité des plateformes s'apprécierait, donc, dans sa globalité. Pourtant, la loi ne se réfère aucunement à un quelconque critère d'organisation des plateformes pour déterminer le statut d'hébergeur. Ceci est d'autant plus heureux qu'en pratique, l'hébergeur est toujours conduit à organiser l'information qu'il stocke, en fonction, notamment, de la casquette de l'utilisateur (diffuseur de contenu ou public, etc.).

La loi ne fait pas non plus de l'exploitation commerciale un cas d'exclusion du bénéfice des dispositions de l'article 43-8. Au contraire, le texte vise les personnes "physiques ou morales" qui assurent leur prestation de stockage "à titre gratuit ou onéreux". Le législateur entendait, donc, inclure les sociétés commerciales dans le paramètre du statut d'hébergeur, sans distinguer selon leurs sources de financement.

Enfin, un tel raisonnement a pour originalité de soumettre les hébergeurs disposant de plateformes structurées et en partie rémunérées par la publicité à une responsabilité plus lourde que celle de l'éditeur : ils sont responsables du contenu diffusé sur le site et ont l'obligation de conserver les éléments permettant une identification des personnes à l'origine de la diffusion du contenu (ce qui n'est pas le cas de l'éditeur) !

Lexbase : Etes-vous inquiet de la portée que pourrait avoir cet arrêt pour les opérateurs hybrides du web 2.0 ?

Giuseppe de Martino : Rappelons, tout d'abord, que cette décision a été rendue sous l'empire de la loi antérieure (5), aujourd'hui caduque.

La "LCEN" a transposé la Directive "Commerce électronique", dont l'un des objectifs affichés est justement de limiter la responsabilité de certains prestataires de services, afin d'assurer le développement de l'économie numérique.
Aujourd'hui, la question est réglée par l'article 6 de la "LCEN". Aux termes de ce texte, "les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible".

En premier lieu, soulignons que, tout comme la loi antérieure, le texte ne se réfère nullement à l'organisation structurelle de la plateforme, ni ne distingue selon son mode de financement (en particulier, par la publicité). Très justement et au regard de la jurisprudence rendue sous l'empire de la "LCEN", pour retenir la responsabilité du prestataire technique, le critère déterminant dans l'application du régime de responsabilité dérogatoire de ces prestataires techniques réside, en fait, dans l'appréciation de la capacité de l'opérateur à réagir, en cas de contenu dénoncé.

En second lieu,  la "LCEN" a revu la notion de stockage : il ne s'agit plus de "stockage direct et permanent", mais tout simplement de "stockage". Cette nouvelle rédaction, fortement soutenue lors des débats sur la "LCEN" à l'Assemblée nationale, devrait permettre de limiter la portée de l'arrêt du 14 janvier dernier. La nouvelle notion est, en effet, bien plus large que la précédente : elle doit s'entendre d'actions matérielles essentiellement techniques, automatiques et passives, permettant de caractériser l'absence complète de maîtrise de l'opérateur sur le contenu posté. Ces nouvelles dispositions doivent, donc, avoir pour effet, d'étendre le champ d'application de l'hébergement aux acteurs du web 2.0.

La Direction générale des services et marché intérieur de la Commission européenne a une position identique. A propos d'une enquête transmise par l'Administration française, qui comportait une question portant sur le fait de savoir si "les services dits du web 2.0 étaient de nature à justifier une remise en cause de principes généraux établis par la Directive du 8 juin 2000", la réponse donnée le 31 juillet 2008 s'interprète a priori sans ambiguïté : non ! Je cite : "cette formulation peut suggérer que les services du web 2.0 ne sont pas couverts ou en tous cas ne sont pas réglementés d'une manière adéquate par la Directive, ce qui n'est pas conforme à l'interprétation de la Commission, telle qu'elle a été exprimée par mes services, tant dans le cadre du groupe d'experts que lors de leur audition par la commission Sirinelli, mandatée par le ministre de la Culture et de la Communication".

La Direction générale des services et marché intérieur ajoute, qu'alors même que la Commission européenne n'a pas jugé utile et nécessaire de procéder à une révision de la Directive "Commerce électronique", si la France devait néanmoins conclure de son côté à la nécessité d'une modification de la "LCEN", elle devra être notifiée au stade de projet "afin de s'assurer préalablement de la compatibilité des nouveaux textes avec le droit communautaire".

Enfin, si un doute doit subsister quant à l'application de l'article 6 de la "LCEN" aux opérateurs hybrides du web 2.0, les dispositions de l'article 27 de la loi "Hadopi" (6) auront fini de l'écarter.

Le texte étend, en effet, le régime de responsabilité de l'hébergeur au directeur de la publication d'un site de presse en ligne, concernant les contenus diffusés par les internautes dans un espace réservé à la contribution personnelle. L'éditeur en ligne obtient le statut d'hébergeur pour tout ce qui ne relève pas de sa publication, mais des internautes. La consécration par la loi d'une appréciation nécessairement distributive du régime de responsabilité de l'éditeur de presse en ligne (en fonction de l'origine du contenu) plaide pour l'application inconditionnelle de l'article 6 de la "LCEN" aux opérateurs du web 2.0. Le statut d'hébergeur doit, donc, être invocable, dès lors que la fonction de stockage est caractérisée au regard des critères légaux et jurisprudentiels ; ceci, quand bien même l'opérateur développerait d'autres activités (dont celle de régie publicitaire).

Pour toutes ces raisons, je suis optimiste. Ceci, d'autant plus que Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, a confirmé que cet arrêt "Tiscali" ne concernait en rien tout ce qui pourra avoir lieu après la "LCEN". Selon elle, les lacunes de Tiscali quant à l'identification de l'internaute à l'origine du contenu litigieux justifiaient certainement en grande partie le sens de la décision. Elle a, également, affirmé qu'il n'était absolument pas envisagé de modifier le statut des hébergeurs : "nous n'avons pas l'intention de modifier la LCEN dans un sens régressif au regard des exigences de l'économie numérique" (7).

L'arrêt de la première chambre civile a, donc, réveillé une vieille querelle qui, aujourd'hui, n'a plus lieu d'être.


(1) Loi n° 2000-719 du 1er août 2000, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (N° Lexbase : L1233AII).
(2) Cf. site internet de l'association.
(3) Lire Etat des lieux et prospective pour une amélioration de l'offre légale en ligne - Questions à Giuseppe de Martino, Directeur juridique et réglementaire monde de Dailymotion et Président de l'ASIC, Lexbase Hebdo n° 375 du 10 décembre 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N5996BMZ).
(4) L'"intervention [de Tiscali] ne saurait se limiter à une simple prestation technique, dès lors qu'elle propose aux internautes de créer leurs pages personnelles à partir de son site www.chez.tiscali.fr [...] ; Que tel est le cas de la page personnelle www.chez.com/bdz à partir de laquelle sont accessibles les bandes dessinées litigieuses, de sorte que Tiscali doit être regardée comme ayant aussi la qualité d'éditeur dès lors qu'il est établi qu'elle exploite commercialement le site www.chez.tiscali.fr puisqu'elle propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles, telle que la page www.chez.com/bdz, sur laquelle apparaissent [...] différentes manchettes publicitaires".
(5) Loi n° 2000-719 du 1er août 2000, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, préc..
(6) Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (N° Lexbase : L3432IET).
(7) Lire l'interview de Nathalie Kosciusko-Morizet, Le statut de l'hébergeur n'est pas remis en cause, 01netPro, 25 février 2010.

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Social général

[Evénement] Quand les partenaires sociaux font le droit...

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par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Le droit du travail français a ceci de particulier qu'il se caractérise par une omniprésence de la sphère étatique au détriment de la négociation collective avec les partenaires sociaux. En découlent une autonomie normative limitée pour ces derniers et, parallèlement et logiquement, une place prépondérante de la loi dans les relations de travail et, plus généralement, dans le dialogue social.
Peu importent les raisons, historiques ou politiques, voire économiques, on a le sentiment, aujourd'hui, que les choses évoluent de façon ostensible, en témoignent les Ani de ces derniers mois. Et l'évolution pourrait être bienfaitrice, elle induirait, en effet, une harmonisation du dialogue social, qui s'en trouverait ainsi rééquilibré. Pour autant, peut-on limiter le droit du Gouvernement et des parlementaires à faire la loi en la liant à une obligation de négociation avec des organisations en manque de légitimité et de représentativité ? Texte de circonstance, rappelons qu'elle fait suite au retrait, fin 2006, du projet de loi relatif au contrat première embauche (CPE), la loi du 31 janvier 2007, de modernisation du dialogue social, semble, dans cette optique, avoir vraisemblablement changé la nature de la négociation collective en s'efforçant d'articuler démocratie sociale et démocratie politique (1). L'article L. 1 du Code du travail (N° Lexbase : L5724IAA) prévoit, ainsi, désormais, que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement, qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. Est-il pour autant suffisant ?... C'est dans ce contexte que le Conseil d'Etat organisait, le 5 février 2010, un colloque autour de "La place des partenaires sociaux dans l'élaboration des réformes". Avec trois ans de recul sur l'application de la loi du 31 janvier 2007, l'objet de l'entretien était de dresser, sous l'auspice de la doctrine et avec le concours des acteurs directement impliqués dans la négociation préalable à la réforme, un premier bilan de son application. Un bilan qui se veut mitigé, même si la loi de 2007 constitue une étape fondamentale et nécessaire.
  • Genèse et objectifs de l'article L. 1 du Code du travail

Le texte de 2007 est ambitieux mais n'est pas nouveau, l'évolution normative allait naturellement en ce sens, même si cela ne saurait amenuiser l'impact de la loi. Tous les intervenants s'accordent sur ce point.

Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, rappelle, ainsi, que, selon un paradoxe inhérent à notre évolution sociale, la loi de 2007 a été adoptée dans un contexte de crispation sociale, même si son caractère conjoncturel est révélateur de l'utilité du dialogue social. Le constat de la nécessité de la rénovation du dialogue social était largement partagé, ce qui a donné naissance à de nombreux rapports en amont de la promulgation même de la loi. Par ailleurs, le contexte juridique était favorable à l'émergence d'une nouvelle norme sociale négociée et d'une nouvelle forme de relation entre la loi et cette nouvelle norme. Jean-Denis Combrexelle, Directeur général du travail, s'accorde, également, sur ce point : la loi de 2007 est un texte de circonstances, qui répond, cependant, à une attente, c'est-à-dire qu'elle n'est pas seulement la suite nécessaire du CPE, mais qu'elle lui est concomitante, dans la mesure où la crise lui a donnée une occasion de s'engager sur le terrain normatif. Il s'agissait d'obtenir un nouveau mode de régulation entre la loi et la négociation collective afin de trouver un juste équilibre.
Deux difficultés sont apparues à ce stade, poursuit le même intervenant. La première est politique. Il s'agissait de ne pas bloquer le processus législatif. La seconde, juridique. Il fallait éviter une réforme constitutionnelle. Le projet est donc complexe, notamment quant aux modalités de mise en oeuvre de la négociation, mais son un apport symbolique reste fort, renforcé par sa consécration au premier article du Code du travail.

Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, conforte également l'idée selon laquelle la loi de 2007 est l'aboutissement logique d'une évolution nécessaire vers une plus grande place accordée à la négociation. L'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995, relatif aux négociations collectives, marque sans doute, selon lui, la genèse de la loi de 2007, en affirmant "la volonté des parties signataires de renforcer le dialogue social et la pratique contractuelle et de se réapproprier la conduite de la politique sociale en faisant prévaloir la négociation collective sur le recours au législateur".
Un deuxième pas a été franchi avec la position commune du 16 juillet 2001, le dernier acte étant vraisemblablement la loi de 2004 (2).
Cependant, la question reste de savoir, pour Jean-Emmanuel Ray, s'il est "bien raisonnable de confier aux partenaires sociaux des objectifs de société ?". La loi de 2008 permet d'asseoir cette légitimité (3). Finalement, l'opposition négociation collective/loi n'existe pas, le problème est de savoir si le législateur est le seul à avoir le monopole. Dans une décision du 29 avril 2004, le Conseil constitutionnel retenait, à cet égard, que "le législateur, qui a entendu se référer à la position commune adoptée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001, n'a pas méconnu les exigences d'intelligibilité et de clarté de la loi" (4).
L'avantage de la formule sur le plan médiatique est certain et explique son succès. Sur le plan juridique, il existe également un avantage à ne pas négliger, celui de la stabilité. En effet, il semble qu'une loi issue d'un accord national interprofessionnel s'ancre plus facilement dans les moeurs. Il suffit pour cela de prendre pour exemple la loi de 1990 (5), issue d'un accord interprofessionnel, qui n'a pas changé et est toujours en vigueur.

Deux critiques peuvent, cependant, d'ores et déjà être avancées, poursuit l'universitaire : en cas d'urgence, la procédure n'est plus applicable ; et il y a une source essentielle du droit du travail qui échappe à tout cela, la jurisprudence de la Cour de cassation, qui est très prolixe. Dans cette optique, peut-être serait-il souhaitable que les partenaires sociaux soient consultés par la Chambre sociale ? Un arrêt du 1er juillet 2009, rendu par cette dernière, est, à cet égard, remarquable(6).

Il reste, donc, plusieurs questions en suspens. A celles soulevées par Jean-Emmanuel Ray, s'en ajoutent logiquement d'autres. S'agit-il d'un dispositif contraignant ou indicatif ? (Jean-Marc Sauvé) Dans cette seconde hypothèse, elle n'aurait, en effet, pas sa place dans une loi (cf. décision du Conseil constitutionnel de 2005). Cette question ne saurait cependant à elle seule ternir l'apport d'un tel texte.
La réalité est que le dispositif ainsi créé a permis de mettre en place une véritable pratique, même si plusieurs portes restent ouvertes au Gouvernement pour éviter une telle négociation, comme le cas de l'urgence. Parallèlement, l'intérêt de la loi est également d'avoir ouvert un calendrier social, qui permet une plus grande visibilité. La méthode effectivement mise en oeuvre a permis de créer une nouvelle dynamique.
L'article L. 1 du Code du travail modifie-t-il la position des partenaires sociaux ? Autrement dit, a-t-il changé la pratique en amont des partenaires sociaux ? (Jean-Emmanuel Ray)
Dans la même ligne, Jean-Denis Combrexelle s'interroge sur le fait de savoir si les partenaires sociaux et l'Etat vont pouvoir assumer ces responsabilités ou sur le délai de réponse des partenaires sociaux. Il reste donc des lacunes. Pour le moins, des questions sans réponse. Gageons que le Gouvernement et les partenaires sociaux puissent tirer des enseignements utiles de la pratique...

Pour autant, à la question de savoir s'il s'agit d'une opportunité nouvelle ou d'un mal nécessaire, les intervenants sont unanimes : il s'agit véritablement d'un texte innovant, impliquant une application raisonnable de la loi, c'est-à-dire un modus vivendi entre l'Etat et les partenaires sociaux (Jean-Denis Combrexelle).

Dominique Dord, député de la Savoie, apporte un point de vue plus pragmatique. Le parlementaire commence, en effet, par souligner que ce texte présente de nombreuses opportunités. Il constitue, en effet, selon lui, la meilleure antidote à la violation permanente de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC), à l'instabilité juridique, à l'irresponsabilité du vote parlementaire, aux dogmes ou, encore, aux troubles à l'ordre public qui peuvent en résulter.
Il s'agit donc bien d'un texte révolutionnaire. Néanmoins, pour un parlementaire, c'est un texte un peu castrateur, dans la mesure où il apporte une restriction à la légitimité parlementaire.
Pourtant, dans un Ani, il y a des choses du domaine de la loi et des choses qui ne le sont pas, il revient aux parlementaires de les écarter. Le Parlement est-il tenu par les accords conclus ? Juridiquement non, car seuls le Gouvernement et les partenaires se sont engagés.
Pour Dominique Dord, la loi de 2007 rend donc difficile la coproduction législative et risque de mener à une sorte de "cacophonie", pour reprendre ses propres termes.

  • Difficultés et perspectives

Pour Maryse Dumas, ancienne secrétaire confédérale de la CGT, l'un des reproches que l'on peut faire à la loi est de rester silencieuse en cas de désaccord. Par ailleurs, selon elle, la préparation de l'agenda social est "tout sauf démocratique", dans la mesure où le pouvoir politique l'impose. Il y aurait, au fond, le refus de donner aux syndicats un pouvoir propre. Finalement, à la question de savoir à quel objectif doit répondre la négociation collective, pour la CGT, il s'agit d'un droit des salariés visant à la prise en compte de leurs revendications et à restreindre le champ unilatéral de l'employeur. La loi de 2007 apporte donc "un élément de plus à l'édifice patronal". Il n'est, en effet, pas dans l'intérêt des salariés que l'accord se substitue à la loi.

Marcel Grignard, secrétaire général adjoint de la CFDT, ne partage pas cet avis. Pour la CFDT, la loi de 2007 est une loi majeure et positive. Elle constitue, en effet, une étape primordiale dans la reconnaissance dans la négociation collective, qui s'inscrit dans un processus long. Le fait que nous nous rapprochions des consignes européennes est également positif. Cette loi responsabilise le Gouvernement. Ainsi, les lettres de mission n'apparaissent pas comme une contrainte, mais elles obligent le Gouvernement à formaliser des enjeux.
La loi de 2007 a donc permis de faire évoluer les modalités de négociation avec une obligation de conclure pour respecter le calendrier, ce qui est positif dans la mesure où les partenaires sociaux ont ainsi dû mettre en oeuvre des méthodes de travail effectives. Tout est question de légitimité des acteurs. Mais l'articulation entre démocratie sociale et politique ne doit pas revêtir deux formes antagonistes, poursuit le secrétaire général adjoint de la CFDT. La limite tient pour une large partie aux acteurs eux-mêmes. Globalement, en effet, il n'y a pas eu de problèmes au niveau de la transposition des accords dans la loi. Ils surviennent après. Il y a d'autres méthodes plus insidieuses. Pour que la loi n'aboutisse pas, il suffit "d'embouteiller", c'est-à-dire de mettre beaucoup de sujets sur les tables de négociations.

Deux difficultés risquent de surgir à l'avenir. La première se situe du côté des organisations syndicales des salariés, qui manquent de cohérence entre elles. La seconde tient à l'agenda social. S'il fonctionne mal, c'est peut-être parce que les partenaires sociaux semblent incapables de le gérer... "La responsabilité que nous avons de donner du sens nous oblige à renforcer le rôle des partenaires sociaux", conclut Marcel Grignard.

Si Benoît Roger-Vasselin, directeur des ressources humaines du groupe Publicis et membre de la commission des relations du travail et politiques de l'emploi du Medef, reconnaît, avec Marcel Grignard, que la loi de 2007 a effectivement abouti à une responsabilisation des acteurs sociaux, il juge le débat complexe car il se doit de trouver un juste milieu. Or, le texte de 2007 n'a qu'imparfaitement repris les préconisations des partenaires sociaux. En fait, il a même engendré des effets pervers : le Gouvernement fixe l'agenda social, il choisit les thèmes, il reste donc omniprésent. Par ailleurs, les délais fixés sont très courts. Le Gouvernement peut même aller jusqu'à se substituer aux partenaires sociaux.

Dès lors, selon Benoît Roger-Vasselin, la loi de 2007 constitue une première étape, mais elle doit aller plus loin. Il faudrait évoluer vers une position à l'allemande. Rappelons qu'une loi allemande sur les accords collectifs, adoptée en 1949, garantit aux partenaires sociaux une autonomie pour déterminer les règles relatives aux conditions de travail et aux rémunérations.

Tout l'enjeu dans les années à venir, poursuit Eric Aubry, conseiller social du Premier ministre, est de trouver le bon mécanisme de régulation. Mais, encore une fois, plusieurs questions restent en suspens. Comment trouver le meilleur modus vivendi entre les différents acteurs ? Comment faire en sorte que l'agenda social soit le plus possible un calendrier partagé ?

Pour Pierre-Yves Verkindt, Professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, le vrai problème est une question de fond qui renvoie à notre conception même de la démocratie. La concertation doit venir s'intégrer entre les deux piliers que sont le paritarisme et la négociation collective, dès lors, le dialogue social ne doit jamais être une fin en soi, il ne correspond pas à la réalité de la démocratie. La juste place de la loi de 2007 est donc d'être l'une des composantes de la démocratie sociale. La force réservée aux partenaires sociaux est du plus grand intérêt, selon l'universitaire, et le rejet de l'idée d'un domaine réservé est très important. Par ailleurs, la façon dont la loi s'est construite offre des garanties contre certaines dérives corporatistes, en d'autres termes, aucun groupe ne doit faire passer son intérêt catégoriel avant l'intérêt général. Cet aspect est primordial dans le fonctionnement de la démocratie.

Quels sont les risques potentiels ? Selon Pierre-Yves Verkindt, il existe des risques d'entrave au processus d'élaboration normative, de ralentissement, d'instrumentalisation et de "délégitimation" du législateur.

Pour conclure, peut-être serait-il bon de qu'aucun texte ne prévoit une consultation des partenaires sociaux par l'Assemblée nationale ou le Sénat lorsque l'une des assemblées vient à déposer une proposition de loi. Si l'obligation de consulter doit, logiquement, être formalisée d'une façon différente, tenant compte, notamment, des délais inhérents à la procédure parlementaire, elle doit, cependant, être clairement définie. C'est dans cette optique que le député Jean-Frédéric Poisson a déposé, le 22 juillet 2009, sur le bureau de l'Assemblée nationale, une proposition de loi sur la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi. A suivre...


(1) Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007, de modernisation du dialogue social (N° Lexbase : L2479HUD).
(2) Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Présentation de la réforme du dialogue social, Lexbase Hebdo n° 120 du 13 mai 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1585ABC).
(3) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ) et les obs. de G. Auzero, Articles 1 et 2 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : la représentativité syndicale, Lexbase Hebdo n° 317 du 11 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9816BGN).
(4) Cons. const., décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : A9945DBX) et les obs. de Ch. Radé, Précisions sur le droit constitutionnel de la négociation collective, Lexbase Hebdo n° 119 du 6 mai 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1496ABZ).
(5) Loi n° 90-613 du 12 juillet 1990, favorisant la stabilité de l'emploi par l'adaptation du régime des contrats précaires (N° Lexbase : L7967GTA).
(6) Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.675, M. Stéphane Pain, FS-P+B (N° Lexbase : A5734EI9) et les obs. de Ch. Radé, Le cadre, les congés payés et le principe d'égalité de traitement, Lexbase Hebdo n° 359 du 16 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0001BLM).

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Mars 2010

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par Thierry Lambert, Professeur à l'université Paul Cézanne Aix Marseille III

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en matière de procédures fiscales réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III. Au sommaire de cette chronique, on trouvera, tout d'abord, un arrêt rendu par la Cour de cassation, sur la procédure de contestation de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire (Cass. com. 15 décembre 2009, n° 09-12.734, Société agence maritime africaine (AMA), anciennement Navitrans, F-P+B) (I). Est, ensuite, abordée la question du caractère illégal d'un acte de poursuite qui ne le prive pas de son effet interruptif au regard de la prescription (CE 9° et 10°s-s-r., 30 décembre 2009, n° 308242, M. de Beaufort) (II). Enfin, cette chronique revient sur les conséquences de l'annulation d'une procédure de redressement judiciaire sur une procédure fiscale en cours (CE 3° et 8° s-s-r., 25 novembre 2009, n° 299672, M. Bacquet) (III).
I - Procédure de contestation de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire : Cass. com. 15 décembre 2009, n° 09-12.734, Société agence maritime africaine (AMA), anciennement Navitrans, F-P+B (N° Lexbase : A0942EQX)

Par ordonnances rendues les 18 et 21 mai 2001, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a autorisé les agents de l'administration fiscale, en vertu des dispositions de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0920IES), à effectuer des visites et des saisies de documents dans des locaux et dépendances d'une société et de deux particuliers, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale qui aurait été commise par la société anonyme Navitrans.

L'article L. 16 B précité dispose que l'ordonnance rendue par le juge doit préciser l'adresse des lieux à visiter, doit comporter le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite, et doit donner l'autorisation au fonctionnaire qui procède aux opérations de visite de recueillir sur place, des renseignements et justifications auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, du contribuable.

A suivre la Cour de cassation, l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ne doit pas obligatoirement préciser la nature des investigations envisagées (Cass. com. 7 juin 1994, n° 92-20.610, Société Art et style d'Aquitaine et autres c/ Direction générale des impôts N° Lexbase : A3976ACA). En outre, le juge judiciaire n'a pas l'obligation de mentionner, dans l'ordonnance autorisant une visite domiciliaire et une saisie de documents par les agents de l'administration fiscale, les années correspondant aux exercices sur lesquels portent l'autorisation (Cass. com. 5 octobre 1999, n° 97-30.351, M. Michel Cloarec c/ Direction générale des impôts N° Lexbase : A8234AHG).

Par un arrêt important la Cour européenne des droits de l'Homme a conclu à la non-conformité du droit de visite et de saisie, prévu à l'article L. 16 B, avec les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) qui accorde à toute personne une voie de recours, c'est-à-dire le bénéfice d'un contrôle juridictionnel effectif, en vertu du principe au droit à un procès équitable (CEDH, 21 février 2008, n° 18497/03, Ravon et a. c/ France N° Lexbase : A9979D4D). Il a été jugé que l'encadrement judiciaire de la mise en oeuvre des visites n'était, à aucun moment, de nature à garantir l'accès à un tribunal au sens de la jurisprudence de la Cour.

Les conséquences de cette décision ont été tirées dans l'article 164 de la loi de modernisation de l'économie (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 N° Lexbase : L7358IAR) qui a modifié l'article L. 16 B de façon à renforcer les droits de la défense du contribuable et à assurer la conformité de ce dispositif à la Convention européenne.

Au titre du renforcement des garanties accordées au contribuable, signalons le fait que les agents de l'administration fiscale doivent mentionner dans le procès-verbal relatant le déroulement de la visite que le contribuable a essayé de joindre son conseil ou l'a joint. Par ailleurs, mention est faite de l'arrivée du conseil au même procès-verbal, les observations de ce dernier étant consignées sur ce document. Dorénavant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétente, dans un délai non suspensif de quinze jours. Dans le même délai le premier président peut avoir à connaître des recours contre le déroulement des opérations de visites et de saisies (BOI 13 K-4-09 N° Lexbase : X6048AEQ).

Dans deux avis du 16 janvier 2009 (n° 2009-0098 et n° 2009-0118) la commission d'accès aux documents administratifs précise que l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que les procès-verbaux afférents à ces mêmes opérations sont des documents qui, relevant de l'autorité judiciaire, ne peuvent être regardés comme des documents administratifs. En conséquence, la commission est incompétente pour se prononcer sur une demande tendant à la communication desdits documents.

En l'espèce, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a statué, le 11 février 2009, sur les ordonnances rendues, les 18 et 21 mai 2001, par le juge des libertés et de la détention. Le premier président avait joint les recours, et conclu qu'il n'y avait pas lieu à annulation des opérations de visites et saisies.

On ne sait si la Cour de cassation se montre laxiste ou réaliste. En l'espèce, la Cour, dans son arrêt du 15 décembre 2009, valide le fait que les ordonnances, rendues et signées par le juge, puissent être "rédigées dans les mêmes termes que d'autres décisions visant les mêmes personnes et rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence". Autrement dit, il n'y a rien de suspect au copié-collé. Dans une autre affaire, elle fait crédit au premier juge en jugeant que le nombre de pièces produites ne peut, à lui seul, laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude fiscale (Cass. com., 2 février 2010, n° 09-13.795, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A2063ERT).

Dans l'affaire qui nous occupe, le procès-verbal a été réceptionné, ou remis, antérieurement à la loi du 4 août 2008, instaurant la procédure d'appel. Le recours peut être formé dans les mêmes cas et délais et selon les mêmes modalités que l'appel contre l'ordonnance ayant autorisé ces opérations. Dès lors, le premier président ne peut être saisi de la contestation des conditions dans lesquelles celles-ci ont été effectuées dans le cadre du recours spécifiquement prévu par la loi. En conséquence, les contribuables qui ont déclaré relever appel des ordonnances des 18 et 21 mai 2001, et non former un recours contre le déroulement de ces opérations, ne sont pas recevables à le critiquer.

Chacun sait que l'article L. 16 B du LPF est un article mal né. Malgré les retouches qui lui ont été apportées, ne doutons pas que la saga jurisprudentielle continuera dans les prochaines semaines.

II - Le caractère illégal d'un acte de poursuite ne le prive pas de son effet interruptif au regard de la prescription : CE 9° et 10°s-s-r., 30 décembre 2009, n° 308242, M. de Beaufort (N° Lexbase : A0332EQD)

Un commandement à payer illégal, faute d'exigibilité de la somme sur laquelle il portait, mais régulièrement notifié, est-il de nature à interrompre la prescription ? La combinaison des articles L. 274 (N° Lexbase : L3884ALG) et L. 281 (N° Lexbase : L8541AE3) du LPF doit être envisagée.

L'article L. 274 précité énonce que les comptables du trésor disposent d'un délai de quatre ans pour recouvrer les impositions, faute de quoi ils "sont déchus de tous droits et de toute action" contre les redevables. Toutefois, ce délai de quatre ans peut être interrompu par "tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous actes interruptifs de la prescription".

Sont, notamment, de nature à interrompre la prescription, le versement partiel d'un impôt, dont le recouvrement est poursuivi, effectué par un contribuable (CE 29 octobre 2001, n° 220567, Aveline N° Lexbase : A1762AXK, BDCF, 14, concl., Goulard), un commandement notifié au contribuable (CE Contentieux, 25 mai 1988, n° 64383 N° Lexbase : A6712APB, DF, 1990, comm. 385), la souscription par le contribuable d'un engagement de règlement de sa dette, qui vaut reconnaissance de cette dernière (CAA Paris, 26 septembre 1992, n° 697, DF, 1992, comm. 1082), l'acte de saisie-attribution signifié au tiers par l'huissier (CE Contentieux, 17 mars 1993, n° 93741, M. d'Errico N° Lexbase : A8707AMG) ou encore un avis à tiers détenteur portant sur un compte bancaire débiteur (CAA Lyon, 2ème ch., 20 juin 1996, n° 93LY00985, Ministre du Budget c/ Frezet, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0065AXP).

Pour sa part, la doctrine administrative précise que chaque acte de la procédure de saisie vente, tel que le procès-verbal de saisie, est interruptif de prescription. Le point de départ du nouveau délai de quatre ans se situe à la date d'établissement de l'acte par l'huissier (DB 12 C-6211 du 30 octobre 1999).

La demande de paiement faite sous la forme d'un avis de mise en recouvrement à l'un des redevables solidaires, ou au débiteur principal, interrompt la prescription contre tous les autres débiteurs solidaires (LPF, art. L. 275 N° Lexbase : L3942ALL).

L'article L. 281 du même livre énonce que des contestations relatives au recouvrement sont envisageables et qu'elles peuvent porter soit sur la régularité en la forme de l'acte, soit sur l'existence de l'obligation de payer. A noter qu'un contribuable n'est pas recevable à contester, à l'occasion d'un litige relatif au recouvrement, la procédure d'imposition et le bien-fondé de l'impôt (CE 7° et 8° s-s-r., 13 novembre 1974, n° 90511, Ministre des Finances c/ Société X. N° Lexbase : A9716B7Y, DF, 1975, comm. 163).

On considère généralement qu'une mise en demeure constitue le premier acte interruptif de la prescription à condition, toutefois, qu'elle vaille commandement et qu'elle soit suivie d'une saisie-vente dans le nouveau délai de prescription qu'elle ouvre (LPF, art. L. 258 N° Lexbase : L2972IAC et L. 261 N° Lexbase : L8472AEI).

Le principe ne se discute pas : le commandement à payer appartient aux actes interruptifs de prescription (CE Contentieux, 25 mai 1988, n° 64383, Gautier N° Lexbase : A6712APB, DF, 1990, comm. 385) s'il a été présenté à l'adresse du contribuable et que la notification en a été faite dans le délai de prescription de quatre ans, même si le contribuable ne l'a retiré qu'après ce délai (TA Grenoble, 20 février 1996, n° 93.2795, RJF, 1996, comm. 822). Le Conseil d'Etat a jugé qu'un commandement à payer, à condition qu'il soit régulier et précédé d'une lettre de rappel, constitue une cause d'interruption de prescription. Il n'est pas nécessaire qu'il soit suivi d'une saisie dans un certain délai (CE Contentieux, 11 mai 1994, n° 093770, M. Mischke N° Lexbase : A0762ASZ).

En l'espèce, le Conseil d'Etat, comme l'avait fait avant lui la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 3ème ch., 29 mai 2007, n° 06VE00469, M. Ghislain De Beaufort N° Lexbase : A2023DX9), a jugé qu'un commandement à payer illégal, faute d'exigibilité de la somme sur laquelle il portait, n'est pas de nature à priver cet acte, qui avait néanmoins été régulièrement notifié, de son effet interruptif de prescription. A suivre la Haute assemblée, "l'absence de bien-fondé d'un acte de poursuite dont l'administration revendique le caractère interruptif est sans incidence sur la manifestation de volonté de l'administration et, par suite, sur le caractère interruptif de prescription de cet acte". Le Conseil d'Etat accepte l'idée que l'on puisse reconnaître un acte de volonté de l'administration exprimé par un acte illégal.

III - Conséquences de l'annulation d'une procédure de redressement judiciaire sur une procédure fiscale en cours : CE 3° et 8° s-s-r., 25 novembre 2009, n° 299672, M. Bacquet (N° Lexbase : A1295EPN)

Monsieur B., notaire de son état, a fait l'objet d'un redressement fiscal qu'il a contesté en faisant une réclamation assortie d'une demande sursis de paiement. A l'issue d'une procédure de redressement judiciaire contre une société dont il avait été déclaré dirigeant de fait, le contribuable a été placé en redressement judiciaire à titre personnel. Cette procédure fut annulée.

La question est de savoir quelles sont les conséquences de l'annulation d'une procédure de redressement judiciaire sur une procédure fiscale en cours.

Il est un principe selon lequel un comptable des impôts peut exercer son droit de poursuite individuelle, si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans un délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre, ou prononce, la liquidation judiciaire (LPF, art. L. 269 A N° Lexbase : L5868HI8). L'article L. 274 du LPF énonce que les comptables du Trésor doivent faire des diligences dans les quatre ans, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, contre les contribuables retardataires, faute de quoi ils "perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action" contre ces redevables.

Le contribuable a saisi le tribunal administratif de Lille aux fins de se voir décharger de son obligation de payer les sommes portées sur les avis à tiers détenteur émis au motif que sa dette fiscale se trouvait éteinte depuis la mise en recouvrement des impositions en litige par l'effet de la prescription de l'action du comptable (LPF, art. L. 274). Le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel de Douai dans un arrêt du 3 octobre 2006, n'ont pas fait droit aux différentes demandes du contribuable (CAA Douai, 2ème ch., 3 octobre 2006, n° 05DA01151, M. Francis Bacquet N° Lexbase : A0094DSB).

Le Conseil d'Etat, dans sa décision du 25 novembre 2009, s'est prononcé sur la délicate question de la prescription et au fond.

Dans cette affaire, la question de la prescription et celle des actes interruptifs de prescription étaient de nature à soulever quelques difficultés. Le Conseil a retenu de l'instruction que les impositions ont été mises en recouvrement le 15 novembre 1985. La prescription a été interrompue par un avis à tiers détenteur, émis par la trésorerie et notifié au contribuable le 19 août 1987. Le 6 janvier 1988 le contribuable a formulé une demande de sursis de paiement, jointe à sa réclamation, ce qui a suspendu l'exigibilité de l'impôt. A la suite du rejet de la réclamation préalable le requérant a saisi le tribunal administratif. Le délai de l'action en recouvrement (LPF, art. L. 274) a été suspendu pendant l'instance devant le tribunal administratif et a recommencé à courir le 24 mars 1995, date de la notification du jugement rendu le 16 février de la même année. Le jugement du tribunal de commerce du 23 juin 1995, ouvrant la procédure de redressement judiciaire à titre personnel, a suspendu ce délai jusqu'à son annulation par la cour d'appel le 8 novembre 2001. En conséquence, les avis à tiers détenteur des 17, 22 et 24 juillet 2002 sont intervenus avant l'expiration du délai dont disposait le comptable pour poursuivre le recouvrement de sa créance.

Concernant le règlement au fond, le Conseil d'Etat a entendu répondre aux moyens soulevés en s'appuyant sur un certain nombre de principes.

D'une part, la Haute assemblée affirme un principe selon lequel l'annulation de la procédure de redressement judiciaire ne remet pas en cause le caractère interruptif du délai de la déclaration de créance au passif et, par suite, l'interruption de la prescription de recouvrement de l'impôt.

D'autre part, dans le cas où le jugement du tribunal de commerce prononçant l'ouverture du redressement judiciaire est annulé, cette annulation a pour effet de remettre le débiteur dans la situation existant au jour de ce jugement.

Enfin, l'administration est fondée à réclamer au débiteur le montant des intérêts moratoires qui avaient été calculés jusqu'à la date de ce jugement et dont le cours a finalement repris et, de procéder au décompte des ces intérêts à compter de la date de sa notification. Le contribuable n'est pas, par conséquent, fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 621-48 du Code de commerce (N° Lexbase : L6900AIE) selon lequel : "le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations".

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Avocats

[Evénement] e-liberté / e-sécurité ou comment l'institut Présaje et le Barreau de Paris attirent l'attention des avocats sur les dangers d'internet

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N4691BN3

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"Techniques biométriques, réseaux sociaux... Autant de technologies qui favorisent la collecte et l'exploitation de nos données personnelles. Autant de risques de vols d'identité ou d'images. Comment les maîtriser, se garantir, concilier vie privée et liberté d'expression, instituer un droit personnel à l'oubli ?". C'est en ces termes que fût annoncé le colloque e-liberté / e-sécurité, tenu le 11 février 2010 à la Maison de l'avocat, organisé par l'institut Présage et sponsorisé par le Barreau de Paris. La sortie de l'ouvrage L'identité à l'ère numérique (1), co-écrit par Guillaume Desgens-Pasanau -ancien chef du service des affaires juridiques de la CNIL et expert en droit de la protection des données à caractère personnel- et Eric Freyssinet -Polytechnicien, lieutenant-colonel de gendarmerie, chargé des projets de lutte contre la cybercriminalité et vice-président du groupe de travail européen d'Interpol sur la criminalité liée aux technologies de l'information-, a été l'occasion pour les intervenants -Christiane Feral-Schuhl, avocat au Barreau de Paris, spécialiste en NTIC, Jean-Luc Girot, directeur du consulting au sein de Keyrus et Hervé Schauer, expert de renommée internationale en sécurité des systèmes d'information- de débattre de la révolution que représente l'identité numérique et des dangers y afférents, notamment, au regard des libertés individuelles et de la cybercriminalité. Ils ont, surtout, souhaité attirer l'attention des avocats sur des problématiques auxquelles ils seront de plus en plus confrontés, tant à titre personnel, eu égard à leur communication croissante sur la toile (2), que dans le cadre des dossiers qu'ils traiteront pour leurs clients.

Après que Pierre Lenoir, venu représenter Jean Castelain, Bâtonnier de Paris, ait rappelé l'importance qu'attachait l'Ordre à ce sujet, le modérateur des débats, Michel Rouger, président de l'institut Présaje, a laissé aux deux auteurs le soin de présenter leur ouvrage en introduction de la manifestation.

Ceux-ci ont fait le constat d'une crise de l'identité des personnes physiques et morales depuis l'avènement d'internet. Comment chacun perçoit-il son identité numérique ? Cette perception est-elle juste ? Le citoyen mesure-t-il les conséquences de sa présence sur le web sur sa vie présente et future ? Autant de questions transversales auxquelles l'ouvrage tente de répondre, en abordant successivement les thèmes de la biométrie (le corps-identité), des technologies de la communication (les identités connectées ou le camouflage d'une identité réelle derrière une identité virtuelle) et de l'archivage électronique (l'identité mémorisée). Animé par une ambition pédagogique, l'objectif affiché de Guillaume Desgens-Pasanau et Eric Freyssinet tendait à favoriser une prise de conscience de chacun sur ces nouveaux enjeux.

Régulièrement, les données personnelles sont appréhendées sous un nouvel angle. La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), reflétait la peur des citoyens vis-à-vis de l'Etat et de l'administration. Le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 (N° Lexbase : L0844HDM), à l'origine de la réforme de la loi, tendait à protéger les personnes physiques contre ceux qui les approchaient à des fins commerciales. Aujourd'hui, à l'heure du web 2.0 (dit web "participatif"), l'enjeu (de taille) est de nous protéger contre nous même : nous livrons de nombreuses informations sur notre intimité sur des blogs et des réseaux sociaux, sans même y être contraints.

Ce constat est préoccupant pour diverses raisons tenant, tant à l'individu, qu'au professionnel qu'il est ou qui l'emploie. D'une part, nos données personnelles sont systématiquement collectées, conservées et utilisées. D'autre part, la responsabilité de l'entreprise et les préjudices sont multiples : responsabilité pénale, administrative, préjudice d'image etc.. La prévention en amont et la réaction en aval sont, quant à elles, très difficiles à mettre en place.

Le travail de sensibilisation est, donc impératif, et, fort heureusement, la prise de conscience est globale et intervient dans les "plus hautes sphères" : les initiatives parlementaires se multiplient, la jurisprudence se réveille, le G29 rend des avis sur l'avenir de la vie privée, etc.. Et, aujourd'hui, deux dispositifs ont fait leurs preuves : la technologie du privacy by design (approche selon laquelle la confidentialité et la conformité à la protection des données sont conçues au sein même des systèmes d'exploitation et sont, donc, garanties dès l'origine) et le correspondant informatique et libertés.

Christiane Féral-Schuhl a attiré l'attention de la salle sur deux constats essentiels, dont nous n'avons, pourtant, pas pleinement conscience, lorsque nous surfons et participons sur le web :

- "internet a une mémoire d'éléphant" et se souviendra de tout, en tout temps ; et
- la toile dissémine toutes les informations au niveau international.

La restitution à l'infini de certaines informations peut interdire, en pratique, de changer de comportement. Certains faits deviennent, alors, d'une certaine façon, imprescriptibles. Et de citer la, désormais célèbre, réplique de Barack Obama sur le premier conseil à donner pour être président des USA : "étudiants, attention à ce que vous postez sur le net". Le message de la spécialiste des NTIC n'était pas différent : Confrères, attention à ce que vous communiquez. Gardez présent à l'esprit que retirer des informations de la toile peut, bien des fois (surtout, lorsque l'opérateur concerné par la conservation des données n'a pas de représentation en Europe), relever de la mission impossible. Pour exemple, un compte Facebook ne disparaît jamais, mais est seulement mis en stand by.

L'intervenante, pour connaître de ces difficultés dans le cadre des dossiers qu'elle traite quotidiennement et des drames humains que l'imprescriptibilité du net engendre, se dit convaincue par la nécessité d'instaurer un droit à l'oubli sur le net, débat qui fait rage actuellement.

Très justement, l'avocate souligne la schizophrénie dont nous faisons tous preuve en matière de sécurité et de nouvelles technologies. D'un côté, nous refusons une surveillance à l'extrême et de l'autre, nous reprochons toute lacune en cas de survenance d'un préjudice. La peur de l'Etat inquisiteur cèdera, alors, la place à l'attente d'un Etat protecteur. La matière est, donc, complexe, ceci, à tous les niveaux. Du point de vue juridique, la particularité d'internet est qu'il impose de repenser tous les fondamentaux du droit.

Alors, faut-il éduquer, responsabiliser ou légiférer ? La réponse est loin d'être évidente. En témoignent les nombreux rebondissements de la saga "Hadopi".

Ce même constat de complexité à apporter une réponse adéquate a été fait par Jean-Luc Girot, qui rappelle que l'accès à internet et le droit d'être informé sont des droits constitutionnels. Mais, les données du problème ont changé et notre dispositif a vieilli. La liberté d'aller et venir sur le net pose un problème majeur : celui de ne pas perdre le "double de nos clefs" ; de ne pas se faire usurper notre identité, dans un contexte où la collecte des données personnelles est omniprésente et réalisée par de nombreux acteurs.

Hervé Schauer s'est, quant à lui, montré moins inquiet sur ces différents sujets, bien qu'il ait admis que de vrais problèmes existent, tels ceux de l'usurpation d'identité et de la sécurité des fichiers contenant les données personnelles connectées. Eu égard aux enjeux en cause, il regrette le vide juridique sur ces problématiques, en particulier en France, mais reconnaît la difficulté de réglementer la matière.

Jean-Marie Cotteret, professeur émérite de l'Université Paris-Sorbonne, a choisi de conclure sur le droit à l'oubli, qui, dans une société démocratique, revêtirait plus opportunément la qualification de "droit au pardon". En attendant qu'un tel droit soit reconnu (le contraire n'étant pas envisageable), il appartient à chacun de se montrer très prudent et de "publier" en toute connaissance de cause et, surtout, en toute conscience des conséquences.


(1) L'identité à l'ère du numérique, Guillaume Desgens-Pasanau et Eric Freyssinet, Dalloz, coll. Présaje, août 2009.
(2) Lire Communication des avocats sur internet - Questions à Christiane Féral-Shuhl, associée du cabinet Féral-Schuhl / Sainte-Marie et Présidente de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), Lexbase Hebdo n° 21 du 5 février 2010 - édition professions (N° Lexbase : N4687BNW).

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