La lettre juridique n°286 du 20 décembre 2007 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté

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N4170BDS

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le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouve, au premier plan de cette actualité, une décision rendue le 13 novembre 2007, par laquelle la Cour de cassation a apporté un éclairage sur le jeu des nullités de la période suspecte en présence de l'ouverture d'une seconde procédure collective prononcée après la résolution du plan. Un arrêt du même jour, se prononçant sur l'incidence de l'absence de déclaration de créances des cotisations d'assurance vieillesse sur le droit à pension de retraite, mérite, également, une attention toute particulière.
  • Résolution du plan, ouverture d'une seconde procédure collective et jeu des nullités de la période suspecte (Cass. com., 13 novembre 2007, n° 05-13.248, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5843DZG)

On croyait tout savoir sur la notion de période suspecte. Mais, comme toujours, en poussant un peu l'analyse, de nouveaux champs d'investigation s'ouvrent. La succession de procédures collectives en est, dans l'arrêt ici commenté, l'occasion.

En l'espèce, M. B. est déclaré en redressement judiciaire le 19 février 1992, avec fixation de la date de cessation des paiements au 19 août 1990. Un plan de continuation est arrêté le 6 octobre 1993 et résolu le 15 mars 1995. Il y a, alors, ouverture d'une nouvelle procédure de redressement judiciaire. Un jugement du 5 avril 1995 arrête le plan de cession et nomme, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, Me M.. Mme B. et son commissaire à l'exécution du plan demandent alors l'annulation des paiements reçus de M. B. par la Banque de Savoie pendant la période suspecte de la procédure initiale.

La question, inédite, posée à la Cour de cassation était de savoir si, après résolution d'un plan de continuation, l'ouverture d'une nouvelle procédure collective consécutive à cette résolution permettait d'atteindre, par le jeu des nullités de la période suspecte, des actes accomplis dans la période suspecte ayant précédé le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire initial.

A cette question, la Cour de cassation, par un arrêt de sa Chambre commerciale, va répondre par la négative. Elle énonce que "le commissaire à l'exécution du plan de cession, nommé après la résolution d'un précédent plan de redressement, n'a pas qualité pour engager une action en nullité des paiements ou des actes faits durant la période suspecte antérieure à l'ouverture de la procédure initiale".

Le pourvoi en cassation articulait des moyens autour de la qualité à agir du commissaire à l'exécution du plan. Il est symptomatique de remarquer que la Cour de cassation ne répond guère à ces arguments, préférant porter son attention sur la chronologie des faits. La Cour de cassation, ce faisant, ne précise pas le fondement de sa solution. Il importe, dès lors, à l'interprète de tenter de le déceler.

Cette recherche peut partir d'une réflexion très simple : puisqu'il est question du jeu des nullités de la période suspecte, il convient de définir cette notion.

La période suspecte désigne la période s'étendant de la date de cessation des paiements remontée jusqu'au jour du jugement d'ouverture. Les actes accomplis après le jugement d'ouverture ne peuvent, a priori, tomber sous le coup des nullités de la période suspecte (1).

La durée de la période suspecte est légalement limitée à dix-huit mois, pour le jeu des nullités de la période suspecte. Cette restriction du domaine d'application de la limitation de la durée de la période suspecte n'est pas sans importance en matière de poursuite pour banqueroute. En effet, la juridiction correctionnelle n'est pas liée par la date de cessation des paiements retenue par la juridiction de la faillite. Cette solution, posée sous l'empire de la législation antérieure à la loi du 26 juillet 2005 (2), "séquelles de l'autonomie autrefois reconnue au juge pénal en la matière" (3) -la faillite virtuelle- demeure inchangée sous l'empire de la législation du 26 juillet 2005 (4) (loi n° 2005-845, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT). A, en conséquence, été admise la possibilité pour le juge pénal de fixer la date de cessation plus de dix-huit mois avant le jugement d'ouverture. Cette solution, posée sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (5), semble devoir être reconduite (6).

Un auteur a, toutefois, fait observer, à juste titre selon nous, que l'interdiction de remonter la date de cessation des paiements au-delà de la décision définitive homologuant l'accord de conciliation s'impose tant au juge civil qu'au juge pénal (7).

Si l'on excepte ces précisions, qui ne font qu'illustrer l'autonomie du droit pénal, le principe selon lequel la période suspecte ne peut dépasser le seuil temporel de dix-huit mois doit être fermement posé.

La jurisprudence avait déjà eu l'occasion de préciser que la résolution d'un plan de continuation ou de redressement et l'ouverture consécutive d'une nouvelle procédure de liquidation judiciaire n'autorisaient pas un changement de principe de solution. La date de cessation des paiements au titre de la seconde procédure, qui seule doit être prise en compte -autonomie des procédures oblige- ne peut être antérieure de plus de dix-huit mois au jugement d'ouverture de cette seconde procédure (8). L'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêté du plan de plan de continuation et présupposant l'absence de cessation des paiements à cette date, du fait des reports d'exigibilité des créances antérieures, y fera obstacle.

L'arrêt ici commenté ne constitue donc qu'une application de cette jurisprudence peu connue, car, il est vrai, à cette date, peu diffusée. L'arrêté du plan de continuation présuppose l'absence d'état de cessation des paiements à la date de son intervention, dans la mesure où il a pour effet de replacer le débiteur à la tête de ses biens, de le remettre in bonis, ce qui est évidemment inconcevable, s'il est encore en état de cessation des paiements. C'est donc, en fin de compte, l'autorité de la chose jugée attachée à la décision arrêtant le plan de continuation qui fait obstacle à ce qu'un organe de la seconde procédure, qu'il s'agisse du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, puisse, dans une action engagée au titre de la seconde procédure, rechercher l'annulation des actes antérieurs à l'ouverture de la première procédure sur le fondement des nullités de la période suspecte.

Cette jurisprudence, qui peut être reconduite sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, en cas d'arrêté, puis de résolution d'un plan de redressement, contribue évidemment à renforcer la sécurité des tiers, car il n'est pas sain que des actes puissent être annulés très longtemps après leur accomplissement, sauf évidemment le jeu de la fraude paulienne. Elle permet aussi de donner plus de corps à l'interdiction de fixer, pour le jeu des nullités de la période suspecte, la date de cessation des paiements plus de dix-huit mois avant son intervention.

Au principe de l'impossibilité de fixer une date de cessation plus de dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la personne placée sous redressement ou sous liquidation judiciaire, il faut toutefois, sous l'empire de la législation antérieure, apporter un tempérament, qui aura, d'ailleurs, vocation à jouer identiquement sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises : il s'agit du cas de l'extension de la procédure sur le fondement de la confusion des patrimoines. La date de cessation des paiements retenue, en cas d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines, est identique pour toutes les structures (9), ce qui peut constituer une entorse à la règle selon laquelle la date de cessation des paiements ne peut être remontée de plus de dix-huit mois par rapport au jugement d'ouverture. En réalité, le seul jugement d'ouverture existant est celui de la première procédure, puisque l'extension n'entraîne pas ouverture d'une procédure autonome à l'encontre des autres structures (10). Logiquement, la caractérisation de l'état de cessation des paiements de chaque structure ne s'impose pas (11). Pour apprécier la date à laquelle il faut, dans le cadre d'une action en report de date de cessation des paiements, fixer la cessation des paiements, il convient de prendre en compte les actifs disponibles et le passif exigible de toutes les structures, qui constituent une même entreprise (12). Toutes ces solutions reposent sur l'effet d'unicité de masse active et passive qu'entraîne l'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines.

Mais, on le voit, il ne s'agit pas là d'une véritable exception à l'interdiction de remonter la date de cessation de paiement plus de dix-huit mois avant le jugement d'ouverture, dans la mesure où le jugement d'extension, qui est certes assimilé sur le plan procédural à un jugement d'ouverture (13), s'en distingue néanmoins. Le jugement d'extension n'est pas une ouverture de procédure, de sorte que le seul jugement d'ouverture à prendre en compte pour la fixation de la date de cessation de paiement est bien celui de la personne la première placée sous procédure collective, dont la procédure est ensuite étendue.

Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, il est possible de faire état de véritables exceptions à l'impossibilité de fixer une date de cessation de paiement plus de dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la personne placée sous redressement ou liquidation judiciaire. Il s'agit des hypothèses d'extension sanction, plus justement dénommée action en redressement ou en liquidation judiciaire à titre personnel contre les dirigeants d'une personne morale sur le fondement des articles L. 624-4 et L. 624-5 du Code de commerce (anct L. 25 janv. 1985, art. 181 et 182). L'ouverture de la procédure collective à titre de sanction est ici indépendante de l'état de cessation des paiements de la personne sanctionnée (14). L'article L. 624-5, alinéa 9, du Code de commerce (anct L. 25 janv. 1985, art. 182, al. 9) prévoit que "la date de cessation des paiements est celle fixée par le jugement d'ouverture [...] de la personne morale". Le tribunal ne peut donc remonter la date de cessation des paiements, dans la procédure ouverte contre le dirigeant, à une date antérieure à celle retenue pour la personne morale (15). Du fait de l'identité de date de cessation de paiements de la personne morale débitrice et du dirigeant sanctionné, la période suspecte, dans la procédure collective de ce dernier, peut durer plus de dix-huit mois.

La solution est la même en cas d'ouverture de procédures sur le fondement de la solidarité à l'encontre des associés indéfiniment et solidairement responsables du passif de la personne morale débitrice, sur le fondement de l'article L. 624-1 du Code de commerce (anct L. 25 janv. 1985, art. 3, al. 178). La Cour de cassation, de manière analogique avec la solution posée en cas d'extension à un dirigeant fautif, décide que la date de cessation des paiements retenue contre les membres ou associés est celle de la personne morale, peu important que cette date soit antérieure de plus de dix-huit mois par rapport à l'ouverture de la procédure contre les membres ou associés (16).

Ces deux dernières solutions, constitutives de véritables exceptions à la règle de l'interdiction de fixer une période suspecte sur une durée supérieure à dix-huit mois, n'ont plus vocation à jouer sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, alors que, si ces procédures à titre de sanction ou au titre de la solidarité ont été valablement ouvertes avant le 1er janvier 2006, la loi de sauvegarde restera sur elles sans effet.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)

  • L'incidence de l'absence de déclaration de créances des cotisations d'assurance vieillesse sur le droit à pension de retraite (Cass. com., 13 novembre 2007, n° 06-14.372, Caisse d'allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés de l'assurance et de capitalisation (CAVAMAC), FS-P+B N° Lexbase : A5869DZE)

Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, l'absence de déclaration de créances de cotisations d'assurance vieillesse et de relevé de forclusion entraîne l'extinction de la créance. Du fait de l'extinction de la créance, l'affilié est à jour de ses cotisations, ce qui lui permet d'obtenir la liquidation de la pension de retraite.

Tout professionnel indépendant est soumis à un régime d'assurance vieillesse obligatoire. A l'occasion de la procédure collective du professionnel, la caisse d'assurance vieillesse doit procéder à la déclaration au passif des cotisations impayées au jour du jugement d'ouverture. Lorsque la créance est déclarée au passif mais qu'elle n'est pas payée en application de la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que "l'absence de règlement intégral des cotisations antérieures ne prive pas l'assuré ou ses ayants droits de tout droit aux prestations, mais a seulement pour effet d'exclure la période pendant laquelle les cotisations n'ont pas été payées du calcul du montant des prestations" (17). Dans un arrêt du 13 novembre 2007, la Chambre commerciale vient, cette fois, s'intéresser à l'incidence de l'absence de déclaration de la créance de l'organisme social sur le droit à une retraite normale de l'adhérent.

En l'espèce, un affilié à une caisse d'assurance vieillesse avait fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actifs. La caisse de retraite envers laquelle l'affilié demeurait débiteur d'un arriéré de cotisations n'avait pas déclaré sa créance ni demandé à être relevée de la forclusion. Le débiteur avait alors ultérieurement sollicité la liquidation de ses droits à pension de retraite. La caisse lui ayant opposé que cette liquidation ne pourrait intervenir que si cet arriéré lui était réglé, le débiteur s'était, dans un premier temps, exécuté, puis avait présenté une demande en répétition de l'indu. La cour d'appel avait accueilli cette demande et condamné, en conséquence, la caisse à rembourser au débiteur les sommes que celui-ci avait réglées au titre de la créance d'arriéré de cotisations non déclarée au passif de sa procédure.

Se pourvoyant en cassation, la caisse soulevait deux moyens. Elle se prévalait, d'abord, de son omission sur la liste certifiée que le débiteur avait remise au représentant des créanciers, ce qui lui avait fait perdre le bénéfice de l'avertissement, en qualité de créancier connu, d'avoir à déclarer sa créance. Cette omission constituait, d'après la caisse, une fraude lui permettant de recouvrer, après clôture de la procédure, son droit de poursuites individuelles pour obtenir, à titre de dommages-intérêts, le paiement de l'équivalent de la créance éteinte par la fraude du débiteur. Dans un second moyen, la caisse faisait état de ce que la liquidation de la pension de retraite était, selon l'article 9 du titre 2 des statuts de la caisse, subordonnée à la condition que l'adhérent soit à jour du paiement de ses cotisations. Or, selon l'organisme social, l'extinction des cotisations en conséquence du défaut de déclaration de créance établissait, selon lui, que l'affilié n'était pas à jour de ses cotisations, ce qui devait donc lui fermer la liquidation de sa pension de retraite.

Ecartant ces arguments, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de la caisse d'allocation vieillesse. En réponse au premier moyen, elle considère que la cour d'appel, qui avait retenu que le débiteur pouvait légitimement croire que l'absence de règlement des cotisations avait pour seule conséquence l'annulation des points de retraite attribués en contrepartie, avait pu en déduire que la caisse, faute d'avoir démontré que le débiteur avait intentionnellement dissimulé sa dette, ne pouvait prétendre au paiement de dommages-intérêts.

Sur le second moyen, qui nous intéresse plus particulièrement, l'arrêt considère que, du fait de l'extinction de la créance de la caisse en l'absence de déclaration de créance, le débiteur était à jour de ses cotisations, de sorte que se trouvait remplie la condition posée à l'article 9 du titre 2 des statuts de la caisse, subordonnant la liquidation des droits à une retraite normale de l'adhérent au fait que ce dernier soit à jour du paiement de ses cotisations.
Cette position prise par la Chambre commerciale de la Cour de cassation doit être approuvée. On sait que, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, l'absence de déclaration de créance et de relevé de forclusion conduit à l'extinction de la créance (C. com., ancien art. L. 621-46 al. 4 N° Lexbase : L6898AIC). Cette disposition n'avait pas été considérée comme contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) (18). Cette extinction de la créance produit un effet radical : elle ne laisse pas même subsister une obligation naturelle susceptible d'une conversion en obligation civile (19). La Cour de cassation a, ainsi, clairement indiqué que ce n'est pas seulement l'action qui est fermée aux créanciers puisque c'est la créance elle-même qui est éteinte (20).

Les statuts des caisses de retraite prévoient classiquement que la liquidation de la pension de retraite est subordonnée à la condition que l'affilié soit à jour du paiement de ses cotisations. L'absence de déclaration de la créance, et donc l'extinction de celle-ci, doit-elle conduire à considérer l'adhérent comme étant à jour au titre desdites cotisations ? Dans l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale répond à cette question par l'affirmative. La logique commande la solution : dès lors que l'on ne doit rien puisque la créance est éteinte, on doit être considéré comme étant à jour. Ainsi, en cas d'extinction de la créance de cotisations sociales antérieures non déclarées, l'affilié, dès lors qu'il a réglé toutes les créances postérieures, doit être considéré comme étant à jour de ses cotisations. Cela lui permettra donc la liquidation de ses droits à une retraite normale sous réserve, précise la Cour, de l'annulation des points de retraite attribués en contrepartie de la créance éteinte.

L'intérêt de cette décision ne se résume pas à l'hypothèse qu'elle évoque -celle de l'extinction d'une créance de cotisation de retraite-. Cette solution peut, en effet, être transposée en matière de contrat de crédit-bail. Une clause de style, insérée dans les contrats de crédit-bail et de location avec option d'achat, précise que la faculté de levée de l'option d'achat du bien en fin de contrat offerte au preneur est subordonnée au paiement de l'intégralité des sommes dues au titre du contrat. Se pose alors, dans des termes voisins de ceux que l'on vient d'évoquer, la question suivante : en l'absence de déclaration au passif de créances des loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective du débiteur, ce dernier pourra-t-il lever l'option d'achat du bien objet du contrat nonobstant le défaut de règlement des loyers antérieurs ? Si l'on suit la position adoptée par la Cour de cassation en matière de cotisations de retraite, la réponse doit être affirmative. L'absence de déclaration de créances de loyers, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, conduit à l'extinction de cette créance. Il en résulte que l'établissement de crédit-bail ne pourra pas subordonner la faculté de lever l'option d'achat au paiement d'une créance de loyers non déclarée et donc éteinte.

La solution posée par l'arrêt du 13 novembre 2007 l'est sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985. A-t-elle vocation à demeurer sous l'empire de la législation de sauvegarde des entreprises ? Il n'en est rien. L'article L. 622-26, alinéa 1, du Code de commerce, issu de la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L3746HBD), dispose que, "à défaut de déclaration dans les délais fixés par décret en Conseil d'Etat, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes". La sanction du défaut de déclaration de créance n'est donc plus l'extinction de celle-ci mais, selon la doctrine, l'inopposabilité du droit de créance à la procédure collective (21). Il en résulte l'interdiction pour le créancier d'être payé pendant la procédure collective (22). Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, la Chambre commerciale avait considéré que l'interdiction de payer une créance antérieure ne valait pas paiement (23). Par analogie, il convient de considérer que l'interdiction de paiement résultant de l'absence de déclaration de la créance ne peut pas davantage être assimilée à un paiement. Il en résultera donc que, sous l'empire de la législation actuelle, nonobstant l'absence de déclaration au passif de loyers antérieurs au jugement d'ouverture, le débiteur ne pourra lever l'option d'achat que si cette créance de loyers est néanmoins payée. De même, dans le domaine de l'assurance vieillesse qui nous intéresse plus spécialement ici, l'affilié ne pourrait obtenir la liquidation de ses droits à une retraite normale que s'il est à jour de ses cotisations, y compris celles qui n'ont pas été déclarées au passif de sa procédure et qui ne sont plus désormais frappées d'extinction. Cependant, dans cette hypothèse, sera selon toute vraisemblance reprise la solution posée par la Chambre commerciale, selon laquelle "l'absence de règlement intégral des cotisations antérieures ne prive pas l'assuré [...] de tout droit aux prestations, mais a seulement pour effet d'exclure la période pendant laquelle des cotisations n'ont pas été payées du calcul du montant des prestations" -solution dont nous avions indiqué qu'elle violait pourtant ouvertement la règle de la législation sociale (24)-.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences des Universités, Directrice du Master 2 droit de la banque de la faculté de Toulon


(1) CA Toulouse, 4ème ch. soc., 1ère sect., 16 mars 2006, Rev. proc. coll. 2006/3, p. 276, n° 2, obs. G. Blanc.
(2) Cass. crim., 18 novembre 1991, n° 90-83.775, Pentoux Jean-Louis (N° Lexbase : A5381A43), Rev. proc. coll. 1992, 319, obs. J. Devèze ; JCP éd. E, 1992, I, 192, n° 17, obs. M. Cabrillac ; JCP éd. G, 1993, I, 3686, n° 11, obs. C. Gavalda et J. Stoufflet ; JCP éd. G, 1993, II, 22102, note M.-C. Sordino ; RTD com. 1992, p. 878, obs. P. Bouzat ; Cass. crim., 21 juin 1993, n° 92-84.526 (N° Lexbase : A4145ACI), RJ com. 1994, 16, note R. Bernardini et A. Honorat.
(3) Ph. Pétel, Procédures collectives, 5ème éd., Cours Dalloz, 2006, n° 427.
(4) Rapp. Xavier de Roux, n° 2095, p. 448 et 449.
(5) Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-20.964, M. Avenier c/ M. Chevrier, ès qualités de mandataire-liquidateur de la liquidation judiciaire de la Croissanterie 2000 et autre, publié (N° Lexbase : A4787ABW), Bull. Joly 1993, I, 298, n° 20, obs. M. Cabrillac ; LPA 26 janvier 1994, p. 20, note R. Bernardini et A. Honorat.
(6) D. Voinot, Droit économique des entreprises en difficulté, LGDJ 2007, n° 734.
(7) A. Jacquemont, Procédures collectives, Litec, 5ème éd., 2007, n° 950.
(8) Cass. com., 11 juin 2003, n° 00-15.676, Société Sedimab c/ M. Jean-Gilles Dutour, F-D (N° Lexbase : A7101C8I).
(9) Cass. com., 24 octobre 1995, n° 93-20.469, Société BVE, société en nom collectif c/ Société Lasseron et autres (N° Lexbase : A8026AHQ), Rev. proc. coll. 1996, p. 206, n° 12, obs. Calendini ; Cass. com., 8 juin 1999, n° 96-22.071, M. Raynaud c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Centre France (N° Lexbase : A5386A4A), Act. proc. coll. 1999/12, n° 155 ; LPA 8 juillet 1999, n° 135, p. 5, note P. M..
(10) CA Bourges, 31 août 2004, n° 03/01035, M. Marc Augy c/ Me Axel Ponroy, mandataire judiciaire, membre de la SCP Ledeur & Ponroy, agissant ès qualités de mandataire liquidateur (N° Lexbase : A4310DH4), JCP éd. E, 2005, pan. 551, p. 604.
(11) Cass. com., 24 octobre 1995, précité ; Cass. com., 3 avril 2001, n° 98-14.195, M. Jacques Puyaubran       (N° Lexbase : A1899ATI), RJDA 2001/8-9, n° 874.
(12) Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-16.204, Société civile professionnelle (SCP) Guérin Diesbecq c/ Société Le Moulage Technique, FS-P (N° Lexbase : A6034A4A), D. 2003, AJ p. 347 ; Act. proc. coll. 2003/3, n° 31, obs. J. Vallansan ; RTD com. 2003, p. 813, n° 5, obs. C. Saint-Alary-Houin ; Dr. et proc. 2003/4, p. 235, note P.-M. Le Corre ; Bull. Joly 2003, n° 78, p. 402, note F.-X. Lucas ; Rev. proc. coll. 2004, p. 273, n° 13, obs. M.-P. Dumont ; Cass. com., 17 décembre 2003, n° 02-16.029, Sociétés SMGT et SNC du Château Saint-Corneille c/ M. Claude Vayrac, F-D (N° Lexbase : A4935DAZ) ; Cass. com., 23 novembre 2004, n° 03-17.799, M. Jean-Pierre Abbadie, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan des sociétés CLC International, CLC Location, CLC Transport et Coste c/ M. Francis Coste, F-D (N° Lexbase : A1350DEQ).
(13) Ce qui a justifié, par exemple, la recevabilité à son encontre de la tierce opposition : Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-12.117, Banque française de crédit coopératif c/ Epoux Gatterreet autres (N° Lexbase : A3601AUW), Act. proc. coll. 2000/14, n° 173 ; D. 2000, jur. p. 375, obs. A. Lienhard ; Cass. com., 8 octobre 2003, n° 00-19.730, Société Via banque c/ SCI Les Payots, F-D (N° Lexbase : A7124C9Q), lire P.-M. Le Corre, La voie de recours du créancier à l'encontre du jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines, Lexbase Hebdo n° 93 du 6 novembre 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N9274AAQ) ; D. 2003, AJ p. 2817, note P.-M. Le Corre ; LPA 16 février 2004, n° 33, p. 9, note H. Lécuyer ; Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-14.595, M. Michel Sulmon c/ Société civile professionnelle (SCP) Perney Angel, F-P+B (N° Lexbase : A6782DPU), Gaz. proc. coll. 2006/3, p. 15, obs. Ch. Lebel ; Gaz. proc. coll. 2006/3, p. 18, obs. I. Rohart-Messager ; lire P.-M. Le Corre, Entreprises en difficulté : panorama bimestriel - mai/juin 2006 (1ère partie), Lexbase Hebdo n° 221 du 29 juin 2006 (N° Lexbase : N0179AL9).
(14) Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-14.045, M. Luigi Ferraro c/ Société civile professionnelle (SCP) Curé-Thiebaut, F-D (N° Lexbase : A0815C93) ; Cass. com., 12 octobre 2004, n° 03-15.335, M. Georges Seznec c/ Société Mutualité sociale du Finistère, F-D (N° Lexbase : A6168DDS) ; Cass. com., 7 juin 2005, n° 03-11.229, M. Yves Coudray, en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Van Themsche c/ M. Jean-Denis, F-P+B (N° Lexbase : A6436DI9), D. 2005, AJ p. 1697, obs. A. Lienhard ; D. 2006, somm. comm.. p. 87, obs. P.-M. Le Corre ; JCP éd. E, 2005, chron. 1274, p. 1427, n° 168, obs. Ph. Pétel ; Act. proc. coll. 2005/13, n° 161, note J. Vallansan ; Rev. sociétés 2005/4, p. 906, note P.-M. Le Corre ; lire Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence des mois de mai et juin 2005, la chronique de P.-M. Le Corre (première partie), Lexbase Hebdo n° 177 du 21 juillet 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N6689AIL).
(15) Cass. com., 27 novembre 2007, n° 06-19.076, M. François Landreau, F-D (N° Lexbase : A9439DZM).
(16) Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-16.200, M. Jacques Moyrand, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1171DQG), D. 2006, AJ p. 1890, obs. A. Lienhard ; Gaz. proc. coll. 2006/4, p. 11, note Ch. Lebel ; Rev. sociétés 2007/1, p. 174, note Ph. Roussel Galle.
(17) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-20.396, Mme Maria Fernanda Da Cunha Rodrigues, épouse Guerra Frade Malheiro, F-P+B (N° Lexbase : A6879DUC), Act. proc. coll. 2007/8, n° 84, note C. Régnaut-Moutier ; JCP éd. E, 2007, chron. 2119, p. 23, n° 6, obs. Ph. Pétel ; note E. Le Corre-Broly, Lexbase Hebdo n° 257 du 26 avril 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N8867BAN).
(18) Cass. com., 3 octobre 2000, n° 98-12.275, M. Dominique Perbos c/ Mme Isabelle Barault, mandataire judiciaire (N° Lexbase : A2216AZ4), RD Banc. et fin. 2001/1, n° 18, obs. F.-X. Lucas.
(19) Cass. com., 31 mai 1994, n° 92-10.227, Société de crédit immobilier rural du Massif central c/ Mme Jacquet et autres (N° Lexbase : A6718ABG), Bull. civ. IV, n° 197 ; Rev. proc. coll. 1995, 56, n° 6, obs. B. Dureuil, D. 1995, somm. p. 25, obs. A. Honorat ; Cass. com., 1er octobre 2002, n° 99-17.876, Caisse de Crédit mutuel de Fontaine c/ M. Daniel Bourguignon, F-D (N° Lexbase : A9156AZ7), RD Banc. et fin. 2003/2, p. 100, n° 74, obs. F.-X. Lucas ; Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-21.805, M. Hervé Menigoz, F-D (N° Lexbase : A6910DUH).
(20) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-21.805, précité.
(21) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action 2006/2007, n° 665.75 ; partageant cette opinion : Ph. Pétel, Procédures collectives, 5ème éd., Dalloz, 2006, n° 382 ; A. Lienhard, Sauvegarde des entreprises en difficulté, 2ème éd., Delmas, 2007, n° 1108 ; F. Pérochon, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 536.
(22) V. sur la question, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action 2006/2007, n° 665.76.
(23) Cass. com., 26 novembre 2002, n° 00-13.710, Société Batimap c/ Banque populaire des pyrénées-Orientales, F-D (N° Lexbase : A1128A4K), D. 2003, jur. p. 22, note P.-M. Le Corre ; Act. proc. coll. 2003/2, n° 14, obs. J.-Ch. Boulay ; Dr. et proc. 2003/3, p. 161, obs. P. Crocq ; JCP éd. E, 2003, chron. 760, p. 852, n° 11, obs. Ph. Pétel ; D. 2003, jur. p. 22, note P.-M. Le Corre.
(24) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-20.396, précité ; note E. Le Corre-Broly précitée.

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