La lettre juridique n°831 du 9 juillet 2020 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] Appréhension des revenus réputés distribués par le seul maître de l’affaire : vers une présomption irréfragable ?

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 29 juin 2020, 432815, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A78583PQ)

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[Brèves] Appréhension des revenus réputés distribués par le seul maître de l’affaire : vers une présomption irréfragable ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/59171233-breves-apprehension-des-revenus-reputes-distribues-par-le-seul-maitre-de-laffaire-vers-une-presompti
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par Sarah Bessedik

le 08 Juillet 2020

Par décision du 29 juin 2020, le Conseil d’État vient rappeler la jurisprudence constante selon laquelle la personne reconnue maître de l'affaire est présumée avoir appréhendé la totalité des revenus réputés distribués par la société ; 

Il s’agit en principe d’une présomption simple, reste à savoir sous quelle condition elle peut être renversée.

Selon l’article 109-1-1° du Code général des impôts (N° Lexbase : L2060HLU), sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital.

Cette disposition s’applique donc aux bénéfices qui, ne donnant pas lieu à une distribution apparente, sont pourtant transférés aux associés et actionnaires ou à des tiers.

Ainsi, la question soumise aux juges était de savoir si cette présomption de qualité de maître de l’affaire pouvait être renversée en l’absence d’appréhension effective des sommes distribués par le contribuable.

Le Conseil d’État réuni en ses 8° et 3° chambres répond par la négative. La qualité de seul maître de l’affaire suffit à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société en cause, la circonstance qu’il n’aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu’elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.

Résumé des faits : en l’espèce, à la suite d’une vérification de comptabilité et d’un examen de la situation fiscale personnelle, l’administration fiscale a procédé à une réintégration dans les revenus de capitaux mobiliers taxables entre les mains de M. A, sur le fondement du 1° du 1 de l’article 109 du Code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la société Red Advisors Ltd au titre de l’exercice clos en 2010. Ces sommes ont donc été regardées comme des revenus distribués par cette société à l’intéressé, que l’administration a considéré comme l’unique maître de l’affaire.

Le contribuable a avancé qu’il n’a pas été en mesure de disposer effectivement, au cours de l’année 2010, des revenus qu’il est réputé́ avoir appréhendé en sa qualité́ de seul maître de l’affaire.

Décision : toutefois, le Conseil d’État au soutien de la cour d’appel administrative se fondera sur le fait que le contribuable disposait du pouvoir d’engager juridiquement la société Red Advisors Ltd à l’égard des tiers, qu’il détenait seul la signature du compte bancaire que la société avait ouvert auprès d’une banque suisse et qu’il avait été en mesure d’opérer des retraits d’espèces depuis ce compte.

La démonstration de l’absence de disposition effective des sommes réputées distribuées est sans conséquence dès lors que le contribuable avait la liberté d’en disposer.

Contexte ; à noter que dans une décision du même jour (CE 8° et 3° ch.-r., 29 juin 2020, n° 433827, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78653PY), les deux mêmes chambres du Conseil d’État poussent ce raisonnement en affirmant cette fois que la circonstance que le contribuable soit le maître de l'affaire est sans incidence s’il n’est pas établi que les sommes réputées distribuées ont été mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts (CGI, art. 109-1-2° du CGI).

Ainsi peut-on en déduire que, pour renverser la présomption d’appréhension des revenus réputés distribués par le seul maitre de l’affaire, il est nécessaire de prouver non seulement que le contribuable n’a pas disposé effectivement des sommes, mais qu’en plus, il n’en avait pas la libre disposition. Les possibilités de renverser la présomption se durcissent à tel point que l’on pourrait parler de présomption absolue.

Aussi, bien que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de rendre plusieurs décisions sur la notion de maître de l’affaire : 

- CE 8° ss., 3 juin 2015, n° 370699, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1995NK4) ;

- CE 3° et 8° ch.-r., 13 juin 2016, n° 391240, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7768RSI) ;

À lire, V. Daumas, Sur la notion jurisprudentielle de maître de l'affaire, Conclusions, Lexbase Fiscal, juillet 2016, n° 665 (N° Lexbase : N3976BW8)

- CE 8° et 3° ch.-r., 14 septembre 2016, n° 400882, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9148RZT) ;

À lire, J. Bellaiche, Ambigüités à propos de la présomption pesant sur le maître de l'affaire, Lexbase Fiscal, septembre 2016, n° 670 (N° Lexbase : N4504BWQ).

- CE Plén. 22 février 2017, n° 388887, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8444TN3), il a toujours refusé de transmettre des QPC portant sur la constitutionnalité de la présomption.

À lire, V. Daumas, Sur la notion jurisprudentielle de maître de l'affaire, Conclusions, Lexbase Fiscal, mars 2017 ; n° 693 (N° Lexbase : N7398BWW).

 

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