La lettre juridique n°558 du 13 février 2014

La lettre juridique - Édition n°558

Éditorial

Grandeur et misère de la justice... en ce début du XXIème siècle

Lecture: 4 min

N0786BUN

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Aujourd'hui, doit être prononcée l'une des décisions juridictionnelles les plus lourdes de conséquences, depuis 1981 : il y va de la vie d'un homme, de sa dignité sans doute, aussi. Il est rare le cas où, sans aucune symbolique, mais au sens propre, le juge a le pouvoir capital entre ses mains. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a, pourtant, pas botté en touche : il a délibérément refusé, à deux reprises, de faire droit à la demande de certains membres de la famille d'un homme, victime d'un accident de la route, en coma "pauci-relationnel", en état dit de "conscience minimale plus", qui, après cinq ans et 80 séances d'orthophonie, bouge les yeux, ressent la douleur, sans que l'on sache vraiment s'il comprend ce qu'on lui dit, sans aucune autre possibilité de communication.

Même si "en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement [et] doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie, les conditions de la loi "Léonetti" n'étaient pas réunies, certains membres de la famille n'ayant pas été suffisamment informés de l'état du patient et des conséquences d'un arrêt nutritionnel et de l'hydratation (jugement du 11 mai 2013) ; la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée, et n'avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie ; "le médecin avait apprécié de manière erronée la volonté du patient en estimant qu'il souhaiterait opposer un refus à tout traitement le maintenant en vie" (jugement du 16 janvier 2014).

Alors, c'est au Conseil d'Etat, lui-même de prendre la responsabilité d'accéder, avec un sentiment de malaise, après l'abolition de la peine de mort, à l'autorisation de mourir, requise par certains membres de la famille et le CHU de Reims où est hospitalisé l'homme qui, à travers son destin personnel bouleversera l'appréhension de la "fin de vie" par la société française, après d'autres ; et ce, quel que soit, finalement, le sens de la décision vers lequel penchera le juge suprême. Elle donnera au magistrat le pouvoir de confirmer ou d'infirmer la décision du corps médical prise de manière collégiale ; elle lui confèrera, sur un sujet des plus sensibles, la possibilité de supplanter la parole de l'expert, comme c'est déjà le cas dans d'autres contentieux, du reste. C'est le rapport "Sicard", Penser solidairement la fin de vie, remis le 18 décembre 2012, qui pourrait s'en trouver bouleversé, également.

Le juge suprême ? Ou plutôt, les juges... Car, si la décision de la Haute juridiction administrative était attendue la semaine dernière, le Haut conseil aura préféré reporter l'audience, même en référé, le temps de réunir, lui aussi, une formation collégiale de l'Assemblée du contentieux... Une telle responsabilité est, sans doute, moins lourde à porter à plusieurs. La loi traduit une recherche d'équilibre entre la protection de la vie et la demande des patients à mourir sans souffrir ; elle envisage ainsi la fin de vie au travers de la condamnation de l'acharnement thérapeutique, de la possibilité d'arrêt des traitements et de l'administration des traitements antalgiques susceptibles d'entraîner la mort. C'est cet équilibre que le Conseil d'Etat devra trouver, dans les yeux de cet homme alité, coupé du monde, mais aussi dans l'espoir de sa rémission. Le cas présenté passe les fourches caudines de la loi : le patient n'est pas inconscient, n'est pas en fin de vie, mais on ne peut, avec certitude, requérir son consentement, comprendre sa volonté. Il est finalement plus simple de condamner, souvent d'une peine de prison avec sursis, celui qui aura pris la décision fatale...

"Presque toujours, la responsabilité confère à l'homme de la grandeur" écrivait Stefan Zweig dans sa biographie de Fouché... Mais, attention, "le mal de la grandeur, c'est quand du pouvoir elle sépare la conscience", proférait Shakespeare, dans Jules César.

Aujourd'hui, aussi, un homme peut être remis en liberté parce que le Parquet n'a pas fait appel de sa relaxe dans les délais requis... faute d'encre dans un fax. L'affaire n'appelle pas de commentaire juridique, juste des interrogations légitimes sur l'état des moyens d'une justice paupérisée, bénéficiant d'un des budgets les plus faibles de l'OCDE, d'une justice aux moyens technologiques dépassés faute d'équipements, faute d'une réforme profonde de cette justice du XXIème siècle appelée de leurs voeux par tous les corps constitués du milieu judiciaire et par la Chancellerie elle-même... Il y a urgence à ne pas trop en rire, pour ne pas finir par en pleurer.

"La misère a cela de bon qu'elle supprime la crainte des voleurs" écrivait Alphonse Allais, dans Le Chat noir ; il ne faudrait pas que la misère de la justice en France fasse le lit des railleries de ceux qui devraient être sanctionnés, même si la rigueur du cadre procédural est aussi une garantie des droits et libertés fondamentales qu'on ne peut que saluer.

newsid:440786

Assurances

[Brèves] Fausses déclarations intentionnelles : la Chambre mixte fixe la notion de "questionnaire" d'évaluation élaboré par l'assureur pour l'autoriser à exciper de la nullité pour mauvaise foi de l'assuré

Réf. : Cass. mixte, 7 février 2014, n° 12-85.107, P+B+R+I (N° Lexbase : A9169MDX)

Lecture: 2 min

N0779BUE

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Le 14 Février 2014

Par un arrêt rendu le 7 février 2014, la Chambre mixte a été amenée à trancher la question de savoir si une fausse déclaration intentionnelle peut se déduire de l'inexactitude des déclarations de l'assuré, reportées sur les conditions particulières de la police signées par lui, après la mention préalable "lu et approuvé" ; elle répond par la négative dans cet arrêt, dont il résulte que l'assureur ne peut obtenir la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle qu'à la condition de prouver qu'il a, au cours de la phase précontractuelle, interrogé l'assuré sur la circonstance formant l'objet de la fausse déclaration alléguée, et que l'assuré a répondu inexactement à la question posée ; autrement dit, l'assureur doit prouver non seulement que la question a été posée précisément, mais également qu'elle a été posée antérieurement à la signature du contrat. En adoptant cette solution, la Chambre mixte retient l'approche formaliste adoptée par la Chambre criminelle (Cass. crim., 10 janvier 2012, n° 11-81.647, F-P+B N° Lexbase : A8703IBX), contrairement à celle de la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 12 avril 2012, n° 11-30.075, FS-D N° Lexbase : A5994IIT). En l'espèce, pour prononcer la nullité du contrat d'assurance, après avoir relevé que celui-ci, signé avec la mention préalable "lu et approuvé", indiquait, dans les conditions particulières, qu'il était établi d'après les déclarations de l'assuré et que M. H. -ayant causé un accident de la circulation-, qualifié de "conducteur habituel", n'avait fait l'objet au cours des trente-huit derniers mois, ni d'une suspension de permis de conduire supérieure à deux mois, ni d'une annulation de permis à la suite d'un accident ou d'une infraction au Code de la route, la cour d'appel avait constaté qu'en 2004 le permis de conduire de M. H. avait été annulé avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant un an et six mois ; elle avait alors retenu qu'en déclarant le 21 juin 2006 qu'il n'avait pas fait l'objet d'une annulation de son permis de conduire, M. H. avait effectué une fausse déclaration dont le caractère intentionnel ne pouvait pas être contesté au regard de ses antécédents judiciaires et de ses déclarations devant les services de police le 24 octobre 2007. L'arrêt est censuré par la Chambre mixte qui rappelle que, selon l'article L. 113-2 2° du Code des assurance (N° Lexbase : L0061AAI), l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge, et qu'il résulte des articles L. 112-3, alinéa 4 (N° Lexbase : L9858HET), et L. 113-8 (N° Lexbase : L0064AAM) du même code que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions.

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Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Inscription d'un ancien vérificateur et contrôleur fiscal au tableau de l'Ordre : preuve de la nature juridique de l'activité exercée pendant au moins huit ans

Réf. : Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 12-26.622, F-D (N° Lexbase : A9930MCR)

Lecture: 1 min

N0587BUB

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Le 15 Février 2014

Un ancien vérificateur et contrôleur fiscal ne peut, en vertu de cette seule qualité, bénéficier de la "passerelle" inscrite à l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), intéressant les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une administration. Telle est la position de la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 janvier 2014 (Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 12-26.622, F-D N° Lexbase : A9930MCR ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8007ETQ). La cour d'appel ne commet pas d'erreur en exigeant que l'ancien inspecteur des impôts ayant pratiqué des activités de contrôle fiscal apporte la preuve de travaux en matière civile ou commerciale et qu'il établisse avoir effectué ceux-ci régulièrement pendant huit années. A noter que, dans un arrêt rendu le 8 décembre 2009, la Haute juridiction avait admis que l'expérience juridique acquise au cours de vingt années d'exercice de contrôle fiscal en tant qu'inspecteur principal des impôts permet l'inscription au barreau (Cass. civ. 1, 8 décembre 2009, n° 08-70.088, F-D N° Lexbase : A4569EPW). Mais, dans cette affaire, la Cour de cassation avait finalement fait droit à l'inspecteur principal des impôts, après avoir relevé que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision, le fonctionnaire ayant assuré le suivi des éventuelles procédures de redressement ainsi que la gestion des contentieux en découlant, et ayant donc exercé, en ces qualités, pendant près de vingt ans, des activités juridiques lors du traitement des déclarations fiscales et des procédures contentieuses. Il incombe donc bien à celui qui souhaite être inscrit au tableau de l'Ordre d'apporter tous les éléments de preuve permettant d'apprécier la nature exacte de l'activité juridique exercée pendant au moins huit années.

newsid:440587

Avocats/Déontologie

[Brèves] Appel de la décision disciplinaire ordonnée par un conseil de l'Ordre : rappel procédural en cas d'intervention du ministère public

Réf. : Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 12-29.988, F-D (N° Lexbase : A9790MCL)

Lecture: 1 min

N0589BUD

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Le 19 Février 2014

Pour confirmer une sanction disciplinaire infligée à un avocat, la cour d'appel doit préciser si le ministère public a déposé des conclusions écrites préalablement à l'audience et, si tel a été le cas, constater que le professionnel poursuivi en a reçu communication afin d'être en mesure d'y répondre utilement ; sans quoi, elle privera sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1133H4Q). Tel est le rappel procédural opéré par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 janvier 2014 (Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 12-29.988, F-D N° Lexbase : A9790MCL ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0371EUB). Ce faisant, la Haute juridiction réitère sa jurisprudence (cf., notamment, Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 08-21.051, F-D (N° Lexbase : A3002EQA).

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Echec de la transmission électronique et validation des actes

Réf. : CA Versailles, 19 novembre 2013, n° 13/04919 (N° Lexbase : A7457KPU)

Lecture: 7 min

N0586BUA

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par Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux

Le 07 Février 2014

Après avoir été fortement redoutée, puis sévèrement critiquée au motif, notamment, qu'elle porterait notablement atteinte aux principes directeurs du procès, la communication électronique s'est très rapidement installée dans le paysage processuel français au point que nul ne songerait, désormais, à s'en passer et encore moins à revenir à la situation antérieure. L'habitude a été vite prise d'y recourir. Il est vrai que, devant la cour d'appel, le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 (N° Lexbase : L0292IGW) a institué la communication électronique en fourches caudines de la procédure avec représentation obligatoire. L'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0362ITL), qui est le texte de référence, a imposé, pour les appels formés à compter du 1er janvier 2011, que la déclaration d'appel et la constitution d'avoués (devenus avocats) se fassent en la forme dématérialisée à peine d'irrecevabilité. Depuis le 1er janvier 2013, les autres actes mentionnés à l'article 930-1 doivent être effectués par la voie électronique. Si la détermination du périmètre exact de la dématérialisation de la procédure avec représentation obligatoire devant la cour a, parfois, été discutée (v. Corrine Bléry, Procédure avec représentation obligatoire devant les cours d'appel et communication par voie électronique : panorama des difficultés, Rev. procédures, octobre 2013, p. 10 et s.), ce sont les hypothèses de dysfonctionnements avérés ou prétendus de la communication électronique qui suscitent d'abord l'inquiétude, ensuite la discussion. Que doit-on décider lorsque la technique défaille et que ce qui devait, à peine d'irrecevabilité, être fait au moyen de la communication électronique s'avère impossible ? Telle est la question à laquelle tente de répondre un arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu le 19 novembre 2013. A lire l'article 748-7 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0423IGR), dont la portée générale est incontestable, "lorsqu'un acte doit être accompli avant l'expiration d'un délai et ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant". Devant la cour d'appel, l'article 930-1, alinéa 2, énonce que, "lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué".

Tout aurait-il été prévu ? Ce n'est pas si sûr. Faut-il encore déterminer ce qu'est une cause étrangère à celui qui accomplit l'acte. Ensuite, comment la preuve devra-t-elle en être rapportée ?

Si les questions sont simples à poser les réponses demeurent incertaines. La cour d'appel de Versailles, dans l'arrêt rapporté, s'est essayée à la réponse. Sur déféré de l'ordonnance de son conseiller de la mise en état, qui avait, au visa de l'article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP), prononcé la caducité de la déclaration d'appel en retenant que l'avocat n'avait pas transmis ses conclusions d'appelant par la voie électronique dans le délai de trois mois, la cour réforme l'ordonnance en considérant qu'"en l'état des pièces produites [...] il n'est pas exclu que les conclusions, qui figurent comme ayant été jointes à son envoi électronique du 24 avril 2013 mais que le greffe n'a pas reçues, aient bien été jointes à cet envoi mais qu'un problème technique en ait empêché la transmission au greffe ou la réception par celui-ci". La cour ajoute "que l'hypothèse d'une défaillance technique à l'origine de la non transmission ou de la réception des conclusions [...] est d'autant moins à exclure qu'il apparaît que toutes les dates et événements relatés sur l'extrait du site e-barreau sont exacts ce qui permet de supposer que la mention signification DA + Cls' à la date du 24 avril 2013 l'est également".

La cour tire, ainsi, d'un faisceau de présomptions, la conviction que "la transmission des conclusions a échoué pour une cause étrangère à l'avocate de [Mme X] et que celle-ci, n'ayant pas eu connaissance de l'échec de sa transmission, n'a pas été mise en mesure de régulariser la procédure".

Faut-il approuver la cour dans la définition que l'on peut donner de la cause étrangère (I) et de la preuve que l'on doit en rapporter (II) ?

I - La définition de la cause étrangère

Qu'il s'agisse de l'article 748-7 ou de l'article 930-1 du Code de procédure civile, aucun de ces deux textes ne donne de définition de la cause étrangère. Tout au plus, apprend-on qu'elle doit être étrangère à celui qui accomplit l'acte soumis à la formalité de la communication électronique. Cela exclut, en particulier, la négligence de l'avocat, la mauvaise utilisation du système, ou encore, le recours à un matériel informatique inadapté, insuffisamment performant. De la même manière cela exclut l'absence de liaison avec le réseau internet si la cause de l'interruption de l'abonnement résulte d'une résiliation pour défaut de paiement.

Si l'on voit bien ce que n'est pas la cause étrangère, on a, en revanche, plus de mal à identifier ce qu'elle pourrait être.

D'abord, vraisemblablement, constituerait une cause étrangère la défaillance du système se traduisant par une disparition complète de la communication électronique : une sorte de blackout général, ne concernant pas un avocat, mais tous les avocats et au-delà l'ensemble du système.

Ensuite, constituerait une cause étrangère une défaillance de l'accès au réseau internet, sous la seule condition que le fournisseur d'accès soit le seul responsable d'une telle situation, à moins que l'on ne caractérise un incident extérieur, tel que par exemple, l'intervention d'un tiers, qui volontairement ou non, rend momentanément ou définitivement impossible l'accès au réseau internet. C'est l'hypothèse de travaux de voirie qui endommagent les câbles d'alimentation et rendent impossibles toute connexion.

Faudra-t-il admettre que des évènements tels qu'un début d'incendie, un court-circuit dans le cabinet de l'avocat pourraient constituer cette cause étrangère rendant impossible l'accomplissement de la formalité par la voie électronique ? La raison le commande, par un souci d'équité et de faire en sorte qu'un avocat ne soit pas doublement pénalisé, d'abord par les conséquences d'un événement fortuit, ensuite par l'irrecevabilité de ses actes de procédure. Le droit le recommande également. La cause étrangère : ce n'est pas le cas de force majeure qui doit présenter un caractère d'extériorité au cabinet.
Il suffit que la cause ne soit pas imputable à l'avocat, soit à raison d'une faute qu'il aurait commise ou d'une négligence dont il se serait rendu coupable. Il faut que l'avocat ne soit pas à l'origine de la difficulté, sans que pour autant cette dernière soit extérieure au cabinet. Il suffit, dans ce contexte, que la communication électronique s'avère impossible

Au cas d'espèce, la cour de Versailles a admis la notion de cause étrangère au seul motif que la formalité procédurale attendue -la transmission des conclusions d'appel dans le délai de trois mois- n'était pas intervenue, alors que toutes les pièces du dossier laissaient à penser que tout avait été correctement fait. Finalement pour la cour de Versailles ce n'est pas la cause étrangère qui a empêché l'accomplissement de la formalité, c'est l'absence de la formalité qui laisse présumer l'existence de la cause étrangère.

Tout devient alors une question de preuve Et, hors la défaillance globale du système qui ne sera pas difficile à prouver, toutes les autres hypothèses seront soumises à un aléa probatoire plus ou moins important.

II - La preuve de la cause étrangère

La cour de Versailles admet que la preuve de la cause étrangère puisse résulter d'un faisceau de présomption. Ce faisceau est constitué selon elle de trois éléments.

D'abord, les affirmations cohérentes de l'appelante, mais en réalité de son avocate, qui a eu soin de répertorier l'ensemble des manoeuvres techniques auxquelles elle s'est livrée ; affirmations corroborées par l'énoncé des dates auxquelles chacune des formalités a été accomplie. Le rapprochement et la concomitance des dates rendent ainsi vraisemblables les allégations.

Ensuite, la remise "de l'extrait du site e-barreau", relatif au dossier et répertoriant la liste des évènements accomplis. Cette affirmation est intéressante dans la mesure où les avocats qui -à titre individuel- n'ont aucune prise sur la conception de l'outil de communication électronique, sont dotés du moyen de contrôler la nature et la chronologie des opérations qu'ils effectuent ou font accomplir par leur secrétariat. La "fiche e-barreau" constitue un tableau de bord efficace auquel la pratique se fie car, d'ailleurs, elle ne peut pas faire autrement.

La cour de Versailles, consciente de cette situation, investit le "fichier e-barreau" d'une valeur probatoire indispensable et bien venue. On rappellera que toutes les cours n'ont pas cette approche ce que l'on peut regretter. Ainsi la cour d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 7 décembre 2012 (CA Bordeaux, 7 décembre 2012, n° 12/05214 N° Lexbase : A5368IYH), avait jugé que "la mention apposée sur la liste des évènements winci ca, éventuellement reprise sur la fiche e-barreau' est indifférente". Nous avions, à l'époque, critiqué cette analyse (v. nos obs., L'application du décret "Magendie" par la cour d'appel de Bordeaux : l'interprétation stricte de la cour en matière de recevabilité de l'appel, Lexbase Hebdo n° 155 du 5 septembre 2013 - édition professions N° Lexbase : N8400BTB). Il est heureux que la cour d'appel de Versailles rétablisse les choses en constatant le caractère cohérent et exact des mentions figurant sur e-barreau.

Enfin, la cour d'appel de Versailles estime que la preuve de la cause étrangère est rapportée par le seul fait qu'un problème technique ait pu empêcher la transmission.

Finalement, face à la cohérence d'un ensemble d'information, dont la véracité a pu être établie et vérifier, c'est la probabilité de la survenance d'un incident technique qui fait office de preuve de la cause étrangère et sauve de l'irrecevabilité des conclusions d'appel. Cette solution est, sur le plan probatoire, favorable au justiciable, mais surtout à son avocat. Il n'est, cependant, pas certain que le droit y trouve son compte. A bien y réfléchir, aucune preuve de la cause étrangère n'était rapportée. La cour a, simplement, admis qu'elle était probable. D'autres juges ont eu une appréciation plus sévère, mais plus juridique. Ainsi, la cour d'appel de Pau a, le 22 janvier 2014 (CA Pau, 22 janvier 2014, n° 14/271 N° Lexbase : A8001MCC ; lire N° Lexbase : N0489BUN), considéré que la cause étrangère devait être dûment attestée par un technicien.

La cause étrangère des articles 748-7 et 930-1 du Code de procédure civile est donc soumise à une grande incertitude à laquelle il est peu vraisemblable que la Cour de cassation mette bonne fin s'agissant d'une simple question de fait, et laissant ainsi le justiciable soumis à l'aléa de la jurisprudence.

newsid:440586

Commercial

[Brèves] Pratique commerciale déloyale : vente liée ordinateur/logiciel

Réf. : Cass. civ. 1, 5 février 2014, n° 12-25.748, F-P+B+I (N° Lexbase : A5808MDH)

Lecture: 2 min

N0782BUI

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Le 19 Février 2014

Dans un arrêt du 5 février 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée de nouveau sur la question de savoir si la vente liée d'ordinateur et de logiciel constituait une pratique commerciale déloyale (Cass. civ. 1, 5 février 2014, n° 12-25.748, F-P+B+I N° Lexbase : A5808MDH). Dans cette affaire, un consommateur a acquis, dans un magasin d'informatique, un ordinateur portable équipé de logiciels préinstallés. Faisant valoir que le contrat de licence d'utilisateur final ne permettait que le remboursement intégral de l'ordinateur équipé de logiciels qu'il ne souhaitait pas conserver, le consommateur a assigné le fabricant en remboursement du prix des logiciels. Un arrêt du 15 novembre 2010 (Cass. civ. 1, 15 novembre 2010, n° 09-11.161, FS-P+B+I N° Lexbase : A0230GHY ; lire N° Lexbase : N8414BQP) a cassé le jugement ayant rejeté cette demande. Sur renvoi, un juge de proximité ayant accueilli la demande du consommateur, le fabricant a formé un nouveau pourvoi en cassation, avec succès. En effet, au visa de l'article 5-5 et le point 29 de l'annexe I de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (N° Lexbase : L5072G9Q), la Cour estime que les juges du fond ne pouvaient accueillir la demande de remboursement du prix des logiciels préinstallés et retenir ainsi l'existence d'une pratique commerciale déloyale, alors que le consommateur avait délibérément acquis l'ordinateur litigieux avant de solliciter le remboursement du prix des logiciels dont il connaissait l'installation préalable. La Cour régulatrice censure également le jugement de renvoi au visa de l'article L. 122-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2687IXS), reprochant aux juges du fond d'avoir retenu qu'un ordinateur prêt à l'emploi se compose de deux éléments intrinsèquement distincts, une partie proprement matérielle et un logiciel destiné à le faire fonctionner selon les besoins de l'utilisateur et qu'il ne pouvait être imposé au consommateur d'adjoindre obligatoirement un logiciel préinstallé à un type d'ordinateur dont les spécifications propres mais uniquement matérielles avaient dicté son choix. En effet, "en se déterminant ainsi, sans constater l'impossibilité pour [le consommateur] de se procurer, après information relative aux conditions d'utilisation des logiciels, un ordinateur 'nu' identique auprès [du fabricant], la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé" (cf. l’Ouvrage "Contrats spéciaux" N° Lexbase : E3966EYK).

newsid:440782

Droit des étrangers

[Chronique] Chronique de contentieux administratif des étrangers et du droit d'asile - Février 2014

Lecture: 26 min

N0689BU3

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par Serge Slama, Maître de conférences en droit public à l'Université Evry Val d'Essonne, membre du Credof-CTAD UMR 7074

Le 13 Février 2014

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de contentieux administratif des étrangers et du droit d'asile de Serge Slama, Maître de conférences en droit public à l'Université Evry Val d'Essonne, membre du CREDOF-CTAD UMR 7074. La fin de l'année 2013 a été marquée par une abondante jurisprudence du Conseil d'Etat. Dans le premier arrêt commenté, dans le prolongement d'une décision rendue sur une QPC, le Conseil d'Etat acte la disparition du non-lieu à statuer "en l'état" de la Cour nationale du droit d'asile en cas renvoi du demandeur dans son pays d'origine en cours d'instance (CE 9° et 10° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 357351, mentionné aux tables du recueil Lebon). Dans la deuxième décision étudiée, les juges du Palais-Royal relativise l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à un jugement annulant la décision de placement en rétention administrative d'un demandeur d'asile en procédure "Dublin" en l'absence de risque de fuite face à une ordonnance du juge des référés estimant le contraire (CE référé, 4 décembre 2013, n° 373528, mentionné aux tables du recueil Lebon). Dans la troisième décision choisie, la Haute juridiction administrative précise l'étendue du pouvoir discrétionnaire exercé d'office par le préfet dans l'examen d'une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui invoqué par l'étranger (CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 362324, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8544KQI). Enfin, dans le dernier arrêt commenté, le Conseil d'Etat consacre, en matière de réadmission et dans le contexte de l'entrée en application du Règlement "Dublin III", la validité d'un recours suspensif contre les remises en cas de placement d'un "dubliné" en rétention par l'ouverture du recours spécial du L. 512-1 III du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7203IQT) dit "juge des 72 heures" (CE, S., 30 décembre 2013, n° 367533, publié au recueil Lebon).
  • Asile : fin du non-lieu à statuer "en l'état" de la Cour nationale du droit d'asile après renvoi du demandeur dans son pays d'origine (CE 9° et 10° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 357351, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8519KQL)

Aussi étrange que cela puisse paraître, ce sont les motifs d'une décision de rejet d'une question prioritaire de constitutionnalité (1) qui ont amené le Conseil d'Etat à adopter cette position remettant en cause la jurisprudence de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) relative au prononcé d'un non-lieu à statuer en cas de renvoi d'un demandeur d'asile en cours d'instance (2). Normalement, cette situation ne devrait pas avoir lieu. En effet, en vertu de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (N° Lexbase : L6810BHP), confirmé par l'article 21 de la Directive (CE) 2004/83 du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7972GTG), il existe un principe de non-refoulement des réfugiés vers leur pays d'origine et en raison de l'effet recognitif du statut, ce principe couvre aussi les demandeurs d'asile tant que leur demande n'est pas définitivement rejetée. Néanmoins, l'article L. 742-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7218IQE) ne prévoit le droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la CNDA, qu'au bénéfice de "l'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit".

Or, l'article L. 741-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5127IQX) prévoit plusieurs cas dans lesquels le demandeur d'asile peut ne pas être admis au séjour, en particulier les demandeurs d'asile relevant d'une procédure régie par le Règlement "Dublin II" (Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 N° Lexbase : L9626A9E) et ceux relevant d'une procédure prioritaire (inscription sur la liste des pays considérés comme "sûrs", menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, demande d'asile frauduleuse, abusive, ou visant à faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente). Or, dans le cas des procédures prioritaires (qui représente près d'un tiers des demandes d'asile), les demandeurs d'asile ne sont pas admis au séjour et par suite ne bénéficient pas de recours suspensif devant la CNDA en cas de rejet de leur demande d'asile par l'OFPRA. Par suite, ils sont susceptibles de faire l'objet d'une OQTF exécutable avant que la CNDA se soit prononcé sur leurs requêtes.

C'est le scenario du cas d'espèce. Les requérants, une famille serbe et kosovare, avaient demandé début 2011 leur admission au séjour au titre de l'asile au préfet du Puy-de-Dôme. Relevant de pays d'origine sûrs (3), le préfet les a alors placés en procédure prioritaire et, dès le 21 avril 2011, l'OFPRA a rejeté leur demande d'asile. Par suite, et bien qu'ils aient saisi la CNDA d'un recours, le préfet a rejeté le 19 mai 2011 leur demande d'admission au séjour au titre de l'asile, refus assorti d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) de placements, avec leurs enfants, en rétention à Rouen (4). Libérés par le juge des libertés et de la détention, ils ont été de nouveau placés en rétention à Lille et cette fois effectivement éloignés. La cour administrative d'appel de Douai avait en effet confirmé la légalité des refus de séjour et des OQTF en écartant, de manière discutable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, la méconnaissance du droit à un recours effectif garanti par les articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 13 (N° Lexbase : L4746AQT) de la CESDH, ainsi que de l'article 39 de la Directive (CE) 2005/85 du 1er décembre 2005 (N° Lexbase : L9965HDG). La cour administrative d'appel a, en effet, jugé que "le droit au recours effectif n'implique pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction devant laquelle, au demeurant, l'étranger dispose de la faculté de se faire représenter par un conseil ou par toute autre personne" (5).

Parallèlement, la CNDA a rejeté, par ordonnance le 3 janvier 2012, leur requête, compte tenu du "retour involontaire dans son pays d'origine [des requérants], qui [n'ont] pas entendu renoncer à [leur] demande de protection, a pour conséquence d'interrompre provisoirement l'instruction de [leur] affaire dès lors que le recours est, dans ces conditions, temporairement sans objet ; qu'il appartiendra à [leur] auteur, en cas de retour en France, de s'adresser à la Cour afin qu'il y soit statué" (6). C'est cette décision du 3 janvier, et plus largement cette technique du "non-lieu en l'état", qui était contestée en cassation par un pourvoi introduit à l'initiative de la Cimade et qui a donné lieu à la décision du 6 décembre 2013.

Ce n'était pas la première fois que l'association oecuménique d'entraide s'efforçait d'obtenir la remise en cause de l'absence de recours suspensif devant la CNDA dans le cadre des procédures prioritaires. En effet, dans le prolongement de l'important arrêt "M.S.S. c/ Belgique et Grèce" (7), elle a obtenu la condamnation de la France du fait des carences de la procédure d'asile en rétention (8). Dans le même temps, plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité ont tenté d'obtenir un constat de contrariété de la législation française avec l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L1363A9D). Toutefois, le Conseil d'Etat a fait systématiquement barrage à la transmission de ces QPC pour les demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire (9) ou relevant d'une procédure du Règlement "Dublin II" (10).

Mais, la dualité juridictionnelle en droit des étrangers aidant, une QPC similaire a été déposée devant un juge des libertés et de la détention dans le cadre d'une procédure de maintien d'un demandeur d'asile en rétention. Elle portait sur la conformité à l'article 16 de la DDHC des articles L. 551-1 (N° Lexbase : L7194IQI), L. 552-1 (N° Lexbase : L7208IQZ), L. 741-4 et L. 742-6 (N° Lexbase : L7219IQG) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que ces dispositions ne prévoient pas de recours suspensif devant la CNDA (11). Bien que le Conseil constitutionnel ait déjà délivré à certaines de ces dispositions un brevet de constitutionnalité dans les motifs de sa décision du 13 août 1993 (12), elle a été transmise par la Cour de cassation compte tenu du changement de circonstances liée -on l'aura compris- à la jurisprudence du juge de l'asile qui, depuis 2004, prononce un non-lieu à statuer en l'état lorsque le demandeur d'asile est renvoyé en cours d'instance (13).

Toutefois, tout en rappelant la possibilité de contester par la voie de la QPC la constitutionnalité "de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à [une] disposition [législative]" (14), le Conseil constitutionnel a rejeté la QPC dans la mesure où cette jurisprudence de la CNDA n'a pas été soumise à son juge de cassation, le Conseil d'Etat. Placé "au sommet de l'ordre juridictionnel administratif" (15), il lui appartient "de s'assurer que cette jurisprudence garantit le droit au recours rappelé au considérant 87 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993" (16). C'est donc pour surmonter cet obstacle que la jurisprudence de la CNDA sur le non-lieu en l'état a été, à la première occasion, portée en cassation.

Anticipant une nouvelle QPC, le juge administratif suprême relève, en visant les décisions du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 et du 28 avril 2011, "qu'aucune stipulation de la convention de Genève ni aucune disposition du [Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile] ne subordonne l'examen du recours d'un demandeur d'asile auquel [l'OFPRA] a refusé de reconnaître le statut de réfugié à son maintien sur le territoire français durant l'instance pendante devant la [CNDA]", sous la réserve de l'obligation de déférer à la comparution personnelle que la CNDA peut ordonner en vertu des dispositions de l'article R. 733-18 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1020IYG) (17). Par suite, le Conseil d'Etat conclut que, "si la résidence hors du territoire français est susceptible d'entraîner la suspension des droits attachés à la qualité de demandeur d'asile, notamment lorsque l'intéressé retourne volontairement dans son pays d'origine, elle n'est, en revanche, pas de nature à priver d'objet, même temporairement, son recours devant la Cour nationale du droit d'asile" (considérant n° 3). La décision de la CNDA est donc censurée pour erreur de droit. Incidemment, on relèvera que pour assurer le respect des articles 6 et 13 de la CESDH, le Conseil d'Etat estime qu'un visa doit être délivré "lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est parti" (18).

En revanche, de manière bien plus décevante, en se référant expressément à la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 (19), le Conseil d'Etat estime que le législateur pouvait, sans violer le principe du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la DDHC, "prévoir qu'un demandeur d'asile n'aurait pas droit à être maintenu sur le territoire français pendant l'examen de son recours dirigé contre une décision de rejet de l'[OFPRA] dès lors qu'il garantissait la possibilité d'un tel recours" (considérant n° 2). Ainsi, en violation de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg sur l'article 13 de la CEDH combiné à son article 3 (20), le Conseil d'Etat admet qu'un demandeur d'asile, du seul fait qu'il a été placé en procédure prioritaire par la préfecture et que l'OFPRA, qui est un établissement public dont la tutelle est assurée par le ministre de l'Intérieur, puisse être renvoyé dans son pays d'origine sans qu'une juridiction ait, dans des conditions satisfaisantes, examiné au fond sa demande d'asile (21).

Plus largement, cette jurisprudence du 6 décembre 2013 prolonge certaines jurisprudences du Conseil d'Etat. Il a, en effet, déjà admis que la mise en oeuvre administrative d'une mesure d'éloignement "ne saurait priver d'effet la présente procédure de référé [liberté] dès lors qu'elle est présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT) qui est destiné à protéger les libertés fondamentales en permettant au juge des référés d'ordonner toute mesure nécessaire à cette fin". En l'espèce, le référé-liberté visait à empêcher l'exécution d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour un étranger s'étant pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel l'ayant condamné (22). S'agissant des demandeurs d'asile, il a aussi jugé lorsqu'un étranger a obtenu la qualité de réfugié postérieurement à l'introduction de sa requête tendant à l'annulation d'une mesure d'éloignement, celle-ci doit être considérée comme abrogée (23).

  • Réadmission "Dublin II" et risque de fuite : relativité de l'autorité absolue de la chosée jugée qui s'attache à un jugement annulant une rétention face à une ordonnance contraire du juge des référés (CE référé, 4 décembre 2013, n° 373528, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8572KQK)

L'originalité de cette ordonnance, et qui vaut sa mention aux Tables, est qu'elle a amené le juge des référés du Conseil d'Etat à se pencher sur la contrariété entre un jugement rendu par un tribunal administratif censurant un arrêté de placement en rétention d'un demandeur d'asile "dubliné" en l'absence de risque de fuite (au sens de l'article 20 du règlement "Dublin II" du 18 février 2003), et une ordonnance rendue par le juge des référés-liberté du même tribunal administratif et dans la même affaire, validant la réadmission en estimant que ce même risque était avéré. Le jugement de censure devait-il s'imposer, en raison de l'autorité absolue de la chose jugée dont il est revêtu, au juge des référés ?

En l'occurrence, on était dans un cas de réadmission de l'article 16.1 e) du Règlement "Dublin II", lorsque l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile doit "reprendre en charge" le demandeur d'asile qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a formulé une demande d'asile dans un autre Etat membre. Dans cette hypothèse, l'article 20 du Règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de reprise en charge (sinon l'Etat requérant devient responsable de la demande de protection internationale). Ce délai peut toutefois être porté à dix-huit mois si l'intéressé "prend la fuite" (article 20.2 du Règlement).

En l'espèce, le requérant, un ressortissant libérien, est entré en France le 27 février 2013 et a sollicité le 6 mars 2013 une admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture du Nord. Suivant un schéma classique, la consultation du fichier "Eurodac" a alors fait ressortir que ses empreintes avaient été relevées le 10 avril 2012 par les autorités allemandes : il y avait effectué une demande d'asile qui avait été rejetée. Le préfet du Nord a alors refusé le 15 mars 2013 son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement de l'article L. 741-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a placé en procédure de "réadmission". Dès le 15 avril 2013, l'Allemagne a accepté la reprise en charge. Le 29 avril 2013, le préfet a prononcé un arrêté de remise aux autorités allemandes, invitant l'intéressé à quitter volontairement le territoire français dans le délai d'un mois. Toutefois, il ne s'est pas conformé à l'arrêté et n'a pas déféré aux deux convocations à la préfecture du Nord du 27 juillet et 14 août 2013 en vue de son exécution.

Reprenant à son compte une définition récemment clarifiée (24), le juge des référés du Conseil d'Etat rappelle que "la notion de fuite doit s'entendre [...] comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant". La notion de fuite doit, par ailleurs, s'entendre de manière restrictive comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution de la mesure le concernant (25). Ainsi, le seul fait de ne pas spontanément donner suite à l'invitation de regagner l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans le délai d'un mois suivant la décision de remise ne saurait suffire à caractériser une fuite (26). Toutefois, la fuite est caractérisée après deux refus de déférer à une convocation (27). Comme c'est le cas en l'espèce, le préfet avait pu, sans illégalité manifeste, estimer que le requérant avait pris la fuite et en déduire que l'expiration du délai de six mois courant depuis le 15 avril 2013 ne faisait pas obstacle à sa réadmission vers l'Allemagne.

On observera que, depuis le 1er janvier 2014, date d'entrée en application du Règlement "Dublin III" (UE) (Règlement CE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 N° Lexbase : L3872IZG), la notion de "risque de fuite" est désormais définie pour l'ensemble des Etats parties comme étant "dans un cas individuel, l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert" (article 2 n du Règlement). Comme pour le "risque de fuite" de l'article 7.4 de la Directive (CE) 2008/115 du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (N° Lexbase : L3289ICS), sur le "retour" des ressortissants des pays tiers en situation irrégulière, à défaut de définition objective de cette notion par le législateur français, les préfectures ne peuvent donc plus prolonger le délai de réadmission pour les demandes d'asile introduites depuis le 1er janvier 2014 (28).

L'ordonnance commentée n'a cependant pas qu'un intérêt rétrospectif. En effet, l'affaire d'espèce ne s'arrête pas là : le 5 novembre 2013, le requérant a été placé en rétention en vue de l'exécution de la mesure de réadmission. Saisi d'un référé-liberté, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, par ordonnance n° 1306542 du 12 novembre 2013, rejeté la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté. Mais le même tribunal administratif a aussi, par jugement du 8 novembre 2013, annulé la décision de placement en rétention en estimant que l'intéressé ne pouvait être regardé "en fuite" et, par suite, jugé illégale la prolongation du délai de réadmission. Or, contrairement à l'ordonnance, le jugement est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée.

On aurait donc pu s'attendre qu'un jugement rendu dans le même cas d'espèce sur l'absence de "risque de fuite" s'impose au juge des référés-liberté. Néanmoins, ce n'est pas ce qu'a décidé le Conseil d'Etat en appel. Tout en rappelant que, "si l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à ce jugement et au motif qui en constitue le soutien nécessaire fait obstacle à ce que puisse être jugée légale toute nouvelle décision qui placerait [le requérant] en rétention en se fondant sur le fait qu'il est en fuite", il estime, en revanche, que cette autorité "n'impose pas, par elle-même, que le juge des référés, saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de pas exécuter la mesure de réadmission et de l'admettre provisoirement au séjour, y fasse droit en accueillant un moyen tiré de l'illégalité de la décision prolongeant le délai de réadmission" (considérant n° 7).

Cette décision prolonge la jurisprudence de principe du Conseil d'Etat, qui a déjà considéré que, si l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à jugement définitif rendu en reconduite et au motif unique qui en constitue le soutien nécessaire ferait obstacle à ce que puisse être jugée légale toute nouvelle mesure de reconduite prise pour l'exécution cette décision, elle n'impose pas, en revanche, par elle-même, que le juge saisi de conclusions directes contre ladite décision en prononce l'annulation pour excès de pouvoir (29). Il en est de même pour le recours dirigé contre le refus de délivrance de titre de séjour (30). Ainsi, grâce cette casuistique juridique sophistiquée, les juges administratifs des référés, de la reconduite à la frontière et du fond peuvent continuer, sans coup férir, à rendre des décisions se contredisant sur un même cas d'espèce.

  • Etendue du pouvoir discrétionnaire du préfet dans l'examen d'une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui invoqué par l'étranger (CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 362324, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8544KQI)

L'étendue du pouvoir discrétionnaire du préfet lorsqu'il examine une demande de titre de séjour ou de régularisation est l'une des questions les plus classiques du droit contemporain des étrangers. C'était déjà la thématique sous-jacente à l'un des premiers arrêts liés à l'action du Gisti il y a près de quarante ans (31) et au célèbre avis du Conseil d'Etat rendu lors de l'expulsion de l'église St Bernard (32). Schématiquement, hormis des considérations d'ordre public ou liées à une situation de polygamie, le préfet dispose toujours du pouvoir de délivrer discrétionnairement un titre de séjour, y compris en dérogeant à certaines conditions définies par la loi et si celle-ci n'y fait pas expressément obstacle (33). En l'occurrence la question qui se posait plus précisément était de déterminer si le préfet peut d'office examiner une demande de titre de séjour sur un fondement autre que celui invoqué par l'étranger lors de sa demande. La réponse du Conseil d'Etat est nette : il lui est loisible d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient "lorsqu'aucune disposition expresse ne le lui interdit" (34).

En l'espèce, le requérant, de nationalité gabonaise, est entré en France en décembre 2001 et a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour mention "salarié" sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5040IQQ). Le 17 décembre 2010, le préfet de police a pris un arrêté de rejet de cette demande, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Par jugement n° 1100916/6-1 du 28 septembre 2011, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois au regard de sa situation familiale, décision confirmée par arrêt du 25 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Paris (35). Le préfet s'opposait à cette décision en faisant valoir qu'il n'était tenu d'examiner la demande de renouvellement de titre de séjour que sur le fondement dont il avait été saisi par l'étranger (à savoir l'article L. 313-10 précité -carte de séjour "salarié"-), et non sur un autre fondement (en l'occurrence l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L5042IQS -carte "vie privée et familiale"-). Il s'est donc pourvu en cassation.

Confirmant la décision de la cour administrative d'appel et, par suite l'injonction à délivrer une carte "vie privée et familiale", le Conseil d'Etat qu'elle n'a pas commis une erreur de droit en jugeant que, même si le requérant ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement qu'il a invoqué, le préfet de police "ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité". En effet, lorsqu'une préfet est saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il peut toujours, d'une part, "examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code" et, d'autre part, exercer son pouvoir discrétionnaire "dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit" afin de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande "ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait".

Ainsi, même si l'intéressé ne remplissait pas les conditions de délivrance de la carte de séjour "salarié", le préfet pouvait soit "lui délivrer un titre sur le fondement d'une autre disposition du code, s'il remplit les conditions qu'elle prévoit", soit, "dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation", délivrer "compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, le titre qu'il demande ou un autre titre". Toutefois, précise le Conseil d'Etat, le préfet de police n'était pas tenu d'examiner la demande au regard d'autres dispositions du code que celles dont l'étranger se prévalait (considérant n° 2). Ainsi, si le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier s'il y a lieu de changer la base légale d'examen de la demande il ne se trouve pas en compétence liée pour ce faire (36). On notera qu'on se trouve dans une logique similaire -mais à front renversé (car défavorable à l'étranger)- à la possibilité reconnue au préfet de solliciter du juge de l'excès de pouvoir une substitution de motifs ou de base légale lorsqu'il commet une erreur dans sa décision (37).

Plus largement, la décision est conforme à la logique d'ensemble du droit des étrangers. En effet, le Conseil d'Etat considère de longue date qu'indépendamment des catégories d'étrangers protégées contre une mesure d'éloignement (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-4 N° Lexbase : L7191IQE), l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour (38). Cela est d'autant plus vrai lorsque l'étranger bénéficie de la protection de l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR). Or, en l'espèce, comme le relève le Conseil d'Etat, le juge du fond a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que l'intéressé était "bien intégré à la société française et justifiait de son insertion professionnelle par la production de ses contrats de travail" (considérant n° 3). Par suite, dès lors que l'intéressé relevait d'une carte "vie privée et familiale" (39), il aurait été contreproductif pour le préfet de ne pas réexaminer et délivrer de carte de séjour à ce titre.

  • Réadmission : consécration prétorienne d'un recours suspensif contre les remises en cas de placement d'un "dubliné" en rétention par l'ouverture du recours spécial du L. 512-1 III du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CE, S., 30 décembre 2013, n° 367533, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9410KSC)

Le lecteur familier du "Chapus" se souvient, peut-être, qu'en décembre 2000, onze jours avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 (loi n° 2000-597, relative au référé devant les juridictions administratives N° Lexbase : L0703AIU), le Conseil d'Etat a abandonné, avec l'arrêt "Ouatah" (40), sa jurisprudence "Amoros" qui voulait que le juge administratif ne puisse accorder un sursis à exécution d'une décision de rejet (41). Il se rappelle peut-être aussi qu'en mars 2011, alors que le dispositif d'éloignement des ressortissants des pays tiers en situation irrégulière était enraillé le Conseil d'Etat avait posé des rustines pour donner au législateur le temps de transposer la Directive (CE) 2008/115 (42). Dès lors le lecteur ne sera guère étonné de constater qu'alors à ce jour le législateur ou le pouvoir réglementaire n'ont adopté aucune mesure pour assurer l'application du règlement "Dublin III" du 26 juin 2013, pourtant applicable aux demandes d'asile introduites depuis le 1er janvier 2014 (article 49), le Conseil d'Etat a développé, dans un arrêt de Section, une audacieuse interprétation jurisprudentielle pour assurer aux demandeurs d'asile relevant de ce Règlement un recours suspensif contre les mesures de réadmission en cas de placement en rétention et ce, sans reconnaître cet effet à l'introduction d'un référé-liberté. La section du contentieux s'est, pour cela, livrée à une interprétation extensive des compétences du "juge de la reconduite à la frontière" (43) définies au III de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (N° Lexbase : L4969IQ4) par transposition de la Directive (CE) 2008/115). Ainsi, désormais, lorsqu'un demandeur d'asile a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités d'un autre Etat membre de l'Union européenne en application de l'article L. 531-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7216IQC) et que cette décision lui a été notifiée en même temps que son placement en rétention administrative, son recours est de plein droit suspensif.

En l'espèce, à l'initiative de la Cimade, le Conseil d'Etat était saisi d'un pourvoi en cassation contre une ordonnance du 25 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi d'un référé-liberté, avait rejeté pour irrecevabilité manifeste, en application de l'article L. 522-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3065AL4), la demande d'un demandeur d'asile tendant à la suspension de l'exécution de la décision du préfet ayant décidé le 17 janvier 2013 sa remise aux autorités hongroises ainsi que son placement en rétention le 21 mars 2013 (44).

La décision sur ce pourvoi intervient, on l'aura compris, opportunément quelques jours avant la date d'application d'entrée en application du Règlement "Dublin III" au 1er janvier 2014. Certes, celui-ci consacre ce recours dans une formulation pour le moins alambiquée. En effet il prévoit, en son article 27.1, que les étrangers relevant de ce Règlement "dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert [...] de cette décision devant une juridiction" et le 27.2 ajoute que "les Etats membres accordent à la personne concernée un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif", et surtout que ce recours "confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours [...]" (27.2 a). En outre ce transfert est "automatiquement suspendu et une telle suspension expire au terme d'un délai raisonnable, pendant lequel une juridiction, après un examen attentif et rigoureux de la requête, aura décidé s'il y a lieu d'accorder un effet suspensif à un recours [...]" (27.2 b). Par ailleurs, en son article 28, qui régit le placement en rétention des "dublinés", prévoit que dans le cas d'un placement en rétention le "transfert de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable est effectué dès qu'il est matériellement possible et au plus tard dans un délai de six semaines [...] à compter du moment où le recours [...] n'a plus d'effet suspensif conformément à l'article 27, paragraphe 3". Dans la mesure où le législateur français n'est pas encore intervenu pour assurer l'application effective de ce Règlement et, qu'en tout état de cause, les dispositions d'un Règlement européen sont directement applicables et prévalent sur la législation française, on pouvait imaginer que les défenseurs des étrangers allaient, dès le 1er janvier 2014, invoquer ces dispositions. Anticipant probablement les difficultés que n'auraient pas manqué de poser l'interprétation de ces dispositions, le Conseil d'Etat a donc pris le parti de faire bénéficier les étrangers faisant l'objet concomitamment d'un placement en rétention et d'un décision de remise (et plus largement de toutes les mesures d'éloignement du livre V du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) de l'effet suspensif de plein droit du recours spécial de l'article L. 512-1 III du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Pour cela le Conseil d'Etat s'appuie sur l'article R. 776-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7296IQB) qui énumère les décisions susceptibles d'être contestées dans le cadre de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7203IQT), ce qui comprend "les autres mesures d'éloignement prévues au livre V du code", y compris donc la décision par laquelle un ressortissant d'un pays tiers "est remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à séjourner sur son territoire, à l'exception des arrêtés d'expulsion, lorsqu'elles sont contestées dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence". Par suite, il estime qu'en application du III de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient au juge administratif de la reconduite de se prononcer dans le délai de 72 heures "sur les conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention et sur celles dirigées contre la décision aux fins de réadmission, notifiée à l'intéressé en même temps [...]" (considérant n° 2). Cette interprétation n'est toutefois pas à proprement parler nouvelle (45). Toutefois, il semble que dans la pratique les associations intervenantes en rétention et les avocats optaient souvent pour le référé-liberté pour contester l'exécution de la mesure de remise lors du placement en rétention, comme c'est le cas en l'espèce.

Une fois cette question réglée, par souci de pédagogie, la section du contentieux prend le soin de rappeler, comme il l'avait déjà fait dans sa décision du 29 octobre 2012 (46), aux juges de la reconduite les pouvoirs qui lui sont confiés dans le cadre d'une recours introduit sur le fondement de l'article L. 512-1 III du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ajoute toutefois, incidemment, que "la procédure spéciale prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile [par cette disposition] présente des garanties au moins équivalentes à celles des procédures régies par le livre V du Code de justice administrative" (considérant n° 3), qui régit les référés, notamment "l'examen dans de brefs délais [72 heures] de la légalité de ces mesures" (47).

Toutefois, comme l'avait montré l'arrêt "Gebremedhin" (48) pour l'asile à la frontière le défaut du référé-liberté est qu'il ne bénéficie pas d'un effet de plein droit suspensif. Par suite, la section estime que la procédure "particulière" de l'article L. 512-1 III du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (49) -désormais ouverte à la contestation des remises accompagnées d'un placement en rétention administrative- "est exclusive de celles prévues par le livre V du Code de justice administrative" (50). Le référé-liberté ou le référé-suspension ne sont désormais plus ouverts aux demandeurs d'asile contestant l'exécution d'une réadmission lors de leur placement en rétention. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a donc pas commis d'erreur de droit en déclarant manifestement irrecevable la requête en référé-liberté du requérant (considérant n° 6).

Comme cela a été relevé dans un commentaire précédent, ce n'est pas la première fois que l'effet suspensif du recours contre les décisions de remise est recherché devant le Conseil d'Etat. En effet, peu après la décision "M.S.S. c/ Belgique et Grèce" (51), une QPC avait été déposée dans un dossier de réadmission vers la Grèce. Estimant, en dépit du bon sens et de la jurisprudence européenne, qu'il n'y avait pas de changement de circonstances depuis le brevet de constitutionnalité accordé en 1993, le Conseil d'Etat avait refusé de transmettre une QPC mettant en cause la conformité au regard de l'article 16 de la DDHC, combiné au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, de l'article L. 531-2, alinéa 1er, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (52). Plus récemment, le Conseil d'Etat a refusé de reconnaître sur le fondement de l'article 5 § 4 de la CEDH (N° Lexbase : L4786AQC) un effet suspensif aux recours contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution de décisions, distinctes, ayant ordonné l'éloignement malgré l'inversion des deux juges par la loi "Besson" de 2011 (53). Pourtant, la Cour de cassation a formellement écarté toute possibilité pour le juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la rétention avant le délai de cinq jours fixé par la loi de 2011 (54).

La décision commentée est donc une évolution dans le bon sens et qui intervient de manière opportune. Néanmoins, l'effet suspensif n'est limité qu'aux mesures d'éloignement "régies par le livre V" en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence et non, comme l'exige la Cour européenne des droits de l'Homme, sur le fondement de l'article 13 de la CEDH, à l'ensemble des mesures d'éloignement qui exposent l'étranger à un risque d'atteinte aux articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) (droit à la vie), 3 (N° Lexbase : L4764AQI) (torture et traitements inhumains et dégradants) et 4 du protocole n°4 de la CEDH (expulsions collective) (55). Le droit d'exception appliqué outre-mer est également totalement ignoré et vaudra sûrement la condamnation de la France par la CEDH, particulièrement à Mayotte (56).


(1) Cons. const., décision n° 2011-120 QPC du 8 avril 2011 (N° Lexbase : A5889HM3).
(2) CNDA, 20 avril 2009, n° 598533.
(3) Le Kosovo a été ajouté à cette liste par décision du 18 mars 2011 du conseil d'administration de l'OFPRA, ce qui a été annulé par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 26 mars 2012, n° 349174, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0198IHS), avant d'être réintroduit par décision du 16 décembre 2013.
(4) Malgré l'arrêt "Popov" de la CEDH du 19 janvier 2012 (CEDH, Req. 39472/07 N° Lexbase : A1647IBM) qui constate l'inconventionnalité de cette pratique en l'absence de base légale.
(5) CAA Douai, 1ère ch., 22 mars 2012, n° 11DA01767, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2175IKR).
(6) Voir, pour les décisions de principe, Commission des Recours des Réfugiés, 1er juin 2007, M. Ferdi A., n° 573524 ; CNDA, 20 avril 2009, n° 598533.
(7) CEDH, 21 janvier 2011, Req. 30696/09 (N° Lexbase : A4543GQC), ADL du 21 janvier 2011, par N. Hervieu.
(8) CEDH, 2 février 2011, Req. 9152/09 (N° Lexbase : A9424IBN), ADL du 3 février 2012, par N. Hervieu.
(9) Par ex., CE, référé, 16 juin 2010, n° 340250, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9876EZS), ADL du 21 juin 2010, par S. Slama.
(10) CE 9° et 10° s-s-r., 21 mars 2011, n° 346164 , mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5811HI3). Voir aussi, en cas de placement en rétention d'un demandeur d'asile en cours de procédure de réadmission, la consécration d'un recours suspensif infra : CE Sect., 30 décembre 2013, n° 367533, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9410KSC).
(11) Voir aussi, pour un avis très détaillé sur les demandeurs d'asile en procédure prioritaire privés notamment de recours suspensif devant la CNDA : CE, Sect., 30 décembre 2013, n° 367615, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9253KSI), Xénodoques, 14 janvier 2014 par G. Sadik.
(12) Cons. const., décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 (N° Lexbase : A8285ACT), cons. n° 87.
(13) Cass. QPC, 9 février 2011, n° 10-40.059, FS-D (N° Lexbase : A8130GWZ).
(14) Cons. const., décision n° 2010-52 QPC du 14 octobre 2010 (N° Lexbase : A7696GBN) ; Cons. constit., décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010 (N° Lexbase : A9923GAR).
(15) Cons. const., décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 (N° Lexbase : A3193EPX), cons. n° 3.
(16) Cons. const., décision n° 2011-120 QPC du 8 avril 2011 (N° Lexbase : A5889HM3), cons. n° 9.
(17) Voir sur cette comparution, C. Brami, Précisions sur le droit processuel applicable à la Cour nationale du droit d'asile, in Lettre "Actualités Droits-Libertés" du CREDOF, 3 décembre 2013, à propos de CE 2° et 7° s-s-r., 10 octobre 2013, n° 362798, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7254KMM).
(18) CE 1° et 6° s-s-r., 6 juin 2007, n° 292076, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5698DWX).
(19) Cons. const., décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, préc..
(20) V., pour un panorama, Nicolas Hervieu, Une progression européenne en demi-teinte de l'effectivité des recours en droit des étrangers, in Lettre "Actualités Droits-Libertés" du CREDOF, 16 décembre 2012.
(21) V. contra CEDH, 2 février 2011, Req. 9152/09 (N° Lexbase : A9424IBN), §§127-135.
(22) CE référé, 30 janvier 2009, n° 324344, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7476ECU) ; CE 2° et 7° s-s-r., 18 juin 2010, n° 332916, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9853EZX).
(23) CE, Sect., 8 octobre 1993, n° 139669, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1800ANY).
(24) CE, référé, 6 septembre 2013, n° 371840, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1465KLT).
(25) CE, référé, 18 octobre 2006, n° 298101, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9579DR9).
(26) CE, réf., 2 nov. 2012, Djamila C., n° 363570 (N° Lexbase : A4273IW8).
(27) CE, 10 décembre 2009, Tchanto A, n° 334417 (N° Lexbase : A8434EP3).
(28) Voir CE 2° et 7° s-s-r., 21 mars 2011, n° 345978 et 346612, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6964HEN), cons. n° 5, JCP éd. A, 2011, n° 18, n° 2173, obs. S. Slama, AJDA, 2011, p. 1688, obs. H. Alcaraz.
(29) CE 2° et 6° s-s-r., 30 septembre 1998, n° 152191, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8149ASM).
(30) CE 1° et 2° s-s-r., 26 janvier 2000, n° 170579, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9225AGR).
(31) CE, 13 janvier 1975, n° 90193, n° 90194, n° 91288, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6683A7N), D.1975., 784, note F. Julien-Laferrière, Dr. Soc., 1975, 273, concl. Ph. Dondoux.
(32) CE avis, Ass., 22 août 1996, n° 359622, Grand avis du Conseil d'Etat, Dalloz, n° 29, comm. D. Mandelkern ; CE 2° et 6° s-s-r., 16 octobre 1998, n° 147141, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8272AS8).
(33) CE 2° et 6° s-s-r., 7 octobre 1991, n° 100639, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0481ARA).
(34) Voir, pour une hypothèse d'obstacle légal à la délivrance d'un titre dans le cas où l'étranger est frappé d'un arrêté d'expulsion, CE 2° et 6° s-s-r., 31 janvier 1994, n° 124946, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9153ARG).
(35) CAA Paris, 8ème ch., 25 juin 2012, n° 11PA04637 (N° Lexbase : A1430IRE).
(36) CE, avis, 28 novembre 2007, n° 307036, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9704DZG), 2007, p. 454.
(37) CE, Sect., 6 février 2004, n° 240560, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3388DB4), p. 48, concl. I. de Silva ; CE, Sect., 3 décembre 2003, n° 240267, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4185DAA).
(38) CE 5° et 7° s-s-r., 23 juin 2000, n° 213584, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9551AGT) ; CE 2° et 7° s-s-r., 28 mars 2008, n° 310252, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5984D7R).
(39) CE, Sect., 30 novembre 1998, n° 188350, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9172ASI).
(40) CE, Sect., 20 décembre 2000, n° 206745, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2049AIQ), p. 643.
(41) CE, Ass., 23 janvier 1970, n° 77861, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0341AU8), p. 51.
(42) CE 2° et 7° s-s-r., 21 mars 2011, n° 345978 et 346612, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6964HEN), cons. n° 5, JCP éd. A, 2011, n° 18, n° 2173, obs. S. Slama, AJDA, 2011, p. 1688, obs. H. Alcaraz ; CE, référé, 12 mai 2011, n° 348774, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0340HSE) ; CE 2° et 7° s-s-r., 9 novembre 2011, n° 348773, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9085HZI).
(43) Ce juge a aussi été appelé dans le passé le "juge du 22bis" en référence à l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : L4788AGG), et plus récemment le "juge des 72 heures" car il censé se prononcer dans ce délai en vertu de L. 512-1 IIII du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
(44) Sur les réadmissions vers la Hongrie, voir CE, référé, 29 août 2013, n° 371572 (N° Lexbase : A5317KK7), AJDA, 2013, 2382, note C. Brami, ADL, 16 septembre 2013, par. R. Kempf.
(45) Voir déjà CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 360584, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1193IW4), p. 370, qui dans son considérant n° 3 évoquait déjà les "autres mesures d'éloignement prévues au livre V du code".
(46) CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 360584, publié au recueil Lebon, préc..
(47) Voir Cons. const., décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 (N° Lexbase : A4307HTP).
(48) CEDH, 26 avril 2007, Req. 25389/05 (N° Lexbase : A4307HTP).
(49) Voir déjà, pour l'article 22 bis, CE, référé, 14 janvier 2005, n° 276123, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7820DNX), p. 915.
(50) Voir déjà en ce sens, pour les reconduites à la frontière : CE, référé, 26 janvier 2001, n° 229565, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2618AT7), p. 38 ; CE 1° et 2° s-s-r., 30 juillet 2003, n° 256600, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2632C9D), p. 362 ; et pour la réserve des changements de circonstances : CE, Sect., 21 novembre 2001, n° 238214, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6217AXK), p. 563.
(51) CEDH, 21 janvier 2011, Req. 30696/09, préc., ADL, 21 janvier 2011, par N. Hervieu.
(52) CE 9° et 10° s-s-r., 21 mars 2011, n° 346164, mentionné aux tables du recueil Lebon  (N° Lexbase : A5811HI3), NB : l'article L. 531-2 figure lui aussi au livre V du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).
(53) CE 2° et 7° s-s-r., 4 mars 2013, n° 359428, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3221I98), affaire portée devant la CEDH par Me Lucile Hugon.
(54) Cass civ. 1, 5 décembre 2012, n° 11-30.548, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3142IYZ) ; Cass, civ. 1, 12 juin 2013, n° 12-19.876, F-D (N° Lexbase : A5777KG3).
(55) CEDH, 2 février 2011, Req. 9152/09 (N° Lexbase : A9424IBN), ADL du 3 février 2012, par N. Hervieu.
(56) En raison de cette décision, CE, référé, 10 décembre 2013, n° 373686, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0993KR9). Voir déjà pour la Guyane, CEDH, 13 décembre 2012, Req. 22689/07 (N° Lexbase : A8274IY4).

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Électoral

[Brèves] Exclusion du remboursement des dépenses de campagne des sommes acquittées par un candidat pour des prestations assurées à titre onéreux par un parti

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 5 février 2014, n° 367086, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9275MDU)

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Le 14 Février 2014

Les dépenses de campagne des sommes acquittées par un candidat pour des prestations assurées à titre onéreux par un parti ne peuvent faire l'objet d'un remboursement du candidat, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 5 février 2014 (CE 3° et 8° s-s-r., 5 février 2014, n° 367086, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9275MDU). Les dispositions des articles L. 52-4 (N° Lexbase : L1761IYU), L. 52-11-1 (N° Lexbase : L5311IR7), L. 52-12 (N° Lexbase : L1756IYP) et L. 52-15 (N° Lexbase : L1754IYM) du Code électoral ne font pas obstacle à ce qu'un candidat soit remboursé, dans le cadre défini par l'article L. 52-11-1 de ce code, de dépenses de campagne correspondant à des prestations assurées à titre onéreux par un parti ou groupement politique. S'il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), en application de l'article L. 52-15 de ce code et sous le contrôle du juge, de relever les irrégularités éventuelles des dépenses facturées par les formations politiques tenant, notamment, à l'inexistence des prestations ou à leur surévaluation et de réformer en conséquence les comptes de campagne dont elle est saisie (CE Ass., 30 juin 2000, n° 218461, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9576AGR), il lui incombe également, à ce titre, de vérifier si les dépenses relatives à ces prestations ont été exposées spécifiquement en vue de l'élection et si elles correspondent à des charges relevant du fonctionnement habituel de la formation politique, qui auraient été supportées par celle-ci en dehors de toute circonstance électorale. Ainsi, des frais de location de locaux facturés à un candidat à une élection par sa formation politique ne peuvent ouvrir droit au remboursement par l'Etat que si les dépenses correspondantes ont été exposées par cette formation politique spécifiquement en vue de cette élection. Une cour administrative d'appel (CAA Paris, 8ème ch., 21 janvier 2013, n° 11PA04151, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9135I8T) commet donc une erreur de droit en jugeant que des frais de location de locaux mis à la disposition du candidat par son parti politique pour la durée de la campagne électorale sont susceptibles de bénéficier du remboursement forfaitaire de l'Etat, après avoir estimé que ces locaux étaient et sont demeurés affectés au fonctionnement habituel de ce parti, au motif que la CNCCFP n'établissait, ni même n'alléguait, que ces prestations auraient été inexistantes ou surévaluées (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E3154A8C).

newsid:440722

Finances publiques

[Brèves] Publication du rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes

Réf. : Rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes

Lecture: 1 min

N0723BUC

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Le 15 Février 2014

La Cour des comptes a rendu public, le 11 février 2014, son rapport annuel, lequel se compose de trois tomes. Le premier expose une sélection d'observations et de recommandations de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Il illustre les marges possibles d'économie et d'amélioration des services publics rendus, dans dix cas de politique publique, concernant l'agriculture, la défense et l'espace, l'éducation et la jeunesse, la santé et la cohésion sociale, et le tourisme (volume I-1) et dans huit cas de gestion publique, concernant l'Etat et ses opérateurs, les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, un organisme privé subventionné et des partenariats public-privé (volume I-2). Le tome II traite des suites données aux recommandations formulées antérieurement. Enfin, le tome III retrace les activités de la Cour et des chambre régionales et territoriales des comptes en 2013, sous trois angles : leurs productions, leurs évolutions et leurs moyens. Dans leur rapport, les Sages de la rue Cambon ont mis en exergue les problématiques liées aux titres de transport de la SNCF quasi gratuits pour ses agents, à la caisse de retraite des professions libérales, à la santé précaire des détenus en prison, à l'indemnisation des victimes de l'amiante, ou encore à la gestion des partenariats publics-privés dans les hôpitaux.

newsid:440723

Fiscalité des entreprises

[Textes] Présentation de la comptabilité analytique et des comptes consolidés - Etat des lieux (à propos de l'article 99 de la loi de finances pour 2014)

Réf. : Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014, art. 99 (N° Lexbase : L7405IYW)

Lecture: 10 min

N0743BU3

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par Raphaël Bagdassarian, Avocat, Landwell & Associés

Le 13 Février 2014

L'article 99 de loi de finances pour 2014 instaure deux nouvelles obligations documentaires à la charge des grandes entreprises lesquelles doivent dorénavant présenter leur comptabilité analytique (LPF, art. L. 13, II nouveau N° Lexbase : L1052IZY) ainsi que leurs comptes consolidés (LPF, art. L. 13, III nouveau) dans le cadre des vérifications de comptabilité .

Ce dispositif, qualifié d'"excellent" par le rapporteur général, a été adopté sans débat en séance. Et pour cause, ces obligations documentaires, en renforçant les moyens de contrôle et les moyens d'information mis à la disposition de l'administration fiscale, doivent permettre de contribuer à la lutte déclarée contre la fraude, l'optimisation ou toute autre forme de planification fiscale internationale.

Il n'est d'ailleurs pas anodin de constater que ces mesures étaient déjà préconisées dans les deux récents rapports relatifs à la lutte contre l'évasion fiscale que sont celui de l'Inspection générale des finances (mission de comparaisons internationales sur la lutte contre l'évasion fiscale via les échanges économiques et financiers intragroupe, mars 2013) et de la Commission des finances de l'Assemblée (mission d'information sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, juillet 2013). Ce dispositif n'a toutefois encore été que peu commenté par la doctrine. Sans doute, a-t-il souffert d'autres dispositions, aux implications plus immédiates, telles que les obligations de transmettre une documentation des prix de transfert dans les six mois du dépôt de la déclaration fiscale, de communiquer les rescrits obtenus par les entreprises associées auprès des autorités fiscales étrangères, ou encore, de déclarer les schémas d'optimisation fiscale (dispositif censuré par le Conseil constitutionnel ; Cons. const., décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 N° Lexbase : A9152KSR).

Sans doute a-t-il aussi pâti de certaines incertitudes qui entourent son application.

Le présent article dresse un état des lieux de ces mesures et des incertitudes qu'elles suscitent.

Quel est le champ d'application de ces obligations documentaires ?

En application de l'article L. 13, II du LPF, l'obligation de présentation de la comptabilité analytique s'impose à l'entreprise qui fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité (dont l'avis de vérification lui a été adressé à partir du 1er janvier 2014), qui tient une comptabilité analytique et qui satisfait à certains critères financiers ou d'appartenance à un groupe.

La remise de la comptabilité analytique suppose donc d'abord que l'entreprise ait fait le choix de tenir une comptabilité analytique ce qui, rappelons-le demeure une option, voire une recommandation pour la doctrine administrative, mais qui ne constitue en aucun cas une obligation. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que le caractère incomplet d'une comptabilité analytique ne suffisait pas à démontrer le défaut de sincérité de la comptabilité (CE 7° et 9° s-s-r., 27 mai 1988, n° 47504, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6598AP3).

Ce caractère optionnel est toutefois à relativiser : la tenue d'une comptabilité analytique est, en pratique, très largement répandue pour les grandes entreprises, et a des conséquences tant sur la gestion de l'entreprise que sur le plan comptable et fiscal. L'absence de comptabilité analytique implique le recours à des méthodes exceptionnelles pour l'évaluation de ses stocks. Elle rend impossible l'utilisation de certaines options comptables pour lesquelles l'inscription à l'actif de certaines dépenses est conditionnée (coûts de développement, logiciels créés par l'entreprise). Elle prive l'entreprise de certaines possibilités de justification ou peut entraîner la perte d'opportunités en matière fiscale (création de secteurs distincts d'activité en matière de TVA). Elle permet enfin le choix de certaines méthodes (méthode de l'avancement appliqué aux contrats à long terme).

Cette condition tenant à la tenue d'une comptabilité analytique sera donc satisfaite pour la majorité des grandes entreprises.

La remise de la comptabilité analytique suppose ensuite que l'entreprise qui tient une comptabilité analytique ait, par ailleurs :

- un chiffre d'affaires supérieur à 152,4 millions d'euros lorsque le commerce principal de l'entreprise consiste à vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou à fournir le logement ou à 76,2 millions d'euros dans les autres cas (ces entreprises sont celles qui relèvent de la compétence de la DVNI) ; ou
- un montant d'actif brut total égal ou supérieur à 400 millions d'euros à la clôture de l'exercice (ces entreprises sont d'ailleurs également soumises à l'obligation de communication de leur documentation en matière de prix de transfert en cas de contrôle fiscal prévue à l'article L. 13 AA du LPF [LXB= L1053IZZ]) ; ou
- qu'elle appartienne à un groupe économique significatif, ce qui sera considéré être le cas si l'entreprise

(i) détient, à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une personne morale ou d'un groupement de personnes de droit ou de fait qui satisfait à la condition de seuil de chiffre d'affaires (chiffre d'affaires excédant 152,4 millions d'euros/76,2 millions d'euros) ou du montant total d'actif brut (supérieur à 400 millions d'euros) ; ou
(ii) est détenue, à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, à plus de la moitié de son capital ou de ses droits de vote par une personne morale ou par un groupement de personnes de droit ou de fait qui satisfait à la condition de seuil de chiffres d'affaires (chiffre d'affaires excédant 152,4 millions d'euros/76,2 millions d'euros) ou du montant total d'actif brut (supérieur à 400 millions d'euros) ; ou
(iii) appartient à un groupe d'intégration fiscale (au sens de l'article 223 A du CGI N° Lexbase : L5018IPK) dont l'un des membres au moins est soumis à cette obligation documentaire en raison de son chiffre d'affaires (excédant 152,4 millions d'euros/76,2 millions d'euros) ou du montant total d'actif brut (supérieur à 400 millions d'euros).

En application de l'article L. 13, III du LPF, l'obligation de présentation des comptes consolidés s'impose, quant à elle, à l'ensemble des entreprises tenues d'établir de tels comptes en application de l'article L. 233-16 du Code de commerce (N° Lexbase : L6319AIU), c'est-à-dire aux sociétés commerciales qui contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qui exercent une influence notable sur celles-ci.

Il résulte, à notre avis, de ce texte que seules les sociétés qui établissent des comptes consolidés ("sociétés consolidantes") et qui sont situées en France (en raison de la compétence territoriale de l'administration fiscale) doivent être considérées comme soumises à cette obligation documentaire, à l'exclusion des autres sociétés membres du périmètre de consolidation.

Si ce dispositif semble relativement clair quant à son champ d'application ratione personae, il suscite de nombreuses interrogations quant à l'étendue des informations à présenter en application de chacune de ces deux obligations documentaires.

Quels éléments de la comptabilité analytique présenter ?

L'article L. 13 du LPF fait référence à la remise de la comptabilité analytique mais n'en définit pas le contenu.

Or, la notion de comptabilité analytique n'est définie par aucun texte de portée contraignante qu'il s'agisse du CGI, du Code de commerce ou encore du Plan comptable général ("PCG").

Il faut retourner à la lecture du Plan comptable de 1982 ("PCG82"), pour obtenir une définition, non retenue dans le PCG actuel, de ce qu'il faut entendre par la notion de comptabilité analytique. Celle-ci s'entend d'un mode de traitement des données dont les objectifs essentiels sont :

- d'une part,

(i) de connaître les coûts des différentes fonctions assumées par l'entreprise,
(ii) de déterminer les bases d'évaluation de certains éléments de bilan,
(iii) d'expliquer les résultats en calculant les coûts des produits (biens et services) pour les comparer aux prix de vente correspondants, et
(iv) de construire les tarifs ;

- et d'autre part,

(i) d'établir des prévisions de charges et de produits courants (coûts préétablis et budgets d'exploitation, par exemple), et
(ii) d'en constater la réalisation et expliquer les écarts qui en résultent (contrôle des coûts et budgets, par exemple).

La comptabilité analytique se caractérise ainsi autant par sa finalité, celle de fournir tous les éléments de nature à éclairer les prises de décision de l'entreprise, que par sa très grande liberté de mise en oeuvre et de contenu, liberté renforcée par le caractère optionnel de sa tenue.

Dans un tel contexte, on peut s'interroger sur les éléments de comptabilité analytique à présenter pour se conformer à cette nouvelle obligation documentaire.

Cette incertitude avait déjà été relevée par l'auteur même de l'amendement à l'origine de ces dispositifs dans le cadre de la mission d'information sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international (juillet 2013) : "je suis très favorable à la proposition relative à la transmission de la comptabilité analytique, mais cette notion est difficile à définir juridiquement. Il s'agit d'une excellente proposition, mais le concept est assez peu connu de notre droit puisqu'il n'apparaît qu'à une reprise dans le code général des impôts. Nous avons rencontré le même problème à l'occasion du projet de loi relatif à la fraude fiscale concernant la déclaration des schémas d'optimisation fiscale, lesquels semblent très difficiles à caractériser juridiquement. Avez-vous pu dépasser ces blocages ? [...]". Notons au passage que le dispositif visant à la déclaration des schémas d'optimisation a précisément été censuré par le Conseil constitutionnel en raison de la trop générale et imprécise définition donnée à la notion de schéma d'optimisation fiscale (décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, considérant 91).

L'exposé des motifs de cette mesure révèle, sans surprise, une lecture extensive de la notion de comptabilité analytique, l'objectif de sa remise étant "d'améliorer la connaissance générale et la compréhension de l'activité des groupes et des grandes entreprises [par l'administration fiscale], notamment dans le cadre du contrôle des prix de transfert. La comptabilité analytique et des comptes consolidés sont, en effet, essentiels pour prendre connaissance des différentes fonctions assumées par l'entreprise et des modalités d'évaluation de certains actifs (stocks, production en cours...) qui interviennent dans la détermination du résultat".

Cette position est également celle du Président de la mission d'information sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international lequel a répondu à la question précitée "Avez-vous pu dépasser ces blocages ?" de la manière suivante : "la comptabilité analytique n'est effectivement pas normée comme la comptabilité générale. On pourrait cependant envisager la transmission de tout document utile, à partir du moment où de tels documents existent".

Sur cette base, l'administration fiscale pourrait être tentée de prétendre à la présentation de l'exhaustivité des informations comprises dans la comptabilité analytique de l'entreprise vérifiée en ce compris les éléments n'ayant concouru, à aucun niveau, directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux ou à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le CGI.

Il nous semble toutefois que conférer une telle portée à cette nouvelle obligation documentaire excéderait le cadre de la procédure de vérification de comptabilité de l'article L. 13 du LPF, dans laquelle s'inscrit cette nouvelle obligation.

En effet, si la procédure de vérification de comptabilité vise certes à examiner la comptabilité de l'entreprise, rappelons que c'est exclusivement dans le but de la comparer aux déclarations souscrites et ainsi de s'assurer de la sincérité de ces dernières.

Ainsi, en application de cette seconde lecture, seuls les documents de la comptabilité analytique concourant directement ou indirectement à la formation du résultat vérifié ou à justifier de l'exactitude des résultats indiqués, devraient être communiqués à l'administration fiscale.

En cela, cette nouvelle obligation documentaire viendrait compléter le dispositif préexistant de l'article L. 13 du LPF (recodifié à l'article L. 13, I nouveau du LPF), lequel permettait déjà à l'administration fiscale d'obtenir de l'entreprise vérifié la présentation de sa comptabilité générale.

Il est encore difficile de dire quelle interprétation l'emportera sur l'autre. En revanche, il est fort à prévoir que les vérifications à venir feront office de laboratoire d'essai et donneront l'opportunité à l'administration fiscale de tester toutes les limites de cette obligation.

Dans un tel contexte, il n'est possible que d'encourager les entreprises à procéder, dès à présent, à un audit interne de leur comptabilité analytique, afin qu'elles soient en mesure de présenter, dès le début des opérations de vérification, ce qu'elles pourront légitimement considérer comme constituant leur comptabilité analytique.

Quels éléments des comptes consolidés présenter ?

L'énonciation de l'obligation de présentation des comptes consolidés à l'article L. 13, III du LPF ne laisse pas de surprendre lorsque l'on prend conscience que ces derniers (entendus du bilan consolidé, du compte de résultat consolidé et des annexes) sont déjà publiés annuellement et donc disponibles au public.

Faut-il comprendre que l'objectif recherché était d'obtenir également les écritures de consolidation ? On peut comprendre l'intérêt que l'administration fiscale aurait à ainsi prendre connaissance des résultats de l'ensemble des sociétés du périmètre de consolidation, en ce compris les sociétés implantées à l'étranger et ainsi faire l'économie de la procédure parfois longue et contraignante d'échanges de renseignements avec d'autres Etats pour obtenir les informations qu'elle souhaite sur des sociétés étrangères.

Toutefois, sur la base de la rédaction actuelle de l'article L. 13, III du LPF, rien ne permet de considérer que l'administration fiscale soit en mesure de demander les écritures de consolidation.

La portée pratique de cette nouvelle obligation pourrait être très relative, sauf à considérer que l'enjeu initial de ces mesures résidait dans leur sanction dissuasive (5 du chiffre d'affaires) mais qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

Quelle sanction ?

Le texte tel que voté par le Parlement prévoyait en effet que le défaut de présentation de comptabilité analytique ou des comptes consolidés était passible de l'amende prévue à l'article 1729 D du CGI (N° Lexbase : L0054IWW) en cas d'infraction à l'obligation de présenter la comptabilité sous forme dématérialisée, i.e. 5 du chiffre d'affaires par exercice contrôlé (en l'absence de rehaussement) ou 5 du chiffre d'affaires rehaussé (en cas de rehaussement), avec application d'un amende minimale de 1 500 euros (CGI, art. 1729 E nouveau N° Lexbase : L0911IZR).

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2013-685 DC du 29 décembre 2013, a toutefois censuré ce dispositif, en considérant que "le législateur a, s'agissant d'un manquement à une obligation documentaire, retenu des critères de calcul en proportion du chiffre d'affaires ou du montant des recettes brutes déclaré sans lien avec les infractions et qui revêtent un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité des infractions réprimées" (considérant n° 110).

Le défaut de présentation de comptabilité analytique ou des comptes consolidés est donc sanctionnée par une amende de 1 500 euros, ce qui pourrait sembler bien peu dissuasif pour les entreprises vérifiées au regard des intérêts en jeu.

La question se pose alors de savoir si l'administration fiscale serait fondée à sanctionner le défaut de présentation de comptabilité analytique ou des comptes consolidés sur le terrain de l'opposition à contrôle fiscal (LPF, art. L. 74 N° Lexbase : L0428IYI), laquelle entraîne une évaluation d'office des bases d'imposition et une pénalité de 100 %.

Il ne semble pas possible d'exclure une telle éventualité, même si celle-ci devrait être circonscrite aux hypothèses caractérisées, où le refus de présentation de la comptabilité analytique priverait l'administration fiscale de la possibilité de vérifier l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations ou des éléments participants à la détermination des résultats vérifiés et donc de procéder aux opérations de vérification. Cette sanction devrait, en revanche, être inapplicable s'agissant des comptes consolidés, dès lors que ceux-ci ne concourent pas à la formation du résultat.

Il est, par ailleurs, fort à prévoir que l'anomalie juridique que constitue toujours une obligation sans sanction (dissuasive) sera rapidement corrigée à la faveur d'un prochain texte législatif.

newsid:440743

Internet

[Evénement] Les nouvelles extensions et la conquête des territoires numériques - Compte rendu de la Commission ouverte conjointe Propriété intellectuelle et Marchés émergents audiovisuels et droit du numérique du barreau de Paris du 11 décembre 2013

Lecture: 13 min

N0719BU8

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 26 Février 2014

La Commission ouverte conjointe Propriété intellectuelle (COMPI) et Marchés émergents audiovisuels et droit du numérique du barreau de Paris a tenu, le 11 décembre 2013, une réunion sous la responsabilité de Maître Fabienne Fajgenbaum, avocat au barreau de Paris et Maître Gérald Bigle, avocat au barreau de Paris. A cette conférence, qui avait pour thème "Les nouvelles extensions et la conquête des territoires numériques", sont intervenus Jean-Philippe Clément, Directeur de projets usages et innovations numériques de la Ville de Paris, copilote du projet ".paris", Marie Berthelot pour l'AFNIC, Responsable des aspects juridiques, et deux membres de l'équipe Deloitte, gérant la Trademark Clearinghouse (TMCH). Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte rendu de cette réunion. Dans ses propos introductifs, Fabienne Fajgenbaum a invité l'auditoire à prendre connaissance de l'excellent article de Maître Adrien Bouvel, paru dans la revue Propriété intellectuelle d'octobre 2013. Il rappelle, notamment, en préambule la mission de L'ICANN, qui administre le système des noms de domaine (oui DNS pour Domain Name System) et qui a entrepris en 2008, de désengorger le ".com" en créant de nouvelles extensions pour permettre, notamment, aux entreprises et aux villes de réserver leur propre suffixe. Concernant les villes, le ".paris" est le premier dans le monde ; et il faut s'en féliciter ! Tous les spécialistes de la propriété intellectuelle doivent en prendre connaissance. Il s'agit, en effet, d'une véritable nouveauté avec toutes les interrogations que cela soulève, en particulier pour les titulaires de droits, car si, de prime abord, tout semble prévu, c'est, comme bien souvent à l'usage, que les problèmes se révèleront.

1 - Présentation du projet ".paris" (intervention de Jean-Philippe Clément, Directeur de projets usages et innovations numériques de la Ville de Paris)

Lorsque en 2008, s'est tenu le symposium de l'ICANN, au cours duquel a été abordée la question d'un round de création de nouveaux noms de domaines, la ville de Paris y a immédiatement vu une opportunité pour résoudre les problèmes relatifs à l'utilisation du terme "Paris" par les noms de domaine en ".com", ".fr", etc., et permettre ainsi aux acteurs, désireux de manifester leur appartenance au territoire parisien, de se concentrer sur leurs marques, tout en mettant de côté les conflits que la ville pouvait avoir avec certains utilisateurs.

La ville de Paris a donc été la première métropole mondiale désignée recevable pour les nouvelles extensions. Depuis, la municipalité travaille à cette phase essentielle de lancement du ".paris". Ce ".paris" est en quelque sorte le symbole de la réconciliation entre l'image de Paris, ville éternelle, et tout l'effort porté sur l'innovation. Cette extension s'inscrit dans la dynamique globale des 1 600 nouveaux gTLDs, et plus particulièrement dans les nouveaux projets dits "géographiques".

Le projet du ".paris" est porteur de valeurs fortes : l'innovation, l'art de vivre, la proximité, le haut de gamme, la solidarité.

Jean-Philippe Clément est venu préciser le calendrier :
- la phase de lancement avec un appel à projets pour sélectionner 100 pionniers qui seront les emblèmes du ".paris", pendant six mois avec une mise en ligne prévue pour mai 2014 ;
- la période de sunrise, qui devrait être ouverte en septembre 2014 pour trois mois ;
- l'ouverture générale prévue à la fin de l'année 2014.

Les cent pionniers sont sélectionnés par rapport à des critères très forts, d'une part, en terme de sens, sur leur apport au projet global du ".paris", d'autre part, en terme de contenus et de services déployés, mais également, sur leur apport financier afin de réamorcer un lancement réussi au moment de la sunrise et de l'ouverture générale. Un projet qui consisterait à rediriger le ".paris" vers le site ".com" ou ".fr" n'aura aucune chance d'être retenu ; la ville de Paris exige la présentation d'un site au contenu original.

L'appel à projet est aujourd'hui clos et l'identité des pionniers du ".paris" sera révélée à la fin du mois de février 2014. Ces pionniers auront beaucoup de visibilité sur différents supports : web, affichage municipal, ainsi que dans tous les évènements ponctuant le lancement du ".paris".

Tous les titulaires de droits qui ont un lien direct ou indirect avec Paris, qui sont de bonne foi, pourront prétendre à un nom de domaine en ".paris".

2 - Les garanties juridiques mises en place dans le cadre du lancement du ".paris" (intervention de Marie Berthelot, AFNIC)

L'AFNIC, registre du ".fr" est partenaire de la ville de Paris sur le projet du ".paris". Afin que les pionniers retenus ne soient pas en conflit avec un droit de marque tiers, des garanties sont mises en place dans le cadre du processus de sélection et par la création d'une procédure spécifique de résolution de conflits.

Dans le cadre de la sélection des cent pionniers, l'AFNIC procède à une analyse des candidatures par rapport aux valeurs de la ville de Paris et aux contenus proposés, analyse complétée par une vérification des droits de propriété intellectuelle invoqués par les candidats à partir des bases de données de propriété intellectuelle et en interaction avec la TMCH. Si des marques identiques existent et si un risque est identifié, le candidat pionnier est évincé. Si aucun risque n'est identifié, la candidature sera retenue. Une short liste des candidats pionniers sera donc publiée et accessible à tous sur le site "www.mondomaine.paris.fr", afin que les ayants-droit puissent, le cas échéant, porter réclamation auprès de l'AFNIC et de la ville de Paris.

Certaines garanties sont prises auprès des candidats pionniers par le biais de la conclusion d'un contrat spécifique entre ces derniers et la ville de Paris, relatif aux contenus qu'ils souhaitent mettre sur leur site. En outre, la ville de Paris a manifesté une vraie volonté de respect des droits de propriété intellectuelle, notamment par la mise en place des IP claims tout au long du lancement et pas seulement sur la phase de sunrise, afin que les ayants-droit puissent réagir rapidement si un nom de domaine en ".paris" porte atteinte à leur droit (cf. infra intervention de la TMCH).

En outre, une procédure de contestation des noms pionniers a été mise en place. Elle se base sur des critères connus :
- le nom de domaine du registrant doit être identique à celui du tiers revendiquant ou prêter à confusion dans l'esprit du consommateur ;
- le candidat pionnier ne doit avoir aucun droit ou aucun intérêt légitime sur le nom de domaine demandé ;
- le pionnier doit être de mauvaise foi.

Il s'agit d'une procédure interne gérée par la ville de Paris accompagnée par l'AFNIC au coût symbolique de 300 euros afin d'éviter un nombre trop important de contestations intempestives. Le contestataire doit prouver qu'il est détenteur d'une marque en France, que son usage est effectif ou connu du grand public et qu'elle a fait l'objet d'un enregistrement avant juillet 2011, date à laquelle l'ICANN a communiqué sur les nouvelles extensions gTLDs. Il est également envisageable qu'un ayant-droit n'invoque pas une marque mais un droit d'usage, un nom de société, de service...

Le contestataire devra également fournir une argumentation sur la mauvaise foi du candidat pionnier : perturbation des opérations commerciales d'un concurrent, empêcher la reprise du nom, profiter de la renommée, semer la confusion dans l'esprit du consommateur...

3 - La Trademark Clearinghouse (intervention des représentantes de Deloitte Belgium)

Dans le cadre de son programme des nouvelles extensions internet (NewgTLDs), l'ICANN a mis en place des mécanismes de protection de droits des marques face à la liberté de dépôt des noms de domaines. Le principe de la Trademark Clearinghouse, connu également sous l'acronyme TMCH, a été validé en 2009 par l'ICANN. A la suite d'un appel d'offre en 2011, la proposition commune de Deloitte Belgique et IBM a été retenue en 2012 pour opérer cette base mondiale de marques enregistrées. Chaque candidat à un NewgTLD s'est engagé à intégrer la TMCH dans son mode de fonctionnement.

  • Qu'est ce que la Trademark Clearinghouse ?

La Clearinghouse est un dépositoire de marques vérifiées par Deloitte, par rapport aux sources officielles. Il s'agit d'un mécanisme de protection global ouvert à tous les titulaires de marques, quelle que soit la juridiction où elle est protégée, et quelle que soit la marque en question (marques en alphabet latin, cyrillique, arabe...)

La Clearinghouse est composée de trois entités liées par contrats : Deloitte Belgique qui a gagné l'appel d'offre de l'ICANN, mandataire de ce dernier pour la mise en oeuvre de la Clearinghouse ; IBM, qui fournit la base de données ; et l'ICANN qui sera à terme propriétaire de cette base de donnée globalisée.

Les clients de Deloitte Belgique sont les titulaires de marques ou les agents qui procèdent à l'inscription des marques à la Clearinghouse et les clients de IBM sont les registres de noms de domaines qui auront accès aux informations nécessaires à l'enregistrement d'un nom de domaine.

  • Les fonctions de la Trademark Clearinghouse

La Clearinghouse a deux fonctions :
- l'authentification des marques qui lui sont soumises ;
- la création d'une base de données globale fournissant des informations sur les marques aux nouveaux registres gTLDs.

  • Le fonctionnement de la Trademark Clearinghouse

La marque doit être enregistrée et avoir le statut "vérifiée" pour être protégeable. L'enregistrement permet alors d'avoir accès à deux services privilégiés : la période de sunrise et les notifications. Cette protection est limitée aux labels qui sont générés une fois que la marque est soumise dans la Clearinghouse. Ainsi, par exemple lorsque le titulaire de la marque "Deloitte" la soumet à la Clearinghouse, un seul label sera automatiquement généré par le système, celui correspondant à 100 % de la marque, c'est-à-dire, dans notre exemple, "Deloitte". S'il apparaît dans la marque un caractère spécial qui ne peut pas être traduit dans le nom de domaine, par exemple "Deloitte % Deloitte", deux labels seront générés : d'une part, "DeloitteDeloitte", dans lequel est omis le caractère spécial, et d'autre part, "Deloitte-Deloitte", le tiret, caractère pouvant être présenté dans les noms de domaine, venant alors remplacer le caractère spécial. Les labels sont générés automatiquement et ne peuvent pas être manipulés.

- La période de sunrise

Il s'agit d'une période durant laquelle le titulaire de la marque bénéficie d'un enregistrement prioritaire des noms de domaines correspondant à ses labels. Cette période est de minimum 30 jours à partir du lancement de chaque nouvelle extension et tous les registres sont obligés de l'appliquer.

- Les Trademark claims notifications

Il s'agit d'un service d'alerte en cas d'enregistrement d'un nom de domaine correspondant aux labels de la marque pendant un minimum de 90 jours après la clôture de la période de sunrise. Ce service avertit à la fois les candidats à la réservation d'un nom de domaine et les détenteurs de marques commerciales enregistrées dans la TMCH d'infractions potentielles.

Le service fonctionne comme suit :

- les titulaires potentiels d'un nom de domaine reçoivent un avis les avertissant d'une tentative d'enregistrement d'un nom de domaine correspondant au nom de la marque commerciale présent dans la base Trademark Clearinghouse ;

- si, après avoir reçu et accusé réception de cet avis, le titulaire du nom de domaine poursuit la procédure d'enregistrement de nom de domaine, le titulaire d'une marque commerciale similaire sera informé de cet enregistrement, et pourra éventuellement prendre les mesures qu'il juge appropriées.

Ce service est particulièrement important pour la garantie des droits. En effet, dans le cadre d'une procédure judiciaire, le tiers ne pourra pas nier sa responsabilité et arguer qu'il ignorait l'existence de la marque.

- La preuve d'usage (POU)

Si le titulaire opte pour la sunrise, il doit prouver l'usage actuel de la marque c'est-à-dire que la marque est communiquée au consommateur afin de distinguer ses produits ou services de ceux de ses concurrents. La preuve d'usage est relativement simple. Deux documents doivent être fournis : la déclaration d'usage et un échantillon de preuve d'usage (ex. : photo d'un produit sur lequel la marque est mentionnée). A noter que, parmi ces preuves d'usages, la TMCH n'accepte pas la présence de la marque dans un nom de domaine, la mention de la marque dans des échanges privés (emails), les licences de marque (même inclue dans un ensemble contractuel comme un bail), ou encore les cartes de visite. etc. Il est toujours possible de soumettre la preuve d'usage après la vérification de la marque.

- Le Signed Mark Data File (SMD file)

Si le titulaire opte pour le sunrise, que sa marque a été vérifiée et que la preuve d'usage a été dûment rapportée, un fichier est automatiquement généré par le système : le SMD file, fichier crypté qui contient toutes les informations de la marque et qui sera transféré par le titulaire au register. Ce dernier le transfèrera au registré qui pourra vérifier avant l'enregistrement d'un nom de domaine dans son extension qu'il n'y a pas de conflit. Ce fichier est téléchargeable sur l'interface et est généré sur validation de la POU.

- Protection étendue aux abused labels

Nouveauté introduite en octobre 2013, la protection de la marque est étendue aux abused labels, c'est-à-dire les variations de la marque utilisées de mauvaise foi ou de manière frauduleuse dans un nom de domaine et qui ont fait l'objet d'une décision de justice ou URDP ayant reconnu, par exemple, que cette utilisation prête à confusion et porte ainsi atteinte au vrai détenteur de la marque. Il est donc possible d'attacher des abused labels pour les marques vérifiées. Les abused labels ne peuvent pas profiter de la période de sunrise mais le service de notification s'applique. Le nombre d'abused labels est limité à 50 par marque.

Il faut communiquer la décision de justice ou URDP qui a reconnu l'usage frauduleux pour pouvoir attacher la variation litigieuse à la marque.

  • Exemple de stratégies

Selon les représentantes de Deloitte, chaque entreprise doit choisir la stratégie la plus adaptée à ses intentions en matière de gTLDs. Trois stratégies ont été identifiées.

- L'approche proactive

Cette approche est adaptée aux entreprises, titulaires d'un portefeuille de marques, ayant un intérêt à en enregistrer certaines comme noms de domaines dans le but de créer un développement marketing autour de ces marques. Ces entreprises auront dont intérêt à enregistrer la marque à la TMCH et opter pour la sunrise afin d'enregistrer rapidement son nom de domaine et assurer sa présence dans les nouveaux gTLDs.

- L'approche préparée

Elle a pour but d'assurer la simple protection de la marque sans volonté particulière de développement d'une stratégie marketing autour de celle-ci. Le titulaire enregistrera alors sa marque dans la TMCH sans opter pour la sunrise et afin de bénéficier des claims notifications.

- L'approche préventive

Cette approche a pour objet de bloquer de manière préventive des gTLDs négatifs. La marque doit obligatoirement être enregistrée au sein de la TMCH pour obtenir une SMD file. Il faut noter que certains registrars, tels que Donuts, proposent une alternative de blocage, la DPML dans le cas de Donuts. En inscrivant une marque dans la DPML, le titulaire de la marque peut bloquer l'ensemble des noms de domaine reprenant cette marque dans toutes les extensions gérées par Donuts pour une période initiale de 5 ans, renouvelable pour 1 à 10 ans.

  • Les marques éligibles à la TMCH

Les marques éligibles à la TMCH sont les marques composées de lettres, de numéros et/ou de caractères spéciaux, uniquement. Les marques purement figuratives ne sont pas éligibles. Désormais, sont acceptées les marques comportant des points, sous réserve, toutefois, de limitations et d'exceptions : sont refusées les marques commençant par un point ou celles qui contiennent une extension déjà approuvée par l'ICANN ou sous examen.

Les marques doivent être enregistrées nationalement ou régionalement, ou avoir été validées par une décision judiciaire, ou encore bénéficier d'une protection issue d'une loi ou d'un Traité international (c'est le cas notamment au Canada pour les marques qui désignent un service public, ainsi que pour les AOC).

Ne sont pas éligibles à la TMCH, les marques en cours d'enregistrement, les marques expirées et non renouvelées, avec un bémol, toutefois pour ces dernières, si le titulaire rapporte la preuve qu'il a demandé le renouvellement et qu'il a procédé au paiement. De même, ne sont pas éligibles les marques qui ont fait l'objet d'une procédure de justice d'annulation ou de rectification ayant abouti.

  • La durée de l'enregistrement dans la TMCH

Le titulaire a le choix d'enregistrer sa marque pour 1 an, 3 ans ou 5 ans en fonction de la stratégie des titulaires de marques. L'enregistrement pour 3 ou 5 ans a notamment l'avantage d'assurer une vérification automatique annuelle de la marque sans que le titulaire n'ait de démarche active à effectuer.

  • Qui peut enregistrer une marque dans la TMCH ?

Deux catégories de personnes peuvent effectuer l'enregistrement d'une marque.

Il s'agit, tout d'abord, des titulaires de marques qu'ils soient propriétaires, licenciés ou cessionnaires. Pour les licenciés, la TMCH demande une preuve de la licence attestant qu'ils ont bien reçu du titulaire le droit d'utiliser la marque via un formulaire ad hoc téléchargeable sur le site internet de la TMCH.

Peuvent également enregistrer les marques dans la TMCH les agents agissant pour le compte des titulaires. L'avantage de s'enregistrer via un agent est de limiter le risque que la marque soit jugée incorrecte lors de son examen et éviter ainsi le double paiement en cas de marque non dûment corrigée. En effet, lorsque le formulaire n'est pas correctement complété, le déposant a la possibilité de le modifier une seule fois sans frais. Au second refus, la marque est déclarée non-valide et la seule possibilité de l'inscrire dans la TMCH est de la soumettre de nouveau en payant une nouvelle fois les droits (150 euros pour un enregistrement d'un an).

  • L'enregistrement de la marque dans la TMCH

L'enregistrement s'effectue en quatre étapes :
- s'enregistrer en tant que titulaire ou agent ;
- soumettre les informations mentionnées sur le certificat de la marque dans l'interface de la TMCH ;
- effectuer le paiement pour que la marque soit vérifiée ;
- vérification de la marque par les équipes de la TMCH.

A ce stade, soit la marque est validée, soit la marque est incorrecte en raison d'erreurs ou d'informations manquantes. Dans ce dernier cas, le "déposant" a la possibilité de corriger une seule fois son dossier, qui repart alors en vérification dans son intégralité.

  • Statistiques

Aujourd'hui, environ 19 000 marques ont été en soumises dans la TMCH avec une importante accélération ces derniers mois, en raison de l'imminence de l'ouverture des premiers nouveaux gTLDS. Cela représente 1 290 titulaires de droits. 92 % des marques sont vérifiées ; elles représentent 100 juridictions différentes. La première juridiction qui soumet des marques à la TMCH est les Etats-Unis, suivis par la France (plus de 1 900 marques), puis l'Allemagne et le Royaume-Uni. Les marques n'étant pas en caractères latins sont au nombre de 600 environ.

La TMCH a créé une page spéciale informant sur les différentes périodes de sunrise qui s'ouvrent.

  • Avantages à s'enregistrer dans la TMCH

L'enregistrement dans la TMCH permet notamment de se protéger contre le cybersquatting mais aussi de bénéficier d'une priorité d'enregistrement d'un nom de domaine et donc d'une excellente visibilité sur le web.

En outre, comme évoqué précédemment, l'enregistrement dans la TMCH permet de profiter des périodes de sunrise et des notifications pour tous les nouveau gTLDS créés par l'ICANN. Tous les registres doivent, d'ailleurs, appliquer un minimum de 30 jours de sunrise. Enfin en cas de litige, l'enregistrement dans la TMCH accroît les chances d'obtenir une décision favorable.

newsid:440719

Négociation collective

[Brèves] Impossibilité de remettre en cause, par voie d'exception, un accord de prorogation des mandats appliqué sans réserve par l'employeur

Réf. : Cass. soc., 4 février 2014, n° 11-27.134, FS-P+B (N° Lexbase : A9068MD9)

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N0784BUL

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Le 15 Février 2014

L'employeur ne peut remettre en cause, par voie d'exception, un accord collectif prorogeant les mandats qu'il a signé et appliqué sans réserves. Telle est la solution rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 4 février 2014 (Cass. soc., 4 février 2014, n° 11-27.134, FS-P+B N° Lexbase : A9068MD9). En l'espèce, le mandat d'un salarié, élu membre du comité d'entreprise, avait fait l'objet de prorogations successives par accords collectifs, respectivement conclus les 24 juin 2004, 16 septembre 2005 et 26 octobre 2006. Le représentant du personnel a fait l'objet d'un licenciement notifié le 22 juin 2007, à la suite duquel une transaction est intervenue le 9 juillet 2007. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire constater la nullité de son licenciement, ainsi que la transaction signée postérieurement, faute pour l'employeur d'avoir respecté les règles du statut protecteur.
La cour d'appel ayant retenu que la prorogation du mandat du salarié protégé était valide et que la rupture de son contrat de travail était donc gouvernée par le régime exorbitant du droit commun, l'employeur s'est pourvu en cassation. Au soutien de son pourvoi, pour démentir la qualité de salarié protégé, il discutait la réalisation de la condition d'unanimité de l'accord collectif de prorogation des mandats et, partant, son efficacité juridique.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d'appel. Pour ce faire, elle rappelle qu'un employeur ne peut remettre en cause, par voie d'exception, des obligations conventionnelles dont il a fait une application sans réserves. Tirant les conséquences de ce principe appliqué aux circonstances de l'espèce, elle décide que la cour d'appel, ayant constaté l'existence de trois accords successifs de prorogation des mandats, signés et régulièrement mis en oeuvre par l'employeur, pouvait, à bon droit, décider, qu'en application de ces dispositions conventionnelles, le salarié pouvait se prévaloir, au moment de la rupture, de la qualité de salarié protégé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1780ET4 et N° Lexbase : E1913ET2).

newsid:440784

Négociation collective

[Brèves] Condition suspensive exigeant l'unanimité des partenaires sociaux et validité des accords collectifs de travail

Réf. : Cass. soc., 4 février 2014, n° 12-35.333, FS-P+B (N° Lexbase : A9119MD4)

Lecture: 2 min

N0747BU9

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Le 13 Février 2014

Les conditions de validité d'un accord collectif étant d'ordre public, un accord collectif ne peut subordonner sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi. Telle est la portée d'un arrêt rendu le 4 février 2014 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc. 4 février 2014, n° 12-35.333 N° Lexbase : A9119MD4).
Au cas présent, les partenaires sociaux, au titre de la négociation annuelle obligatoire, avaient négocié un accord collectif prévoyant une augmentation des salaires et de la prime transport respectivement de 2,7 % et de 2 %. La mise en oeuvre de ces stipulations était expressément conditionnée par une signature unanime de toutes les organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise. L'accord n'a finalement été signé, le 18 décembre 2008, que par deux organisations syndicales représentatives.
Un contentieux s'est noué sur l'efficacité juridique de la clause suspensive contenue par l'accord. La cour d'appel a dit l'accord applicable malgré la clause suspensive et, par voie de conséquence, jugeant la clause suspensive inopposable, a condamné l'employeur à appliquer à l'ensemble des salariés les augmentations prévues dans l'accord.
L'employeur, se prévalant de la liceité de la clause suspensive, et à titre subsidiaire de la nullité de l'accord -et non son inopposabilité- comme sanction d'une clause illicite, s'est pourvu en cassation.
La Haute juridiction approuve le raisonnement de la cour d'appel, rappelant qu'il n'est pas loisible aux partenaires sociaux de disposer des règles gouvernant les conditions de validité des accords collectifs. Elle souligne, à cette fin, que "les conditions de validité d'un accord collectif sont d'ordre public ; qu'il en résulte qu'un accord collectif ne peut subordonner sa validité à des conditions de majorité différentes de celles prévues par la loi ". La cour d'appel ayant constaté que l'accord avait été signé par, au moins, un syndicat représentatif -le principe d'unicité de signature étant encore en vigueur- , celui-ci était donc parfaitement valable. De sorte que la clause suspensive d' "unanimité" ne pouvait être utilement invoquée par l'employeur pour se "soustraire" à ses obligations conventionnelles. Autrement dit, s'il peut être admis que les partenaires sociaux conditionnent, notamment de manière suspensive, l'objet de leurs négociations (voir par exemple s'agissant d'un droit à commissions, Cass. soc., 28 octobre 2008, n° 06-46.398, , FS-D N° Lexbase : A0561EBE), ils doivent, en revanche, se conformer strictement aux conditions de validité des accords légalement prescrites, sans pouvoir les aménager. (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2232ETT).

newsid:440747

Procédure civile

[Chronique] Chronique de procédure civile - Février 2014

Lecture: 15 min

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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 13 Février 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II, membre de l'Institut universitaire de France. L'auteur s'arrête, d'abord, sur quelques décisions importantes en matière de principes de procédure civile, concernant l'impartialité de la juridiction (Cass. soc., 23 oct. 2013, n° 12-16.840, F-D), la loyauté dans l'estoppel et le régime des fins de non-recevoir (Cass. civ. 2, 14 novembre 2013, n° 12-25.835, F-P+B), ainsi que l'autorité de la chose jugée (Cass. civ. 1ère, 4 déc. 2013, n° 12-25088, F-P+B) ; ensuite, il s'intéresse à certaines décisions concernant la procédure en appel et notamment les premiers assouplissements du décret "Magendie" (Cass civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-24.145, FS-P+B ; Cass. civ. 2, 17 octobre 2013, n° 12-21.242, F-P+B) ; enfin, il évoque la question de la compétence du juge de la mise en état (Cass. com., 7 janvier 2014, n° 11-24.157, F-P+B). I - Principes de la procédure civile

A - Impartialité de la juridiction

  • La motivation injurieuse énoncée dans une décision de justice remet en question l'impartialité de la juridiction (Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-16.840, F-D N° Lexbase : A4684KNS ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E3805EUH)

Le principe d'impartialité des magistrats ou des juridictions est souvent appréhendé sous l'angle du cumul de fonctions. Il est ainsi convenu qu'un magistrat qui a siégé en première instance ne peut être présent dans la juridiction du second degré, ou encore, qu'un juge des référés qui a accordé une provision n'est plus impartial pour statuer par la suite sur le fond du litige. Plus rares, sont les affaires d'impartialité dite "subjective" ou "personnelle". Le défaut d'impartialité subjective résulte du préjugé qu'un juge peut avoir sur une affaire en raison de ses convictions personnelles. Cette impartialité est délicate à déceler et c'est pour cette raison que la jurisprudence est peu abondante.

C'est d'ailleurs l'intérêt de l'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 23 octobre 2013. Dans cette affaire, la propriétaire d'un grand domaine avait employé une personne pour des tâches de gardiennage et d'entretien de sa maison, de son parc et de ses animaux domestiques. A la suite de la rupture du contrat de travail, un litige a opposé les deux parties et la cour d'appel a condamné l'employeur à un certain nombre d'indemnités et de rappels de salaires. Dans son arrêt, la cour d'appel portait un regard particulièrement sévère sur le comportement de l'employeur et lui imputait le fait d'avoir voulu "réinventer le servage". Le pourvoi reprochait notamment à l'arrêt d'avoir statué en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité.

Cette argumentation a été accueillie par la Cour de cassation. En visant l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et en rappelant que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, la Cour de cassation a affirmé avec netteté "qu'en statuant en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

La motivation injurieuse constitue ainsi une violation du principe d'impartialité. Cet exemple est caractéristique du défaut d'impartialité subjective. La Cour de cassation a, déjà, eu l'occasion de se prononcer en ce sens, à propos d'une juridiction de proximité qui avait retenu dans son jugement "la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté". L'arrêt fut cassé au motif qu'"en statuant en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, le juge a violé le texte susvisé" (1).

En reprenant cette formule à l'identique, la Chambre sociale établit une jurisprudence constante qui permet de déduire le défaut d'impartialité de la motivation d'une décision de justice. Cette motivation constitue un des seuls éléments qui permet d'éclairer les parties sur l'impartialité du juge. Elle constitue l'un des fondements de la justice démocratique, et donc du procès équitable. La motivation ne permet pas seulement de comprendre la décision. Elle doit inspirer la confiance des justiciables (2). C'est pour cette raison que la Cour de cassation lie ainsi motivation et impartialité.

B - Loyauté : estoppel et régime des fin de non-recevoir

  • L'abus dans l'usage tardif d'une fin de non-recevoir ne peut être sanctionné que par des dommages-intérêts ; la fin de non-recevoir tardive ne constitue pas un estoppel (Cass. civ. 2, 14 novembre 2013, n° 12-25.835, F-P+B N° Lexbase : A6124KPI ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5590EUL)

L'estoppel est une règle selon laquelle une personne ne peut se contredire au détriment d'autrui. Nous avons déjà évoqué ce nouveau principe directeur du procès au cours de précédentes chroniques. Reconnu par un arrêt d'Assemblée plénière (3), l'estoppel est appliqué avec une particulière vivacité par la première chambre civile (4).

En procédure civile, l'estoppel sanctionne le comportement d'un plaideur qui adopte une attitude constante durant une partie de la procédure, et qui change brutalement sa stratégie de défense de façon déloyale. Pour la première chambre civile, il s'agit du "changement de position en droit d'un plaideur de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions" (5). Il en est ainsi de l'attitude d'une société qui s'est défendue avec constance durant l'instance au fond, qui a exercé un pourvoi en cassation, et qui devant la juridiction de renvoi prétend qu'elle est dépourvue de la personnalité juridique pour échapper à sa condamnation (6).

Les faits de l'espèce sont assez proches. Un litige opposait le propriétaire d'un local commercial à son locataire, une société. Cette dernière avait participé à la procédure devant le juge des loyers commerciaux. Elle avait joué un rôle actif durant l'expertise, conclu devant la juridiction du premier degré et formé appel contre la décision. Devant la cour d'appel, elle avait conclu au fond, puis, dans un retournement de position, avait soulevé une fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité en invoquant le fait qu'elle avait transmis le fonds de commerce et le droit au bail à une autre société.

La manoeuvre était assurément déloyale. La société était apparue comme défenderesse à la procédure en y participant activement et en interjetant appel. La stratégie de défense choisie en fin de procès visait uniquement à se dérober à une condamnation qu'elle savait inévitable. Ainsi, la cour d'appel avait déclaré irrecevable la fin de non-recevoir en affirmant que la société "ne pouvait, sans se contredire au détriment d'autrui, se prévaloir de son défaut de qualité".

Cette décision semble s'inscrire dans la continuité de la jurisprudence sur l'estoppel et le principe de loyauté procédurale, mais elle est cassée par la deuxième chambre civile au motif que "les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt".

L'arrêt constitue une application stricte de l'article 123 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1415H48) mais la solution ne manque pas de surprendre. La montée en puissance de l'estoppel dans la jurisprudence traduit le caractère fondamental du principe de loyauté procédurale. Ce principe interdit aux plaideurs de détourner l'usage des dispositions du Code de procédure civile. En matière pénale, la Chambre criminelle sanctionne ainsi l'attitude des autorités publiques, lorsque leur comportement déloyal "élude les règles de la procédure" (7). Le détournement de procédure constitue un abus, dans l'usage des règles prévues par le Code de procédure civile. Il est ainsi possible de relier la déloyauté avec l'abus. Toutefois, l'abus de droit est sanctionné par la mise en oeuvre de la responsabilité civile. C'est ce que rappelle la Cour de cassation lorsqu'elle énonce que l'usage dilatoire des fins de non-recevoir donne au juge la possibilité de prononcer des dommages-intérêts.

En définitive, cet arrêt marque une limite à la progression de l'estoppel dans la procédure civile française, et cela est certainement regrettable. Dans cette affaire, la technique utilisée par la société pour se dérober à une condamnation au fond est déloyale. La sanction la plus efficace consisterait à empêcher un plaideur à se prévaloir d'une fin de non-recevoir dans de telles conditions. Certes, la lettre de l'article 123 du Code de procédure civile autorise la mise en oeuvre tardive des fins de non-recevoir, mais l'esprit de la procédure doit également être pris en considération. La conciliation opérée dans cet arrêt entre l'estoppel et l'article 123 du Code de procédure civile paraît s'éloigner de cet esprit.

C - Autorité de la chose jugée

  • Le refus par une partie d'exécuter un jugement ne constitue pas un fait nouveau privant cette décision de l'autorité de la chose jugée (Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-25.088, F-P+B N° Lexbase : A8336KQS ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E4638EUC)

L'autorité de la chose jugée est un principe qui fait l'objet d'une jurisprudence nourrie, notamment depuis que l'arrêt "Cesareo" en a réduit le champ d'application (8). Par la suite, la troisième chambre civile est venu préciser que "que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice". Il convient donc de retenir que l'apparition d'un fait nouveau à l'issue de la procédure remet en cause la chose jugée et permet d'exercer une nouvelle action portant sur le même objet entre les mêmes parties.

C'est la notion de fait nouveau qui a fait l'objet de l'arrêt rendu le 4 décembre 2013 par la première chambre civile. En l'espèce, à la suite de la séparation d'un couple, un jugement a ordonné le partage en nature de l'ensemble des biens immobiliers indivis du couple (Mme X et M. Y). Plusieurs rendez-vous devant le notaire ont été convenus pour procéder à ce partage, mais Mme X ne s'y est jamais présenté. Après établissement d'un procès-verbal de carence, M. Y a sollicité en justice la vente aux enchères des biens indivis. Cette vente a été prononcée par un premier jugement et confirmée en appel. Pourtant, devant les juges du second degré, Mme X a invoqué l'autorité de la chose jugée pour s'opposer à la vente aux enchères. Selon elle, le partage en nature qui avait été décidé au cours du premier procès ne pouvait être remis en cause. Cet argument a été rejeté par la cour d'appel, qui a considéré que le fait de se dérober à l'exécution du jugement constituait un fait nouveau qui empêchait Mme X de se prévaloir de l'autorité de la chose jugée.

La Cour de cassation a cassé cette décision en affirmant que "le refus par Mme X d'exécuter un jugement devenu irrévocable ne pouvait constituer un fait nouveau privant cette décision de l'autorité de la chose jugée".

Une telle solution semble s'imposer. Certes, le fait de s'opposer à un partage en nature constitue bien un fait nouveau postérieur à la décision de justice, mais ce fait ne change pas les données du litige. Pour résoudre les difficultés d'exécution, celui qui se prévaut de la décision de justice doit utiliser les outils que le droit met à sa disposition pour procéder au partage. Il s'agit alors de trouver un substitut à la défaillance de l'un des indivisaires, mais pas de solliciter la vente aux enchères.

La solution est généralisable. Les difficultés d'exécution d'un jugement ne constituent pas des faits nouveaux et il est impossible de solliciter une autre décision de justice au seul motif que la décision rendue n'a pas été exécutée volontairement.

II - Procédure en appel : premiers assouplissements du décret "Magendie"

  • Le défaut de communication simultanée des pièces en appel n'entraîne ni la caducité de l'appel, ni la mise à l'écart des pièces, si ces dernières ont été communiquées en temps utile (Cass civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-24.145, FS-P+B N° Lexbase : A4197MDS; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E6892ETG)

L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 30 janvier 2014 est un arrêt essentiel, qui aurait mérité une publication sur internet. D'une part, il vient apporter une précision sur l'absence de lien entre la communication des pièces et la caducité de l'appel. D'autre part, il remet en cause la position adoptée par la Cour de cassation dans un important avis du 25 juin 2012 (10).

L'espèce soumise à la Cour de cassation portait, au fond, sur une action en contrefaçon exercée par une journaliste contre son ancien employeur. L'appelant avait communiqué ses pièces trois semaines après la signification de ses conclusions. Cette communication était en contradiction avec l'article 906 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0367ITR) qui dispose que "les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie".

Avant l'arrêt commenté, l'obligation de communication simultanée a donné lieu à plusieurs précisions jurisprudentielles qui en ont renforcé la sévérité. Ainsi, dans un important avis rendu le 25 juin 2012, la Cour de cassation a affirmé que les pièces qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions "doivent être écartées". Plus encore, dans un autre avis rendu le 21 janvier 2013 (11), la Cour de cassation a considéré que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour se prononcer sur la recevabilité des pièces communiquées après les conclusions. La situation d'un plaideur qui n'avait pas communiqué ses pièces simultanément était donc délicate, puisqu'il devait attendre une audience devant la juridiction du fond pour connaître le sort réservé à ces preuves.

Dans l'arrêt commenté, le pourvoi invoquait la tardiveté de la communication des pièces pour solliciter l'application de deux sanctions différentes.

- D'une part, il arguait que les pièces ayant été communiquées plus de trois mois après la déclaration d'appel, la caducité de l'appel devait être prononcée. En d'autres termes, le pourvoi sollicitait l'application de l'article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP), non seulement aux conclusions communiquées au-delà du délai de trois mois imposé par le code, mais aussi aux pièces qui doivent communiquées simultanément aux conclusions.

La Cour de cassation rejette sans surprise cette analyse. Elle affirme que "seule l'absence de conclusions dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel est sanctionnée par la caducité de l'appel". La solution s'impose, puisque l'article 908 du Code de procédure civile, qui prévoit la caducité, ne vise que l'obligation de conclure dans le délai de trois mois, et non la communication des pièces.

- D'autre part, le pourvoi sollicitait le rejet des pièces qui avaient été communiquées postérieurement au dépôt des conclusions. Ici, la demande semblait fondée puisque la Cour de cassation s'était prononcée dans ce sens dans son avis du 25 juin 2012 dépourvu de toute ambiguïté. Toutefois, le pourvoi est rejeté et la deuxième chambre civile affirme, au visa de l'article 15 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1132H4P), que les parties doivent se faire connaître "en temps utile", les éléments de preuve qu'elles produisent. Elle constate ensuite que les pièces communiquées trois semaines après les conclusions avaient été "communiquées en temps utile" et ne pouvaient donc être écartées.

L'arrêt publié au bulletin a toutes les apparences d'un revirement de jurisprudence (12). L'obligation de communication simultanée de l'article 906 du Code de procédure civile est omise dans la motivation de l'arrêt de rejet. La Cour de cassation fait comme si l'article n'avait ici aucune portée juridique. Il faut reconnaître que le code n'a assorti l'obligation de communication simultanée d'aucune sanction. Toutefois, on pourrait arguer que l'article 906 constitue une règle spéciale au regard de l'article 15 du Code de procédure civile et que devant la cour d'appel la communication "simultanée" devrait s'imposer sur la communication "en temps utile". A l'inverse, si l'article 15 évince totalement l'article 906 dans la jurisprudence de la Cour de cassation, on peut douter de l'utilité de la règle spéciale.

Pour apprécier la valeur de cet arrêt, il reste à s'interroger sur l'esprit de la réforme de la procédure d'appel. Cette procédure est marquée par une volonté d'efficacité procédurale, qui se traduit dans l'obligation de communication simultanée. Cependant, le fait d'écarter systématiquement des pièces au seul prétexte d'une communication décalée semble difficilement compatible avec les droits de la défense. La Cour de cassation ramène donc le curseur dans une position d'équilibre. La communication doit avoir lieu en temps utile pour assurer le respect du contradictoire. La solution s'impose et il serait peut-être plus sage d'abroger l'article 906, tant les difficultés d'application qu'il créé dans la pratique sont grandes.

  • Le relevé d'office de la caducité de l'appel est une simple faculté pour le juge (Cass. civ. 2, 17 octobre 2013, n° 12-21.242, F-P+B N° Lexbase : A1043KNX ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1265EUE)

La précision apportée par l'arrêt du 17 octobre 2013 est importante, car elle porte sur la sanction la plus radicale du décret "Magendie". C'est l'article 908 du Code de procédure civile qui est à l'honneur, en ce qu'il prévoit que l'appelant dispose de trois mois pour conclure, "à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office".

Dans l'espèce soumise à la Cour de cassation, l'appelant a déposé ses conclusions quatre mois après la déclaration d'appel. Il ne faisait donc aucun doute que la caducité était encourue. Mais dans cette affaire, les intimés se sont abstenus de conclure, tant sur la caducité de l'appel, que sur le fond. Condamnés par la juridiction du second degré, ils ont tenté d'invoquer la caducité de l'appel devant la Cour de cassation.

La question soulevée par le pourvoi était intéressante, car elle portait sur le "relevé d'office" de la caducité. La formule de l'article 908 est ambiguë, car elle ne précise pas si le juge peut ou doit prononcer d'office cette sanction. Dans le premier cas, l'abstention du juge et des parties prolonge l'effet de l'appel et permet son examen au fond. Dans le second cas, si la caducité n'est pas relevée d'office, l'arrêt d'appel doit être cassé.

La Cour de cassation répond à cette question de façon indirecte. Elle considère que la partie qui n'a pas usé de la faculté de saisir le conseiller de la mise en état en vue d'obtenir le prononcé de la caducité n'est plus recevable à invoquer ce grief dans un pourvoi en cassation. Implicitement, la Haute juridiction reconnaît au juge le pouvoir de relever d'office la caducité, mais pas le devoir.

Cette décision est importante, car elle assouplit la mise en oeuvre de la caducité, qui constitue une sanction radicale. Elle garantit également plus de sécurité juridique aux procédures d'appel dans lesquelles la caducité est encourue mais n'est pas prononcée. Enfin, elle établit un certain équilibre entre le rôle du juge est des parties, quant au contrôle du respect des obligations du décret "Magendie".

III - Compétence du juge de la mise en état : frontière entre l'incident et l'exception

  • La demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure et non un incident d'instance (Cass. com., 7 janvier 2014, n° 11-24.157, F-P+B N° Lexbase : A2054KTA ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E3947EUQ)

Les catégories du Code de procédure civile sont trompeuses. C'est la leçon que l'on peut tirer de cet arrêt rendu en formation plénière de chambre et publié au bulletin.

Dans cette espèce, une partie avait formulé devant le juge de la mise en état une demande de sursis à statuer et la question se posait de savoir si ce juge était compétent pour statuer sur la demande. En effet, la compétence du juge de la mise en état est définie strictement par l'article 771 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8431IRP). Ce dernier peut notamment statuer sur les incidents qui mettent fin à l'instance et sur les exceptions de procédure.

Le sursis à statuer est visé à l'article 378 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2245H4W) qui figure dans un Titre 11 du code relatif aux incidents d'instance. Par ailleurs, l'article en question précise que le sursis "suspend le cours de l'instance". Il semble donc que le sursis à statuer constitue un incident qui ne met pas fin à l'instance et ne relève donc pas de la compétence du juge de la mise en état. C'est d'ailleurs en ce sens qu'a statué la cour d'appel dans cette espèce.

Pourtant, l'arrêt est cassé au motif que "la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure". La motivation est laconique et laisse perplexe, puisque les exceptions de procédures sont énumérées dans le Titre 5 du Code et que le sursis à statuer n'en fait pas partie. En réalité, le code entretient une certaine confusion entre les catégories, puisqu'il définit les exceptions de procédure à l'article 73 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1290H4K), comme "tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours". Précisément, la demande de sursis tend à suspendre le cours de la procédure. Il peut donc être rattaché aux exceptions de procédure. C'est d'ailleurs dans cet esprit que la Cour de cassation a jugé par le passé qu'une demande de sursis à statuer doit être soulevée avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir, conformément à l'article 74 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1293H4N), qui définit ainsi le régime des exceptions de procédure (13). La solution présente donc une certaine cohérence, mais elle remet en cause l'organisation du code de procédure civile, souvent louée pour sa rigueur et sa logique.


(1) Cass. civ. 2, 14 septembre 2006, n° 04-20.524, FS-P+B (N° Lexbase : A0226DRS), D., 2006, IR, p. 2346
(2) CEDH, 23 avril 1996, Req. 16839/90, R. c/ France, § 8 à propos d'un juré d'assises qui avait déclaré entre deux audiences qu'il était raciste.
(3) Notre chronique, in Lexbase Hebdo n° 344 du 2 avril 2009 - édition privée (N° Lexbase : N9948BIB).
(4) Notre chronique, in Lexbase Hebdo n° 409 du 23 septembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N0930BQI).
(5) Cass. civ. 1, 3 février 2010, n° 08-21.288, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2062ERS), JCP éd. G, 2010, 626, note D. Houtcieff.
(6) Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-22.888, F-P+B (N° Lexbase : A9523HXY).
(7) Cf. Cass. crim. 3 avril 2007, n° 07-80.807, F-P+F+I (N° Lexbase : A0391DWE), D., 2007, 1422, 1817 et Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 13-85.246, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0243KT8).
(8) Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, P+B+R+I (N° Lexbase : A4261DQU), D., 2006, p. 2135, Procédures, n° 10, octobre 2006, comm. 201.
(9) Cass. civ. 3, 25 avril 2007, n° 06-10.662, FS-P+ B (N° Lexbase : A0267DWS), D., 2007, IR, p. 1344.
(10) Cass. avis, 25 juin 2012, n° 1200005 (N° Lexbase : A8822IPG).
(11) Cass. avis, 21 janvier 2013, n° 1300003 (N° Lexbase : A8266I3K).
(12) En ce sens, B. Travier, R. Guichard, La communication des pièces en appel : la Cour de cassation revire sur son avis du 25 janvier 2012 !, JCP éd. G, 2014, 161.
(13) Cass. com., 8 février 1982, n° 79-12.174 (N° Lexbase : A5705CGE), Bull. civ. IV, n° 49.

newsid:440783

Procédure pénale

[Brèves] Réparation du dommage de la partie civile par la personne relaxée

Réf. : Cass. crim., 5 février 2014, n° 12-80. 154, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5811MDL)

Lecture: 2 min

N0716BU3

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Le 15 Février 2014

Le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée, résulte de la faute civile, démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 5 février 2014 (Cass. crim., 5 février 2014, n° 12-80.154, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5811MDL ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2044EUA). En l'espèce, M. X a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance pour avoir détourné des fonds destinés à la rémunération de salariés d'un groupement associatif en employant ceux-ci, à des fins personnelles, pendant leur temps de travail. Les premiers juges, après l'avoir relaxé, ont déclaré irrecevable en ses demandes la partie civile qui a, seule, relevé appel. Pour allouer des dommages-intérêts au groupement associatif, la cour d'appel a retenu que M. X pouvait se voir imputer des faits présentant la matérialité du délit d'abus de confiance , S'étant pourvu en cassation, M. X a argué de ce que les juges d'appel ont méconnu le droit à la présomption d'innocence en le condamnant au paiement de dommages-intérêts et en lui imputant la commission d'une infraction pour laquelle il a bénéficié d'une relaxe en première instance devenue définitive, violant ainsi les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9741IPH). La Haute juridiction ne lui donne pas gain de cause car, souligne-t-elle, si c'est à tort que, pour allouer des dommages-intérêts au groupement, l'arrêt a retenu que M. X pouvait se voir imputer des faits présentant la matérialité du délit d'abus de confiance, celui-ci ayant été définitivement relaxé de ce chef, l'arrêt n'encourt, cependant, pas la censure dès lors qu'il résulte de ses constatations que M. X, en ayant eu recours, pendant leur temps de travail, à des salariés rémunérés par la partie civile, qui ne l'y avait pas autorisé, a commis une faute qui a entraîné, pour le groupement associatif, un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation, pour un montant que les juges ont souverainement évalué, dans les limites des conclusions dont ils étaient saisis.

newsid:440716

Propriété intellectuelle

[Manifestations à venir] Actualité jurisprudentielle du droit des dessins et modèles

Lecture: 1 min

N0765BUU

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Le 13 Février 2014

Le jeudi 27 mars 2014, se tiendra une conférence organisée par l'IRPI (Institut de recherche en propriété intellectuelle), consacrée aux récents développements jurisprudentiels et réglementaires en droit des dessins et modèles.
  • Intervenants

Patrice de Candé, Avocat
Charles de Haas, Avocat

  • Programme

- Actualité française

Conditions de protection
Droit spécial des dessins et modèles - Droit d'auteur
Contrefaçon
Recevabilité de l'action - Conditions de fond
Procédure
Questions de compétences
Saisie-contrefaçon et constats d'huissier
Droit à l'information
Autres questions de procédure
Préjudice
Parasitisme/Concurrence déloyale

- Actualité communautaire (OHMI/TUE/CJUE)

Utilisateur averti
Art antérieur pris en compte
Atteinte à une marque

- Actualité étrangère

Périmètre de l'art antérieur
Utilisateur averti
Portée de l'acte de dépôt

  • Date

Jeudi 27 mars 2014
9h00 à 13h00

  • Lieu

CCI Paris Ile-de-France
27, avenue de Friedland 75008 Paris
Auditorium Mercure

  • Prix

390 euros (non assujettis à la TVA)

  • Contact

Sylvie Mostier : smostier@cci-paris-idf.fr

Heures validées au titre de la formation des avocats

newsid:440765

Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Rupture conventionnelle : précisions procédurales et intégrité du consentement

Réf. : Cass. soc., 29 janvier 2014, quatre arrêts, n° 12-24.539 (N° Lexbase : A2278MDQ), n° 12-25.951 (N° Lexbase : A4287MD7), n° 12-22.116 (N° Lexbase : A4441MDT), n° 12-27.594 (N° Lexbase : A2279MDR), FS-P+B

Lecture: 15 min

N0766BUW

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 13 Février 2014

Une salve de quatre décisions rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 janvier 2014 apporte diverses précisions au régime juridique de la rupture conventionnelle du contrat de travail et, en particulier, aux différents aspects de procédure. Il en ressort le sentiment très fort que la Chambre sociale n'entend pas se laisser enfermer par une tentative des plaideurs d'attaquer les écueils procéduraux des ruptures conventionnelles pour privilégier l'analyse de l'existence ou non d'un consentement valable. Ces décisions précisent, pour une grande partie, les informations qui doivent ou ne doivent pas être délivrées par l'employeur au salarié (I), prennent position quant aux personnes aptes à assister le salarié durant l'entretien préalable de négociation de la convention (II) et, enfin, se prononcent sur la date de la rupture devant être prise en compte pour comptabiliser le délai imparti à l'employeur pour renoncer à une clause de non-concurrence (III).
Résumé

Une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article L. 1237-13 du Code du travail (N° Lexbase : L8385IAS) ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer son droit à rétractation.

Après avoir constaté que le salarié avait conçu un projet de création d'entreprise, la cour d'appel a souverainement retenu que l'absence d'information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel n'avait pas affecté la liberté de son consentement.

Le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail dont dispose contractuellement l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture.

Le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture.

Le choix du salarié de se faire assister lors de cet entretien par son supérieur hiérarchique, dont peu importe qu'il soit titulaire d'actions de l'entreprise, n'affecte pas la validité de la rupture conventionnelle.

Commentaire

I - Rupture conventionnelle et information du salarié

  • Egalité des parties et procédure de négociation de la rupture conventionnelle

Le caractère contractuel de la rupture conventionnelle du contrat de travail a pour effet de placer, un peu artificiellement parfois, l'employeur et le salarié sur un pied d'égalité au stade de la négociation des conditions de la rupture. Le Code du travail, en effet, se désintéresse du fait de savoir qui a réellement pris l'initiative de la rupture et des raisons, des motifs pour lesquels les parties souhaitent la rupture. Seule importe l'existence d'un consentement valable (1).

Cette égalité des parties lors de la négociation de la rupture emporte plusieurs conséquences. Chacune des deux parties peut prendre l'initiative de la rupture et peut transmettre la convention de rupture conclue à l'administration du travail en vue d'une homologation (2). En outre, aucune des parties n'est tenue d'informer l'autre partie de ses droits (3).

  • Nature des informations devant être délivrées au salarié à l'occasion de la rupture du contrat

Cela est spécialement le cas s'agissant de l'information du salarié de la possibilité de se faire assister lors du ou des entretiens préalables destinés à préparer la rupture conventionnelle. Aucun des textes applicables à la rupture conventionnelle n'oblige l'employeur à informer le salarié de son droit à être assisté lors des entretiens. Le salarié ne bénéficie pas davantage d'un droit d'être informé de l'existence du droit de rétractation prévu par le Code du travail.

Seule une obligation d'information est mise à la charge de l'employeur, celle d'informer le salarié de la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel. Certainement, cette information n'est pas prévue par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (N° Lexbase : L4999H7B), mais résulte de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (N° Lexbase : L1048IWQ) (4). Elle est, en principe, délivrée, de manière un peu mécanique, il est vrai, par le biais du formulaire d'homologation transmis à l'administration du travail qui fait état de cette information (5).

Malgré la faiblesse de ces obligations textuelles, la Chambre sociale a, toutefois, exigé qu'un exemplaire de la rupture conventionnelle soit obligatoirement remis au salarié dans le but de garantir la liberté de son consentement "en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause" (6). Il y avait ici, implicitement, une volonté judiciaire de s'assurer que le salarié avait bien été informé de l'existence d'un droit de rétractation. Il aurait, toutefois, été bien audacieux d'en déduire l'existence d'une obligation d'information à la charge de l'employeur sur cette question.

  • Les arguments en faveur de la création d'obligations d'information prétoriennes

Malgré les faibles exigences du texte en matière d'information des parties, il demeurait des raisons de se demander si la Chambre sociale de la Cour de cassation ne pouvait pas être plus exigeante que le législateur en la matière.

D'abord, parce que le présupposé selon lequel la négociation se déroule sur un pied d'égalité est souvent illusoire, la relation de travail n'étant pas encore rompue contrairement, par exemple, à ce qui se produit lors de la négociation d'une transaction. Ensuite, parce que le Code du travail (7), comme la Cour de cassation d'ailleurs (8), prêtent une très grande importance à la validité du consentement des parties. Or, on sait bien que l'information des parties sur leurs droits est un élément fondamental de l'intégrité de leur consentement (9). Il y avait tout lieu de penser, dès lors, que malgré le silence des textes, une interprétation favorable à l'identification d'obligations d'information à la charge des parties pourrait émerger.

Trois des quatre décisions présentées apportent quelques précisions sur cette question.

  • Absence d'information sur le droit d'être assisté

Ainsi, par l'une des décisions (n° 12-27.594), la Chambre sociale juge que "le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun".

La Chambre sociale répond, de façon très précise, au pourvoi qui se focalisait sur la liste préfectorale des conseillers du salarié, dont on sait qu'elle fait l'objet d'une obligation d'information très précise à la charge de l'employeur en matière de licenciement (10). Il n'est pas certain, pour autant, que la décision soit limitée au cas où l'entreprise ne dispose "pas d'institution représentative du personnel". Au-delà du cas d'espèce, c'est toute obligation d'information du salarié quant à son droit de se faire assister qui semble être refoulée nonobstant l'absence de formule générale qui aurait pourtant été plus claire.

Conforme aux textes, cette position peut, malgré tout, être discutée. L'assistance du salarié, lors de l'entretien, nous semble constituer un élément décisif de l'intégrité de son consentement à la rupture, en particulier lorsque l'assistant dispose de connaissances juridiques, comme cela est le cas des représentants du personnel et des conseillers du salarié qui reçoivent une formation, certes sommaire et facultative, sur les tenants et les aboutissants de la rupture conventionnelle. Si l'assistance revêt bien l'importance que nous lui prêtons, il est très surprenant que le salarié puisse en être privé, non par choix, mais seulement par ignorance. L'obligation qui aurait pu être faite à l'employeur d'informer le salarié du droit de se faire assister n'aurait été que la manifestation de l'existence d'un devoir de loyauté à la charge des négociateurs lors des pourparlers. Ce dernier argument peut cependant être nuancé puisque, par souci d'égalité et peut-être de loyauté, l'employeur sera privé de tout droit à être assisté lorsque le salarié ne sera pas assisté lui-même (11). Il n'est pas certain, toutefois, que cette mesure suffise à ménager l'égalité des parties dans la négociation.

Une dernière question peut éventuellement se poser s'agissant de cette information sur le droit à être assisté. La Chambre sociale de la Cour de cassation ne juge pas expressément qu'une telle obligation n'existe pas mais, seulement, que le défaut d'information ne peut emporter la nullité de la rupture conventionnelle. Deux interprétations peuvent être envisagées.

On peut, d'abord, penser que le caractère imprécis de cette motivation ne permet pas l'extrapolation, si bien qu'aucune sanction ne pourra être prononcée faute que cette information soit délivrée. On pourrait, cependant, imaginer que la Chambre sociale n'ait volontairement pas exclu l'existence d'une telle obligation d'information précontractuelle. Il pourrait exister une telle obligation, fondée sur le devoir de loyauté précontractuelle, dont la violation se résoudrait en responsabilité délictuelle, comme cela est toujours le cas du manquement aux devoirs d'information ou de mise en garde précontractuels. Mieux, la Chambre sociale conclut son argumentation en se référant aux "conditions de droit commun" qui pourraient permettre d'obtenir la nullité de la convention. Ne pourrait-on pas imaginer, par exemple, que le consentement du salarié à la rupture soit vicié par dol, plus précisément par réticence dolosive, lorsque l'employeur n'a pas délivré cette information cruciale dont il était pourtant démontré qu'il l'avait en sa possession ?

D'aucuns considèreront que ces réflexions sont spéculatives et, pour tout dire, il est tout à fait possible qu'elles le soient. Cette spéculation demeure cependant possible tant que la Chambre sociale ne juge pas très clairement qu'aucune obligation d'information ne pèse sur l'employeur en la matière ou, au contraire, qu'une telle obligation doit être imposée à l'employeur.

  • Information et droit de rétractation

La première des quatre décisions présentées (n° 12-24.539) apporte une autre précision sur l'information du salarié quant au bénéfice d'un droit de rétractation. On se souviendra, en effet, que c'est au nom de ce droit de rétractation que les mêmes juges avaient exigé que soit impérativement remis au salarié un exemplaire de la convention conclue "pour garantir la liberté de son consentement, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause" (12). En somme, le salarié doit avoir connaissance de l'existence du droit de rétractation, mais la Chambre sociale précise, aujourd'hui, que le caractère erroné de l'information délivrée dans la convention ne peut permettre son annulation qu'à la condition qu'il soit porté atteinte à l'intégrité du consentement du salarié.

En effet, la Chambre sociale juge dans cette décision qu'"une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article L. 1237-13 du Code du travail ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer son droit à rétractation".

Plusieurs considérations doivent être prises en compte pour analyser cette solution. On remarquera, d'abord, que, malgré l'erreur matérielle commise, un délai de quinze jours s'était bien écoulé entre la date de conclusion de la convention et la demande d'homologation présentée à l'administration du travail. Les parties n'avaient donc pas été matériellement empêchées d'exercer leur droit de rétractation.

Faute qu'elles aient été réellement empêchées d'exercer ce droit, auraient-elles pu être intellectuellement empêchées d'en bénéficier ? On peut imaginer, par exemple, que le salarié n'ait pas exercé son droit de rétractation parce que, faisant foi à la lettre de la convention, il pensait que le délai était expiré au moment où il souhaitait se rétracter. C'est probablement le sens qu'il convient de donner à l'exception posée par la Chambre sociale : l'erreur ne suffit pas, en elle-même, à justifier l'annulation de la rupture, sauf à démontrer que l'une des parties a été privée du droit de se rétracter, c'est-à-dire à démontrer d'abord qu'elle avait eu l'intention de se rétracter, et ensuite, que cette rétractation avait été rendue impossible par un respect scrupuleux de la clause erronée. Cette décision paraît donc s'inscrire fort logiquement dans la lignée de celle rendue au mois de février 2013 (Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R N° Lexbase : A5796I7S), qui, déjà, mettait nettement en avant l'exigence d'un consentement valable.

On remarquera, enfin, que cette décision est tout à fait respectueuse de la théorie classique des vices du consentement. En effet, si l'erreur peut parfois permettre d'obtenir l'annulation d'une convention en raison d'un vice du consentement, c'est à la condition qu'elle porte sur la substance du contrat conclu ou, plus rarement, sur la personne du cocontractant. L'erreur de droit, comme cela aurait pu être invoqué ici, est parfois retenue par le juge judiciaire mais à condition, toujours, qu'il s'agisse d'une erreur de droit sur la substance du contrat conclu (13). Or, on peut douter que l'erreur commise sur la durée du droit de rétractation constitue une erreur sur la substance de la convention. Le salarié pourrait ici difficilement démontrer qu'il se trompait sur les effets de la convention, à savoir la rupture du contrat de travail, à moins qu'il ne démontre que, privé d'une partie du droit de rétractation, il n'a pas eu le temps de comprendre que la convention avait pour objet la rupture du contrat de travail.

  • Information et accès au service public de l'emploi

Une deuxième décision (n° 12-25.951, FS-P+B) s'intéresse, enfin, à l'obligation d'informer le salarié de la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi, en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel. La Chambre sociale juge "qu'après avoir constaté que le salarié avait conçu un projet de création d'entreprise, la cour d'appel a souverainement retenu que l'absence d'information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel n'avait pas affecté la liberté de son consentement".

Comme dans les affaires précédemment étudiées, c'est donc le consentement du salarié qui est placé au coeur du raisonnement des juges judiciaires. Abandonnée au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, la question aurait pu obtenir une réponse différente, s'il avait été démontré que le consentement du salarié avait été vicié. D'une certaine manière, la Chambre sociale donne donc davantage d'importance au fond qu'à la procédure. Si l'obligation procédurale d'information du salarié n'a pas été respectée, cela ne suffit pas à obtenir l'annulation de la convention, sauf à démontrer que ce manquement a eu, au fond, des répercussions sur le consentement donné par le salarié.

En somme, et pour conclure sur cette question, la Chambre sociale réaffirme donc par ces trois décisions le caractère primordial de l'intégrité du consentement dans la rupture conventionnelle. Par conséquent, elle exige que le consentement soit véritablement atteint pour que la rupture soit remise en cause sans s'arrêter au non-respect des conditions procédurales dont l'objet est pourtant, comme l'énonce l'article L. 1237-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI) (14), de garantir le consentement du salarié. Ce n'est pas parce que le salarié n'a pas été informé de la procédure de rupture que sa volonté de rompre le contrat était nécessairement équivoque.

II - Assistance du salarié lors de l'entretien préalable

  • Assistance du salarié par son supérieur hiérarchique lors de l'entretien

Comme cela a déjà été rappelé, le droit des parties d'être assistées lors du ou des entretiens préalables constitue une pièce maîtresse de la garantie d'intégrité de leur consentement à la rupture. Si la Chambre sociale laisse planer un doute sur les conséquences du fait que le salarié ne soit pas informé de son droit à être assisté, elle est en revanche d'une grande clarté quant au choix de la personne pouvant assister le salarié.

En effet, dans la quatrième affaire jugée par la Chambre sociale (n° 12-27.594), le salarié avait été assisté lors de l'entretien par son supérieur hiérarchique et considérait, après coup, qu'il ne pouvait avoir été régulièrement assisté par cette personne "présumée avoir pour but de préserver les intérêts de l'entreprise". Sans ambiguïté, la Chambre sociale juge que "le choix du salarié de se faire assister lors de cet entretien par son supérieur hiérarchique, dont peu importe qu'il soit titulaire d'actions de l'entreprise, n'affecte pas la validité de la rupture conventionnelle".

  • L'importance du choix par le salarié de la personne qui l'assiste

A nouveau, plusieurs arguments permettent de conforter la solution rendue. Argument de texte, d'abord, puisque l'article L. 1237-12 du Code du travail (N° Lexbase : L8193IAP) permet au salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise qui peut être un représentant du personnel ou "tout autre salarié". Les cadres de l'entreprise, quand bien même ils en seraient actionnaires, ce qui est d'ailleurs très courant par les différents mécanismes d'actionnariat salarié, demeurent des membres du personnel. En outre, le supérieur assistant avait été choisi par le salarié.

Deux situations auraient pu éventuellement être prises en compte et avoir des conséquences sur la validité de la rupture conventionnelle. D'abord, mais cela n'était pas le cas en l'espèce, on pourrait imaginer une situation dans laquelle un employeur impose au salarié d'être assisté par tel ou tel membre du personnel. L'exigence que l'assistant soit choisi par le salarié ne serait alors pas respectée et l'on pourrait imaginer que cette irrégularité ait une incidence sur la validité de son consentement : contraint à être assisté par telle personne, pourquoi le salarié ne serait-il pas aussi contraint de conclure la rupture conventionnelle ?

Quoique l'hypothèse soit un peu théorique, on peut se demander, ensuite, si la solution de la Chambre sociale aurait été la même si l'assistant choisi par le salarié avait été un cadre dirigeant trop proche de l'employeur. On pense, ainsi, à la jurisprudence de la Chambre sociale relative aux candidats aux élections professionnelles qui ne peuvent être des "cadres détenant une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise" (15). Cela étant, là encore, l'exigence que l'assistant soit choisi par le salarié et qu'il puisse être toute personne membre du personnel incite à penser que, sauf contrainte, ce choix ne serait pas de nature à lui seul à permettre l'annulation de la convention.

III - Date de la rupture conventionnelle

Une dernière précision est apportée par la troisième décision (n° 12-22.116), s'agissant de la date qu'il convient de retenir pour déterminer à quel moment, au plus tard, l'employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail.

On se souviendra que, par principe, la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir, au plus tard, avant l'écoulement d'un délai prévu par le contrat de travail et qui commence à courir à partir de la rupture du contrat (16). Ce moment de la rupture reste cependant trop imprécis si bien que la Chambre sociale a dû préciser, selon le mode de rupture du contrat de travail en cause, à quel instant exactement le délai commençait à courir.

Si la rupture intervient à l'initiative de l'employeur, c'est le moment de l'envoi de la lettre de licenciement qui a été considéré comme faisant courir le délai (17), peu important que le courrier n'ait pas été effectivement réceptionné par le salarié (18). Si, en revanche, l'initiative de la rupture est prise par le salarié, en cas de démission ou de prise d'acte par exemple, le délai ne peut naturellement courir qu'à compter du moment où l'employeur a eu connaissance de la décision du salarié (19). La question de la détermination du point de départ de ce délai ne s'était cependant pas encore posée pour une rupture conventionnelle, l'initiative de la rupture étant alors indifférente.

Dans l'affaire présentée, la solution était rendue plus complexe par la rédaction de la clause contractuelle qui prévoyait que le délai commencerait à courir dès "la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail", procédé qui s'accorde mieux à la rupture unilatérale qu'à l'accord amiable, qui n'est pas notifié par l'une des parties à l'autre. Le salarié tentait, d'ailleurs, de faire produire tous ses effets à cette clause en demandant que le délai commence à courir à la date à laquelle l'employeur avait émis la volonté de mettre fin au contrat de travail, c'est-à-dire au moment de l'entretien au cours duquel la convention avait été conclue. Les juges du fond avaient, pour leur part, retenu la date à laquelle la volonté des parties était devenue définitive, à savoir à l'expiration du délai de rétractation.

Il convenait de dépasser cette difficulté d'interprétation, ce que fait la Chambre sociale en jugeant que le délai "a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture".

Cette solution ne surprend guère. En effet, avant cette date, la rupture reste hypothétique, les parties peuvent se rétracter pendant quinze jours, l'administration du travail peut refuser l'homologation. La date précise de la rupture est, de toutes les manières, beaucoup plus facile à déterminer que pour les ruptures unilatérales dans lesquelles se pose toujours la question de savoir s'il s'agit d'un acte réceptice ou d'un acte non-réceptice. Pour la rupture conventionnelle, les parties s'entendent dès le ou les entretiens préalables sur la date de la rupture et l'employeur aura donc nécessairement connaissance de cette date au moment où la rupture sera effective. A nouveau, c'est donc la volonté des parties ayant permis la détermination de cette date qui prévaut. Le choix de cette date paraît donc entièrement logique.


(1) L'article L. 1237-11 du Code du travail prévoit, d'ailleurs, que l'intégralité des "dispositions de la présente section [sont] destinées à garantir la liberté du consentement des parties".
(2) L'article L. 1237-14 du code du travail (N° Lexbase : L8504IA9) vise "la partie la plus diligente", ce à quoi la Chambre sociale de la Cour de cassation donne plein effet en exigeant qu'un exemplaire de la convention soit remis au salarié afin, précisément, que celui-ci puisse prendre l'initiative de la demande d'homologation ; v., Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5796I7S) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5793BTQ) ; RDT, 2013, p. 258, obs. F. Taquet.
(3) Contrairement, notamment, aux dispositions prévues en la matière par le Code du travail s'agissant de la procédure de licenciement qui, par certains aspects (entretien, assistance, indemnisation...) ressemble à la procédure de rupture conventionnelle.
(4) Art. 12 a) (N° Lexbase : L1048IWQ) : "La liberté du consentement est garantie : [...] par l'information du salarié de la possibilité qui lui est ouverte de prendre les contacts nécessaires, notamment auprès du service public de l'emploi, pour être en mesure d'envisager la suite de son parcours professionnel avant tout consentement".
(5) V. le cerfa n° 14598*01 qui peut être téléchargé sur le site du ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
(6) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R, préc..
(7) P. Lokiec, Garantir la liberté du consentement contractuel, Dr. soc., 2009, p. 127.
(8) Nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale, préc..
(9) F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, "Les obligations", Dalloz, 2013, 11ème éd., n° 258.
(10) C. trav., art. L. 1232-4 (N° Lexbase : L1079H9T) et R. 1232-1 (N° Lexbase : L2513IAC). La Chambre sociale est très stricte sur cette question puisque l'omission des adresses auxquelles la liste peut être obtenue par le salarié est une cause d'irrégularité de la procédure ; v., par ex., Cass. soc., 29 avril 2003, n° 01-41.364, F-P (N° Lexbase : A0259B7Q).
(11) C. trav., art. L. 1237-12, al. 4 (N° Lexbase : L8193IAP).
(12) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R, préc..
(13) J. Aubert, J. Flour, E. Savaux, Les obligations. 1. L'acte juridique, Dalloz, 15ème éd., 2012, n° 200.
(14) Ou l'ANI du 11 janvier 2008, pour l'information sur la faculté de prendre contact avec le service public de l'emploi (N° Lexbase : L1048IWQ).
(15) Par ex., Cass. soc., 24 septembre 2003, n° 02-60.569, publié (LXB=A6367C9P]).
(16) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y) et les obs. de Ch. Radé, Heurs et malheurs de la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0341BQP).
(17) Cass. soc., 4 mars 2003, n° 00-44.922, publié (N° Lexbase : A3707A7G).
(18) Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-14.080, FS-P+B, sur le troisième moyen (N° Lexbase : A8710KIG) et nos obs., L'importance des stipulations contractuelles en matière de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 537 du 25 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8165BTL).
(19) Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-43.321, FS-P+B, sur le 3ème moyen (N° Lexbase : A6513DI3) ; Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-42.302, F-D (N° Lexbase : A1512EUK).

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-24.539, FS-P+B (N° Lexbase : A2278MDQ).

Rejet (CA Montpellier, 4ème ch. soc., 20 juin 2012).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; délai de rétractation ; convention ; erreur ; nullité (non).

Liens base : .

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-25.951, FS-P+B (N° Lexbase : A4287MD7).

Cassation partielle, (CA Versailles, 19ème ch., 18 juillet 2012).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; information du salarié ; faculté de prendre contact avec le service public de l'emploi ; nullité (non).

Liens base : .

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-22.116, FS-P+B (N° Lexbase : A4441MDT).

Cassation partielle (CA Lyon, 11 mai 2012, n° 11/06928 N° Lexbase : A5148ILA).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; clause de non-concurrence ; délai de renonciation ; point de départ.

Liens base : (N° Lexbase : E8734ESB).

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-27.594, FS-P+B (N° Lexbase : A2279MDR).

Rejet (CA Grenoble, 12 septembre 2012, n° 11/04154 N° Lexbase : A0196KS3).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; entretien préalable ; assistance du salarié ; obligation d'information à la charge de l'employeur (non) ; assistance par le supérieur hiérarchique.

Liens base : .

newsid:440766

Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] QPC : refus de renvoi de l'article L. 115-6 du Code du cinéma et de l'image animée, prévoyant l'assujettissement à la taxe sur les services de télévision des éditeurs distribuant eux-mêmes les services qu'ils éditent

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 5 février 2014, n° 373258, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9297MDP)

Lecture: 2 min

N0707BUQ

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Le 13 Février 2014

Aux termes d'une décision rendue le 5 février 2014, le Conseil d'Etat refuse de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant le second alinéa de l'article L. 115-6 du Code du cinéma et de l'image animée (N° Lexbase : L5202IR4), qui prévoit que les éditeurs qui distribuent eux-mêmes les services qu'ils éditent sont redevables de la taxe sur les services de télévision (CE 9° et 10° s-s-r., 5 février 2014, n° 373258, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9297MDP). En l'espèce, une société d'édition, qui exerce à la fois une activité d'éditeur de services de télévision et une activité de distributeur des services de télévision qu'elle édite, a demandé la décharge de la taxe sur les services de télévision. Elle considère en effet que le second alinéa de l'article L. 115-6 du Code du cinéma et de l'image animée porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et demande donc au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité en ce sens. La Haute juridiction refuse, car, d'une part, l'assujettissement à la taxe sur les services de télévision des éditeurs qui distribuent eux-mêmes les services qu'ils éditent, au même titre que les autres éditeurs, ne méconnaît pas le principe de l'égalité devant l'impôt, faute de tenir compte de la particularité de leur situation et, notamment, de leur assujettissement à la taxe au titre de leur activité de distribution. De plus, dès lors que la taxe due par les éditeurs de services de télévision et celle due par les distributeurs de services de télévision ne sont pas assises sur les mêmes revenus, le moyen tiré de la double imposition que supportent les éditeurs qui distribuent eux-mêmes les services qu'ils éditent n'est pas sérieux. D'autre part, la société requérante arguait de la contrariété à la Constitution de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 (N° Lexbase : L2893IQ9) qui, par son I, § 9, ratifie l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009 (N° Lexbase : L5750IEP), modifiant l'article L. 115-6 du Code du cinéma et de l'image animée. Selon le juge, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure d'adoption d'une loi ne peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui ne vise que le cas où il est soutenu qu'une disposition législative porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Le fait que le législateur ait ratifié une disposition issue d'un amendement d'origine parlementaire n'est pas contraire à l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L0864AHH). Par ailleurs, le fait que l'ordonnance se soit appliquée de manière rétroactive n'entraîne pas une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence, puisqu'une ordonnance acquiert valeur législative, lorsqu'elle ratifiée, à compter de la date de sa signature. La question prioritaire de constitutionnalité n'est donc pas renvoyée au Conseil constitutionnel .

newsid:440707

Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] Censure constitutionnelle de la taxe due par les éditeurs de services de télévision exploitant un service de télévision reçu en France métropolitaine, en ce qu'elle est assise sur des recettes perçues par des tiers

Réf. : Cons. const., décision n° 2013-362 QPC du 6 février 2014 (N° Lexbase : A5825MD4)

Lecture: 1 min

N0703BUL

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Le 13 Février 2014

Aux termes d'une décision rendue le 5 février 2014, le Conseil constitutionnel censure le dispositif qui applique la taxe sur les éditeurs de services de télévision à des recettes perçues par des tiers, pour leur compte (Cons. const., décision n° 2013-362 QPC du 6 février 2014 N° Lexbase : A5825MD4). Saisi le 6 novembre 2013 par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 6 novembre 2013, n° 371189, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0965KPG), le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur la conformité à la Constitution et aux droits et aux libertés qu'elle garantit du c) du 1° de l'article L. 115-7 du Code du cinéma et de l'image animée (N° Lexbase : L1682IZC). Cette disposition inclut dans l'assiette de la taxe due par les éditeurs de services de télévision exploitant un service de télévision reçu en France métropolitaine les recettes tirées des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de mini messages, y compris lors que ces sommes sont perçues par un tiers qui les encaisse pour son propre compte. Cette référence au tiers, qui perçoit les recettes imposables, revient à faire porter la taxe sur des recettes que ses redevables ne perçoivent pas. Or, assujettir un contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas n'est pas conforme à la Constitution. Les Sages de la rue de Montpensier censurent donc les termes "ou aux personnes en assurant l'encaissement" le c) du 1° de l'article L. 115-7 du Code du cinéma et de l'image animée. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Toutefois, elle ne peut être invoquée à l'encontre des impositions définitivement acquittées et qui n'ont pas été contestées avant cette date .

newsid:440703

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