La lettre juridique n°557 du 6 février 2014

La lettre juridique - Édition n°557

Éditorial

Le divorce conventionnel : la bonne idée qui cache la forêt

Lecture: 4 min

N0682BUS

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Après la rupture conventionnelle dans l'entreprise, symbole de la pacification des séparations professionnelles voulue par le précédent Gouvernement, la rupture conventionnelle au sein des foyers : nouvelle trouvaille de la Chancellerie, pour éteindre l'incendie causé par une "déjudiciarisation" -notion réfutée par le Garde des Sceaux- du divorce par consentement mutuel. L'idée a de quoi séduire : il s'agit, ni plus ni moins, que de développer la médiation dans le cadre de ce type de séparation. Et, la médiation devrait, tout naturellement, se prêter volontiers à une séparation conjugale fondée justement sur le postulat du consentement et de la bonne volonté de chacune des parties. Resterait, dès lors, au juge à homologuer la convention du divorce pour donner force exécutoire à l'acte d'avocat, véhicule juridique constatant le divorce, réglant les conséquences financières, patrimoniales et familiales de ce dernier.

La mesure n'a rien de corporatiste, puisque les avocats sont, déjà, en charge de l'assistance des futurs divorcés au cours des procès. Ils n'ont donc rien à gagner, si ce n'est servir au mieux les intérêts de leurs clients et perdre des honoraires afférents aux audiences ainsi supprimées. Mieux, l'acte d'avocat ainsi homologué permettrait sans doute de raccourcir les délais de procédure et d'alléger la charge des magistrats, sans leur ôter leur pouvoir de contrôle de l'ordre public, du caractère univoque du consentement, comme du respect de l'équilibre des intérêts de chacun des divorcés.

Bien entendu, aux mots d'"acte d'avocat" et de "déjudiciarisation", les notaires sont montés au créneau. Pour eux, le problème le plus ardu à régler au sein d'un divorce par consentement mutuel serait... assurément la liquidation du régime matrimonial ! Or, le patrimoine, c'est leur affaire ! Puisqu'il serait, dans la majorité des cas, composé de la seule résidence péniblement acquise en commun. Et, l'acte authentique, ayant force exécutoire lui, pourrait ainsi couronner le tout !

Mais pour le coup, c'est bien la nature de l'acte notarial qui pourrait se retourner contre lui ; et qui expliquerait, aussi, pourquoi l'idée de confier ce divorce par consentement mutuel aux notaires, en 2011, a été abandonnée. Les juges n'ont aucunement l'intention de laisser le divorce, fût-il par consentement mutuel, hors de son contrôle, pas plus sous l'égide d'un officier ministériel que d'un auxiliaire de justice. Et, c'est là que l'acte d'avocat, par sa sanctuarisation certes, et ses garanties de sécurisation assurément, mais également par son allégeance à l'appréciation du magistrat, permet justement de ne pas "déjudiciariser" une séparation qui, même souhaitée de concert, demeure une rupture familiale.

On passera, également, sous silence, l'impertinence à faire entrer les notaires dans le jeu des affaires matrimoniales, autres que patrimoniales. Car, de toute manière, on divorce certes plus souvent, mais surtout plus jeune ! Au bout de cinq ans de vie commune, la seule communauté conjugale se réduit bien souvent... à un enfant perdu dans les querelles intestines du couple. Point de biens personnels, dont le sort est de plus en plus acté par le régime de la séparation des biens, point de résidence commune, dans un temps où l'on emprunte sur trente ans pour acquérir son logement, quand l'on ne doit pas déjà rembourser un vieux prêt étudiant.

L'enfant, centre des préoccupations de tous, et dont l'intérêt devra être mieux appréhendé et défendu par les avocats conseils au divorce par consentement mutuel : tel est justement l'objet des réflexions menées par le ministre délégué à la Famille. Il ne serait pas inintéressant alors de coupler une telle réforme du divorce par consentement mutuel, au projet de loi qu'elle devrait porter devant le Parlement -même aux calendes grecques, semble-t-il ?-.

Mais attention, le principe d'un divorce conventionnel, s'il peut séduire, ne dédramatisera pas la rupture conjugale pour autant ; pas plus que la rupture professionnelle conventionnelle ne dédramatise la séparation, certes consensuelle, mais d'une relation professionnelle dans laquelle le salarié, le plus souvent, a placé ses espoirs, son investissement, voire un grande partie de sa vie...

En outre, de la même manière que la rupture conventionnelle ne subit que le joug de l'administration du travail, alors que la Cour de cassation vient de rappeler que les syndicats et autres représentants de l'intérêt collectif ne peuvent pas prendre part à la querelle salario-patronale et ester en justice, le divorce conventionnel et son homologation judiciaire est un nouveau symbole de l'individualisme radical évoqué la semaine dernière dans ces colonnes. Il ne peut y avoir collectivisation du conflit individuel, conflit personnel donc, conflit qui nécessite l'appréhension de tous les particularismes. Or, ce sont ces particularismes auquel le juge devra veiller, pour que les droits et leurs défenses soient appliqués et défendus de manière, tout de même, harmonieuse.

Enfin, si on couple ce détricotage familial à la future loi sur l'égalité homme -femme visant, de manière légère, mais non anecdotique, à ce que l'administration s'adresse aux femmes mariées sous leur nom de jeune fille, par défaut... On actera, alors simplement, de l'intérêt gouvernemental à orchestrer, systémiquement, la flexibilité, non pas du marché du travail comme on aurait pu le penser, mais de la famille, du mariage.

Réformes pénales, réformes du droit de la famille, réforme du droit des contrats, simplifications des droits bancaire, financier, commercial, loi relative à la consommation, à l'égalité homme-femme, etc.. Et, tout cela, à vive allure ! Si seulement les membres du Gouvernement pouvaient retourner sur les bancs de l'école éléatique... Ils pourraient écouter Parménide leur vanter les vertus de l'immobilisme universel. Un immobilisme qui n'est pas signe du renoncement ou du conservatisme, mais un immobilisme qui serait la conséquence de la vérité, de la certitude, de l'être, pour en finir avec un mobilisme universel, action de la seule opinion, par définition incertaine... le non-être selon le poète grec.

newsid:440682

Avocats/Déontologie

[Brèves] De l'avis du Bâtonnier tiers en cas d'absence d'avis commun des Bâtonniers des barreaux concernés par un litige entre avocats

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 29 janvier 2014, n° 366083, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4110MDL)

Lecture: 2 min

N0590BUE

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Le 12 Février 2014

Les dispositions de l'article 20-1 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8), prévoyant l'avis d'un Bâtonnier tiers en cas de différence ou de difficulté d'interprétation d'un règle, notamment, déontologique par les Bâtonniers de chacun des avocats en litige, ne méconnaissent ni le droit au recours, ni le droit à un procès équitable garantis, notamment, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 29 janvier 2014 (CE 1° et 6° s-s-r., 29 janvier 2014, n° 366083, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4110MDL ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9238ETC). Le Haut conseil estime, d'abord, que les dispositions de l'article 20-1 du RIN n'ont pas eu pour objet et ne pourraient avoir légalement pour effet de réglementer la procédure d'arbitrage du Bâtonnier applicable en cas de différend professionnel entre deux avocats de barreaux distincts. Ces dispositions ont uniquement pour objet de permettre à des avocats de barreaux différents d'obtenir, en cas de désaccord de leurs Bâtonniers respectifs, un avis d'un Bâtonnier tiers quant à la portée ou à l'interprétation d'une règle déontologique et quant à son application dans l'exécution de leur mandat. Cet avis, qui s'inscrit dans le cadre de la mission de conciliation dévolue aux Bâtonniers, ne saurait se confondre avec la procédure d'arbitrage et ne tranche pas un litige entre les avocats en cause. Ces dispositions ne méconnaissent, par suite, ni celles de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), ni celles des articles 179-1 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID). Ensuite, l'intérêt général de la profession d'avocat, dont l'expression est confiée au Conseil national des barreaux, implique que celui-ci puisse, au titre de sa mission d'harmonisation des usages et règles de la profession avec les lois et décrets en vigueur, organiser une procédure d'avis tendant à assurer une interprétation uniforme des règles déontologiques dans les différents barreaux. D'une part, le recours à cette procédure a un caractère facultatif ; d'autre part, l'avis, lorsqu'il est rendu, ne lie pas les Bâtonniers des avocats concernés quant à l'engagement d'éventuelles poursuites disciplinaires. Dès lors, le CNB était compétent, sur le fondement des dispositions citées, pour édicter les règles contestées, qui ne mettent en cause ni la liberté d'exercice de la profession d'avocat ni les règles essentielles qui la régissent.

newsid:440590

Avocats/Honoraires

[Brèves] Caractère non exécutoire des décisions du Bâtonnier en matière d'honoraires

Réf. : Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.246, F-P+B (N° Lexbase : A4417MDX)

Lecture: 2 min

N0593BUI

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Le 08 Février 2014

Même exécutoire de droit à titre provisoire, la décision du Bâtonnier ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement de sorte qu'elle ne peut être exécutée que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire. Tel est le rappel opéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 janvier 2014 (Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.246, F-P+B N° Lexbase : A4417MDX ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0087EUR et N° Lexbase : E9259ET4), au visa de l'article 502 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6619H7B), ensemble l'article L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5791IRW) et l'article 153 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID). Dans cette affaire, un Bâtonnier avait condamné une société d'avocats à payer à un avocat exerçant en qualité de collaborateur libéral au sein de ce cabinet, diverses sommes au titre de rétrocessions d'honoraires. Sur le fondement de cette décision partiellement exécutoire de droit par provision, l'avocat avait fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente à l'encontre du cabinet, qui a contesté cette mesure devant le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance. La cour d'appel rejeta les demandes du cabinet, estimant, d'une part, que la décision du Bâtonnier qui est, en application de l'article 153 du décret du 27 novembre 1991, de droit exécutoire à titre provisoire comme portant sur des honoraires dus dans la limite de neuf mois de rétrocession d'honoraires et ayant été régulièrement notifiée à l'appelante, peut faire l'objet d'une exécution forcée et, d'autre part, que les dispositions de l'article 1487 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2233IPE), relatives à l'exequatur des sentences arbitrales sont inopérantes dans ce litige, l'article 153 du décret de 1991 étant seul applicable dès lors que ce décret donne, en son titre III chapitre II section IV, compétence exclusive au Bâtonnier de l'ordre des avocats pour le règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail conclu avec un avocat. L'arrêt est cassé sur le fondement des textes précités, rappelant, de manière générale, que nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire à moins que la loi n'en dispose autrement. On rappellera que le 9 janvier 2014, la même formation avait rendu un arrêt de même portée concernant la décision du premier président statuant sur l'appel d'une ordonnance de taxation d'honoraires (Cass. civ. 2, 9 janvier 2014, n° 12-28.220, F-P+B N° Lexbase : A2020KTY ; lire N° Lexbase : N0326BUM).

newsid:440593

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La constitution d'une SCP d'avocats vaut élection de domicile au sens de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881

Réf. : Cass. civ. 1, 11 décembre 2013, n° 12-29.923, F-P+B (N° Lexbase : A3585KR9)

Lecture: 10 min

N0573BUR

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par Aurélie Bergeaud-Wetterwald, Professeur de droit privé et sciences criminelles, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Institut de sciences criminelles et de la justice (EA 4601)

Le 07 Février 2014

Faut-il appliquer avec rigueur le formalisme contraignant de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), lorsque l'action est portée devant les juridictions civiles ? Si la question divise la doctrine, elle n'a pas su trouver une réponse franche en jurisprudence. En témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 décembre 2013. En l'espèce, une société prétendant avoir été diffamée à la suite de la publication d'un article entame une action en réparation devant la juridiction civile et délivre à ce titre plusieurs assignations. Parmi celles-ci, deux sont déclarées nulles par la cour d'appel (CA Reims, 2 octobre 2012, n° 12/00162 N° Lexbase : A7248ITM), parce qu'elles font simplement référence à une SCP d'avocats sans indiquer le nom de l'avocat, personne physique, représentant la société demanderesse ce qui, pour la cour, ne permet pas de satisfaire aux prescriptions de l'article 53 de la loi de 1881. Et, de préciser qu'en l'absence de désignation de l'avocat intervenant au nom de la société, il n'y a pas eu élection de domicile, mais seulement indication de la ville dans laquelle la SCP d'avocats avait son siège social. Selon l'article 53 de la loi de 1881, lorsque la citation est à la requête du plaignant, "elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie". On rappellera que, dans le contentieux de presse, la nécessité d'élire domicile revêt une importance toute particulière puisque c'est nécessairement au domicile élu que doit être signifiée l'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans le délai de dix jours à compter de la signification de la citation (loi du 29 juillet 1881, art. 55). Néanmoins, l'application de cette exigence devant les juridictions civiles a donné lieu à diverses interprétations jurisprudentielles. De nouveau appelée à se prononcer sur cette question, la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel au visa de l'article 53, alinéa 2, de la loi précitée. Elle retient que "la régularité de la constitution comme avocat d'une SCP d'avocats n'est pas subordonnée à l'identification de l'avocat appartenant à cette SCP appelé à représenter la partie [...] en sorte que la constitution de cette SCP, dont il n'est pas contesté qu'elle fût domiciliée dans la ville où siège la juridiction saisie, vaut élection de domicile". Pour bien comprendre l'intérêt de cette nouvelle décision de la première chambre civile (II), il convient de la resituer dans son contexte (I).

I - Le contexte de la décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 décembre 2013

Poursuivant, depuis le début des années 1990, une entreprise d'unification du procès de presse par transposition du formalisme contraignant de la loi de 1881 à l'action exercée devant la juridiction civile, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation affirme, dans un arrêt du 12 mai 1999, que l'assignation doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie (Cass. civ. 2, 12 mai 1999, n° 97-12956, publié au bulletin N° Lexbase : A1770CHZ). En 2004, elle en tire les conséquences concrètes en reconnaissant que la simple mention d'un avocat postulant n'équivalait pas à l'élection de domicile telle qu'exigée par l'article 53 de la loi de 1881 (Cass. civ. 2, 10 juin 2004, n° 02-21.515, FS-P+B N° Lexbase : A7380DCC).

Désormais en charge du contentieux civil de presse, la première chambre civile de la Cour de cassation va adopter, en 2007, une position radicalement contraire en estimant que "l'indication dans l'assignation d'un avocat postulant au barreau du tribunal de grande instance de la ville où siégeait la juridiction saisie et dont le domicile professionnel en cette ville était indiqué, emportait élection de domicile des demandeurs au sens de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881" (Cass. civ. 1, 15 mai 2007, n° 06-10.464, FS-P+B N° Lexbase : A2531DWN). Même si l'élection de domicile a bien lieu en l'occurrence dans la ville de la juridiction saisie, cette élection n'est pas expresse, mais simplement inférée de la constitution d'avocat. Cet arrêt amorce, alors, un mouvement d'ampleur, qualifié de "reflux" (cf. E. Dreyer, Où va la Cour de cassation en matière de presse ?, JCP éd. G, 2010, 833), par lequel la première chambre civile va progressivement atténuer le parallélisme des formes entre procès pénal et civil pour simplifier l'introduction de l'instance devant la juridiction civile. Sur la seule question de l'élection de domicile, deux arrêts vont profondément marquer la distance vis-à-vis de la lettre de l'article 53 de la loi de 1881. Dans un arrêt du 24 septembre 2009, la première chambre civile admet que l'indication dans l'assignation d'un avocat dont le domicile professionnel se situe à Paris mais pouvant postuler, du fait de la multipostulation en région parisienne, devant le TGI de Nanterre, ville où siège la juridiction saisie, emporte élection de domicile au sens de l'article 53 de la loi de 1881 (Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, n° 08-12.381, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3174EL7). En l'espèce, l'élection de domicile est donc non seulement implicite, mais elle n'est pas faite dans la ville de la juridiction saisie. Cette interprétation contra legem n'a pas été réservée au cas particulier de la multipostulation. En 2011, la première chambre civile, tout en visant l'article 53 de la loi de 1881, s'en éloigne radicalement en affirmant que la constitution d'un avocat postulant devant le tribunal saisi de l'action en diffamation vaut élection de domicile au sens dudit article (Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-15.445, FS-P+B+I N° Lexbase : A9492HXT). En l'espèce, l'avocat était bien inscrit au barreau de la ville où siégeait la juridiction saisie mais avait son domicile professionnel dans une commune limitrophe.

Sans entrer dans le débat relatif à l'opportunité de la transposition du formalisme du droit processuel de la presse dans le procès civil, l'orientation prise par la jurisprudence depuis 2007 posait, tout de même, un problème en termes de cohérence et de sécurité juridique : si la règle de l'article 53 de la loi de 1881 est vidée de toute substance, à quoi bon maintenir l'ambiguïté en continuant de viser l'article ? Ne serait-il pas plus simple de reconnaître qu'il suffit d'appliquer, devant le juge civil, les règles du Code de procédure civile ?

Une telle perspective a, cependant, été récemment anéantie par l'intervention de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 15 février 2013, affirme solennellement que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 doit recevoir application devant la juridiction civile (Ass. plén., 15 février 2013, n° 11-14.637, FP+B+R+I N° Lexbase : A0096I83). Même si le problème soumis à la Haute assemblée ne concernait pas l'exigence d'élection de domicile, mais celle de qualification du fait incriminé, la formule choisie confère à la solution une portée générale et sonne comme un rappel à l'ordre. L'arrêt constitue, d'ailleurs, un désaveu cinglant de la solution retenue en la matière par la première chambre civile (Cass. civ. 1, 8 avril 2010, n° 09-14.399, F-P+B+I N° Lexbase : A5573EUX). A cela, il faut ajouter la réponse donnée par le Conseil constitutionnel à une QPC transmise par cette même chambre (Cass. QPC, 20 février 2013, n° 12-20.544, F-D N° Lexbase : A4390I84) et portant sur la conformité de l'article 53 à la Constitution. Par décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel estime qu'à travers les formalités de la citation, dont l'exigence d'élire domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, "le législateur a entendu que le défendeur soit mis à même de préparer utilement sa défense" et que "la conciliation ainsi opérée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel du demandeur et, d'autre part, la protection constitutionnelle de la liberté d'expression et le respect des droits de la défense ne revêt pas un caractère déséquilibré" (Cons. const., décision n° 2013-311 QPC, du 17 mai 2013 N° Lexbase : A5437KDQ).

Forcément attendue, la première réaction de la première chambre civile a été de revenir à une application stricte de l'article 53 de la loi de 1881. Dans un arrêt du 3 juillet 2013, reprenant la formule dégagée par l'Assemblée plénière, elle rappelle que, selon cet article qui "doit recevoir application devant la juridiction civile", l'assignation doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et que ces dispositions l'emportent sur celles des articles 751 (N° Lexbase : L6967H78) et 752 (N° Lexbase : L6968H79) du Code de procédure civile (Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 11-28.907, FS-P+B+I N° Lexbase : A3958KIG). Elle approuve, en l'espèce, l'annulation d'une assignation mentionnant la constitution d'un avocat postulant devant le tribunal saisi de l'action mais domicilié dans une autre ville et abandonne, ainsi, la jurisprudence façonnée depuis 2009.

Est-ce à dire que la première chambre civile a définitivement renoncé à son entreprise d'assouplissement du formalisme de l'assignation dans les procès civils de presse ? Rien n'est moins sûr à la lecture de l'arrêt du 11 décembre 2013.

II - Le sens de la décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 décembre 2013

Le problème posé à la Cour de cassation portait précisément sur l'exigence d'élection de domicile, les assignations ayant été annulées pour non-respect des prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881. En substance, la Cour estime que la constitution d'une SCP d'avocats domiciliée dans la ville où siège la juridiction saisie vaut élection de domicile.

Que le demandeur puisse élire domicile au siège d'une société d'avocats n'apparaît pas, en soi, contestable. Il est admis de longue date, en matière pénale, que l'élection de domicile peut se faire chez toute personne physique ou morale, dès lors que ce choix n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts du prévenu (Cass. crim., 17 décembre 1981, n° 80-90875, publié au bulletin N° Lexbase : A9370CHI) et que cette personne est habilitée à recevoir des actes (Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-87.303, F-P+F N° Lexbase : A8114DNT). Et, si la Chambre criminelle a eu l'occasion d'approuver la nullité d'une citation mentionnant une domiciliation au sein d'une SCP d'avocats, c'est uniquement parce qu'en l'espèce aucune adresse précise n'était indiquée (Cass. crim., 7 juin 2005, n° 04-87.073, FS-P+F N° Lexbase : A7666DIR).

Sur cette dernière condition, la Cour de cassation se contente, ici, de noter qu'il n'est pas contesté que la SCP fût domiciliée dans la ville de la juridiction saisie. Cette précision marque néanmoins la volonté de respecter la lettre de l'article 53 qui fait référence à "la ville" et non au ressort de la juridiction saisie. Sur ce point, la décision s'inscrit dans le sillage de l'arrêt du 3 juillet 2013 (préc.) rompant avec la jurisprudence initiée en 2009.

En revanche, une application stricte de l'article 53 voudrait que l'assignation contienne une élection de domicile expresse et non déduite de la constitution d'avocat. C'est en ce sens que statuait la deuxième chambre civile en 2004. En affirmant que la constitution d'une SCP d'avocats "vaut" élection domicile, la première chambre civile maintient la position adoptée dans l'arrêt du 15 mai 2007 (préc.). Cette interprétation qui procède d'une lecture assouplie de l'exigence d'élection de domicile, au sens de l'article 53 de la loi de 1881, n'est pas sans rappeler la règle posée par l'article 751 du Code de procédure civile, relatif à la procédure devant le TGI énonçant que "la constitution de l'avocat emporte élection de domicile". Selon cette règle, l'élection de domicile n'est pas le fruit d'une volonté directement exprimée, mais présente au contraire un caractère automatique : elle est nécessairement attachée à la constitution d'avocat obligatoire devant le TGI. La règle posée par l'article 53 de la loi 1881 est toute différente puisque la citation doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie. L'élection de domicile est donc obligatoire et encadrée, mais elle ne présente pas de caractère automatique. Il s'agit donc d'une élection de domicile spéciale et expresse. Contrairement à ce que pouvait laisser présager l'arrêt du 3 juillet 2013 (préc.), la première chambre civile de la Cour de cassation ne renoue pas avec une stricte orthodoxie dans l'application du formalisme contraignant de l'article 53. Nul besoin d'une indication expresse d'élection de domicile ; celle-ci est implicitement contenue dans la constitution d'avocat. Rendu au seul visa de l'article 53, alinéa 2, de la loi de 1881, l'arrêt fait en réalité application de la règle tirée de l'article 751 du Code de procédure civile, du moins en partie puisqu'il prend tout de même soin de constater que l'avocat constitué est bien domicilié dans la ville où siège la juridiction saisie.

Mais, la motivation de la Cour peut également surprendre lorsqu'elle affirme, pour en déduire l'existence d'une élection de domicile, que "la régularité de la constitution comme avocat d'une SCP d'avocats n'est pas subordonnée à l'identification de l'avocat appartenant à cette SCP appelé à représenter la partie au nom de laquelle la constitution est effectuée". La formule laisse perplexe, car il est désormais acquis, en procédure civile, que l'absence d'indication dans l'assignation du nom de l'avocat par le ministère duquel postule la société d'avocats, constitue une irrégularité de forme (Cass. civ. 2, 1er février 2006, n° 05-17.742, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6047DMW ; Cass. civ. 2, 30 avril 2009, n° 08-16.236, F-P+B N° Lexbase : A6552EGR ; Cass. civ. 2, 27 septembre 2012, n° 11-22.854, F-D N° Lexbase : A6319IT9). La première chambre civile ne cherche pas à prendre le contrepied de cette jurisprudence, mais la formule employée qui fait référence à la "régularité de la constitution" peut sembler ambigüe. En réalité, il y a bien, en l'espèce, constitution d'avocat puisque la SCP d'avocats représente valablement le demandeur. Il n'est donc pas possible de contester l'existence d'une constitution comme avocat d'une SCP au motif que l'avocat personne physique postulant n'est pas identifié. C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'arrêt du 11 décembre 2013 qui, de l'existence d'une constitution d'avocat -incontestable-, déduit -de manière plus discutable- l'existence de l'élection domicile réfutée par les juges d'appel.

En revanche et malgré la formule employée dans l'arrêt, il aurait été possible pour le défendeur de contester, sur le fondement de l'article 752 du Code de procédure civile, la "régularité" de l'assignation qui, lorsqu'elle ne mentionne pas le nom de l'avocat et celui de la société dont il est associé, est affectée d'un vice de forme. Mais, il est très rare qu'en pratique cette irrégularité formelle entraîne la nullité de l'assignation tant le régime des exceptions de nullité pour vice de forme est strict et la condition tenant au grief quasiment impossible à démontrer dans ce cas de figure. Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation ne se prononce pas sur ce point et casse l'arrêt d'appel au seul visa de l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, dont l'application dans les procès civils de presse n'a manifestement pas fini d'alimenter les commentaires.

Décision

Cass. civ. 1, 11 décembre 2013, n° 12-29.923, F-P+B (N° Lexbase : A3585KR9)

Cassation (CA Reims, 2 octobre 2012, n° 12/00162 N° Lexbase : A7248ITM)

Textes applicables : loi du 29 juillet 1881, art. 53 (N° Lexbase : L7589AIW)

Mots clés : constitution d'avocat ; élection de domicile ; SCP

Lien base : (N° Lexbase : E9724ETC)

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Commercial

[Panorama] Rupture brutale de relation commerciale établie : panorama de jurisprudence 2013

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par Valérie Marx, Docteur en droit, Avocat Fidal

Le 21 Février 2014

A l'instar des années précédentes, l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L8640IMX) a fait l'objet d'une très forte application par les juridictions en 2013 (1). En 2012, le bilan des décisions judiciaires civiles et pénales de l'Université de Montpellier, publié sur le site de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC), explique le succès de ce dispositif dans le contentieux entre opérateurs économiques, par le contexte de sa mise en oeuvre incitant la victime de la rupture à agir dès lors qu'elle n'a rien à y perdre, mais aussi par l'interprétation très extensive de ses conditions par les juges (2).

Dans l'attente du bilan 2013, un panorama des principales décisions rendues cette année permet d'éclairer tant les conditions d'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (I), que sa mise en oeuvre et sa sanction (II). I - Caractérisation de la rupture brutale

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne le fait de "rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels [...]" (3). L'application de ce dispositif suppose donc que plusieurs conditions soient satisfaites, les unes ayant trait aux caractéristiques de la relation (A), les autres à celles de la rupture (B). En outre, l'auteur de la rupture ne doit pas pouvoir s'exonérer de sa responsabilité en rapportant des faits justificatifs (C).

A - La notion de relation commerciale établie

En 2013, plusieurs décisions notables éclairent l'appréciation des conditions de "commercialité" (1°) et de "stabilité" de la relation (2°).

1° - Une relation commerciale

Pour que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce s'applique, encore faut-il que la relation établie soit de nature "commerciale". La Cour de cassation exclut ainsi de son champ d'application la relation entre un conseil en propriété intellectuelle et son client pour la gestion d'un portefeuille de marques et noms de domaine en estimant "en premier lieu, qu'après avoir énoncé [...] que la profession de conseil en propriété industrielle est incompatible avec toute activité de caractère commercial, l'arrêt retient exactement que si cette profession peut être exercée sous forme de société commerciale, une telle faculté ne permet pas de déroger à cette incompatibilité ; [ce dont] il se déduit que l'activité de conseil en propriété industrielle, quand bien même elle serait exercée sous forme de société commerciale, n'est pas une activité commerciale et que [le cabinet de conseil] n'entretenait donc pas avec [la société gérant le grand magasin] une relation commerciale, la cour d'appel a retenu à bon droit que les conditions d'application de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de commerce n'étaient pas réunies" (Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-17.905, F-P+B N° Lexbase : A6378KBT (4)).

2° - Une relation établie

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique que si la relation commerciale est "établie", c'est-à-dire qu'elle doit présenter des caractères de stabilité et de régularité tels que la victime de la rupture peut légitimement croire en sa pérennité (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 21 mars 2013, n° 10/20543 N° Lexbase : A6063KAS). Pour caractériser cette condition, les juges examinent notamment les termes du contrat, le comportement des parties durant son exécution et lors de la rupture. La jurisprudence 2013 en fournit plusieurs illustrations.

S'agissant des termes du contrat, les juges apprécient si les parties ont entendu précariser leur relation ou, au contraire, l'inscrire dans la durée. Une clause de durée excluant tout renouvellement tacite du contrat permet ainsi d'échapper au dispositif légal, comme en témoigne un arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2013. Dans cette affaire, la Cour approuve une cour d'appel d'avoir considéré qu'un prestataire qui avait conclu cinq contrats successifs avec une radio "ne pouvait légitimement s'attendre à la stabilité de la relation" dans la mesure où "les contrats successivement conclus excluaient expressément toute reconduction tacite, [...] conform[ément] aux usages de la profession qu['il] connai[ssait] puisqu'[il] les pratiqu[ait] depuis 15 ans qui excluent toute pérennité, chaque contrat n'étant signé que pour une saison radiophonique" (Cass. com., 12 février 2013, n° 12-13.819, F-D N° Lexbase : A0564I8E). Les entreprises peuvent donc anticiper et gérer le risque de rupture dès la rédaction du contrat.

Les juges apprécient également le comportement des parties lors de l'exécution du contrat. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 12 septembre 2013, condamne ainsi un fournisseur ayant fait jouer une clause résolutoire en relevant que sa tolérance passée quant aux inexécutions contractuelles de son partenaire avait laissé ce dernier "espérer la poursuite du contrat". En l'espèce, "lors de l'exécution des contrats successifs, [le fournisseur] n'avait jamais mis fin à une période d'essai nonobstant la non-réalisation de l'objectif fixé", "ni alerté son partenaire de la faiblesse de ses résultats" (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 12 septembre 2013, n° 11/22934 N° Lexbase : A9999KKK). Si une rédaction appropriée du contrat est nécessaire, elle ne suffit pas à éradiquer tout risque de condamnation, les entreprises devant faire preuve de cohérence et de diligence tout au long de l'exécution du contrat.

S'agissant, enfin, du comportement des parties lors de la rupture du contrat, les juges apprécient si la manifestation de la volonté de rompre la relation est dépourvue de toute ambiguïté, ainsi qu'en témoigne un arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2013. En l'espèce, un contrat de concession automobile à durée déterminée stipulait une notification préalable en cas de non-renouvellement du contrat. Le constructeur avait envoyé un premier courrier pour savoir si le concessionnaire se portait candidat pour un nouveau contrat, sachant qu'au vu des "conditions difficiles d'exécution du contrat", il serait en concurrence avec d'autres entreprises. Un second l'informait du non-renouvellement du contrat et de l'examen possible de candidature pour un nouveau contrat. En l'absence de renouvellement, le concessionnaire l'avait assigné pour rupture brutale et une cour d'appel avait fait droit à ses demandes. La Cour de cassation censure cet arrêt aux motifs : "qu'il résultait des termes clairs et précis [du premier] courrier qu'il était demandé [au concessionnaire] de dire [s'il] se portait candidat en vue de la proposition d'un nouveau contrat et que le [constructeur] l'informait de son intention de [le] mettre en concurrence avec d'autres candidats potentiels pour l'obtention de la concession, ce qui manifestait l'intention [du constructeur] de ne pas poursuivre ses relations commerciales avec [le concessionnaire] dans les conditions antérieures" et "qu'il résultait des termes clairs et précis [du second] courrier que [le constructeur] n'avait pas l'intention de proposer [au concessionnaire] le renouvellement du contrat à son terme et se bornait à ne pas exclure l'examen d'une proposition [du concessionnaire] pour un nouveau contrat, de manière concomitante à toute autre candidature, manifestant ainsi son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales aux conditions antérieures" (Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15.390, F-D N° Lexbase : A5243KDK). L'information d'une mise en concurrence avec d'autres candidats au terme du contrat confortée par celle du non-renouvellement révèle suffisamment l'intention de l'auteur de la rupture de rompre la relation en cours.

B - La notion de rupture brutale

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce suppose également que soit caractérisée une rupture (1°) présentant une certain degré de brutalité (2°).

1° - La rupture

Le Code de commerce condamne tant la rupture totale que partielle des relations commerciales. La prise en compte de la rupture partielle permet de sanctionner une réduction significative du volume d'affaires entre partenaires commerciaux, le plus souvent préalable à l'arrêt total des relations commerciales. La jurisprudence refuse ainsi de sanctionner une baisse temporaire des commandes en période de crise, comme en témoigne la jurisprudence en 2013.

Dans une première affaire, une société avait confié à un partenaire le transport et la livraison de marchandises. Prétextant une baisse des livraisons due à la crise économique, le transporteur l'avait assignée en rupture brutale, ignorant ses propositions de réaménagement des relations commerciales. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 4 avril 2013, impute la rupture au transporteur car la société "n'avait pas l'intention de rompre sa relation commerciale", "une baisse d'activité pendant une dizaine de jours ne permet[ant] pas de caractériser une rupture brutale des relations commerciales", et le transporteur avait "[lui]-même mis brutalement un terme à la relation commerciale entre les parties en la plaçant délibérément sur le plan contentieux, alors que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce ne font pas obstacle à ce que les parties, dans le cadre d'une exécution loyale et de bonne foi, réaménagent leurs relations commerciales, dès lors qu'il n'en résulte pas des conséquences excessives [...]" (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 4 avril 2013, n° 10/02735 N° Lexbase : A5448KBE). Il s'agit d'une solution de bon sens, la rupture partielle n'étant, en principe, contestable que si elle est hors de proportion avec la contraction du marché et si elle n'est pas imputable à l'un des partenaires. Dans un arrêt du 12 février 2013, la Cour de cassation approuve ainsi une cour d'appel d'avoir jugé que, "l'effondrement [des] commandes" d'un donneur d'ordres à son sous-traitant s'expliquant par "la diminution [de 70 %] de [ses] propres commandes [...] consécutive à la crise économique" et donc "non délibérée", "il ne [pouvait] être démontré l'existence d'une quelconque rupture [...] imputable" au donneur d'ordres (Cass. com., 12 février 2013, n° 12-11.709, F-D N° Lexbase : A0681I8Q).

Une autre forme de rupture sanctionnée par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce est celle résultant d'une modification unilatérale et substantielle (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 13 novembre 2013, n° 11/22014 N° Lexbase : A4103KPN) des conditions d'exécution du contrat sans préavis écrit, par exemple en cas d'augmentation des tarifs, de modification des conditions de vente, de règlement voire même, curieusement, en cas de suppression de certains avantages de fait. A cet égard, un fournisseur avait confié la distribution de ses produits à un seul distributeur sans qu'aucune exclusivité ou non-concurrence n'ait été convenue. Le distributeur ayant été informé, après un an de "relation privilégiée", qu'il travaillerait désormais "en parallèle avec un autre distributeur", se prétendait victime d'une rupture brutale. Constatant que, "de seul distributeur des produits [du fournisseur] dans les DOM-TOM et partenaire privilégié, [...le distributeur] était devenu simple client [du fournisseur]", la cour d'appel de Basse-Terre considère brutale "la modification radicale et unilatérale des relations commerciales" moyennant un préavis de seulement trois mois, malgré "l'enthousiasme manifesté par [le fournisseur] au sujet des résultats obtenus par le distributeur [... et le] montant des encours accordés, [laissant] légitimement croire à l'existence de relations commerciales durables" (CA Basse-Terre, 9 septembre 2013, n° 12/00129 N° Lexbase : A0951KLS).

2° - La brutalité de la rupture

Pour agir sans brutalité, l'auteur d'une rupture doit notifier à son partenaire un préavis écrit (a) suffisant (b).

a) La notification écrite

S'agissant de l'exigence d'un préavis écrit, peu importe l'absence de contrat écrit ou encore la succession de contrats distincts. Les juges apprécient sévèrement le respect de cette condition. La Cour de cassation, dans une décision du 15 janvier 2013, a ainsi approuvé une cour d'appel d'avoir condamné un donneur d'ordres pour rupture brutale, dès lors que celui-ci, "non seulement n'a[vait] pas donné de préavis écrit [au sous-traitant] mais, en annonçant officiellement l'arrêt de la relation puis en poursuivant la demande de production, a eu une attitude ambivalente qui a empêché [le sous-traitant] de prendre les mesures adéquates pour faire face à la situation, notamment chercher de nouveaux partenaires", mettant ainsi le sous-traitant "dans l'impossibilité de mettre à profit le préavis [...]" (Cass. com., 15 janvier 2013, n° 12-17.553, F-D N° Lexbase : A4926I3T ; égal. CA Paris, Pôle 5, 5éme ch., 21 novembre 2013, n° 12/11457 N° Lexbase : A8615KPR ; CA Paris, Pôle 5, 5éme ch., 21 mars 2013, n° 10/20543 N° Lexbase : A6063KAS). En l'absence d'exigence légale portant sur la forme de l'écrit, les entreprises avisées recourent au courrier recommandé avec accusé de réception pour des raisons probatoires.

Un arrêt du 29 janvier 2013 rappelle que le début de ce préavis est fixé à la date à laquelle l'auteur de la rupture notifie son intention de mettre fin à la relation commerciale : "l'adéquation du préavis écrit qui est consenti, tenant compte de la durée de la relation commerciale, s'apprécie à la date à laquelle l'auteur de la rupture notifie son intention d'y mettre fin" (Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-23.676, F-P+B N° Lexbase : A6180I4N).

b) La durée du préavis

Le contentieux le plus important porte sur la détermination d'un préavis suffisant, devant tenir compte, selon l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de la durée de la relation commerciale établie et respecter la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Etant précisé que les juges prennent également en considération un faisceau d'indices relatif aux circonstances de l'espèce, devant être appréciées au moment de la rupture, ainsi que l'indique la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 juillet 2013 : "le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture". La Haute juridiction censure par conséquent, l'arrêt d'appel ayant rejeté une demande indemnitaire pour rupture brutale au motif que la victime s'était reconvertie immédiatement et dans des "conditions [non] défavorables" (Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-20.468, FS-P+B N° Lexbase : A8675KI7 (5)).

Ne constitue pas un critère décisif d'évaluation de la durée du préavis l'existence d'une clause convenue par les parties dès lors que les juges peuvent le fixer à la hausse, comme à la baisse. A cet égard, la Cour de cassation a considéré, dans une décision du 22 octobre 2013 "que l'existence d'un délai de préavis contractuel ne dispense pas la juridiction d'examiner si ce délai de préavis tient compte de la durée de la relation commerciale et d'autres circonstances au moment de la notification de la rupture" (Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-19.500, F-P+B N° Lexbase : A4615KNA).

Ne constitue pas non plus une limite à la fixation judiciaire du préavis l'absence de protestation de la victime de la rupture au moment de sa notification. La cour d'appel de Colmar a ainsi accordé à un distributeur exclusif un préavis de dix-huit mois pour quinze ans de relation après avoir relevé qu'il importe peu, d'une part, "que le contrat [...] ait retenu un préavis de six mois" et, d'autre part, que le distributeur "n'ait pas revendiqué le bénéfice d'un préavis plus long [...], l'absence de protestation s'expliqua[nt] par [son] souci de ne pas compromettre [d]es pourparlers qui devaient s'ouvrir avec [le fournisseur]" (CA Colmar, 16 janvier 2013, n° 10/05985 N° Lexbase : A2594I3H).

Le premier critère d'évaluation de la durée du préavis est l'ancienneté de la relation commerciale. La jurisprudence apprécie, à cet égard, le préavis réellement effectué et non celui initialement notifié, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à l'auteur d'une rupture d'avoir accordé à son partenaire un préavis insuffisant pour une relation de vingt-trois ans puisque le préavis de douze mois initialement accordé avait été prolongé de quatre mois avec l'accord du partenaire (Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-21.424, F-D N° Lexbase : A5864KGB).

Les juges considèrent généralement que le délai de préavis doit être de l'ordre d'un mois par année de relation, avec un maximum de vingt-quatre mois. Toutefois, cette durée peut varier en fonction d'un certain nombre d'éléments supplémentaires retenus par la jurisprudence, tels que la nature des produits, l'importance financière de la relation, le montant des investissements, la reconversion du cocontractant. Il en va de même de l'état de dépendance économique de la victime, qui bien que ne constituant pas un critère légal, peut conduire les juges à une appréciation plus protectrice de la durée du préavis et avoir une incidence sur le préjudice subi par la victime ; étant précisé que la victime a l'obligation de minimiser son propre dommage, en évitant notamment de se placer volontairement dans une situation de dépendance vis-à-vis de son partenaire (CA Paris, Pôle 5, 5éme ch., 7 mars 2013, n° 11/16439 N° Lexbase : A1492I97).

Les juges apprécient largement la durée de la relation commerciale. Plusieurs décisions récentes illustrent cette exigence.

Dans une première affaire, un sous-traitant avait assigné son donneur d'ordres pour rupture brutale car celui-ci lui avait notifié la cessation de leur relation à l'issue d'un délai de préavis d'une durée de trois mois, puis avait maintenu les relations au-delà de ce terme, pour enfin lui notifier à nouveau la cessation de leur relation avec un second préavis d'une durée de deux mois seulement. La Cour de cassation a estimé que "pour fixer la durée du préavis, [il faut se référer] à la durée de la relation commerciale considérée dans son ensemble et non à celle de la poursuite de cette relation après le terme fixé par la première lettre de rupture" (Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-15.591, F-D N° Lexbase : A3964KCS).

Dans une deuxième affaire, un distributeur en relation commerciale avec son fournisseur depuis deux ans prétendait que la relation avait, en réalité, duré six ans car ce dernier avait racheté un précédent fournisseur avec lequel la relation avait duré quatre ans. Une cour d'appel accueille l'argument du distributeur en relevant qu'il n'avait "pas cessé de distribuer les produits de la marque [du premier fournisseur] avant de distribuer les produits [du second fournisseur]", peu important que "les produits commercialisés [dans le cadre des deux contrats successifs] n'aient pas été strictement identiques" (CA Versailles, 19 février 2013, n° 11/04961 N° Lexbase : A2173I8Y). Un changement de contractant n'a pas pour effet d'y mettre un terme, dès lors que le nouveau partenaire s'inscrit dans la poursuite de la relation antérieure.

Outre la durée de la relation commerciale, la détermination de la durée du préavis doit également tenir compte de la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

A cet égard, un avis de la CEPC en date du 13 juin 2013 (6) recense quatre accords (7) : l'accord des usages professionnels de la Fédération de l'imprimerie et de la communication graphique (8), celui relatif à l'exploitation en location gérance des fonds de commerce de station service des sociétés pétrolières (9), celui conclu dans le secteur du bricolage entre l'Union des industries du bricolage et la Fédération française des magasins de bricolage (10), et enfin celui conclu entre la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) (11). L'existence d'une durée minimale de préavis dans de tels accords ne dispense toutefois pas les juges d'examiner si le préavis convenu tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce.

L'avis n° 13-04 de la CEPC indique, également, l'existence de délais de préavis fixés dans les contrats-types de transport (12). S'agissant de contrats-types approuvés par décret, les délais de préavis qui y sont prévus suffisent. La Cour de cassation rappelle d'ailleurs ce principe dans un arrêt du 19 novembre 2013 à propos du contrat-type de sous-traitance en matière de transport de marchandises. Elle considère, au visa de l'article L. 442-6, I, 5°, de la "LOTI" du 30 décembre 1982 (loi n° 82-1153 N° Lexbase : L6771AGU) et du contrat-type approuvé par décret "qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les usages commerciaux en référence desquels doit s'apprécier la durée du préavis de résiliation du contrat de sous-traitance de transport contractuellement convenu sont nécessairement compris comme conformes au contrat type dont dépendent les professionnels concernés" (Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-26.404, F-P+B N° Lexbase : A0381KQ8).

C - Faits justificatifs

L'auteur d'une rupture brutale est exonéré de toute responsabilité en cas de force majeure ou d'inexécution ou de mauvaise exécution par le partenaire de ses obligations, à condition de démontrer que les manquements allégués étaient d'une gravité telle qu'ils justifiaient le non-respect du préavis légal. La cour d'appel de Paris a ainsi refusé d'exonérer de sa responsabilité un donneur d'ordres ayant résilié un contrat pour défaut de réalisation par le courtier des objectifs contractuels convenus. Après avoir rappelé que le juge conserve, en dépit d'une clause de résiliation de plein droit, toute latitude pour apprécier l'existence d'une inexécution contractuelle ainsi que le caractère suffisant ou raisonnable de la durée de préavis, la cour décide que le manquement contractuel allégué n'était pas de nature à priver le courtier d'un "préavis adapté", dès lors notamment que le donneur d'ordres n'avait jamais mis fin à la période d'essai du courtier et ne l'avait jamais alerté sur l'insuffisance de ses résultats (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 12 septembre 2013, n° 11/22934 N° Lexbase : A9999KKK).

La jurisprudence apprécie strictement la gravité de la faute. La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 juillet 2013, a ainsi considéré qu'une cour d'appel ne pouvait rejeter une demande pour rupture brutale en se fondant sur une clause permettant à un mandant de révoquer le mandat sans indemnité en cas de non-obtention par le mandataire d'au moins 80 % de son objectif annuel, sans "caractériser un manquement grave de [sa part] à ses obligations contractuelles justifiant la rupture de leurs relations commerciales sans préavis" (Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-21.001, F-D N° Lexbase : A8683KIG).

II - Mise en oeuvre et sanction de la rupture brutale

Les questions de procédure (A) et de sanctions (B) ont été au coeur de l'actualité en 2013.

A - Procédure

Le contentieux a essentiellement concerné la compétence des juridictions spécialisées (1°) et l'efficacité des clauses attributives de juridiction (2°).

1° - Juridictions spécialisées

Les litiges relatifs à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sont réservés, depuis la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), à des juridictions spécialisées (C. com., art. L. 442-6, III, al. 5, D. 442-3 N° Lexbase : L9159IEX et D. 442-4 N° Lexbase : L9181IER), soit huit tribunaux de commerces et huit tribunaux de grande instance et en appel, à la cour d'appel de Paris.

En 2013, de nombreux arrêts ont encore porté sur l'application dans le temps de la loi de 2008, étant précisé que les juridictions qui, à la date d'entrée en vigueur du décret du 11 novembre 2009, soit le 1er décembre 2009 (13), étaient saisies d'un litige relatif à l'article L. 442-6 restent compétentes pour en connaître (CA Aix-en-Provence, 12 septembre 2013, n° 13/00457 N° Lexbase : A2528KR3). Les procédures introduites postérieurement au 1er décembre 2009 sont donc soumises aux dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce et, par suite, relèvent des juridictions spécialisées (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 11 décembre 2013, n° 11/20120 N° Lexbase : A1307KRT ; CA Montpellier, 1er octobre 2013, n° 12/00730 N° Lexbase : A0663KMI ; CA Montpellier, 23 avril 2013, n° 12/02045 N° Lexbase : A4990KCS ; CA Rennes, 9 avril 2013, n° 12/00245 N° Lexbase : A7690KBG). En effet, le décret du 11 novembre 2009 est une "loi d'organisation judiciaire et les compétences spéciales qu'il institue sont d'ordre public" (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 21 mars 2013, n° 10/20543 N° Lexbase : A6063KAS). Il s'agit d'une fin de non-recevoir et non d'une exception d'incompétence, tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir (Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-21.089, F-P+B N° Lexbase : A9414KLA ; CA Montpellier, 23 avril 2013, n° 12/02045 N° Lexbase : A4990KCS).

2° - Clause attributive de juridiction

L'efficacité des clauses attributives de juridiction a de nouveau été au coeur du contentieux de la rupture brutale de relation commerciale en 2013. La doctrine analyse la question soit au regard de la nature de la responsabilité de l'auteur de la rupture brutale et le caractère international ou non du litige (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 7 mars 2013, n° 12/04392 N° Lexbase : A2115I99) (14), soit au regard de la rédaction de la clause et donc de la volonté des parties (15), étant précisé que l'action en rupture brutale est aujourd'hui généralement considérée comme délictuelle dans la mesure où la rupture des relations commerciales ne dépend pas de l'existence d'un contrat, du moins dans le cadre d'un litige interne (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 10 octobre 2013, n° 12/20386 N° Lexbase : A5760KMB).

A cet égard, plusieurs arrêts admettent l'efficacité d'une clause attributive de compétence suffisamment claire et précise. Dans une première affaire, le tribunal de commerce de Paris, saisi par un distributeur français pour rupture brutale de son fournisseur américain, s'était déclaré incompétent au profit des juridictions américaines désignées par une clause attributive de compétence stipulant : "le présent contrat ainsi que les droits et obligations des parties résultant de ses termes sont régi[e]s par le droit de l'Etat de Floride". Une cour d'appel rejette le contredit formé par le distributeur français, qui prétendait que la clause, réservée aux litiges de nature contractuelle, n'avait pas vocation à s'appliquer, aux motifs que "la nature délictuelle de la responsabilité encourue par [le fournisseur américain] n'est pas exclusive, par principe, de l'application d'une clause attributive de juridiction valablement stipulée entre [les] parties" et que "l'autonomie de la volonté permet aux parties contractantes de soumettre les différends qui seraient en relation avec le contrat au seul tribunal qu'elles ont conventionnellement désigné" (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 mars 2013, n° 12/19993 N° Lexbase : A0337I9D). De même, la cour d'appel de Paris a jugé que la "nature délictuelle n'empêche pas le jeu d'une clause attributive de compétence lorsque celle-ci est suffisamment large et compréhensive pour s'appliquer aux litiges découlant de faits de rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties" (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 10 octobre 2013, n° 12/20386 N° Lexbase : A5760KMB ; v. égal. CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 17 décembre 2013, n° 13/13637 N° Lexbase : A4716KR4).

B - La réparation du préjudice causé par la rupture brutale

Le non-respect du préavis raisonnable expose l'auteur de la rupture à réparer le dommage causé à la victime, étant précisé que la réparation ne doit couvrir que "les conséquences de la brutalité de la rupture et non de la rupture" elle-même (Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-20.846, F-D N° Lexbase : A5713KGP ; CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 19 septembre 2013, n° 12/02555 N° Lexbase : A4225KL3 ; CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 19 septembre 2013, n° 11/17720 N° Lexbase : A4102KLI ; v. égal. Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-28.704, F-D N° Lexbase : A4752KNC). En général, les juges considèrent que le manque à gagner consiste en la perte de la marge brute sur le chiffre d'affaires qu'aurait réalisée la victime pendant la période de préavis qui aurait dû être respectée (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 19 septembre 2013, n° 12/02555 N° Lexbase : A4225KL3 ; CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 21 novembre 2013, n° 12/11457 N° Lexbase : A8615KPR) et non de chiffre d'affaires (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 17 octobre 2013, n° 11/08326 N° Lexbase : A9961KMU). Cette appréciation moyenne est néanmoins corrigée par d'autres éléments, tels que les investissements liés à la relation commerciale rompue. La réparation recouvre, le plus souvent, le manque à gagner, c'est-à-dire la perte de bénéfices, mais peut aussi s'étendre aux pertes subies par la victime de la rupture brutale, par exemple en cas d'investissements réalisés au profit de l'auteur de la rupture. La jurisprudence refuse toute réparation en l'absence de lien de causalité entre la brutalité de la rupture et le préjudice allégué (CA Versailles, 19 février 2013, n° 11/04961 N° Lexbase : A2173I8Y), ce qui explique que la réparation du préjudice d'image ne soit qu'exceptionnellement accordée par la jurisprudence en raison de son lien plus étroit avec la rupture elle-même de la relation commerciale (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 11 avril 2013, n° 10/21428 N° Lexbase : A9204KBI).

Un arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 avril 2013 illustre cette question. Un distributeur reprochait à son fournisseur la rupture de leur relation commerciale durant la période des fêtes de fin d'année, en raison de la réorganisation son réseau de distribution. Après avoir rappelé la nécessité d'un préavis suffisant, la cour retient s'agissant de l'évaluation du préjudice, d'une part, "qu'en refusant de livrer les consommables et en [...] interdisant [au distributeur] de vendre le stock acheté et payé alors que l'on se trouvait en période de fêtes, [le fournisseur] a nécessairement empêché [ce dernier] de réaliser une partie de son chiffre d'affaires", ce dont il résultait un "calcul de sa marge brute" minoré et, d'autre part, "un préjudice moral" par l'atteinte à "son image commerciale" du fait de l'impossibilité de "satisfaire sa clientèle". Elle ajoute que la rupture brutale et l'interdiction faite au distributeur de poursuivre la commercialisation des produits ont causé au distributeur un préjudice qui "résult[ait] de la détention d'un stock qu'il ne peut plus écouler, et [qui] ne saurait être inférieur à sa valeur alors que [le distributeur] aurait pu le vendre avec une marge" (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 11 avril 2013, n° 10/21428 N° Lexbase : A9204KBI).

Le calcul des dommages-intérêts doit prendre en compte le préavis effectivement accordé, ainsi que le précise un arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013. Dans cette affaire, une société ayant rompu une relation commerciale de vingt-cinq ans, était assignée en réparation pour rupture brutale de relation commerciale. La Haute juridiction casse, pour "méconn[aissance du] principe de réparation intégrale" et ignorance "du préavis effectivement accordé", l'arrêt d'appel ayant retenu que le préavis de dix mois et demi aurait dû être de deux ans et condamné l'auteur de la rupture à payer à son partenaire deux ans de marge brute sans tenir compte de ce préavis (Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-22.229, F-D N° Lexbase : A5836KGA).

Par ailleurs, s'agissant de la compensation entre la créance de dommages et intérêts de la victime de la rupture brutale et celle de l'auteur de la rupture au titre de leur contrat, la Cour de cassation approuve une cour d'appel d'avoir relevé que "la créance [du fournisseur] au titre de factures impayées découlait du contrat d'approvisionnement exclusif, cependant que celle [du distributeur] résultait de la faute quasi-délictuelle de la société [fournisseur du fait de la rupture brutale]" et déduit "qu'en l'absence de connexité entre les deux créances, il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de compensation sollicitée" (Cass. com., 18 décembre 2012, n° 11-17.872, F-P+B N° Lexbase : A1804IZT).


(1) Cf. nos obs., Rupture brutale de relation commerciale établie : panorama de jurisprudence 2011, Lexbase Hebdo n° 278 du 5 janvier 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N9529BSQ).
(2) V. égal., D. Ferré et R. Pihéry, Pratiques restrictives de concurrence : Etude du rapport de la CEPC 2013, Concurrences, n° 4-2013.
(3) V. égal., D. Ferrier, Droit de la distribution, Lexisnexis, n° 376 et s..
(4) Cf. not., B. Brignon, Le conseil en propriété industrielle n'est pas commerçant, Lexbase Hebdo n° 337 du 1er mai 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N6873BTQ).
(5) V. A.-C. Martin, Rupture brutale : le caractère "privilégié" de la relation commerciale n'aggrave ni la brutalité de la rupture ni le préjudice subi par sa victime ?, D., 2013, p. 1943.
(6) Avis n° 13-04 relatif à la liste des accords interprofessionnels pris en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, prévoyant un délai de préavis pour la rupture de relations commerciales établies, en ligne.
(7) Sans que cette liste ne soit exhaustive.
(8) Datant de janvier 1998.
(9) Datant du 14 juin 1994.
(10) Datant du 15 janvier 2002.
(11) Datant du 6 mars 2013.
(12) En matière de sous-traitance et de commission de transport.
(13) Décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, art. 8 (N° Lexbase : L9125IEP).
(14) Cf. C. Nourissat, Rupture brutale d'une relation commerciale établie : du curieux effet du franchissement d'une frontière sur la nature de l'action, Rev. Lamy dr. aff., 2007, p. 67.
(15) L. Nicolas-Vuillerme, Rupture de relations commerciales établies, J.-Cl. Concurrence-Consommation, Fasc. 300, n° 38.

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Contrat de travail

[Brèves] Des effets temporels de la clause de non concurrence

Réf. : Cass. soc. 29 janvier 2014, n°12-22.116, FS-P+B (N° Lexbase : A4441MDT)

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N0676BUL

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Le 07 Février 2014

Le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail dont dispose contractuellement l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture du contrat de travail. Si la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs, elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu. Tels sont les enseignements de la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 janvier 2014 (Cass. soc. 29 janvier 2014, n°12-22.116 N° Lexbase : A4441MDT).
En l'espèce, le contrat de travail originel avait été rompu par protocole d'accord le 30 juin 2007. Un second contrat de travail a été conclu, le 1er juillet 2007, par une entreprise appartenant au même groupe, au titre d'une entente entre les employeurs. Chacun des contrats stipulait une clause de non concurrence dont le salarié pouvait être délié par l'employeur au plus tard dans les quinze jours suivant la première présentation de la notification de la rupture du contrat. Le 17 décembre 2009, le second contrat de travail a fait l'objet d'une rupture conventionnelle, homologuée, à effet le 31 janvier 2010. Par lettre en date du 8 janvier 2010, l'entreprise ayant conclu le contrat rompu par voie conventionnelle a informé le salarié qu'il était libéré de l'obligation de non-concurrence.
Le salarié a saisi le juge de demandes en paiement de la contrepartie financière au titre de la clause à l'encontre des deux sociétés. Intégralement débouté de ses demandes, le salarié s'est pourvu en cassation.
Si la Cour de cassation rejette le pourvoi s'agissant de la demande formée au titre de la clause de non concurrence figurant au second contrat, elle accueille la critique du pourvoi s'agissant de celle figurant dans le contrat de travail initial.
La Haute juridiction approuve ainsi la cour d'appel pour avoir débouté le salarié de sa demande en paiement de la contrepartie financière au titre du second contrat de travail, considérant que le délai dont dispose l'employeur pour libérer le salarié a pour point de départ la date fixée par la convention de rupture conventionnelle.
Elle censure, en revanche, le raisonnement de la cour d'appel s'agissant de la première clause, constatant l'absence de libération du salarié de son obligation de non concurrence originelle lors de la signature du second contrat de travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8734ESB et N° Lexbase : E8736ESD).

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Droit des étrangers

[Brèves] Autonomie de la notion de "conflit armé interne" en droit de l'Union européenne vis-à-vis de la définition retenue par le droit international humanitaire

Réf. : CJUE, 30 janvier 2014, aff. C-285/12 (N° Lexbase : A2283MDW)

Lecture: 2 min

N0614BUB

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Le 07 Février 2014

La CJUE, dans un arrêt rendu le 30 janvier 2014, indique qu'en droit de l'Union, la notion de "conflit armé interne" doit être entendue de manière autonome par rapport à la définition retenue par le droit international humanitaire (CJUE, 30 janvier 2014, aff. C-285/12 N° Lexbase : A2283MDW). La Directive (CE) 2004/83 du Conseil du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7972GTG), protège non seulement les personnes qui peuvent se voir accorder le statut de réfugié, mais également celles qui ne peuvent pas bénéficier de ce statut, mais pour lesquelles il y a des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de renvoi dans leur pays d'origine ou de résidence habituelle, elles courraient un risque réel de subir des atteintes graves (régime de la protection subsidiaire). Sont, notamment, considérées comme de telles atteintes, les menaces graves et individuelles dirigées en raison d'une violence aveugle contre la vie ou la personne d'un civil dans le cadre d'un conflit armé interne ou international. S'agissant de la question de savoir si l'existence d'un conflit armé interne doit être appréciée sur la base des critères établis par le droit international humanitaire, la Cour constate que la notion de "conflit armé interne" est propre à la Directive du 29 avril 2004 et ne trouve pas directement écho dans le droit international humanitaire, celui-ci ne connaissant que des "conflits armés ne présentant pas un caractère international". Par ailleurs, le régime de la protection subsidiaire n'étant pas prévu en droit international humanitaire, ce dernier n'identifie pas les situations dans lesquelles une telle protection est nécessaire et institue des mécanismes de protection clairement distincts de celui sous-tendant la Directive. En outre, le droit international humanitaire entretient des relations très étroites avec le droit pénal international, alors qu'une telle relation est étrangère au mécanisme de protection prévu par la Directive. La Cour en conclut que la notion de "conflit armé interne" doit être interprétée de manière autonome. S'agissant des critères d'appréciation de la notion, la Cour précise que l'expression "conflit armé interne" vise une situation dans laquelle les forces régulières d'un Etat affrontent un (ou plusieurs) groupe(s) armé(s) ou dans laquelle deux ou plusieurs groupes armés s'affrontent. La Cour rappelle que, dans le régime institué par la Directive, l'existence d'un conflit armé ne peut conduire à l'octroi de la protection subsidiaire que si le degré de violence aveugle atteint un niveau tel que le demandeur court un risque réel de subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne du seul fait de sa présence sur le territoire concerné. La Cour en conclut qu'il n'est pas nécessaire que le constat de l'existence d'un conflit armé soit subordonné à l'intensité des affrontements armés, au niveau d'organisation des forces armées ni à la durée du conflit.

newsid:440614

Entreprises en difficulté

[Brèves] Action en report de la date de cessation des paiements : la date mentionnée dans l'assignation peut être modifiée par voie de demande additionnelle jusqu'à ce que la juridiction saisie se prononce

Réf. : Cass. com., 28 janvier 2014, n° 13-11.509, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4333MDT)

Lecture: 1 min

N0628BUS

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Le 07 Février 2014

Il résulte des dispositions de l'article L. 631-8, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L3375ICY), dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 (N° Lexbase : L2777ICT), que la demande de modification de la date de cessation des paiements doit être présentée au tribunal dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective. La date mentionnée dans l'assignation en report peut être modifiée par l'auteur de la saisine, par voie de demande additionnelle, jusqu'à ce que la juridiction saisie se prononce, l'effet interruptif du délai pour agir attaché à l'assignation s'étendant à la demande additionnelle en modification de la date qui tend aux mêmes fins. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 janvier 2014, bénéficiant de la publicité la plus large (Cass. com., 28 janvier 2014, n° 13-11.509, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4333MDT). En l'espèce, une société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 9 février et 9 mars 2010, le liquidateur, par assignation remise au greffe le 3 février 2011, a demandé que la date de cessation des paiements soit reportée au 1er septembre 2009. Le 28 octobre 2011, au cours de la même instance, il a conclu à la fixation de cette date au 9 août 2008. Après avoir déclaré cette demande recevable par un premier jugement, le tribunal l'a accueillie par un second. La cour d'appel de Colmar ayant confirmé la demande de report, un pourvoi a été formé (CA Colmar, 17 juillet 2012, n° A 12/00512 N° Lexbase : A9209IQ7). Enonçant le principe précité, la Cour de cassation approuve les juges d'appel d'avoir confirmé la recevabilité de la demande de report au 9 août 2008 : ayant relevé que le tribunal avait été saisi le 3 février 2011, dans le délai d'un an, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, la date de cessation des paiements pouvant être reportée au 9 août 2008, conformément à la demande du liquidateur présentée en cours d'instance (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E8099ET7).

newsid:440628

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Assises de la fiscalité des ménages : simplicité et efficacité au menu

Réf. : Lire la déclaration du Premier ministre du 31 janvier 2014

Lecture: 1 min

N0581BU3

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Le 07 Février 2014

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a entériné l'installation des Assises de la fiscalité des ménages, le 31 janvier 2014. Si la presse grand public avait fait l'annonce de certaines mesures phares, comme la fusion de la CSG et de l'IR, promesse de campagne de l'actuel Président de la République, ou le recouvrement de l'IR par voie de retenue à la source, ou encore la baisse des prélèvements obligatoires, le Premier ministre ne va pas aussi loin. Ainsi, il met en avant l'objectif de simplification de l'impôt, mais sans promettre de retenue à la source, dont les professionnels savent que la première année de sa mise en oeuvre risque d'être problématique. Le consentement à l'impôt sera la pierre angulaire de ces Assises, qui doivent tout d'abord oeuvrer à la compréhension du système fiscal français applicable aux ménages, avant de faire des propositions d'amélioration de sa lisibilité. L'allègement de la fiscalité pesant sur les ménages ne pourra être effectif qu'en cas de baisse suffisante de la dépense publique, afin de ne pas alourdir les déficits publics. Dans le même temps, Jean-Marc Ayrault souligne que les prélèvements obligatoires ne devraient pas être alourdis non plus. Comment fonctionneront les Assises de la fiscalité des ménages ? Les ministres du Budget, de l'Economie et des Finances travailleront ensemble, avec les partenaires sociaux, et seront entourés d'experts. Les propositions faites par ce consortium seront délivrées au Gouvernement au mois d'avril, afin que celui-ci puisse effectuer les arbitrages qu'il jugera utiles en vue de la prochaine loi de finances pour 2015. Le Premier ministre met tout de même en avant deux pistes sérieuses de réflexion : l'imposition des revenus par voie de retenue à la source, et la réforme de la combinaison RSA/prime pour l'emploi.

newsid:440581

Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Février 2014 (Spéciale loi de finances pour 2014)

Lecture: 16 min

N0574BUS

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par Frédéric Subra et Mathieu Le Tacon, Avocats associés, Delsol Avocats

Le 07 Février 2014

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Frédéric Subra et Mathieu Le Tacon, Avocats associés, Delsol Avocats, retraçant les grandes dispositions relatives à la fiscalité du patrimoine dans la loi de finances pour 2014. Parmi la centaine d'articles de cette loi, trois ont attiré l'attention des auteurs : l'article 9, relatif à l'abaissement du plafonnement des effets du quotient familial ; l'article 17, qui réforme l'imposition des plus-values de cession des valeurs mobilières, notamment leur taux et les abattements pour durée de détention ; et l'article 70, qui crée un nouveau plan d'épargne en actions, tourné vers les PME, le PEA "PME ETI".
  • Le nouvel abaissement du plafonnement des effets du quotient familial (loi de finances pour 2014, art. 9)

Comme annoncé, l'article 9 de la loi de finances pour 2014 abaisse de nouveau le plafonnement des effets du quotient familial.

Rappelons qu'en vertu de l'article 197, I-2 du CGI (N° Lexbase : L0938IZR), l'avantage en impôt résultant de l'application du quotient familial est limité pour chaque demi-part ou quart de part qui s'ajoute aux nombres de parts suivants :
- deux parts pour les contribuables mariés ou liés par un Pacs faisant l'objet d'une imposition commune ainsi que pour les veufs et les veuves dont le conjoint ou le partenaire (Pacs) est décédé au cours de l'année d'imposition ;
- une part pour les autres contribuables, c'est-à-dire les époux ou partenaires d'un Pacs faisant l'objet d'une imposition séparée, célibataires, divorcés, veufs et veuves dont le conjoint ou le partenaire est décédé avant le 1er janvier de l'année d'imposition.

Le montant maximal de l'avantage en impôt attaché aux demi-parts ou aux quarts de parts additionnelles diffère selon les critères sur lesquels repose l'attribution de ces majorations (charges de famille, prise en compte d'une invalidité, de la qualité d'ancien combattant, de la situation de parent isolé, etc.), certains critères pouvant même se combiner entre eux (situation de veuvage avec des charges de famille, par exemple).

Depuis l'imposition des revenus 2012, l'article 197, I-2 du CGI différencie ainsi cinq niveaux de plafonnement : un plafonnement général et quatre plafonnements spécifiques.

- Plafonnement général

L'article 3 de la loi de finances pour 2014 abaisse, pour l'imposition des revenus 2013, de 2 000 euros à 1 500 euros le plafond de l'avantage fiscal retiré des demi-parts de droit commun (soit un abaissement de 1 000 euros à 750 euros pour les quarts de part additionnelle).

Pour mémoire, ce plafond avait déjà été abaissé de 2 336 euros à 2 000 euros pour l'imposition des revenus de 2012.

Par exception, les effets de cette mesure sont, comme l'an passé, neutralisés à l'égard des foyers fiscaux dont l'un des membres est invalide et/ou ancien combattant, ainsi que des contribuables veufs chargés de famille.

Rappelons par ailleurs qu'en vertu de l'article 196 B du CGI (N° Lexbase : L0510IPL), les parents qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou lié par un Pacs faisant l'objet d'une imposition commune avec son conjoint ou partenaire ou un enfant chargé de famille ne bénéficient pas d'une majoration de leur quotient familial mais d'un abattement sur leur revenu imposable. En principe, l'avantage maximal en impôt procuré par cet abattement doit être d'un montant comparable au montant maximal de l'avantage fiscal résultant de la majoration du quotient familial accordée aux contribuables rattachant à leur foyer fiscal des enfants majeurs célibataires non chargés de famille.

Il serait donc logique que ce montant s'établisse, pour l'imposition des revenus de 2013, à 3 333 euros par personne prise en charge (soit 1 500 euros [plafonnement des effets du quotient familial] / 0,45 [taux maximal d'imposition]).

Notons que le législateur maintient à 5 698 euros le montant de l'abattement, en dépit de l'abaissement du plafonnement général.
Ce statu quo rend souvent plus attractive la déduction d'une pension alimentaire pour les contribuables ayant des enfants majeurs célibataires et dont le taux marginal est supérieur à 14 %. Les pensions alimentaires versées aux enfants majeurs sont, en effet, déductibles du revenu imposable dans les mêmes limites que celles fixées pour l'abattement (CGI art. 156, II, 2° N° Lexbase : L1408IZ8).

Exemples pratiques de plafonnement des effets du quotient familial pour les revenus 2013 :

Un couple soumis à imposition commune verra le plafonnement jouer à compter des revenus 2013 suivants :
58 241 euros avez un enfant rattaché ;
63 577 euros avec deux enfants rattachés ;
73 891 euros avec trois enfants rattachés ;
84 204 euros avec quatre enfants rattachés ;
94 517 euros avec cinq enfants rattachés.

- Plafonnements spécifiques

Célibataires, divorcés ou séparés vivant seuls et ayant au moins un enfant à charge

Pour ceux de ces contribuables qui supportent, à titre exclusif ou principal, la charge d'au moins un enfant, l'avantage en impôt procuré par la part entière accordée au titre du premier enfant à charge est également abaissé, passant de 4 040 euros à 3 540 euros pour l'imposition des revenus 2013.

Pour ceux qui entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent dans le cadre d'une résidence alternée, l'avantage fiscal procuré par la demi-part accordée au titre de chacun des deux premiers enfants à charge est limité à 1 770 euros (au lieu de 2 020 euros pour l'imposition des revenus 2012).

Le plafond ainsi fixé est augmenté du plafond de droit commun pour les autres majorations dont bénéficient, le cas échéant, ces contribuables, soit 1 500 euros pour chaque demi-part et 750 euros pour chaque quart de part.

Personnes seules ayant élevé un ou plusieurs enfants

L'avantage en impôt procuré par la demi-part supplémentaire dont bénéficient les contribuables célibataires, divorcés, séparés ou veufs sans personnes à charge, vivant seuls, mais ayant supporté à titre exclusif ou principal la charge d'un ou plusieurs enfant(s) pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls reste plafonné à 897 euros pour l'imposition des revenus 2013.

- Invalides et anciens combattants

L'avantage en impôt accordé aux foyers fiscaux qui bénéficient d'une (ou, le cas échéant, de plusieurs) majoration(s) de quotient familial (demi-part ou quart de part), à raison de la qualité d'ancien combattant ou de la situation d'invalidité d'un de leurs membres, reste plafonné à 2 997 euros par demi-part et à 1 498,50 euros par quart de part pour l'imposition des revenus 2013.

Veufs chargés de famille

Le montant de l'avantage maximal en impôt attaché à la part supplémentaire de quotient familial dont bénéficient les veufs ayant au moins un enfant ou une personne invalide (autre qu'un enfant) à charge (part accordée au titre du maintien d'un quotient conjugal, CGI art. 194, I N° Lexbase : L5575H9D) demeure, lui aussi, inchangé pour l'imposition des revenus 2013, soit 4 672 euros.

  • La nouvelle réforme du régime des plus-values de valeurs mobilières (loi de finances pour 2014, art. 17)

Conformément à ce qui avait été annoncé le 29 avril 2013, lors de la clôture des assises de l'entrepreneuriat, l'article 17 de la loi de finances pour 2014 réforme une nouvelle fois le régime des cessions de valeurs mobilières et prive ainsi de toute portée la précédente réforme mise en place par la loi de finances pour 2013.

L'application aux plus-values de valeurs mobilières du barème progressif de l'impôt sur le revenu (au taux marginal de 45 %) est ainsi confirmée et systématisée.

Mise en place d'un nouvel abattement proportionnel de droit commun

L'abattement de principe, applicable pour tenir compte de la durée de détention des titres cédés, est désormais (et ce rétroactivement à compter des cessions intervenues depuis le 1er janvier 2013) de 50 % après deux années de détention et de 65 % après huit années de détention. La durée de détention est, comme actuellement, décomptée à partir de la date de souscription ou d'acquisition des actions, parts, droits ou titres, et prend fin à la date du transfert de propriété.

Cet abattement de droit commun vise l'ensemble des gains nets de cession d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts (usufruit ou nue-propriété) ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits (tels que les actions de Sicav, parts de FCP, titres de société d'investissement ou de sociétés de portefeuille).
Pour mémoire, la notion de gain net recouvre tant les plus-values que les moins-values si bien que dans certains cas la réalisation de moins-values pourrait avoir intérêt à intervenir rapidement.

L'abattement s'applique également aux compléments de prix perçus par le cédant en application d'une clause de variation de prix.

On rappelle qu'en application de l'article 150-0 A, I-2 du CGI (N° Lexbase : L0970IZX), le complément de prix, reçu par le cédant en exécution d'une clause de variation d'indexation (ou clause d'"earn out"), en relation directe avec l'activité de la société dont les titres ou droits sont l'objet du contrat de cession, est imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu, quelle que soit la durée écoulée entre la date de la cession et celle du versement du complément de prix.

Sont également concernées :
- les répartitions d'actifs par les fonds communs de placement à risques (FCPR) ou les fonds professionnels spécialisés relevant de l'article L. 214-37 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5292IXB), dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2013-676 du 25 juillet 2013 (N° Lexbase : L9338IX7), ou les fonds professionnels de capital investissement ou d'une entité étrangère de même nature, y compris lorsque ces répartitions sont effectuées au profit des salariés ou dirigeants détenteurs de parts ou actions de "carried interest" ;
- les plus-values distribuées par les sociétés de capital-risque (SCR), y compris lorsque ces distributions sont effectuées au profit des salariés ou dirigeants détenteurs de part ou actions de "carried interest" ;
- les plus-values de cession de valeurs mobilières distribuées par les fonds de placement immobilier (FPI) ;
- et les plus-values distribuées par des OPCVM ou des placements collectifs relevant des articles L. 214-24-24 (N° Lexbase : L5131IXC) à L. 214-32-1, L. 214-139 (N° Lexbase : L6511IXG) à L. 214-147, L. 214-152 (N° Lexbase : L6498IXX) à L. 214-166 du Code monétaire et financier, ou des entités étrangères de même nature.

Outre les plus-values distribuées par les OPCVM (correspondant aux anciens OPCVM agréés relevant de la Directive "OPCVM IV" ; Directive (CE) 2009/65 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 N° Lexbase : L9148IEK) sont donc, en pratique, concernées les plus-values distribuées par les fonds d'investissement à vocation générale (correspondant aux anciens OPCVM à vocation générale ne relevant pas de la Directive "OPCVM IV"), les fonds de capital investissement (FCPR, FCPI et FIP), les fonds de fonds alternatifs (anciens OPCVM de fonds alternatifs), les fonds professionnels à vocation générale (anciennement dénommés OPCVM ARIA), les fonds professionnels spécialisés (anciennement dénommés OPCVM contractuels et FCPR contractuels), les fonds professionnels de capital-investissement (anciennement dénommés FCPR allégés), les fonds d'épargne salariale (FCPE et Sicavas).
Ces distributions, qui sont autorisées depuis 2013, sont, en effet, soumises au régime des plus-values de cessions de valeurs mobilières.

Création d'un abattement proportionnel majoré

Par exception, les trois types de cessions ci-après détaillés se voient, désormais, appliquer un abattement proportionnel majoré de :
- 50 % lorsque les titres sont détenus au moins un an et moins de quatre ans à la date de cession ;
- 65 % lorsque les titres sont détenus au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de cession ;
- 85 % lorsque les titres sont détenus au moins huit ans à la date de cession ;

o Cession de titres de PME souscrits ou acquis dans les 10 ans de sa création

Les conditions à réunir sont les suivantes :
- la société cédée doit être une PME au sens communautaire ;
- la société doit avoir été créée depuis moins de 10 ans à la date d'acquisition ou de souscription des titres et ne pas alors être issue de la restructuration, concentration, extension ou reprises d'activités préexistantes (NB : cette dernière condition pourra s'avérer particulièrement pénalisante en pratique) ;
- la société doit n'accorder aux souscripteurs que les seuls droits résultant de leur qualité d'associé ou d'actionnaire, à l'exclusion de tout autre avantage ou de garantie en capital ;
- la société doit être passible de l'impôt sur les bénéfices ou d'un impôt équivalent ;
- la société doit avoir son siège dans un Etat de l'Espace économique européen ;
- la société doit exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale libérale ou agricole, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.

Il est expressément prévu par la loi que, lorsque la société est une holding animatrice, les conditions doivent être remplies dans chacune des sociétés du groupe ce qui, sous réserve des commentaires administratifs à venir, risque malheureusement d'exclure nombre de sociétés holdings, notamment celles détenant des filiales abritant l'immobilier d'exploitation.

o Cessions au sein du groupe familial de participations de plus de 25 %

Les conditions suivantes doivent être remplies :


- le cédant, son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ainsi que leurs frères et soeurs, doivent avoir détenu ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession ;
- la cession de ces droits doit être consentie, pendant la durée de la société, au profit de l'un des membres du groupe familial défini ci-dessus (peu importe le pourcentage de titres cédés) ;
- l'acquéreur ne doit pas revendre tout ou partie des droits à un tiers dans un délai de cinq ans.

Il s'agit de l'exacte reprise du champ et des conditions du régime d'exonération totale qui existait jusqu'à présent.

En cas de revente des titres à un tiers, ne serait-ce qu'en partie, dans les cinq ans de la cession, la plus-value éventuellement réduite de l'abattement de droit commun devient imposable en totalité au nom du premier cédant au titre de l'année de revente au tiers.

o Cessions de titres de PME par des dirigeants prenant leur retraite

Aux termes du nouvel article 150-0 D, 1 quater-B-2° du CGI (N° Lexbase : L0968IZU), les plus-values de cession d'actions ou de parts de sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, ou de droits démembrés (usufruit ou nue-propriété) portant sur ces titres, réalisées par les dirigeants qui cèdent leur société à l'occasion de leur départ en retraite sont réduites de l'abattement majoré de 50, 65 ou 85 %.

Ces conditions sont celles qui étaient prévues pour le bénéfice de l'abattement spécifique applicable jusqu'à présent.
Il reste à savoir si les mesures d'assouplissement prises par l'administration pour l'application de cet abattement spécifique, qui étendaient le bénéfice de l'avantage fiscal aux cofondateurs ou aux membres du groupe familial du dirigeant cédant leurs titres en même temps que lui, seront reconduites.

NB : entrée en vigueur de l'abattement majorée de 50, 65 ou 85 %
L'abattement proportionnel majoré s'applique rétroactivement aux plus-values de cessions réalisées depuis le 1er janvier 2013.
S'agissant toutefois des cessions effectuées au sein du groupe familial ou par des dirigeants prenant leur retraite, il n'entre en vigueur que pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2014, ces deux types cessions pouvant encore bénéficier en 2013 des anciens régimes plus avantageux.

Création d'un abattement fixe en faveur des dirigeants de PME prenant leur retraite

Les plus-values de cession d'actions ou de parts de sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, ou de droits démembrés (usufruit ou nue-propriété) portant sur ces titres, réalisées par les dirigeants qui cèdent leur société à l'occasion de leur départ en retraite sont, sous certaines conditions, réduites d'un abattement fixe de 500 000 euros.

Cet abattement est codifié, comme l'ancien abattement, à l'article 150-0 D ter du CGI (N° Lexbase : L2392IZM).
Rappelons en effet que ces plus-values étaient jusqu'à présent réduites d'un abattement d'un tiers par année de détention des titres au-delà de la cinquième et étaient, par suite, totalement exonérées lorsque les titres étaient détenus depuis plus de huit ans.

Aux termes de l'article 150-0 D ter, 3 du CGI, l'abattement fixe s'applique sous les mêmes conditions que celles qui étaient prévues pour l'abattement spécifique applicable jusqu'à présent.

L'abattement fixe concerne donc les titres de sociétés qui ont leur siège dans un Etat de l'Espace économique européen et qui sont passibles de l'IS ou d'un impôt équivalent, de droit ou sur option. La société doit en outre avoir exercé, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, ou avoir eu pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant l'une de ces activités (société holding).
La société cédée doit être une PME au sens communautaire.
Son capital est détenu à hauteur de 75 % au moins, de manière continue au cours du dernier exercice clos, par des personnes physiques ou d'autres sociétés répondant elles-mêmes aux deux conditions ci-dessus (ou par certaines structures de capital-risque).

Pendant les cinq années précédant la cession, le cédant doit, sans interruption :
- avoir été dirigeant de la société dont les titres sont cédés, dans les conditions requises pour bénéficier de l'exonération d'ISF ; l'exercice continu pendant la même période d'une profession libérale principale au sein d'une société anonyme ou d'une SARL dont les titres constituent des biens professionnels est assimilé à une fonction de direction ;
- avoir détenu au moins 25 % des droits de vote ou des droits financiers de la société cédée soit directement, soit par personne interposée, soit par l'intermédiaire de son groupe familial (c'est-à-dire son conjoint ou partenaire de Pacs, leurs ascendants, descendants ou frères et soeurs).

Le cédant doit en principe cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession. Toutefois, l'administration exige uniquement qu'il s'écoule un délai maximum de vingt-quatre mois entre le premier et le dernier des événements (cession, cessation de fonction et départ en retraite), quel que soit l'ordre dans lequel ils interviennent.
En cas de cession des titres à une société, le cédant ne doit pas, à la date de la cession et pendant les trois années suivantes, détenir directement ou indirectement de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de cette société (un pourcentage maximal de détention de 1 % est toutefois toléré).

L'abattement fixe est imputé sur le gain net avant l'abattement proportionnel majoré de 50, 65 ou 85 %.

L'éventuel complément de prix est également réduit de l'abattement fixe à hauteur de la fraction non imputée sur la plus-value d'origine et, pour le surplus, de l'abattement majoré (au taux appliqué sur le gain d'origine).

L'abattement fixe s'applique pour l'ensemble des gains afférents à une même société cible et non par cession (CGI, art. 150-0 D ter, I-1).
Ainsi, en cas de cessions échelonnées, le cédant ne bénéficie que d'un seul abattement de 500 000 euros pour l'ensemble des cessions (et non d'un nouvel abattement pour chaque cession réalisée).

Entrée en vigueur : Cet abattement entre en vigueur pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2014, les cessions réalisées en 2013 pouvant encore bénéficier de l'ancien régime de faveur.

  • La réforme du PEA (loi de finances pour 2014, art. 70)

Hausse du plafond du PEA "classique"

Le plafond du PEA "classique" est relevé de 132 000 à 150 000 euros, si bien que, pour un couple, le plafond s'élève désormais à 300 000 euros.

Les personnes titulaires d'un PEA peuvent donc procéder à des versements complémentaires à condition toutefois, pour les plans de plus de huit ans, qu'aucun retrait ou rachat n'ait été effectué.

Création d'un PEA "PME ETI"

La loi crée un nouveau PEA destiné à financer les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Le plafond des versements est fixé à 75 000 euros (150 000 euros pour un couple).
Comme pour le PEA "classique", chaque contribuable ne peut en effet être titulaire que d'un plan ou, s'agissant des personnes soumises à imposition commune, d'un plan par conjoint ou partenaire.

Ce PEA est cumulable avec le PEA "classique". Il en résulte que chaque contribuable peut effectuer jusqu'à 225 000 euros (150 000 euros + 75 000 euros) de versements dans le cadre de ces plans (450 000 euros pour un couple).

Le PEA "PME-ETI" fonctionne de la même manière que le PEA "classique".
Ainsi, en cas de souscription auprès d'une banque, le PEA "PME-ETI" donne ouverture à un compte en espèces et à un compte de titres, le compte en espèces étant destiné à recevoir les liquidités devant servir à l'acquisition de titres éligibles puis à leur inscription sur le compte correspondant.

En cas de souscription auprès d'une entreprise d'assurance, le PEA est constitué d'un contrat de capitalisation en unités de compte investi dans une ou plusieurs catégories de titres pouvant figurer sur le plan.

Le PEA "PME-ETI" bénéficie des mêmes avantages que le PEA "classique".

Deux catégories de titres peuvent figurer sur le PE "PME ETI" :

Titres émis par des ETI européennes

Les titres pouvant figurer sur un PEA "PME-ETI" sont :
- les actions ou certificats d'investissement de sociétés et les certificats coopératifs d'investissement ;
- les parts de SARL ou de sociétés dotées d'un statut équivalent et les titres en capital des sociétés régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération (N° Lexbase : L4471DIG).

Initialement, devaient également éligibles les droits ou bons de souscription attachés aux titres mentionnés ci-dessus. Toutefois, l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 2013 (loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7404IYU) est revenu sur cette disposition en interdisant, à compter du 1er janvier 2014, l'inscription des bons ou droits de souscription et des actions de préférence sur un PEA.

Les titres éligibles doivent avoir été émis par une ETI, à savoir une entreprise qui, d'une part, occupe moins de 5 000 personnes et qui, d'autre part, a un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1 500 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 000 millions d'euros.
Cette définition englobe bien évidemment les PME.

Comme pour les titres éligibles au PEA "classique", les titres éligibles au PEA "PME-ETI" doivent être émis par une société :
- ayant son siège en France, dans un Etat membre de l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein ;
- soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou à un impôt équivalent, cette condition n'étant toutefois pas exigée des entreprises nouvelles, ni des sociétés de capital-risque.

- Parts ou actions d'OPCVM

Les sommes versées sur un PEA "PME-ETI" peuvent également être employées dans la souscription :
- d'actions de sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) ;
- de parts de fonds communs de placement (FCP), notamment de parts de fonds communs de placement à risques (FCPR), de fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et de fonds d'investissement de proximité (FIP) ;
- de parts ou actions d'OPCVM européens "coordonnés".

L'éligibilité des parts ou actions de ces organismes est subordonnée à la condition que l'actif soit constitué pour plus de 75 % de titres d'ETI. L'actif de ces organismes doit être constitué à plus de 50 % d'actions, de parts ou de certificats d'investissement d'ETI, le solde pouvant être investi dans d'autres titres, notamment dans des obligations émises par ces mêmes sociétés.

Titres exclus du PEA "PME ETI" :
Les titres exclus du PEA "classique" le sont également du PEA "PME-ETI".
En particulier, ne peuvent pas figurer sur le PEA "PME-ETI" les titres ayant ouvert droit à la réduction d'impôt sur le revenu ou à la réduction d'ISF pour investissement dans les PME.
Sont également exclues les participations dans une société supérieures à 25 %.
On rappelle par ailleurs que l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 2013 exclut du PEA les bons ou droits de souscription, ainsi que les actions de préférence.

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Fonction publique

[Brèves] Existence de la privation de garantie du fonctionnaire dont la demande de consultation de son dossier est restée sans réponse

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 31 janvier 2014, n° 369718, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4117MDT)

Lecture: 1 min

N0616BUD

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Le 11 Février 2014

Le fonctionnaire dont la demande de consultation de son dossier est restée sans réponse est victime d'une privation de garantie et le décret mettant fin à ses fonctions est intervenu selon une procédure irrégulière, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 31 janvier 2014 (CE 2° et 7° s-s-r., 31 janvier 2014, n° 369718, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4117MDT). Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie au sens de la jurisprudence dite "Danthony" (CE, S., 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9048H8M). Il ressort des pièces du dossier que la requérante a été informée, le 15 avril 2013, de la volonté du ministre d'engager la procédure de retrait d'emploi et de son droit à consulter son dossier administratif. Elle a, dès réception de ce courrier, le 17 avril 2013, demandé à consulter son dossier administratif, par lettre adressée au ministre sous couvert du recteur. Toutefois, cette demande étant restée sans réponse, elle n'a pas pu prendre connaissance de son dossier avant l'adoption de la mesure litigieuse. Elle a été ainsi effectivement privée de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 (N° Lexbase : L0261IH7). Par suite, le décret du 10 mai 2013 mettant fin à ses fonctions est intervenu selon une procédure irrégulière (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E4764EUY).

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Fonction publique

[Chronique] Chronique de droit de la fonction publique - Février 2014

Lecture: 21 min

N0551BUX

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine

Le 07 Février 2014

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de la fonction publique de Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine. Au sommaire de la chronique, tout d'abord, un arrêt du Conseil d'Etat en date du 16 décembre 2013 relatif au contentieux des décharges de fonction ou, pour reprendre la terminologie actuelle, au contentieux des fins de détachement sur emploi fonctionnel. Pour le juge, l'entretien préalable à la fin du détachement d'un agent sur un emploi fonctionnel constitue pour l'agent concerné une garantie dont la privation entache d'illégalité la décision mettant fin au détachement sur l'emploi fonctionnel (CE 2° et 7° s-s-r., 16 décembre 2013, n° 367007, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le deuxième arrêt commenté, toujours du Conseil d'Etat et en date du 20 décembre 2013, est relatif à la situation juridique particulière des fonctionnaires dans les offices publics de l'habitat. Mis en cause par la Fédération autonome de la fonction publique territoriale, le régime juridique de la représentation du personnel de droit public mis en place par le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 (N° Lexbase : L4238IQZ) est validé par le Conseil d'Etat (CE 1° et 6° s-s-r., 20 décembre 2013, n° 351682, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, le troisième arrêt étudié, en date du 20 décembre 2013 est relatif aux conséquences des opérations de restructuration sur les droits des fonctionnaires. Il ressort de l'arrêt que l'obtention de la prime de restructuration est largement comprise par le Conseil d'Etat en ce sens qu'il n'impose aucune condition à l'obtention de la prime mis à part l'intervention de l'arrêté ministériel fixant l'opération de restructuration préalablement à la demande de mutation (CE 3° et 8° s-s-r., 20 décembre 2013, n° 356118, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • L'entretien préalable à la fin du détachement d'un agent sur un emploi fonctionnel constitue pour l'agent concerné une garantie dont la privation entache d'illégalité la décision mettant fin au détachement sur l'emploi fonctionnel (CE 2° et 7° s-s-r., 16 décembre 2013, n° 367007, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7981KSE ; cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E0341EQP)

Le législateur a instauré dans le statut général de la fonction publique territoriale des dispositifs d'ordre financier supposés dissuasifs et de nature à limiter ce qu'on a pu appeler les "déchargés de fonction" appelés, plus pudiquement aujourd'hui, les fonctionnaires en fin de détachement sur emploi fonctionnel. Les élus disposent, en effet, de par le statut général de la fonction publique, d'un véritable "droit de répudiation" des agents exerçant des fonctions clés à la tête des collectivités territoriales ou de certains de leurs groupements. Malgré les progrès apportés dans l'encadrement de ses emplois aujourd'hui, la politisation de ces derniers paraît inévitable et aucun régime juridique ne pourrait tenter d'instaurer de façon trop contraignante à leur sujet une certaine stabilité sans être inévitablement démentie par la pratique. Mais il arrive que le juge administratif vienne rappeler, à bon escient, que l'agent bénéficie, néanmoins, de garanties statutaires essentielles. Le régime des emplois fonctionnels est marqué par une grande souplesse qui génère une relative insécurité pour les agents. L'exécutif local doit bénéficier, certes, d'une large autonomie pour le choix de ses collaborateurs directs mais l'agent doit, quant à lui, disposer des garanties statutaires essentielles.

Il ressort des faits de l'espèce que l'ancien directeur général adjoint d'un conseil général se plaignait depuis mai 2010 de relations difficiles avec son directeur général des services. Il se disait alors victime de harcèlement moral à l'instar de deux autres directeurs généraux adjoints de la part de ce directeur général des services. Pour cette raison, il a demandé, au printemps 2011, au président du conseil général à bénéficier de la protection fonctionnelle. Le 13 mai 2011, le président lui adressait une fin de non-recevoir et cinq mois plus tard un arrêté mettait fin à ses fonctions de directeur général adjoint et au détachement sur un emploi fonctionnel. Ces deux décisions ont été annulées par le tribunal administratif d'Orléans qui, dans son jugement, a reconnu le bon droit de l'agent public mais n'a pas pour autant qualifié les faits de "harcèlement moral" en considérant juste "que les relations de travail organisées par cet agent supérieur et son comportement ont, à l'encontre de [l'agent public] [...] excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique". Pour le juge de première instance, la conduite de l'entretien de fin de détachement, notamment, ne pouvait être déléguée par le président du conseil général au directeur du "pôle ressources humaines" des services du département. Le conseil général se pourvoit en cassation et demande l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans. Le Conseil d'Etat rejette le pourvoi au motif que les juges de première instance n'ont pas commis d'erreur de droit dans la mesure où "l'entretien préalable à la fin de détachement d'un agent sur un emploi fonctionnel, prévu pour lui permettre de présenter ses observations à l'autorité territoriale, doit être mené, compte tenu de la nature particulière de ses fonctions exercées auprès du chef de l'exécutif territorial, directement par cette seule autorité et non par un agent des services". Le juge suprême rajoutant que "cet entretien constitue pour l'agent concerné une garantie dont la privation entache d'illégalité la décision mettant fin au détachement sur l'emploi fonctionnel".

Bien que le législateur n'ait pas défini la notion et les critères de l'emploi fonctionnel, il en a cerné le champ d'application. Les emplois fonctionnels sont des emplois administratifs ou techniques de direction distincts des grades habituellement occupés par les fonctionnaires territoriaux. Ces fonctionnaires sont accueillis dans ces emplois par voie de détachement, pour une durée déterminée (cinq ans maximum, renouvelable). Ils restent toutefois titulaires de leur grade et carrière d'origine qui continue à se dérouler parallèlement. Ces emplois correspondent à des emplois de direction (directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur général des services techniques) créés dans des collectivités territoriales ou des établissements publics locaux, répondant à un certain seuil démographique. La fonctionnalité d'un emploi de direction permet ainsi à l'exécutif local de confier la responsabilité de la direction des services à un cadre avec lequel une relation étroite de confiance peut s'établir.

La fin de détachement intervient généralement lorsque les relations entre l'autorité territoriale élue et le fonctionnaire occupant l'emploi fonctionnel se sont dégradées. C'est ainsi que la perte de confiance légitime la décharge de fonctions de son titulaire même en l'absence de tout motif disciplinaire ou relatif à leur compétence professionnelle selon une logique qui n'est pas sans rappeler celle des emplois à la décision du Gouvernement dans la fonction publique de l'Etat. La jurisprudence a ainsi admis que la perte de confiance entre le maire d'une commune et son secrétaire général puisse effectivement justifier à elle seule la fin de détachement. Ce motif est aujourd'hui pleinement admis par la jurisprudence "eu égard à l'importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent" (1). Le motif tiré de la perte de confiance pourrait donner lieu à de nombreux abus, d'autant plus que la marge d'appréciation qui est laissée aux exécutifs locaux par le juge est considérable dans la mesure où celui-ci se limite au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation entre l'appréciation portée par la collectivité territoriale et le comportement de l'intéressé.

Ces abus n'étaient pas, au départ, compensés par des garanties statutaires et procédurales adéquates pour les déchargés de fonction. Les seules que l'on pouvait signaler tenaient au fait que la fin des fonctions ne pouvait être prononcée par l'autorité territoriale qu'après un délai de six mois suivant l'entrée en fonction ou que l'assemblée délibérante du Centre national de la fonction publique territoriale devait être obligatoirement informée. Certes, au gré des contentieux, les garanties accordées par la jurisprudence s'étendent autant que faire se peut au profit des fonctionnaires. A titre d'illustration, il convient d'ajouter que l'arrêté mettant fin aux fonctions doit indiquer les motifs qui fondent la décision de l'autorité territoriale (2). Mais les garanties continuent à être minimes. La disposition la plus importante, finalement, mise en place se révèle être la disposition selon laquelle la fin des fonctions doit être précédée d'un entretien préalable mais les textes sont silencieux quant aux modalités que doit revêtir un tel entretien. Là encore, c'est la jurisprudence qui est venue préciser ces modalités. Le Conseil d'Etat a posé ainsi comme exigence que l'objet de l'entretien soit dénué d'ambiguïté, afin que l'agent ne se méprenne pas sur les conséquences juridiques à venir et, notamment, ne puisse demander la communication de son dossier (3). Mais l'arrêt ne renseigne pas sur les formes et délais de la convocation à l'entretien. Seule une circulaire du ministre de l'Intérieur du 18 juin 2004 (N° Lexbase : L3163IZ8) précise que "cet entretien, obligatoire, doit être visé dans l'arrêté de fin de fonctions qui comportera la date à laquelle il a eu lieu" (4).

Il y a des efforts quant à la mise en place des garanties que ce soit à travers l'entretien préalable ou en dehors mais cette extension n'est évidemment pas sans limites. Par exemple, il a été jugé qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'autorité territoriale à saisir la commission administrative paritaire préalablement à la fin de détachement qui ne peut être assimilé à une mutation (5), ce qui ne peut qu'apporter un certain manque au niveau des garanties statutaires. Pour faire face, on peut donc dire que l'arrêt d'espèce du Conseil d'Etat vient ici, en quelque sorte, consolider l'ensemble des garanties statutaires en rappelant que l'entretien préalable "doit être mené, compte tenu de la nature particulière de ses fonctions exercées auprès du chef de l'exécutif territorial, directement par cette seule autorité et non par un agent des services" mais en précisant surtout que "cet entretien constitue pour l'agent concerné une garantie dont la privation entache d'illégalité la décision mettant fin au détachement sur l'emploi fonctionnel". On assiste depuis quelques années, ainsi, à un réel renforcement des droits et garanties des agents occupant de tels emplois. Ces garanties accordées à ce type de fonctionnaires les rendent moins vulnérables aux éventuels caprices des exécutifs locaux et l'on peut dire, en définitive, que le régime juridique des emplois fonctionnels se révèle, aujourd'hui, être un régime de plus en plus équilibré entre celui de la carrière et celui de l'emploi. Son architecture se révèle, de plus en plus, être un assez bon compromis entre le pouvoir d'appréciation des exécutifs locaux et la protection de leurs principaux collaborateurs. Lorsque des difficultés apparaissent, elles sont davantage liées aux comportements des acteurs, comme c'est le cas en l'espèce, qu'aux règles juridiques elles-mêmes.

  • Validation par le Conseil d'Etat du décret n° 93-852 du 8 juin 2011 applicable aux salariés de droit privé et agents publics des offices publics de l'habitat garantissant aux seconds un certain nombre de droits statutaires, mais mettant en oeuvre le Code du travail à l'ensemble des personnels (CE 1° et 6° s-s-r., 20 décembre 2013, n° 351682, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7919KS4 ; cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E0468EQE)

Près de quatre ans après l'adoption de l'ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 relative aux offices publics de l'habitat (N° Lexbase : L2594HUM) (6), et près de deux ans après l'adoption de l'article L. 421-25 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9069IDA) (7), qui tendent à conforter la communauté de travail au sein des OPH au moyen d'une gestion en partie unifiée des ressources humaines, les fonctionnaires territoriaux et les salariés privés des OPH se sont vus dotés d'un nouveau statut fixé par le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 (8).

L'ordonnance précitée a créé une nouvelle catégorie d'établissements publics "les offices publics de l'habitat", qui se substitue à celles des offices publics d'habitations à loyer modéré (OPHLM) et des offices publics d'aménagement et de construction (OPAC). Depuis le 3 février 2007, l'ensemble des OPHLM et des OPAC existants ont été transformés en OPH et aucun d'entre eux n'a été créé ex nihilo depuis. Le choix a été fait par les pouvoirs publics de qualifier ces établissements publics locaux d'industriel et commercial (EPIC) (9) afin de leur donner la souplesse de gestion nécessaire pour pouvoir mieux évoluer dans un secteur concurrent. Les raisons du choix de la formule du statut d'EPIC sont légitimes et directement inspirées par le statut juridique des OPAC. La concurrence à laquelle sont confrontés de plus en plus les OPH nécessite une souplesse du régime comptable (notamment la comptabilité commerciale), mais également du statut du personnel (fonction publique territoriale ou droit privé) : deux caractéristiques propres aux établissements publics industriels et commerciaux.

Le changement de statut ainsi imposé aux OPHLM, établissements publics administratifs (EPA), et aux OPAC, établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), ne pouvait être sans répercussions sur le statut du personnel. Certes, la transformation d'un EPA en EPIC n'apporte, par elle-même, aucune modification au statut du personnel et n'implique pas la perte de la qualité de fonctionnaire qui lui avait été reconnue par la loi (10), mais il a été décidé de maintenir la dualité de statuts du personnel, celui de la fonction publique territoriale et celui du régime juridique du personnel des OPAC. Ainsi, les fonctionnaires des OPHLM ou des OPAC présents au jour de la transformation ont eu le choix entre conserver leur statut de fonctionnaire (11) ou opter pour un régime de droit privé (12). Ce droit d'option étant complété par la possibilité exceptionnelle d'une mise en détachement des fonctionnaires sur leur propre poste dans le même organisme ; la durée de ce détachement étant toutefois limitée. Néanmoins, les fonctionnaires présents dans ces établissements ont vocation à disparaître progressivement pour être remplacés par des agents de droit privé, conformément à la théorie générale des services publics industriels et commerciaux. Il est, en effet, interdit aux OPH de recruter directement des fonctionnaires par voie de concours.

Les OPH ont donc vocation à recruter des salariés privés. Toutefois, en 2008, les effectifs des OPH comportaient encore 18 000 agents relevant de la fonction publique territoriale. La plupart avaient été recrutés avant le 3 février 2007, pour occuper un emploi en position d'activité, soit par des OPHLM, soit par des OPHLM transformés par la suite en OPAC. L'ordonnance de 2007 a modifié l'article 120 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX), en vue de garantir la continuité de la situation juridique de ces fonctionnaires. Le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 vient compléter ses dispositions et met en oeuvre la règle législative selon laquelle le code du travail est applicable à l'ensemble des personnels en ce qui concerne les institutions représentatives (comité d'entreprise, délégués du personnel et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), l'hygiène, la sécurité, les conditions de travail et la médecine du travail et pour l'exercice du droit syndical, sous réserve de règles spécifiques dites d'adaptation aux particularités des OPH. Le décret prévoit ainsi certaines dispositions applicables aux agents publics, afin de leur conserver le bénéfice de certaines règles du droit de la fonction publique dans les domaines de l'exercice du droit syndical (en particulier le maintien de la possibilité de bénéficier de décharges d'activité de service) et de la médecine du travail. En outre, le décret remplace le décret statutaire n° 93-852 du 17 juin 1993 précité, qui ne s'appliquait qu'aux salariés de droit privé des OPH. Il reprend ou actualise la plupart de ses dispositions, dont beaucoup portent adaptation des règles du Code du travail (en ce qui concerne l'exercice du droit syndical, certaines autorisations d'absence, l'existence d'une commission disciplinaire).

C'est ce décret qui est contesté devant le juge administratif par la fédération autonome de la fonction publique territoriale. Les mesures du décret étant pour le syndicat requérant en totale rupture avec les droits dont bénéficient les fonctionnaires puisqu'elles prévoient, ni plus ni moins, de soumettre les agents qui font le choix de rester fonctionnaire, à des instances qui relèvent du Code du travail. Ainsi, en cas de conflit, ils relèveront des conseils de prud'hommes et c'est donc des collèges d'employeurs et de salariés du privé qui vont décider de leur sort. Les comités techniques paritaires et les comités d'hygiène et de sécurité seront remplacés par des comités d'entreprises et des comités d'hygiène et de sécurité et conditions de travail, dont les règles de fonctionnement et les compétences relèveront du Code du travail. Au regard de ce projet en totale contradiction avec les droits fondamentaux rattachés au statut de la fonction publique, la Fédération autonome de la fonction publique territoriale, représentée au Conseil Supérieur de la de la fonction publique territoriale, a décidé d'utiliser tous les moyens de droit pour s'opposer à la mise en place de ce décret, non seulement inique mais surtout en totale contradiction avec les règles de droit qui régissent le statut des agents de la fonction publique.

Contrairement au décret n° 93-852 du 17 juin 1993, qu'il abroge, le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 est applicable à la fois aux salariés privés et aux agents publics. Il garantit aux seconds le maintien d'un certain nombre de droits statutaires, notamment en matière syndicale ou de médecine professionnelle, tout en les rapprochant des premiers. C'est ainsi que les agents publics seront électeurs et éligibles aux élections du comité d'entreprise et des délégués du personnel des OPH. Leurs voix seront comptabilisées séparément pour être prises en compte pour la désignation des représentants du personnel au sein des organes nationaux de la fonction publique territoriale. Pour le syndicat requérant, il y a ici méconnaissance du principe d'égalité entre les personnels relevant de la fonction publique à travers la disposition, qui relève de l'article 5 du décret, qui prévoit que les représentants des salariés de droit privé et ceux des agents de droit public ne seraient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées devant les instances représentatives du personnel les concernent de manière exclusive. Lorsque les agents sont en fonction dans les collectivités territoriales, ces questions sont examinées par des comités techniques composés de représentants des seuls agents publics. Pour le Conseil d'Etat, les fonctionnaires territoriaux qui exercent leur activité dans les OFP sont dans une situation différente de ceux en fonction dans les collectivités territoriales dotés de comités techniques ; il n'y a donc pas méconnaissance du principe d'égalité.

De même, le Conseil d'Etat a considéré que n'étaient pas contraires au principe d'égalité de traitement entre agents publics, les dispositions réglementaires (articles 20 et 49 du décret de 2011) prévoyant, tout d'abord, que les mises à disposition ou les décharges d'activité des membres du personnel des OPH en vue de l'exercice d'activités syndicales s'appliquent dans les conditions prévues par un accord collectif étendu soumis aux dispositions du Code du travail et prévoyant, ensuite, que les fonctionnaires territoriaux et les agents non titulaires de droit public employés par les OPH ne sont pas pris en compte dans l'effectif des agents servant au calcul de l'étendue des décharges d'activité de service par les centres de gestion de la fonction publique territoriale.

Enfin, le recours du syndicat requérant visait aussi les autorisations spéciales d'absence prévues à l'article 33 dudit décret contraires au principe d'égalité en tant qu'elles s'appliquent aux seuls agents de droit privé. Là encore, pour le Conseil d'Etat, il n'y a pas rupture de ce principe dans la mesure où le régime des autorisations d'absence ne relève pas des domaines pour lesquels le législateur a souhaité que les salariés et agents de droit public des OPH soient soumis à des dispositions communes. Le juge suprême ajoutant que ce régime peut "bénéficier aux fonctionnaires placés en position de détachement auprès des OPH" (article 47 du même décret) et que "les agents de la fonction publique territoriale peuvent également [...] bénéficier d'autorisations spéciales d'absence n'entrant pas en compte dans le calcul des congés annuels à l'occasion de certains événements, sur décision du chef de service".

Il y a là une interprétation classique de la part du Conseil d'Etat sur le principe d'égalité, sa portée n'étant pas absolue. Principe général du droit dégagé par le Conseil d'Etat (13), puis norme à valeur constitutionnelle depuis la jurisprudence du Conseil constitutionnel se fondant sur le bloc de constitutionnalité (14), le principe d'égalité est appliqué par les juridictions selon une grille de raisonnement désormais bien connue du droit administratif : à situation identique, il doit y avoir traitement identique mais à situation différente, il peut y avoir traitement différent de la part de l'administration. Néanmoins, pour être légale, la différenciation doit satisfaire à deux conditions cumulatives. La première condition se subdivise en deux possibilités : il faut soit une différence objective de situation, soit un motif d'intérêt général. Par ailleurs, et c'est la seconde condition, l'objet de la discrimination doit être en rapport avec la finalité légale poursuivie par l'auteur de la différenciation. L'ensemble de ces points a été rappelé dans le raisonnement suivi en l'espèce.

Mais le Conseil d'Etat aurait pu avoir une approche plus fonctionnelle du principe d'égalité en la matière. Il advient parfois que le juge administratif s'éloigne de son interprétation traditionnelle de l'égalité de traitement entre fonctionnaires appartenant à un même corps en mettant en place une approche par emploi et non par corps, préférant ne pas accorder trop d'importance au statut des uns et des autres mais s'attachant plutôt aux fonctions réellement exercées (15). C'est la position également retenue par la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière, à propos d'un complément indemnitaire attribué aux personnels de droit public et de droit privé susceptibles d'exercer des fonctions de même nature de La Poste (16), malgré la différence de statut juridique entre les personnels, ces derniers relevant du même et seul employeur. Cela fait également longtemps que la CJUE se fonde sur l'égalité fonctionnelle entre les agents publics en considérant, non pas les corps de fonctionnaires, mais les emplois qu'ils occupent (17). La situation particulière et provisoire du personnel des OPH a certainement amené le Conseil d'Etat à avoir une position plus nuancée en la matière en se contentant d'appliquer les règles plus classiques.

  • L'obtention de la prime de restructuration n'est subordonnée à aucune condition mis à part l'intervention préalable de l'arrêté ministériel fixant l'opération de restructuration avant la demande de mutation (CE 3° et 8° s-s-r., 20 décembre 2013, n° 356118, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7937KSR ; cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E3328ERP)

Subie ou consentie, la mobilité des fonctionnaires est devenue un thème récurrent avec l'introduction progressive du management des ressources humaines et la fixation d'un objectif financier de réduction des effectifs. C'est la loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (18), qui a créé un véritable droit à la mobilité dans les trois fonctions publiques. Il s'agit notamment de rendre tous les corps et grades d'emplois de même niveau au sein des fonctions publiques d'Etat, territoriale ou hospitalière, accessibles par simple détachement, avec intégration de droit au bout de cinq ans. Sous certaines conditions, les agents peuvent bénéficier d'une intégration directe sans période de détachement. Pourtant, si l'on peut dire que les changements de postes sont relativement fréquents dans la fonction publique, en particulier pour les agents de l'Etat, qui bougent plus souvent que les autres actifs, de nombreux freins à la mobilité subsistent, alors même que certains postes peinent à trouver preneur.

Cette mobilité est pourtant rendue nécessaire par la mise en oeuvre des décisions arrêtées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) (19) qui a conduit à des modifications importantes de la structure des différents services de l'Etat, tant dans leur organisation que dans leur répartition sur le territoire national. En ce sens, la mobilité doit être encouragée, au bénéfice de la diversification des parcours professionnels souhaitée par de nombreux agents, en ayant recours à l'ensemble des moyens appropriés, en termes juridiques et indemnitaires, comme en matière de management et d'accompagnement méthodologique. C'est dans ce cadre qu'a été adopté un dispositif d'accompagnement indemnitaire ayant vocation à s'adapter à des situations très diverses, que chaque ministère pourra utiliser en fonction de ses priorités en termes de pilotage des ressources humaines.

Les fonctionnaires, quels que soient leurs corps, grade et emploi, et les agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée qui ont été mutés ou déplacés à l'occasion d'une opération de restructuration, peuvent demander à bénéficier de la prime de restructuration de service et à l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint (20), de l'indemnité de départ volontaire (21) et du complément spécifique de restructuration notamment en faveur de certains agents du ministère de la Défense (22). Pourtant, si le principe est connu, certaines précisions doivent encore être apportées par la pratique, ce que vient de faire le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 20 décembre 2013.

Il ressort des faits de l'espèce que, dans un arrêté ministériel du 28 janvier 2009, le ministre de la Défense a inclus la base aérienne d'Istres parmi les opérations de restructuration ou de réorganisation de service ouvrant droit, à la fois, à la prime de restructuration de service, à l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint et au complément spécifique de restructuration. La troisième partie de l'annexe joint à cet arrêté a fixé la liste des formations, unités, services et établissements faisant l'objet d'une réorganisation. La base aérienne d'Istres figurait parmi cette liste, étant précisé que, pour l'armée de l'air, "il convient d'entendre par base aérienne l'ensemble des unités présentes sur le site principal ainsi que les unités rattachées". La requérante était affectée à la structure locale d'achat et de mandatement de la base aérienne et a formulé une demande de mutation se référant formellement à l'arrêté ministériel du 28 janvier 2009. L'administration y a donné suite mais n'a pas tenu compte du fait que la mutation intervenait dans le cadre de l'opération de restructuration, refusant ainsi d'attribuer l'ensemble des indemnités prévues à cet effet. La requérante a attaqué cette décision qui a été annulé par le tribunal administratif. Pour le ministère de la Défense, une telle demande est irrecevable car l'agent a demandé sa mutation. En agissant de son propre fait, elle ne se voit pas ouvrir le droit aux primes.

Pour le juge administratif, le raisonnement à suivre est tout autre. Le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 ne prévoit l'octroi de la prime que sous deux conditions : être fonctionnaire ou sous contrat à durée indéterminée, d'une part, et que le versement des primes de restructuration ait été prévu par un arrêté ministériel, d'autre part. Ainsi, les circonstances de la mutation doivent être regardées comme étant intervenues, non pas pour convenances personnelles et à la demande de l'intéressée, mais dans le cadre d'une opération de restructuration. Elles ouvrent donc bien droit aux primes instituées à cet effet, et ceci alors même que la dissolution du service n'avait été confirmée que par un arrêté pris à une date ultérieure à la demande de mutation de la requérante. Pour le Conseil d'Etat, les textes réglementaires ne subordonnent l'octroi des primes qu'ils instituent à aucune condition de suppression des emplois occupés par les agents qui les demandent. De même, il n'existe aucune condition tenant à ce que la réorganisation de service dans lequel travaillent ces agents se traduise par des suppressions d'emploi nette. En outre, le fait, pour un agent, de faire valoir des voeux pour sa nouvelle affectation ne peut être analysé comme une demande de mutation à son initiative, même lorsque la décision de l'administration répond au souhait formulé.

Par cet arrêt, le Conseil d'Etat interprète strictement le texte réglementaire mais permet ainsi, en contrepartie, l'obtention de la prime plus facilement. Dans une période où la modification de la carte administrative de l'Etat perd régulièrement en volume, cela permet de sécuriser un peu plus (financièrement du moins), tous les agents titulaires de l'Etat, depuis les personnels de la Défense jusqu'à l'Education nationale, en passant par la Justice. Par la décision présente, le Conseil d'Etat donne à la prime de restructuration un champ d'application assez large à un moment où la tendance est plutôt à la restriction ou à la critique de ses aides (23).

En théorie, la prime de restructuration de service peut être versée aux magistrats, aux agents de l'Etat titulaires et non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée, mutés ou déplacés dans le cadre d'une restructuration du service dans lequel ils exercent leurs fonctions. Un arrêté ministériel fixe la liste des opérations de restructuration de service qui ouvrent droit au bénéfice de la prime. L'opération de restructuration de service reçoit une acception large : elle doit être entendue comme une réorganisation ou un transfert de service. Cette définition n'exclut pas, par exemple, de verser la prime de restructuration lors du déménagement d'un service dans un périmètre géographique qui peut être restreint. Cet arrêté peut lister plusieurs opérations. Il doit, cependant, être suffisamment précis et désigner les opérations service par service. A titre d'exemple, l'arrêté ne pourra indiquer que "l'ensemble des opérations menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques du ministère" ouvrent droit au versement de la prime de restructuration.

En sens inverse, la prime ne peut être attribuée aux militaires, ouvriers d'Etat et agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée déterminée, aux agents affectés pour la première fois dans l'administration et nommés depuis moins d'un an dans le service faisant l'objet d'une opération de restructuration ou encore, et surtout, aux agents qui obtiennent une mutation sur leur demande, étant entendu que cette disposition n'interdit pas à l'administration de recueillir les souhaits des agents concernés par l'opération de restructuration (24). La requérante, en l'espèce, avait effectué une demande de mutation à laquelle l'administration a donné suite, ce qui la plaçait normalement dans ce dernier cas d'exclusion. Le Conseil d'Etat ne l'a pas jugé ainsi, mettant en avant le fait que la suppression de l'emploi occupé par l'agent n'était pas nécessaire, jugeant que des voeux de nouvelle affectation ne peuvent être analysés comme une demande de mutation à l'initiative de la requérante et, qu'à partir du moment où l'agent avait formulé la demande après que soit intervenue l'arrêté ministériel prévoyant l'opération de restructuration, elle agissait de bon droit et devait se voir attribuer la prime de restructuration et le complément spécifique de restructuration.

On peut dire, au final, par rapport à cet arrêt, que l'Etat démantèle par petites touches les conditions d'emploi héritées d'un compromis de 1946 présenté, désormais, comme un carcan encombrant pour les gestionnaires de personnels. Le modèle statutaire a clairement été remis en cause ces dernières années sans que l'on puisse, pour autant, évoquer la fin de la fonction publique. Des nouveaux droits ont été créés, comme en l'espèce, qui reflètent a priori la volonté d'assurer une certaine flexibilité de l'emploi public et d'améliorer l'individualisation du déroulement de carrière des fonctionnaires. Nonobstant, l'étude des différentes réformes entreprises depuis 2007 pose, d'une part, la question de savoir si les nouveaux droits créés améliorent réellement la situation morale et professionnelle des fonctionnaires ou bien dégagent une nouvelle marge de manoeuvre pour les gestionnaires de personnels. D'autre part, la logique sous-tendant l'application de ces droits nouveaux remet en cause des principes du droit de la fonction publique créant une certaine désorientation professionnelle des fonctionnaires. Il est, à cet égard, appréciable que le Conseil d'Etat interprète les textes en faveur des fonctionnaires et non des gestionnaires de personnels car, à l'image de Janus, la nouvelle mobilité peut revêtir deux visages, l'un en faveur de l'agent, l'autre en faveur de l'employeur public. Il est bien que ce soit le premier de ces visages qui soit mis en avant par le juge administratif.


(1) CE 3° et 8° s-s-r., 7 janvier 2004, n° 250616, publié au recueil Lebon ([LXB=6784DAI]), RGCT, 2004, p. 883, concl. E. Glaser, JCP éd. A, 2004, n° 1142, note D. Jean-Pierre.
(2) CE 3° et 5° s-s-r., 3 mai 1993, n° 119805, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9494AML), Rec. CE, p. 563.
(3) CE 2° et 7° s-s-r., 10 novembre 2004, n° 257032, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8942DDK).
(4) Circulaire du 18 juin 2004, relative aux emplois fonctionnels de direction et à la fin de fonctions avant le terme prévu.
(5) CAA Nantes, 4ème ch., 20 février 2004, n° 02NT00164, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0874DCD).
(6) Ordonnance n° 2007-137 du 1 février 2007, relative aux offices publics de l'habitat (N° Lexbase : L2594HUM), JO, 2 février 2007, p. 2028.
(7) Mis en place par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (N° Lexbase : L0743IDU), JO, 27 mars 2009, p. 5408.
(8) Décret n° 2011-636 du 8 juin 2011, portant dispositions relatives aux personnels des offices publics de l'habitat (N° Lexbase : L4238IQZ), JO, 10 juin 2011, p. 9841.
(9) CCH, art. L. 421-1 (N° Lexbase : L8940IDH).
(10) CE, Ass., 29 janvier 1965, n° 56015, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9588B8M), Rec. CE, p. 60.
(11) Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 120 (N° Lexbase : L7448AGX), JO, 27 janvier 1984, p. 441.
(12) Cf. décret n° 93-852 du 17 juin 1993, portant règlement statutaire des personnels ne relevant pas du statut de la fonction publique territoriale employés par les offices publics d'aménagement et de construction et portant modification du Code de la construction et de l'habitation, JO, n° 139 du 18 juin 1993, p. 8634 ; décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, relatif à la classification des postes et aux barèmes de rémunération de base des personnels employés par les offices publics de l'habitat et ne relevant pas de la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L6976IBY), JO, 29 octobre 2008, p. 16431.
(13) Cf., pour la fonction publique, CE, Ass., 6 mars 1959, Syndicat général CGT de l'administration centrale du ministère des Finances, Rec. CE, p. 163.
(14) Cons. const., décision n° 76-67 DC du 15 juillet 1976 (N° Lexbase : A7932ACR), Rec. CC, p. 35.
(15) CE 4° et 5° s-s-r., 29 juin 2009, n° 307897, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5628EIB), JCP, 2005, n° 1165, note D. Jean-Pierre.
(16) Ass. plén., 27 février 2009, n° 08-40.059, P+B+R+I (N° Lexbase : A4050EDD).
(17) CJCE, 30 juin 1988, aff. C-318/86 (N° Lexbase : A8426AUM), Rec. CJCE, p. 3575.
(18) Loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (N° Lexbase : L6084IE3), JO, 6 août 2009, p.13116.
(19) La révision générale des politiques publiques (RGPP) est annoncée par une communication en conseil des ministres, le 20 juin 2007, et officiellement lancée le 10 juillet 2007. Un premier rapport est présenté le 4 avril 2008. La RGPP consiste en une analyse des missions et actions de l'Etat et des collectivités, suivie de la mise en oeuvre de scénarios de réformes structurelles, avec comme buts la réforme de l'Etat, la baisse des dépenses publiques et l'amélioration des politiques publiques. Le 18 décembre 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault lance la modernisation de l'action publique (MAP) en lieu et place de la RGPP.
(20) Décret n° 2008-366 du 17 avril 2008, instituant une prime de restructuration de service et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint (N° Lexbase : L8741H37), JO, 19 avril 2008.
(21) Décret n° 2008-368 du 17 avril 2008, art. 2, préc..
(22) Décret n° 97-600 du 30 mai 1997, instituant un complément spécifique de restructuration en faveur de certains agents du ministère de la Défense (N° Lexbase : L7666IYL), JO, 1er juin 1997, p.8592.
(23) Dans un rapport coordonné par l'Inspection générale de l'administration (IGA), Affectation et mobilité des fonctionnaires sur le territoire, La documentation française, septembre 2013, une quarantaine de propositions sont faites pour fluidifier les parcours des fonctionnaires. Les auteurs de ce document préconisent en particulier de remettre à plat les aides, dont certaines engendrent des "effets d'aubaine".
(24) Cf. Circulaire n° 2BPSS-08-1667 du 21 juillet 2008, relative aux modalités de mise en oeuvre des décrets n° 2008-366, n° 2008-367, n° 2008-368 et n° 2008-369 du 17 avril 2008 (N° Lexbase : L3164IZ9).

newsid:440551

Pénal

[Brèves] Caractérisation de l'infraction d'agression sexuelle et détermination de la sanction

Réf. : Cass. crim., 29 janvier 2014, n° 12-85.603, F-P+B+I (N° Lexbase : A1593MDD)

Lecture: 2 min

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Le 07 Février 2014

Le contact physique entre le prévenu et la victime, sous la menace, ainsi que l'établissement de son caractère sexuel suffisent à caractériser l'infraction d'agression sexuelle, prévue par l'article 222-22 du Code pénal (N° Lexbase : L7222IMG). Aussi, aux termes de l'article 132-19, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L3753HG4), les juges ne sont pas tenus, en matière correctionnelle, de motiver spécialement le choix d'une peine d'emprisonnement sans sursis, lorsque la personne est en état de récidive légale et disposent, en outre, du pouvoir d'apprécier souverainement les conséquences devant être tirées, quant à la durée et au régime d'une telle peine, de l'existence de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant, sans les abolir, altéré le discernement de l'auteur de l'infraction ou entravé le contrôle de ses actes. Tels sont les enseignements de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 29 janvier 2014 (Cass. crim., 29 janvier 2014, n° 12-85.603, F-P+B+I N° Lexbase : A1593MDD ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E9845EWK). Selon les faits de l'espèce, Mme L. a subi, sous la menace d'un couteau, les frottements de M. X sur son corps, jusqu'à ce que ce dernier éjacule, moment dont elle a profité pour le désarmer. Elle a ensuite porté plainte pour tentative de viol et ce dernier a été condamné en première instance et en appel. Les juges du second degré, pour confirmer le jugement rendu, ont relevé que même si les analyses ADN n'ont pas démontré la présence de sperme sur les vêtements de la plaignante, il a été établi un contact entre le prévenu et la partie civile au niveau de son blouson, de son pull, de son jean et de sa casquette. La culpabilité de M. X résulte des déclarations caractérisées de la plaignante, corroborées par Mme Z, de la reconnaissance formelle de la partie civile, de la saisie par cette dernière du couteau de M. X, et des analyses ADN particulièrement détaillées qui établissent la présente du prévenu sur les lieux des faits. Par conséquent, M. X a été condamné à la peine de six ans d'emprisonnement, outre à un suivi socio-judiciaire avec obligation de soins. Se pourvoyant en cassation, M. X a argué de ce que l'usage de violence, contrainte, menace ou surprise, qui est un élément constitutif du délit d'agression sexuelle, doit être spécialement caractérisé et ne saurait se confondre avec une circonstance aggravante de l'infraction et qu'en l'espèce, l'arrêt n'explique pas en quoi le consentement de la victime a été forcé ou surpris par le comportement de l'auteur. A tort, selon la Cour de cassation qui souligne que la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes susvisés.

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Procédure

[Jurisprudence] L'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative

Réf. : Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-22.546, F-P (N° Lexbase : A9862MCA)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Février 2014

La présence aux côtés des salariés et des employeurs de l'inspection du travail entraîne une nécessaire séparation des contentieux entre juridictions administratives et judiciaires, et un rétrécissement des prérogatives des seconds au bénéfice des premiers. Même lorsqu'une décision administrative n'a pas été contestée par le biais d'un recours en excès de pouvoir, elle acquiert autorité de la chose décidée, et le juge judiciaire ne pourra alors plus remettre en question le dispositif de cette décision, ni d'ailleurs les motifs lorsqu'ils en sont le soutien nécessaire, à condition toutefois, comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt en date du 22 janvier 2014, qu'il n'y ait pas de contradiction logique entre les motifs et le dispositif. Dans cet arrêt, la Haute juridiction confirme, ainsi, l'impuissance du juge judiciaire à discuter la cause économique d'un licenciement lorsque celui-ci a été autorisé par l'autorité administrative et n'a pas été contesté (I), tout en précisant ce qu'il convient de penser d'une décision dans laquelle l'inspecteur autorise un licenciement tout en affirmant qu'il n'est pas justifié (II).
Résumé

Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

Les motifs par lesquels l'autorité administrative, tout en accordant une autorisation de licenciement, dénie la cause économique de ce dernier et le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ne sont pas le soutien nécessaire de la décision d'autorisation, et dès lors ne peuvent pas être opposés à l'employeur dans le cadre d'une contestation du bien-fondé du licenciement qui a été autorisé.

Commentaire

I - L'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative

Contexte. Fin 2013, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont rendu deux décisions modifiant les solutions admises traditionnellement concernant l'office du juge judiciaire statuant après une décision administrative autorisant le licenciement d'un salarié protégé, et ce pour permettre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement d'un salarié inapte alors même que cette inaptitude aurait directement été provoquée par un harcèlement subi sur le lieu de travail, tout en laissant au juge judiciaire le soin de réparer le préjudice causé par ce harcèlement (1). Pour justifier cette solution, qui ne laisse pas indifférent (2), les deux Hautes juridictions ont considéré que l'inspecteur du travail n'a pas à examiner les faits à l'origine de l'inaptitude, de telle sorte que, même s'il considère le harcèlement comme établi dans les motifs de la décision, ces motifs ne sont pas le soutien nécessaire du dispositif qui autorise le licenciement ; ils peuvent donc être appréciés par le juge judiciaire saisi dans le volet indemnitaire du différend.

Il était particulièrement intéressant d'observer l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation dans les autres hypothèses, ce qui est le cas dans cette nouvelle décision qui concernait l'autorisation donnée à l'employeur de licencier un salarié pour motif économique, tout en considérant que ce motif n'était en réalité pas établi et le reclassement du salarié pas assuré.

L'espèce. Un salarié, engagé comme visiteur médical par la société UCB Pharma en 1982, avait été inclus dans une procédure de licenciement collectif pour motif économique, avec plan de sauvegarde de l'emploi, et son licenciement avait été autorisé par l'inspecteur du travail, le salarié ayant déjà retrouvé un emploi. Ce salarié avait, par la suite, saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement.

La cour d'appel avait fait droit à ses demandes après avoir relevé que, dans sa décision autorisant le licenciement en raison du projet du salarié de reclassement externe, l'inspecteur du travail avait constaté, dans les motifs de sa décision, que le licenciement était dénué de motif économique et que les efforts de reclassement n'avaient pas été faits.

La solution. Cet arrêt est cassé, au visa de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III ensemble le principe de séparation des pouvoirs.

Après avoir rappelé le principe selon lequel "le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement", la Haute juridiction précise que "les motifs par lesquels l'autorité administrative, tout en accordant une autorisation de licenciement, dénie la cause économique de ce dernier et le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ne sont pas le soutien nécessaire de la décision d'autorisation ", de telle sorte qu'ils "ne peuvent pas être opposés à l'employeur dans le cadre d'une contestation du bien-fondé du licenciement qui a été autorisé".

Confirmation de l'autorité de la chose décidée. Il est admis depuis longtemps que le principe de séparation des autorités de jugement judiciaires et administratives, dont les racines sont d'ailleurs rappelées dans le visa de cette nouvelle décision, réserve au seul juge administratif la contestation des décisions rendues par une autorité administrative. A défaut, et en l'absence de remise en cause juridictionnelle, cette décision non contestée acquiert autorité de la chose décidée et ne peut plus être remise en question par le juge judiciaire. Comme le rappelle très classiquement ici la Cour de cassation, "le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement" (3).

La Cour de cassation veille au respect de ce principe fondamental et refuse de distinguer selon qu'il s'agit de discuter la justification économique ou le respect de la procédure (4), le reclassement interne ou externe du salarié (5), de même qu'elle refuse l'examen d'une demande de résiliation judiciaire introduite antérieurement à l'autorisation judiciaire (6).

Si l'autorité de ce principe ne s'est jamais démentie, même récemment, elle demeure toutefois relative aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision, ce qui est logique puisque toute autorité s'attachant tant à la chose jugée qu'interprétée, n'est jamais que relative.

Reste donc à déterminer le périmètre de cette autorité pour mesurer la vigueur réelle du principe, et l'exemple récent de l'autorisation de licenciement du salarié inapte a montré qu'une restriction de l'objet même du contrôle exercé par l'autorité administrative se traduit immédiatement par une extension de l'office du juge judiciaire, par un effet de vase communiquant parfaitement compris par les Hautes juridictions elles-mêmes(7).

II - La dissociation des motifs et du dispositif de la décision

La dissociation des motifs de la décision et de son dispositif. Le Conseil d'Etat a été amené à dissocier les motifs d'une décision administrative de son dispositif pour permettre au demandeur, confronté à une décision de rejet, de pouvoir présenter une nouvelle demande portant sur les mêmes faits, lorsque ces derniers ne sont pas considérés comme ayant été le soutien nécessaire de la première décision.

Cette dissociation est, également, pratiquée par la Cour de cassation pour permettre au juge judiciaire de statuer sur des faits qui ont été visés lors d'une procédure administrative, dès lors qu'il sera considéré que ces faits n'ont pas été "le soutien nécessaire de la décision de refus". C'est ainsi qu'il a été jugé que lorsque l'autorité administrative refuse d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé en raison d'une irrégularité de procédure, "les motifs par lesquels l'autorité administrative porte une appréciation sur la matérialité des faits, leur gravité, et le lien entre la procédure de licenciement et les fonctions représentatives ne sont pas le soutien nécessaire de la décision de refus, et dès lors ne peuvent pas être opposés au salarié qui conteste une nouvelle procédure de licenciement engagée à son encontre pour les mêmes faits, postérieurement à l'expiration de la période de la protection" (8).

Une dissociation appliquée à une décision d'autorisation. C'est le principe de cette dissociation qui se trouve, ici, repris par la Cour de cassation, mais dans l'hypothèse nouvelle d'une décision administrative d'autorisation de licenciement. Pour la Haute juridiction, en effet, "les motifs par lesquels l'autorité administrative, tout en accordant une autorisation de licenciement, dénie la cause économique de ce dernier et le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ne sont pas le soutien nécessaire de la décision d'autorisation et dès lors ne peuvent pas être opposés à l'employeur dans le cadre d'une contestation du bien-fondé du licenciement qui a été autorisé".

Dans cette affaire, l'inspecteur du travail avait été conduit à autoriser le licenciement, parce que le salarié souhaitait quitter l'entreprise dans le cadre d'un reclassement externe, et ce alors qu'il avait pourtant considéré qu'il n'y avait pas de cause économique ni d'effort de reclassement (9).

Il y avait donc une contradiction flagrante entre le dispositif, qui suggérait que l'inspecteur du travail considérait la demande de l'employeur comme justifiée, et les motifs qui indiquaient le contraire.

Une précision nécessaire. L'affirmation de cette dissociation présentait, ici, un intérêt puisque le salarié invoquait les termes de l'autorisation administrative sur ce point et prétendait imposer au juge judiciaire les analyses de l'inspecteur du travail, au nom de l'autorité de la chose décidée, pour contraindre le juge judiciaire à lui accorder des indemnités pour absence de cause réelle et sérieuse. La cour d'appel avait, d'ailleurs, justifié la condamnation de l'employeur en se fondant sur les motifs de l'autorisation, contournant ainsi l'autorité s'attachant au dispositif.

En dissociant les motifs (absence de cause économique et défaut de reclassement) et le dispositif (autorisation de licenciement), la Cour de cassation souligne, ainsi, la contradiction inhérente à la décision (en principe l'inspecteur du travail n'autorise pas le licenciement s'il considère que le licenciement n'est pas justifié, et considère le licenciement justifié s'il l'autorise, mais pas les deux de manière contradictoire) et paralyse la tentative du salarié en indiquant que lorsque l'inspecteur autorise le licenciement pour motif économique, c'est qu'il considère nécessairement la cause économique comme établie, et le reclassement comme tenté, toute autre considération dans les motifs ne pouvant pas logiquement constituer le soutien nécessaire du dispositif, compte tenu de la contradiction relevée.

Une précision problématique. Cette précision sur la dissociation des motifs et du dispositif n'était toutefois pas indispensable puisqu'il suffisait à la Cour d'opposer au salarié le fait que la décision (c'est-à-dire le dispositif de celle-ci autorisant le licenciement) administrative étant devenue définitive, il n'appartenait plus au juge judiciaire de remettre en cause la cause économique et le respect de l'obligation de reclassement qui ont nécessairement été tranchés (dans le sens de leur reconnaissance implicite, via le dispositif de l'autorisation).

L'ajout de la dissociation des motifs et du dispositif apparaît dès lors superfétatoire, voire factrice de malentendus, dans la mesure où elle apparaît, pour la première fois nous semble-t-il, s'agissant d'une décision d'autorisation, alors que jusqu'à présent elle concernait des hypothèses de refus.

Compte tenu des décisions rendues dernièrement s'agissant du salarié protégé inapte à la suite d'un harcèlement (ou d'une discrimination, le raisonnement étant le même), pareille dissociation pourrait accréditer la thèse d'une extension de ce genre de décisions, comme l'atteste d'ailleurs la solution qui avait été retenue, au cas présent, en appel.

Lorsqu'un salarié est, en effet, visé par une procédure de licenciement et qu'il souhaite quitter l'entreprise alors même que ce licenciement pourrait n'être pas justifié, la solution consistant à autoriser le licenciement, tout en observant dans les motifs que le licenciement n'est pas justifié, laisserait une porte grande ouverte au juge judiciaire qui pourrait alors condamner l'employeur à réparer le préjudice subi par l'absence de justification.

Cette extension des solutions admises fin 2013 pourrait alors signifier, si on devait l'appliquer en matière de licenciement pour motif économique, que l'autorité administrative ne contrôlerait plus que l'élément matériel du licenciement pour motif économique (que l'emploi du salarié a été supprimé, ou transformé, ou qu'il a refusé une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail proposée pour des raisons économiques) et non l'élément originel (les difficultés économiques, les mutations technologiques, la cessation d'activité ou la restructuration pour sauvegarder la compétitivité), tout comme elle ne vérifie que l'inaptitude du salarié et non les causes de celle-ci.

Cette évolution, qui pourrait être envisagée, est toutefois contredite par l'affirmation liminaire, également présente dans l'arrêt, selon laquelle "le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement".

Comme nous l'avons indiqué s'agissant du salarié protégé harcelé, il ne nous semble pas souhaitable de permettre à l'autorité administrative d'autoriser un licenciement lorsqu'elle considère qu'il n'est pas justifié. Dans cette hypothèse, en effet, le plus simple, et le plus juste, consiste à inciter le salarié, qui veut quitter l'entreprise, à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, ou à saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire.


(1) CE, 4° et 5° s-s-r., 20 novembre 2013, n° 340591, publié (N° Lexbase : A9491KP9) et Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 12-20.301, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4722KQX) ; nos obs., Sort des salariés protégés en cas d'inaptitude médicale imputable à des faits de harcèlement ou de discrimination : le Conseil d'Etat et la Cour de cassation unissent leurs efforts, Lexbase Hebdo n° 551 du 12 décembre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N9837BTI) ; Dr. soc., 2014, p. 25, conclusions G. Dumortier et rapport N. Sabotier.
(2) Le salarié a été harcelé, il est donc victime d'un délit, et pourtant l'employeur, qui demande l'autorisation de licenciement, l'obtient, alors même que le Code du travail interdit le licenciement du salarié harcelé... On rappellera que l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 novembre 2013 a été rendu après des conclusions contraires de Madame Dumortier (préc.).
(3) Cass. soc., 9 mai 1978, n° 77-40.169, publié au bulletin (N° Lexbase : A7676CGE) : "la cour d'appel, après avoir relève que l'article L. 321-9 du Code du travail donne mission à l'autorité administrative de vérifier la régularité et la réalité du motif économique invoque par l'employeur, énonce exactement que la plénitude du pouvoir de contrôle qui lui est ainsi confère impose d'en réserver le contentieux aux seules juridictions administratives compétentes tant pour vérifier la qualification juridique de la décision que son opportunité même, et qu'un contrôle judiciaire ultérieur ne saurait s'exercer sans qu'une atteinte soit portée au principe de la séparation des pouvoirs" ; Cass. soc., 30 avril 1997, n° 94-42.155 (N° Lexbase : A4465AGH).
(4) Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 02-46.935 (N° Lexbase : A6862DDI) ; Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-42.576, FS-D (N° Lexbase : A5843GKM).
(5) Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-42.409, FS-P+B (N° Lexbase : A0353GDG).
(6) Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-41.127, FS-P+B (N° Lexbase : A7612GA8).
(7) Rappelons en effet que la solution admise fin 2013 pour les salariés protégés inaptes résulte d'une réflexion combinée du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation pour favoriser l'indemnisation du salarié protégé, qui bénéficiera, grâce à l'autorisation administrative de licenciement, de sa prise en charge par l'assurance chômage, et grâce au juge prud'homal de la réparation de l'ensemble des préjudices que lui a causé le harcèlement, à l'origine de l'inaptitude.
(8) Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-13.286, FS-P (N° Lexbase : A6272I43).
(9) CA Versailles, 29 mai 2012, n° 11/01676 (N° Lexbase : A5087IMD).
Décision

Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-22.546, F-P (N° Lexbase : A9862MCA).

Cassation (CA Versailles, 29 mai 2012, n° 11/01676 N° Lexbase : A5087IMD).

Textes visés : loi des 16-24 août 1790 ; le décret du 16 fructidor an III ensemble le principe de séparation des pouvoirs.

Mots clef : autorité de la chose jugée, licenciement du salarié protégé.

Liens base : (N° Lexbase : E4682EXP).

newsid:440580

Procédure civile

[Brèves] Recours en révision : l'exigence d'une impossibilité de faire valoir la cause de la révision avant que la décision ne passe en force de chose jugée

Réf. : Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-20.249, F-P+B (N° Lexbase : A4445MDY)

Lecture: 1 min

N0642BUC

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Le 11 Février 2014

Le recours en révision n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. Tel est le rappel fait par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 janvier 2014 (Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-20.249, F-P+B (N° Lexbase : A4445MDY ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1461EUN). Selon les faits de l'espèce, M. I. a interjeté appel d'un jugement du 31 mai 2006, assorti de l'exécution provisoire, qui l'avait condamné à payer certaines sommes à la société S.. A la demande de cette dernière, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 30 juin 2007, prononcé la radiation du rôle de l'affaire, sur le fondement de l'article 526 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6673H7B). La péremption de cette instance a été constatée par ordonnance du 22 juin 2009. Cependant, le 21 novembre 2008, M. I. a formé un recours en révision contre le jugement du 31 mai 2006 l'ayant déclaré irrecevable en invoquant la dissimulation d'une pièce décisive dont il avait pris connaissance le 23 octobre 2008. La Haute cour rejette son recours en soulignant qu'en l'espèce, M. I. ne s'était pas trouvé dans l'impossibilité de faire valoir la cause de révision avant que la décision ne passe en force de chose jugée.

newsid:440642

Responsabilité

[Jurisprudence] L'autonomie du préjudice permanent exceptionnel : ce poste de préjudice est distinct du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique

Réf. : Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 13-10.566, F-P+B (N° Lexbase : A7808KTD)

Lecture: 9 min

N0585BU9

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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la responsabilité"

Le 07 Février 2014

La jurisprudence s'étant orientée dans la voie de l'énumération des différentes sources de préjudices moraux, des interrogations se sont posées sur la qualification de certains de ces préjudices, à côté des souffrances endurées, autrement dit du pretium doloris ou du préjudice d'affection. Ces interrogations ont donné lieu à des débats sur la place du préjudice esthétique (1), du préjudice d'agrément (2), du préjudice sexuel, à propos duquel la question s'est posée de savoir s'il relève, précisément, de la catégorie du préjudice d'agrément ou bien, s'il doit en être distingué (3). Et assez récemment, on n'ignore pas que la Cour de cassation, suivant en cela la nomenclature "Dintilhac", a entendu consacrer l'autonomie du préjudice d'établissement, consistant "en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap" (4). Il faut dire que les chefs de préjudice qui peuvent être invoqués à la suite d'un dommage corporel sont suffisamment nombreux pour qu'un risque de "télescopage", pour reprendre la formule évocatrice de notre collège Philippe Brun, ne puisse plus être ignoré (5). Tout cela a, naturellement, justifié une véritable entreprise de rationalisation. Rationalisation, au demeurant, d'autant plus nécessaire que le recours des tiers payeurs a fait l'objet d'une importante réforme par l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, dite de financement de la Sécurité sociale pour 2007 (N° Lexbase : L8098HT4) qui, à la question de la détermination des indemnités dues par le tiers responsable soumises au recours des tiers payeurs, a condamné un système se rattachant à une conception unitaire et globale du préjudice corporel conçu comme un ensemble d'éléments indifférenciés, interchangeables, fongibles entre eux et non individualisés, conduisant à ce que les prestations puissent être recouvrées et imputées indifféremment sur les indemnités réparant les divers éléments qui le composent, pour consacrer un système reposant, au contraire, sur un fractionnement du dommage corporel et une distinction des différents chefs ou postes de préjudice définis selon la nature et le type d'intérêt lésé (système d'imputation "poste par poste"). Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 16 janvier 2014, à paraître au Bulletin, mérite à ce titre d'être ici signalé, en ce qu'il participe de cette entreprise de rationalisation. En l'espèce, un adolescent, victime de violences ayant entraîné une mutilation dont l'auteur fut condamné par une juridiction pénale, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) d'une demande en réparation de ses préjudices. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) s'est ensuite pourvu en cassation contre une décision de la cour d'appel de Metz qui avait fixé à une certaine somme l'indemnité versée à la victime au titre, d'une part, de son préjudice patrimonial et, d'autre part, de son préjudice extrapatrimonial d'autre part. Bien que l'intérêt essentiel de l'arrêt réside plutôt, nous semble-t-il, dans le second, les deux postes de préjudices, objets de deux moyens du pourvoi, appellent chacun quelques observations.

Sur le premier moyen, le Fonds faisait en effet grief à l'arrêt d'avoir fixé à une certaine somme l'indemnité devant être versée à la victime au titre du préjudice patrimonial, alors, selon le pourvoi, que constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable mais que, en tout état de cause, le préjudice hypothétique ne peut donner lieu à indemnisation. Or, était-il soutenu, la victime, âgée de 17 ans et demi au moment de l'accident, titulaire d'un brevet des collèges et n'ayant pas encore l'âge ni la formation suffisante pour reprendre l'activité de forains exercée par ses parents qui, eux, n'avaient pas l'âge pour y mettre fin en prenant leur retraite et en lui cédant leurs manèges et le matériel, ne pouvait pas être considérée comme ayant été privée de la chance de reprendre avec succès l'activité de ses parents sans dire en quoi cette perte de chance était certaine et en relation directe avec le fait dommageable. La Haute juridiction rejette cependant ce moyen en relevant que "l'arrêt retient que M. X [la victime] envisageait de reprendre l'activité de ses parents, forains, qu'il les aidait dans leur exploitation et que cette aide le formait à son futur métier ; que la cécité de son oeil gauche, séquelle des violences subies, lui interdit de passer un permis de conduire poids-lourds, composante importante de l'exercice de la profession de forain ; qu'il peut se prévaloir d'une perte de chance de reprendre avec succès l'activité de ses parents ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision".

Est-il ici utile de redire que, dans le droit de la responsabilité, la condition tenant à la certitude du dommage est essentielle et évidente ? Dire que le dommage doit être "certain" n'est pas affirmer un caractère particulier du préjudice, mais constater avant tout qu'il doit exister -existence dont la preuve incombe à la victime-. Cette preuve, condition fondamentale d'une indemnisation, doit être rapportée positivement et revient, en effet, au demandeur, la Cour de cassation ne manquant ainsi pas de rappeler que "l'allocation de dommages-intérêts ne peut réparer qu'un préjudice réel et certain et non pas purement éventuel" (6). Par suite, le dommage qui ne serait qu'hypothétique ne saurait ouvrir un droit à réparation au profit de la victime. Ainsi, celui qui réclame la réparation d'un préjudice qui consisterait dans un manque à gagner ou dans une perte doit-il prouver la réalité de celle-ci, sa seule probabilité étant insuffisante à établir le caractère certain du dommage. Tout cela est parfaitement entendu. Tout au plus doit-on ajouter que la jurisprudence admet que le préjudice constitué par la perte d'une chance de réaliser un gain, d'éviter une perte ou un dommage plus important, est, en lui-même, réparable : il est en effet parfaitement acquis que l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance peut présenter, en tant que tel, un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine (7). Mais il est évident qu'il appartient alors aux juges du fond de rechercher la probabilité d'un événement favorable, autrement dit de mesurer l'éventualité de réalisation de l'événement favorable allégué, étant entendu que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (8), alors qu'un risque, fût-il certain, ne suffit pas à caractériser la perte certaine d'une chance, le préjudice qui en résulte étant purement éventuel (9). Pour le dire autrement, la perte de chance ne peut constituer un préjudice réparable qu'à la condition que la chance perdue, serait-elle faible (10), ait tout de même été réelle et sérieuse (11), autrement dit qu'à la condition qu'elle ait existé. Aussi bien, si la jurisprudence admet, en principe, que la perte d'une chance de réussite professionnelle puisse constituer un préjudice réparable (12), elle veille tout de même à ce que la chance perdue ait été suffisamment sérieuse pour justifier une indemnisation et, donc, pour refuser cette indemnisation lorsqu'elle leur apparait au contraire inconsistante. Ainsi a-t-elle refusé la réparation de la perte d'une chance d'un enfant de neuf ans d'accéder à une situation bien rémunérée (13), ou bien encore décidé qu'une jeune fille qui n'a pas terminé ses études secondaires ne peut réclamer une indemnité en prétendant qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de renoncer à une carrière déterminée (14). Différemment, à partir des circonstances de fait, les premiers juges avaient pu, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 16 janvier 2014, considéré que l'adolescent victime du dommage avait une chance sérieuse de reprendre l'activité de ses parents, chance qu'il avait précisément, et de façon certaine, perdue à la suite de l'accident.

Le second moyen du pourvoi entendait, lui, contester la décision de la cour d'appel en ce qu'elle avait fixé à une certaine somme l'indemnité devant être versée à la victime au titre du préjudice extrapatrimonial et, plus précisément, d'avoir décidé que le préjudice permanent exceptionnel de la victime devait être réparé par l'allocation d'une indemnité de 20 000 euros, le rapport d'expertise judiciaire soulignant l'impact psychologique des séquelles visibles sur la vie affective et familiale de la victime. Le Fonds reprochait à la cour d'appel d'avoir alloué à la victime la somme de 20 000 euros au titre d'un préjudice permanent exceptionnel aux motifs que "le rapport d'expertise judiciaire souligne, notamment par la description qui est faite des séquelles qui persistent de façon aussi visible, l'impact psychologique de telles séquelles spécialement en ce qui concerne la vie affective et familiale de l'intéressé", sans relever de circonstances particulières qui n'auraient pas été prises en compte par l'expert, ou qui n'auraient pu l'être. Par suite, l'expert ayant déjà retenu un taux d'incapacité de 25 % au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel aurait indemnisé deux fois le même préjudice en violation de l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6724IXC), ensemble l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) et le principe de la réparation intégrale. Cette argumentation a emporté la censure de la Cour de cassation : après avoir énoncé, dans un attendu de principe, que "le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats", elle décide, sous le visa de l'article 706-3 du Code de procédure pénale et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, qu'en statuant comme elle l'a fait, "sans caractériser l'existence d'un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique par ailleurs indemnisés, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés". L'arrêt présente ainsi l'intérêt de définir le poste de préjudice constitué par les préjudices permanents exceptionnels -définition qu'avait, au demeurant, déjà donné la Cour de cassation dans un arrêt de sa deuxième chambre civile en date du 15 décembre 2011 (15)- dont l'autonomie par rapport au déficit fonctionnel et au préjudice esthétique doit être assurée : le préjudice permanent exceptionnel, distinct de ces deux autres postes de préjudice, ne peut résulter que de circonstances particulières. Il ne saurait donc être confondu, au risque de conduire à indemniser la victime deux fois d'un même préjudice, non seulement avec le déficit fonctionnel permanent, préjudice extrapatrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime, et pas davantage avec le préjudice esthétique, constitué par les disgrâces physique persistantes après la consolidation telles que des cicatrices, mutilations, déformations.

La Cour de cassation poursuit ainsi son entreprise d'identification, de qualification et de distinction des différents postes de préjudices extrapatrimoniaux consécutifs à un dommage corporel. On se souvient que, à la faveur d'un important arrêt de la deuxième chambre civile en date du 12 mai 2011, elle avait énoncé que "le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap", et censuré des juges du fond qui avaient évalué ce chef de préjudice en tenant compte des indemnités accordées au titre des préjudices distincts que sont "le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel" (16). L'arrêt était d'autant plus important que, si la Cour de cassation avait déjà distingué le préjudice d'établissement du préjudice d'agrément (17), elle le rattachait, jusqu'à présent, au préjudice sexuel (18). L'arrêt du 12 mai 2011, au contraire, et suivant en cela la nomenclature "Dintilhac", avait entendu affirmer l'autonomie du préjudice d'établissement. Et depuis arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 13 janvier 2012 (19), cette autonomie, établie à l'égard du préjudice d'agrément, devait aussi valoir à l'égard du déficit fonctionnel permanent que la Cour de cassation définit comme comprenant "les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de la vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales" (20). Le déficit fonctionnel, qui vise ainsi l'incapacité qui emporte objectivement des conséquences sur les fonctions physiologiques du corps, et non pas les répercussions du handicap sur les projets de vie de la victime (21), doit à présent être distingué du poste des préjudices permanents exceptionnels.

Cette rigueur dans le contrôle de l'appréciation du champ des différents postes de préjudices est, en tant que telle, cohérente, particulièrement, encore une fois, depuis que la loi précitée du 21 décembre 2006 a entendu consacrer un système d'imputation "poste par poste" pour régler la question du recours des tiers payeurs dont on aura compris qu'elle n'est évidemment jamais loin de la question de la qualification des postes de préjudices. Lors de ses travaux, le groupe de travail qui a élaboré la nomenclature "Dintilhac" avait pu constater combien il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice corporel afin de ne pas exclure des préjudices atypiques qui sont directement liés aux handicaps permanents, dont reste atteinte la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation. A cette fin, dans un souci de pragmatisme, il a été créé un poste de préjudice "préjudices permanents exceptionnels" destiné à permettre, le cas échéant, d'indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extrapatrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais (22), à la condition bien entendu qu'il ne soit pas purement hypothétique (23). Il y a quelques années, un auteur posait tout de même la question suivante : le poste résiduel dit des "préjudices permanents exceptionnels" va-t-il être contenu à la marge ou enfler à l'envi ? (24) Il semble bien que la volonté de la Cour de cassation soit de ne pas ouvrir largement ce poste de préjudice mais, au contraire, de ne le concevoir que dans d'étroites limites. Manifestement en effet, les cas dans lesquels pourrait être allouée à la victime une indemnisation au titre d'un préjudice permanent exceptionnel devraient être plutôt rares. Pour s'en faire une idée, le rapport de la commission "Dintilhac" donnait une illustration de cette hypothèse avec une victime japonaise devenue incapable de s'incliner du fait d'une atteinte à la colonne vertébrale, signe d'extrême impolitesse dans sa culture. Quant à la jurisprudence, la définition qu'elle donne du poste des préjudices permanents exceptionnels, visant des préjudices spécifiques liés à des événements exceptionnels comme des attentats, des catastrophes collectives naturelles ou industrielles de type AZF, devrait encore limiter les hypothèses dans lesquelles ce poste résiduel pourrait avoir vocation à être retenu pour justifier une réparation. Et l'on comprend bien alors que, pour préserver cette spécificité et n'admettre que très limitativement ce préjudice dans des cas de figure bien particuliers, il faille l'en distinguer d'autres préjudices extrapatrimoniaux d'autant qu'une majoration du déficit fonctionnel permanent (DFP), au regard de la situation particulière, ou des souffrances endurées (SE) pourrait sans doute conduire au même résultat.


(1) M. Guidoni, Le préjudice esthétique, th. Paris I, 1977 ; L. Melennec, L'indemnisation du préjudice esthétique, Gaz. pal., 1976, p. 2.
(2) L. Cadiet, Le préjudice d'agrément, th. Poitiers, 1983.
(3) M. Bourrie-Quenillet, Le préjudice sexuel : preuve, nature juridique et indemnisation, JCP éd. G, 1996, I, 3986 ; H. Groutel, Les facettes de l'autonomie du préjudice sexuel, Resp. civ. et assur., 1993, Chron. n° 7.
(4) Sur l'autonomie de ce préjudice par rapport au préjudice sexuel : Cass. civ. 2, 12 mai 2011, n° 10-17.148, F-P+B (N° Lexbase : A1195HRP) ; D., 2012, p. 47, obs. Ph. Brun ; et sur l'autonomie de ce préjudice par rapport au déficit fonctionnel permanent : Cass. civ. 2, 13 janvier 2012, n° 11-10.224, F-P+B (N° Lexbase : A5292IAA).
(5) Ph. Brun, D., 2012, p. 47.
(6) Voir, not., Cass. crim., 7 juin 1989, n° 88-86.173 (N° Lexbase : A0173ABZ), Bull. crim., n° 245.
(7) Cass. crim., 9 octobre 1975, n° 74-93.471 (N° Lexbase : A2248AZB), Gaz. Pal., 1976, 1, 4 ; Cass. crim., 4 décembre 1996, n° 96-81.163 (N° Lexbase : A1138AC7), Bull. crim., n° 224.
(8) Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, n° 05-15.674, F-P+B (N° Lexbase : A5286DSL), Bull. civ. I, n° 498, RDC, 2006, p. 266, obs. D. Mazeaud.
(9) Cass. civ. 1, 16 juin 1998, n° 96-15.437 (N° Lexbase : A5076AWW), Bull. civ. I, n° 216, Contrats, conc., consom., 1998, n° 129, obs. L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 05-15.716, FS-D (N° Lexbase : A0934DTR), JCP éd. G, 2007, II, 10052, note S. Hocquet-Berg.
(10) Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, n° 12-14.439, F-P+B+I (N° Lexbase : A4084I3N).
(11) Parmi les nombreuses illustrations de la règle, voir not. : à propos de la perte d'une chance d'évolution favorable de l'activité professionnelle : Cass. civ. 2, 13 novembre 1985, n° 84-11.450 (N° Lexbase : A0695AH9), Bull. civ. II, n° 172 ; à propos de la perte d'une chance de gagner un procès non plaidé par suite de la négligence d'un avocat, ce qui, évidemment, suppose que les juges recherchent quelles étaient les chances véritables de succès : Cass. civ. 1, 7 février 1989, n° 86-16.730 (N° Lexbase : A8651AAN), Bull. civ. I, n° 62 ; Cass. civ. 1, 2 avril 1997, n° 95-11.287 (N° Lexbase : A0306ACC), Bull. civ. I, n° 118 ; Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-14.067 (N° Lexbase : A0446ACI), Bull. civ. I, n° 234 ; et, en matière médicale, à propos de la perte d'une chance de guérison ou, à tout le moins, d'éviter le dommage, Cass. civ. 1, 18 mars 1969, n° 68-10.252 (N° Lexbase : A7594ATG), JCP, 1970, II, 16422, note Rabut.
(12) Voir not. Cass. civ. 2, 17 février 1961, Gaz. Pal. 1961, 1, 400.
(13) Cass. civ. 2, 9 novembre 1983, n° 82-12.427 (N° Lexbase : A8340CGY), JCP 1985, II, 20360, note Chartier.
(14) Cass. civ. 2, 12 mai 1966, D. 1967, p. 3.
(15) Cass. civ. 2, 15 décembre 2011, n° 10-26.386, F-D (N° Lexbase : A4719H8B), RCA, 2012, comm. 52, qui avait approuvé une cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve, d'avoir pu décider que l'existence d'un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du poste de préjudice extrapatrimonial du déficit fonctionnel permanent par ailleurs indemnisé n'était pas établie.
(16) Cass. civ. 2, 12 mai 2011, n° 10-17.148, F-P+B (N° Lexbase : A1195HRP) ; D., 2012, p. 47, obs. Ph. Brun.
(17) Cass. civ. 2, 6 janvier 1993, n° 91-15.391 (N° Lexbase : A5272ABU).
(18) Cass. civ. 2, 30 juin 2005, n° 03-19.817, FS-D (N° Lexbase : A8491DIC), RTDCiv, 2006, p. 130, obs. P. Jourdain.
(19) Cass. civ. 2, 13 janvier 2012, n° 11-10.224, F-P+B (N° Lexbase : A5292IAA).
(20) Cass. civ. 2, 28 mai 2009, n° 08-13.941, FS-D (N° Lexbase : A3851EH4).
(21) P. Jourdain, obs. RTDCiv, 2006, p. 130.
(22) Voir not., sur la porte ouverte à une certaine plasticité que permet la catégorie des préjudices permanents exceptionnels, L. Bloch, Préjudices corporels : de l'imagination des plaideurs à l'empathie du juge, RCA, 2013, alerte 1 ; comp. D. Arcadio, La nomenclature Dintlhac n'est pas figée, JCP G., 2011, 1111.
(23) Voir not., à propos de la réticence alléguée par une victime à subir dans le futur une intervention chirurgicale qui soutenait qu'elle était constitutive d'un préjudice extrapatrimonial permanent atypique ou encore exceptionnel, en ce sens qu'elle était liée au caractère exceptionnel des circonstances dans lesquelles la faute avait été commise, Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9900IPD), jugeant, pour rejeter la demande, que la dite réticence "constituait une simple éventualité".
(24) C. Bloch, JCP éd. G, 2009, 248, n° 1.

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Rupture du contrat de travail

[Brèves] Nullité de la rupture conventionnelle et modalités de l'assistance du salarié

Réf. : Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-27.594, FS-P+B (N° Lexbase : A2279MDR)

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Le 22 Février 2014

Le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative, n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun. Le choix du salarié de se faire assister lors de cet entretien par son supérieur hiérarchique, dont peu importe qu'il soit titulaire d'actions de l'entreprise, n'affecte pas la validité de la rupture conventionnelle. Tels sont les enseignements livrés par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 29 janvier 2014 (Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-27.594, FS-P+B N° Lexbase : A2279MDR). Dans cette affaire, les parties au contrat de travail avaient conclu, le 8 octobre 2008, une rupture conventionnelle. Le salarié s'est alors fait assister, lors de l'entretien, par son supérieur hiérarchique. La convention de rupture a été homologuée par l'autorité administrative. Par la suite, le conseil de prud'hommes a été saisi par le salarié d'une demande d'annulation de la convention de rupture conventionnelle, celui-ci excipant au soutien de ses prétentions du fait qu'il n'avait pas été informé de son droit à l'assistance par un conseiller du salarié au titre de l'absence de représentants du personnel dans l'entreprise. La cour d'appel, considérant que le salarié avait été régulièrement assisté, a débouté le salarié de ses demandes de nullité de la convention de rupture conventionnelle et d'indemnités au titre du caractère abusif de la rupture. Le salarié s'est donc pourvu en cassation. Pour approuver la cour d'appel, la Cour de cassation considère, en premier lieu, que n'entache pas, à elle seule, la validité de la rupture conventionnelle, la défaillance de l'employeur dans son obligation d'informer le salarié de son droit de se faire assister par un conseiller du salarié lorsque l'entreprise est dépourvue de représentation du personnel propre. En second lieu, la Haute juridiction décide que la qualité de supérieur hiérarchique de la personne ayant assisté le salarié lors de l'entretien ne constitue pas plus une cause d'invalidation de la rupture conventionnelle, cette qualité ne suffisant pas à démontrer, à elle seule, l'existence d'une atteinte portée à l'intégrité du consentement du salarié. .

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