Lexbase Affaires n°346 du 11 juillet 2013 : Internet

[Jurisprudence] "Google Suggest" et infractions de presse : la voie est close

Réf. : Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-17.591, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7895KGI)

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par Antoine Casanova, avocat à la cour, Cabinet Danièle Véret

le 11 Juillet 2013

Courant 2009, la société de droit américain Google Inc., qui exploite le célèbre moteur de recherche éponyme, a développé une fonction de saisie automatique dénommée "Google Suggest" intégrée à son moteur de recherche. Cette fonction fournit à l'internaute, à mesure que ce dernier saisit les termes de sa recherche dans le champ du moteur de recherche, des propositions de requêtes liées aux termes saisis et basées sur l'activité de recherche de l'ensemble des internautes utilisant le moteur de recherche Google ainsi que sur le contenu des pages référencées par ce dernier (1).

Plusieurs requérants ont reproché à la société Google Inc. le fait que cette fonctionnalité associait, au sein des propositions de requêtes, leur nom patronymique ou leur dénomination sociale à des termes pouvant être considérés comme des propos injurieux, diffamatoires ou dénigrants (2). Dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 19 juin 2013, la société Lyonnaise De Garantie considérait que le fait de suggérer l'expression "Lyonnaise de Garantie escroc", parmi les propositions de requêtes, était constitutive du délit d'injure publique au sens de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW). Selon cet article, l'injure se définit comme "toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait", à la différence de la diffamation qui, quant à elle, se définit comme "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé" (3). La société Lyonnaise De Garantie a assigné la société Google Inc. ainsi que son directeur général à l'époque des faits, en sa qualité de directeur de publication, afin d'obtenir le retrait sous astreinte de l'expression litigieuse des propositions de requêtes fournies par la fonction "Google Suggest" ainsi que des dommages et intérêts. En défense, la société Google Inc. faisait principalement valoir que les propositions de requêtes suggérées aux internautes par la fonction "Google Suggest" n'étaient pas "l'expression d'une pensée humaine" mais simplement "l'aboutissement d'un processus entièrement informatisé" et qu'ainsi les éléments constitutifs du délit d'injure publique n'étaient pas réunis (4).

Dans son arrêt en date du 14 décembre 2011, la cour d'appel de Paris a relevé, à l'instar des juges de première instance, que "tous les libellés de recherche lancées par les internautes n'étaient pas pris en compte par le moteur de recherche de Google dans le souci, notamment, d'éviter les suggestions qui pourraient offenser un grand nombre d'utilisateurs tel que les termes grossiers" et, qu'en conséquence, la société Google Inc. aurait pu intervenir pour empêcher la suggestion de la proposition litigieuse (CA Paris, Pôle 2, 7ème ch., 14 décembre 2011, n° 11/15029 N° Lexbase : A8714IIL). La cour d'appel de Paris retenait également que "le fait de diffuser auprès de l'internaute l'expression 'Lyonnaise de Garantie escroc' correspond à l'énonciation d'une pensée rendue possible uniquement par la mise en oeuvre de la fonctionnalité en cause [Google Suggest] et d'en assurer le fonctionnement", de sorte que, selon elle, il était impossible de dénier à l'expression litigieuse le caractère de pensée humaine au motif que l'expression suggérée ne serait que le résultat de la "mise en oeuvre d'algorithmes", comme le soutenait la société Google Inc.

La cour d'appel de Paris a donc retenu que "l'adjonction de l'épithète 'Escroc' est outrageante envers la SAS Lyonnaise de Garantie en ce qu'elle la dévalorise et la rabaisse", qu'elle ne peut être considérée comme un simple agrégat et qu'elle doit ainsi être considérée comme une injure publique au sens de la l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

La première chambre civile de la Cour de cassation retient, quant à elle, une solution totalement opposée en se fondant sur l'absence d'élément intentionnel de l'exploitant de la fonctionnalité.

I - La fonction "Google Suggest" n'est pas la traduction d'une volonté

Comme il l'a été rappelé ci-avant, l'injure, comme la diffamation, sont des délits, et donc, comme pour tout délit, la jurisprudence a très tôt rappelé que leur consommation nécessite la caractérisation d'un élément intentionnel (5).

La caractérisation de l'élément intentionnel des infractions de diffamation et d'injure est facilitée puisque la jurisprudence considère, depuis longtemps, que concernant les infractions de diffamation et d'injure, l'élément intentionnel est présumé (6). La Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi rappelé dans un arrêt du 10 mai 2006 "que les expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives sont réputés de droit prononcés avec une intention coupable et que seule l'excuse de provocation est de nature à leur ôter leur caractère punissable" (7).

C'est pourtant, précisément sur la question de l'élément intentionnel que la première chambre civile de la Cour de cassation censure l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 14 décembre 2011. A la différence des juges du fond, la Cour de cassation ne considère pas qu'il y ait eu une volonté de la société Google Inc. de tenir les propos litigieux. La première chambre civile de la Cour de cassation retient ainsi que "la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d'un processus purement informatique dans son fonctionnement et aléatoires dans ses résultats". Elle en déduit que "l'affichage des 'mots clés' qui en résulte est exclusif de toute volonté de l'exploitant du moteur de recherche d'émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome au-delà de leur simple juxtaposition et de leur seule fonction d'aide à la recherche".

En se référant à l'absence de volonté de la société Google Inc. d'émettre les propos qualifiés d'injure par la cour d'appel de Paris, la Cour de cassation se place sur le terrain de l'élément moral de l'infraction de presse. Selon elle, même sur le plan civil, le délit de presse nécessite une "intention coupable" pour être retenue et engager la responsabilité de son auteur. La Cour de cassation censure donc la solution de la cour d'appel de Paris qui avait retenu que "le fait de diffuser auprès de l'internaute l'expression 'Lyonnaise de Garantie escroc' correspond à l'énonciation d'une pensée rendue possible uniquement par la mise en oeuvre de la fonctionnalité en cause". La Cour de cassation a donc été sensible à l'argument sans cesse avancé par la société Google Inc. au cours des différents contentieux suscités par sa fonction "Google Suggest", à savoir que les propositions de requêtes sont générées automatiquement en fonction de l'ensemble des requêtes effectuées par les utilisateurs du moteur de recherche.

Si les résultats proposés par la fonction Google Suggest ne traduisent pas une volonté d'émettre les expressions litigieuses, il ne peut y avoir d'injure au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Le résultat est une simple juxtaposition de termes visant à aider les internautes dans leurs recherches. Cette solution est extrêmement favorable à la société Google Inc. En effet, en considérant que la fonction Google Suggest ne traduit pas la volonté de la société Google Inc. d'émettre les expressions suggérées aux internautes utilisant son moteur de recherche, la Cour de cassation écarte toute chance de succès d'une action fondée sur les délits de presse.

II - Un changement de cap dans la jurisprudence de la Cour de cassation

La solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, en plus d'être extrêmement favorable à la société Google Inc., marque un changement de cap intéressant par rapport à la solution qu'elle avait retenue dans son précédent arrêt relatif à la fonction "Google Suggest".

Dans son arrêt du 19 février 2013, la Cour de cassation avait confirmé un arrêt de la cour d'appel de Paris en date, lui aussi, du 14 décembre 2011, qui avait accordé à la société Google Inc. le bénéfice de l'excuse de bonne foi pour des propositions de requêtes considérées comme diffamatoires (8). La cour d'appel de Paris avait considéré que l'association de termes tels que "violeur", "viol" ou bien encore "sataniste" au nom patronymique d'une personne faisait "nécessairement peser sur l'intéressé sinon une imputation directe de faits attentatoires à l'honneur ou à la considération du moins la suspicion de s'être trouvé compromis dans une affaire de viol, de satanisme, d'avoir été condamné ou d'avoir fait de la prison". La cour d'appel de Paris avait donc considéré qu'il s'agissait d'une diffamation (9). En défense, la société Google Inc s'était prévalue de l'excuse de bonne foi. L'excuse de bonne foi est un fait justificatif développé par la jurisprudence, qui permet à l'auteur de propos considérés comme diffamatoires d'échapper aux sanctions. La cour d'appel de Paris a retenu l'excuse de bonne foi au bénéfice de la société Google Inc..

Dans son arrêt en date du 19 février 2013, la première chambre civile de la Cour de Cassation confirme la solution retenue en avançant que "la cour d'appel a retenu à bon droit que les critères de prudence dans l'expression et de sérieux de l'enquête se trouvaient réunis au regard d'un procédé de recherche dont la fonctionnalité se bornait à renvoyer à des commentaires d'un dossier judiciaire publiquement débattu".

Or, comme il l'a été rappelé ci-avant, l'excuse de bonne foi est une exception au délit de diffamation. Cela suppose que les composantes du délit, l'élément matériel mais aussi l'élément intentionnel, aient été, au préalable, caractérisés. En effet si les éléments composant le délit ne sont pas caractérisés, il n'est pas nécessaire de se pencher sur la question de l'exception de bonne foi puisque le défaut de l'un des éléments constitutifs du délit suffit à empêcher le succès de l'action.

En confirmant l'application par la cour d'appel de Paris de l'excuse de bonne foi pour des propos contenus dans une proposition de requête suggérée par la fonction "Google Suggest", la Cour de cassation reconnaissait implicitement, mais nécessairement, que les éléments matériels et intentionnels du délit étaient réunis. Elle a donc implicitement reconnu dans cet arrêt que les propositions de requêtes suggérées par la fonction "Google Suggest" traduisaient une volonté de la société Google Inc suffisante à caractériser l'élément intentionnel du délit de diffamation.

L'arrêt sous examen du 19 juin 2013 constitue donc un changement de cap, puisque dans cette nouvelle solution, la Cour de cassation estime que la fonction "Google Suggest" est exclusive de toute volonté de la société Google Inc. d'émettre les propos litigieux. Si la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 juin 2013 était transposée à l'affaire ayant conduit à son arrêt du 19 février 2013, l'excuse de bonne foi n'aurait même pas été analysée. En effet, il aurait alors été considéré que les propos en cause ne pouvaient être qualifiés de diffamation, faute pour la société Google Inc. d'avoir eu la volonté de tenir de tels propos à l'égard de la personne physique voyant son nom associé aux termes litigieux.

La solution retenue par la première chambre civile dans l'arrêt du 19 juin 2013 doit être, selon nous, approuvée en ce qu'elle rappelle nettement que l'injure et la diffamation sont avant tout des délits intentionnels, et que, partant, la volonté de tenir les propos reprochés doit être prouvée. La dualité de nature de ces délits, à la fois civils et pénaux, ne doit pas faire oublier le principe de légalité. Or, les propositions suggérées par la fonction Google Suggest sont le fruit d'un algorithme basé sur l'activité de recherche de l'ensemble des internautes utilisant le moteur de recherche Google, de sorte qu'il est évident que ces résultats ne traduisent pas une volonté de la société Google Inc. de tenir de tels propos.

De plus, la solution retenue par la Cour de cassation permet d'éviter l'écueil lié à la qualification des termes litigieux en injure ou en diffamation. En effet, dans certain cas, l'hésitation entre les deux qualifications est plus que permise. Or, la diffamation et l'injure ont des régimes juridiques proches mais non identiques, notamment quant aux exceptions permettant d'éviter une condamnation. Ainsi les excuses de bonne foi et de vérité n'existent pas en matière d'injure, celle-ci ne connaissant que l'excuse de provocation (10).

Avec la solution retenue par l'arrêt du 19 juin 2013, le risque n'existe plus, puisque, que les propos litigieux soient qualifiés d'injure ou de diffamation, l'issue sera la même, faute d'élément intentionnel.

Cette solution réduit considérablement les risques de sanction de la société Google Inc. quant à sa fonction "Google Suggest", sans pour autant lui conférer une immunité car d'autres fondements existent.

III - La fonction "Google Suggest" en partie protégée

Si la fonction "Google Suggest" est exclusive de toute intention de tenir les propos litigieux, toute action fondée sur les délits de presse pour des expressions proposées par cette fonctionnalité du moteur de recherche, est vouée à l'échec.

La question qui se pose alors de savoir si la société Google Inc. peut craindre d'être condamnée du fait de sa fonction "Google Suggest" via d'autres fondements juridiques.

Plusieurs fondements ont été utilisés au cours de différentes affaires ayant trait à la fonction "Google Suggest", notamment la loi "Informatique et libertés" (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS), l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) mais également le droit d'auteur.

Très récemment, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté une action fondée sur la loi "Informatique et libertés" du 6 janvier 1978 qui visait à faire reconnaître que la fonction "Google Suggest" constituait un traitement illicite de données à caractère personnel. Le TGI a ainsi considéré, le 12 juin 2013, au visa de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978, que "le système de suggestion incriminé mis en place sur les moteurs de recherche des sites internet Google, ne répond pas à la définition que donne ladite loi du fichier, soit tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés', dès lors que les mots suggérés ne présentent pas les caractères de stabilité et de structure imposés par le texte" (11).

Comme la société Google Inc. l'a rappelé au cours des différents contentieux suscités par "Google Suggest", son fonctionnement repose sur une base de données constituée par la société Google Inc. à partir de l'ensemble des requêtes effectuées par les utilisateurs du moteur de recherche, de sorte que, si la fonction ne répond pas, en elle-même, au critère de la définition du fichier au sens de la loi "Informatique et libertés", il n'est pas certain que la base de données qui lui sert de support ne puisse pas être considéré comme un fichier au sens de cette loi.

La jurisprudence révisera peut-être sa position sur ce point. En attendant, est-il possible pour un demandeur de se fonder sur l'article 1382 du Code civil ?

Depuis une série d'arrêts rendus le 12 juillet 2000 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, il est de jurisprudence constante que "les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil" (12).

En revanche, la jurisprudence considère que le fondement de l'article 1382 du Code civil est ouvert dès lors que les propos litigieux touchent non pas à une personne mais à des produits ou services offerts par celle-ci (13). A la différence des dénominations sociales, les marques désignent non pas une personne morale, mais toujours des produits ou des services. En conséquence, dès lors qu'un propos litigieux vise une marque, le fondement de l'article 1382 du Code civil est envisageable (14).

Dans le cas où la fonction "Google Suggest" suggèrerait des propositions de requête contenant des termes pouvant être considérés comme dénigrant des produits ou des services, sa responsabilité pourra être poursuivie sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Dans ce cas, l'argument tiré de l'absence de volonté de la société Google Inc. de tenir les propos litigieux sera inopérant dans la mesure où sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la volonté importe peu.

La fonction Google Suggest a déjà fait l'objet d'un contentieux sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. En effet, courant 2009, la société Direct Energie a saisi en référé le tribunal de commerce de Paris afin que l'association de sa dénomination sociale avec le terme "arnaque" parmi les dix premières propositions de requêtes soit jugée comme étant constitutive d'une faute civile au sens de l'article 1382 du Code civil et partant, d'un trouble anormal au sens de l'article 873 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0850H4A). Le tribunal de commerce de Paris a fait droit à la demande de la société Direct Energie et a ainsi enjoint à la société Google Inc. de supprimer cette proposition de requête (15).

Cette ordonnance de référé a été confirmée par la cour d'appel de Paris dans son principe, puisque cette dernière a retenu "que le rapprochement dans une même expression du nom d'une société avec le mot arnaque" portait atteinte à l'image et à la réputation de cette société, mais la sanction prononcée par le juge consulaire a été réformée. En effet, la cour d'appel a rappelé que, sur le fondement de l'article 873 du Code de procédure civile, le juge devait "limiter la mesure à celle strictement suffisante" à la cessation du trouble et choisir "la moins attentatoire à la liberté d'expression" (16). La cour d'appel de Paris a ainsi limité la mesure à l'obligation pour la société Google Inc. de "faire mention sur son écran d'entrée d'une information destinée à I'internaute et permettant à celui-ci de comprendre comment est établie la liste des suggestions".

Le rejet de la voie des infractions de presse par la Cour de cassation n'aboutit donc pas à une totale immunité de la fonction "Google Suggest", dans la mesure où le fondement de l'article 1382 du Code civil reste ouvert pour les cas où les propositions de requêtes visent un produit ou un service.

Cet état de la jurisprudence laisse tout de même planer une certaine incertitude dans le cas où la dénomination sociale est identique à la marque sous laquelle les produits et services de la société sont distribués. C'était d'ailleurs le cas dans l'affaire ayant opposé la société Google Inc. à la société Direct Energie. Faut-il dans ce cas systématiquement considérer que le fondement de l'article 1382 du Code civil est ouvert ou opter pour une analyse au cas par cas en fonction des termes contenus dans les propositions de requêtes suggérées par la fonction "Google Suggest" ? Si cette dernière solution semble préférable, elle ne manquera pas de susciter certaines difficultés d'application.

Le fondement de l'article 1382 du Code Civil étant possible, même si certaines difficultés d'application, ne manqueront pas de se poser aux juges, la fonction "Google Suggest" ne bénéficie donc pas d'une totale immunité malgré la décision très protectrice retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 juin 2013.

Relevons par ailleurs que, sur le fondement du droit d'auteur, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est récemment montrée relativement sévère avec la fonction "Google Suggest". Il s'agissait d'une affaire opposant le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) à la société Google Inc (17). Le SNEP faisait valoir que la fonction "Google Suggest" suggérait systématiquement d'associer aux noms d'artistes ou aux titres musicaux des termes renvoyant à des systèmes d'échange ou de téléchargement de fichiers. Au visa des articles L. 335-4 (N° Lexbase : L4532DYI) et L. 336-2 (N° Lexbase : L3536IEP) du Code de la propriété intellectuelle, la Cour de cassation a considéré qu'en orientant "les internautes, par l'apparition de mots-clés suggérés en fonction du nombre de requêtes, vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition du public sans l'autorisation des artistes-interprètes ou des producteurs de phonogrammes", la fonction "Google Suggest" "offrait les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs ou aux droits voisins". La Cour de cassation a alors censuré l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait débouté le SNEP de ses demandes tendant à obtenir de la société Google Inc. la suppression des propositions de requêtes litigieuses.

Les actions visant à obtenir la suppression de propositions de requêtes via la fonction "Google Suggest" ne sont donc pas toutes vouées à l'échec, tout dépend du fondement dont peut se prévaloir le demandeur.


(1) Descriptif de la fonction "Google Suggest" fournie par la société Google Inc. sur son site internet.
(2) Voir notamment, T. com. Paris, ord. référés, 7 mai 2009 et CA Paris, Pôle 1, Chambre 2, 9 décembre 2009, n° 09/13133 (N° Lexbase : A7326EQE) ; TGI Paris, 17ème ch., 4 décembre 2009, n° 09/13239 (N° Lexbase : A0586EQR); CA Toulouse, 2ème ch., 1ère sect., 14 décembre 2011, n° 10/05185 (N° Lexbase : A2361H8X) ; ou encore Cass. civ. 1, 19 février 2013, n° 12-12.798, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2377I8K).
(3) Loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, art. 29 (N° Lexbase : L7589AIW).
(4) Voir CA Paris, Pôle 2, 7ème ch., 14 décembre 2011, n° 11/15029 (N° Lexbase : A8714IIL) ainsi que TGI Paris, 4ème ch., 18 mai 2011, n° 11/01475 (N° Lexbase : A2462HTD).
(5) Cass. crim., 19 novembre 1930.
(6) Cass. crim., 18 janvier 1850.
(7) Cass. crim., 10 mai 2006, n° 05-82.971, F-D ([LXB=PANIER]).
(8) Cass. civ. 1, 19 février 2013, n° 12-12.798, FS-P+B+I, préc. note 2.
(9) CA Paris, Pôle 2, 7ème ch., 14 décembre 2011, n° 11/15029 préc. note 4.
(10) Cass. crim., 10 mai 2006, n° 05-82.971, F-D, préc. note 7.
(11) TGI Paris, 17ème ch., 12 juin 2013.
(12) Ass. plén., 12 juillet 2000, deux arrêts, n° 98-10.160, publié (N° Lexbase : A2598ATE) et n° 98-11.155, publié (N° Lexbase : A2599ATG) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2001, n° 99-14.995, publié (N° Lexbase : A4952ART) ; Cass. civ. 3, 1er octobre 2008, n° 07-15.338, FS-P+B (N° Lexbase : A5872EAQ).
(13) Voir notamment Cass. civ. 3, 23 janvier 2003, n° 01-12.848, FS-P+B (N° Lexbase : A7304A4B).
(14) Voir notamment Cass. civ. 1, 8 avril 2008, n° 07-11.251, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8043D7Z), qui a retenu que "les actes reprochés aux associations par l'utilisation litigieuse de ses marques ne visaient pas la société mais les marques déposées par elle et en conséquence les produits ou services qu'elles servent à distinguer, de sorte qu'il était porté atteinte à ses activités et services et non à l'honneur ou à la considération de la personne morale".
(15) T. com. Paris, ord. référés, 7 mai 2009.
(16) CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 9 décembre 2009, n° 09/13133, préc. note 2.
(17) Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-20.358, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7513IQC).

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