La lettre juridique n°176 du 14 juillet 2005 : Procédures fiscales

[Jurisprudence] Mention du fondement légal des redressements

Réf. : Cass. com., 31 mai 2005, n° 03-19.018, M. le directeur général des impôts, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Guillaume Rouvier, F-D N° Lexbase : A5116DIC)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

La mention des textes sur lesquels se fondent les redressements constitue une obligation pour l'administration en matière de droits d'enregistrement. Cependant, cette obligation ne vise que les textes concernant la cause et le fondement des redressements. En effet, nul n'ignore que la loi impose à l'administration fiscale, lorsqu'elle envisage un redressement, d'adresser au redevable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de faire connaître son acceptation ou de formuler ses observations et d'ouvrir, ainsi, le dialogue, qui est de l'essence même de la procédure contradictoire (LPF, art. L. 57 N° Lexbase : L5567G4X). Ainsi, à peine de nullité de la procédure, la proposition de rectification doit obligatoirement comporter l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels se fondent les redressements. Ces motifs peuvent être exposés succinctement, mais de manière à éclairer suffisamment le contribuable pour qu'il puisse prendre position en toute connaissance de cause (Doc. adm. 13 L 1513, 1er avril 1995, n° 18). S'agissant très précisément de la nécessité de mentionner les textes sur lesquels les redressements sont fondés, il existe une divergence entre les Sages du Palais Royal et la Haute juridiction, les premiers adoptant une position pragmatique et la seconde une position plus rigoriste. 1. Conseil d'Etat : la compréhension des redressements

Le juge administratif considère que la mention des textes qui fondent les redressements n'est pas obligatoire. Autrement dit, l'explication du redressement au contribuable prend le pas sur la mention de l'article du Code. En effet, le juge considère, en s'appuyant sur l'article L. 57 du LPF, que la loi fiscale impose uniquement une motivation qui permette au contribuable, destinataire d'une proposition de rectification, de participer utilement à la procédure contradictoire et n'impose pas la mention systématique des textes (CE, Contentieux, 21 janvier 1991, n° 74287, Andrieu c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0907AIG ; CE, Contentieux, 21 mai 1976, n° 94052, Sieur X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1516AXG). Ainsi, a été considérée comme suffisamment motivée une notification, concernant des revenus distribués, qui mentionnait les motifs de droit et de fait du redressement, son montant en base, la catégorie de revenus et l'année d'imposition concernée, même si les articles du CGI qui le fondait n'y étaient pas expressément cités. Cette absence de mention n'empêchait pas les contribuables, à la fois associés et dirigeants sociaux, de comprendre la portée du redressement (CAA Nantes, 1ère ch., 19 juin 2002, n° 99NT00400, M. Raymond Denis c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5306AZK). Cette jurisprudence pourrait, cependant, connaître un infléchissement. En effet, dans un litige examiné en 1998 (CE, Contentieux, 8 avril 1998, n° 157508, M. Renucci c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7166AS9), selon le commissaire du Gouvernement, Jacques Arrighi de Casanova, il faut réserver l'hypothèse où l'indication du texte serait nécessaire pour éclairer le contribuable sur les considérations de droit fondant les redressements. Autrement dit, citer les dispositions du CGI qui justifient les redressements serait impératif si cette mention expresse était nécessaire à la compréhension de ces redressements par le contribuable.

2. Cour de Cassation : la mention expresse du texte, fondement légal

2.1. La mention expresse...

S'agissant des droits d'enregistrement pour lesquels le juge judiciaire est compétent, la Haute juridiction fait obligation aux services de mentionner les textes sur lesquels s'appuient les redressements (Cass. com., 15 décembre 1987, n° 86-15.872, Société Strugo et Cie - résidence le grand lièvre c/ Directeur général des impôts, publié N° Lexbase : A3005AXL ; lire Daniel Faucher, Dans quel cas le service fiscal doit-il citer le texte du CGI dont il est fait application dans la notification de redressements ?, Lexbase Hebdo n° 1, du 5 Décembre 2001 - édition fiscale N° Lexbase : N1415AAN). Mais l'obligation ne va pas jusqu'à préciser la teneur des textes cités dans la notification (Cass. com., 3 octobre 995, n° 93-19.015, Mme Joëlle Emard, née Guinde c/ M. le directeur général des impôts, inédit au bulletin, Cassation sans renvoi N° Lexbase : A9965CLN). Autrement dit, le simple visa des textes suffit et il n'est pas nécessaire d'effectuer leur transcription littérale. La Cour de cassation adopte, donc, une position plus rigoriste que le Conseil d'Etat. Ainsi, en l'absence de mention du texte, fondement légal du redressement, cette mention étant considérée comme une formalité substantielle, la procédure est irrégulière.

2.2. ...des textes qui concernent la cause et les conséquences des redressements

L'exigence de citer les textes qui autorisent les redressements se limite à ceux qui concernent "la cause et les conséquences des redressements". Ainsi, la notification par laquelle sont réintégrés à l'actif de succession des dons manuels non déclarés n'a pas à viser l'article 777 du CGI N° Lexbase : L5128AA8) relatif aux taux d'imposition, dès lors que l'application de cet article, dont il était fait état dans la déclaration de succession déposée spontanément, n'était pas remise en cause par le redressement (Cass. com., 25 avril 2001, n° 98-14.375, Directeur général des impôts c/ Mme Murielle Bertrand N° Lexbase : A2809AT9). De même, les textes relatifs à la solidarité entre héritiers n'ont pas à être cités (Cass. com., 24 juillet 1997, n° 1689 D). En revanche, lorsque le défunt, marié sous un régime de séparation de biens, a alimenté seul un compte joint avec son épouse, l'administration, lorsqu'elle réintègre à sa succession le solde du compte dans son intégralité doit se fonder nécessairement sur l'article 753 du CGI . Si la notification concerne la valeur d'un bien, ayant, par exemple, fait l'objet d'une donation, sa régularité n'est pas contestable, dès lors que sont cités, d'une part, l'article L. 17 du LPF (N° Lexbase : L5557G4L) (relatif au pouvoir de rectification des évaluations), d'autre part, l'article 790 du CGI (relatif aux réduction de droits) quand bien même elle ne mentionnerait pas l'article 666 du CGI qui énonce le principe de l'assiette des droits de mutation (Cass. com., 16 décembre 1997, n° 95-20.712, Directeur général des impôts c/ M Gilles N° Lexbase : A2028AC4). On remarquera que, dans cette exigence limitée, le juge impose, parfois, au destinataire d'une proposition de rectification un "jeu de piste". En effet, il n'impose pas la retranscription littérale du texte relatif au mode de calcul des taux applicables au droit départemental d'enregistrement, dès lors que l'article qui concerne les conséquences du redressement, en l'occurrence l'article 683 du CGI , qui, lui, était cité, renvoie à ce texte (Cass. com., 5 décembre 2000, n° 97-20.591, M. Mabrouk El Amri c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A8736AY9, repris dans l'instruction du 26 février 2001, BOI n° 13 L-5-01 N° Lexbase : X8096AA4). De même, en cas de litige sur la valeur d'un immeuble successoral, nul n'est besoin de mentionner l'article 761 du CGI concernant l'assiette des droits (Cass. com., 4 décembre 2001, n° 98-20.120, F-D N° Lexbase : A5593AXG). C'est encore cette notion de cause et de conséquences des redressements qui vient de permettre à la Haute juridiction de casser une décision d'appel qui, pour déclarer nulle une notification de redressement, avait retenu l'absence de visa de l'article 762 du CGI , concernant la valeur de la nue propriété, dans une procédure de rehaussement de valeur de biens donnés en nue propriété. Le litige ne portait pas sur la détermination de la valeur de cette nue propriété par rapport à la valeur en plein propriété, mais sur la valeur globale des biens (Cass. com., 31 mai 2005, n° 03-19.018, F-D N° Lexbase : A5116DIC). Signalons, enfin, que, concernant l'intérêt de retard qui ne constitue pas, selon la doctrine administrative, une pénalité, la mention du texte qui l'institue n'est pas requise (Cass. com., 9 octobre 2001, n° 98-20.119, M. Le Directeur général des impôts c/ M. Jean-Luc Burgart N° Lexbase : A2084AW4).

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