La lettre juridique n°441 du 26 mai 2011 : Collectivités territoriales

[Questions à...] Stationnement irrégulier de véhicules appartenant à des membres de la communauté des gens du voyage, quelles solutions apporter ? - Questions à Jérôme Maudet, avocat au barreau de Nantes

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N2861BSR

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[Questions à...] Stationnement irrégulier de véhicules appartenant à des membres de la communauté des gens du voyage, quelles solutions apporter ? - Questions à Jérôme Maudet, avocat au barreau de Nantes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4508596-questions-a-stationnement-irregulier-de-vehicules-appartenant-a-des-membres-de-la-communaute-des-gen
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 26 Mai 2011

En matière d'occupation illégale de leur territoire, les collectivités locales sont le plus souvent confrontées à la question du stationnement irrégulier de véhicules appartenant à des membres de la communauté des gens du voyage. Selon le ministère de l'Equipement, environ 150 000 personnes en France ont un mode de vie itinérant et vivent en résidence mobile. Pour lutter contre les stationnements illégaux sur leur territoire, les communes disposent d'un arsenal très complet mais souvent méconnu. Afin d'apporter quelques éclaircissements sur cette législation parfois complexe, ainsi qu'un mode opératoire à suivre en fonction des différents types d'occupation, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Jérôme Maudet, avocat au barreau de Nantes au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel. Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les pouvoirs du maire en matière de stationnement illégal ?

Jérôme Maudet : Aux termes de l'article 9-I de loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (N° Lexbase : L0716AID), dite loi "Besson" : "Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire [...] peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er". L'édiction d'un tel arrêté est un préalable indispensable à toute procédure contentieuse.

En tout état de cause, la commune concernée ne pourra utilement se prévaloir de cet arrêté qu'autant que l'établissement de coopération intercommunale continuera de satisfaire aux obligations qui lui incombent en matière d'accueil des gens du voyage. En effet, en cas de dégradation manifeste des conditions d'accueil ou de réduction sensible des capacités effectives d'accueil par rapport aux prescriptions du schéma, le juge pourrait considérer que les conditions d'accueil prévues par la loi "Besson" ne sont plus remplies et que l'arrêté interdisant le stationnement, sur tout autre lieu que l'aire aménagée, n'a plus de fondement. Dans cette hypothèse, la commune devra fonder sa demande d'expulsion sur les dispositions des articles 808 (N° Lexbase : L0695H4I) et 809 (N° Lexbase : L0696H4K) du Code de procédure civile, plus restrictives, dès lors qu'il faut prouver l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.

Ensuite, pour faire constater la matérialité de l'infraction et le caractère illégal du stationnement, les communes peuvent faire appel soit à un huissier de justice, soit à l'un de ses agents assermentés à cette fin, et, notamment, à un de ses agents de police municipale. Le procès-verbal de constat devra permettre d'établir avec certitude la matérialité de l'infraction : lieu, numéro de parcelle, propriétaire de la parcelle, identités des contrevenants, immatriculations des véhicules, branchement illégaux aux fluides, dégradations éventuelles, décharges illégales....

Lexbase : Qu'en est-il de la question de la propriété du terrain ?

Jérôme Maudet : Une commune est fondée à engager une procédure, dès lors que les intéressés sont stationnés illégalement sur son domaine public ou privé sans avoir à justifier d'un quelconque autre trouble. En revanche, si les contrevenants ont investi une parcelle privée, le maire devra justifier d'un trouble à l'ordre, à la salubrité ou à la tranquillité publique. L'alinéa 2 de l'article 9-II de la loi n° 2000-614 de la loi du 5 juillet 2000 prévoit, en effet que, "sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune, le maire ne peut agir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques".

S'il s'agit d'un terrain appartenant à l'Etat, c'est auprès du juge administratif que la commune devra solliciter l'expulsion. En pratique, tel est, notamment, le cas lorsque les contrevenants ont effectué des branchements illégaux sur les réseaux, ou si leur présence génère des nuisances importantes pour les riverains (dégradations, déchets sauvages). Il convient de souligner que l'article 9-III de la loi "Besson" exclut expressément trois hypothèses de son champ d'application : " [...] lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent [...] lorsqu'elles disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 443-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3487HZ8) [...] lorsqu'elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L. 443-3 du même code (N° Lexbase : L3489HZA)". Les procès verbaux doivent donc être particulièrement circonstanciés pour permettre notamment au magistrat de définir qui est propriétaire du terrain (indication du numéro de parcelle, nom du propriétaire...).

Lexbase : Quelles sont les différentes procédures contentieuses d'expulsions ?

Jérôme Maudet : Une fois l'infraction constatée, il appartient à la commune de saisir, soit le Procureur de la République, soit le Président du tribunal de grande instance d'une assignation ou d'une requête par l'intermédiaire de son conseil habituel.

Concernant la saisine du Procureur de la République, l'article 53 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9731A9B), a créé une nouvelle infraction pénale qui réprime l'installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d'y établir une habitation, même temporaire. Cette infraction, désormais prévue à l'article 322-4-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0596DHK), est réprimée par une peine de six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, le Procureur peut décider de procéder à leur saisie immédiate en vue de leur confiscation, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, et à la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus. Néanmoins, la saisine du Procureur de la République me paraît inadaptée puisqu'il dispose de l'opportunité des poursuites et peut décider de classer sans suite la demande.

Le maire peut, ensuite, faire saisir le Président du tribunal de grande instance par voie d'assignation, laquelle doit être délivrée par exploit d'huissier aux contrevenants au moins 48 heures avant l'audience durant laquelle les parties seront invitées à présenter leurs observations. Si certains contrevenants n'ont pu être identifiés, il est possible de solliciter dans l'assignation que l'ordonnance de référé vaille également ordonnance sur requête. Dans cette même hypothèse, la commune a, également, la possibilité de saisir, par l'intermédiaire de son conseil, le Président du tribunal par voie de requête.

Cette procédure étant non contradictoire, les magistrats sont souvent très réticents à l'utiliser. Néanmoins, celle-ci présente un intérêt tout particulier pour la commune dans la mesure où la requête peut être déposée rapidement et que les délais sont extrêmement réduits. Toutefois, s'il considère qu'il existe un quelconque risque pour sa sécurité ou pour l'ordre public, l'huissier ou l'agent missionné à cet effet pourra légitimement décider qu'il lui est impossible de relever les plaques d'immatriculation ou les identités. Le procès-verbal de constat devra, alors, justifier de l'existence d'un risque lié à l'attitude des contrevenants ou au nombre de ces derniers.

Lexbase : Comment se déroule l'exécution des décisions d'expulsion ?

Jérôme Maudet : La décision est exécutoire nonobstant appel et, en cas de nécessité, il est possible de demander au Président du tribunal de grande instance que sa décision soit exécutoire sur minute, c'est-à-dire avant même l'accomplissement des formalités d'enregistrement. L'ordonnance sur requête et l'ordonnance de référé doivent être signifiées aux contrevenants par voie d'huissier. Dans le cas d'une ordonnance sur requête, la signification est faite au Parquet. En pratique, il est fréquent que les gens du voyage quittent les lieux à réception de l'assignation voire, au plus tard, à la date de signification de l'ordonnance de référé ou de l'ordonnance sur requête. Néanmoins, si les contrevenants refusent de quitter l'emplacement qu'ils occupent illégalement, la commune devra solliciter le concours de la force publique de la part du préfet.

En effet, aux termes de la circulaire ministérielle n° 2001-49 du 5 juillet 2001, relative à l'application de la loi "Besson" (N° Lexbase : L3010IQK), les préfets ont reçu pour consigne d'accorder le concours de la force publique aux communes respectueuses des dispositions de ladite loi. Si le préfet refusait d'accorder à la commune le concours de la force publique, celle-ci pourrait, alors, le saisir d'une demande indemnitaire préalable pour couvrir son préjudice. En cas de refus, la commune serait alors fondée à saisir la juridiction administrative pour obtenir réparation. Dans une telle hypothèse, la commune n'aura malheureusement d'autre choix que de subir la présence des gens du voyage illégalement stationnés jusqu'au départ spontané de ces derniers, ou jusqu'à ce que les services de l'Etat dans le département accordent enfin le concours de la force publique.

Afin de favoriser une telle issue, il conviendra de réitérer les demandes de concours auprès du préfet. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux prévue aux articles 27 et suivants de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance (N° Lexbase : L6035HU3), modifiant l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure.

Enfin, il résulte des mêmes dispositions que le maire peut désormais solliciter auprès du préfet le concours de la force publique sans avoir à obtenir préalablement l'autorisation judiciairement. Cependant, le législateur n'a pas encadré la réponse du préfet dans un délai quelconque. Dès lors, il m'apparaît, à l'instar de la procédure de saisine directe du Procureur, que cette procédure est inadaptée aux exigences des collectivités en la matière, et que celles-ci auront tout intérêt à solliciter le concours de la force publique auprès des juridictions compétentes en parallèle.

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