La lettre juridique n°549 du 28 novembre 2013 : Contrat de travail

[Jurisprudence] Le droit aux congés payés est un droit au repos effectif et ne peut être remplacé par une indemnité financière

Réf. : Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-14.070, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6232KPI)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

le 28 Novembre 2013

Selon le rapport annuel sur l'évolution de la durée du temps de travail dans l'Union européenne (1), les salariés français, allemands et danois bénéficient en moyenne 30 jours de congés payés par an, contre 20 jours dans la plupart des pays d'Europe centrale et de l'Est ainsi que la Grèce (23 jours), le Portugal (22 jours), l'Espagne (22 jours) et la Roumanie (21 jours). Le total des congés annuels et des jours fériés dans l'Union européenne varie de 40 jours (Allemagne), 39 jours (Italie, France) à 29 jours (Roumanie, Pologne, Hongrie) voire 28 jours (Estonie). Depuis quelques années, le système français des congés payés est soumis strictement au droit européen, au point parfois d'impliquer une intervention du législateur. Ainsi, au nom du droit aux congés payés et au repos, la CJUE a refusé que le droit aux congés payés soit conditionné par une durée minimale de travail (2). Aussi, le législateur est intervenu pour supprimer toute référence à l'accomplissement d'une période minimale de travail effectif (loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 N° Lexbase : L5099ISN ; C. trav., art. L. 3141-3 N° Lexbase : L5822ISG). La Cour de cassation a donc orienté son mode d'analyse du droit des congés payés, dans un sens "sanitaire" du terme, tel que le conçoit la Cour de justice : le droit au congé est un droit au repos effectif et ne peut être remplacé par une indemnité financière que dans une hypothèse entendue limitativement et précisément, lors de la fin de la relation de travail.
Résumé

Dans son arrêt du 16 mars 2006, la CJCE a dit pour droit que l'article 7 § 1 de la Directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8) :

- s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué, il ne saurait être dérogé à ce droit par un accord contractuel ;

- s'oppose à ce que le paiement du congé annuel minimal fasse l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué, et non d'un versement au titre d'une période indéterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé ;

- ne s'oppose pas, en principe, à ce que des sommes qui ont été payées, de manière transparente et compréhensible, au titre du congé annuel minimal sous la forme de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué soient imputées sur le paiement d'un congé déterminé qui est effectivement pris par le travailleur (CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 N° Lexbase : A6372DNC).

En l'espèce, le contrat de travail se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés, ce dont il résultait que cette clause du contrat n'était ni transparente, ni compréhensible. Lors de la rupture, le salarié n'avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés. La cour d'appel a décidé à bon droit de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice.

En l'espèce, un avocat salarié a été engagé en septembre 2006 par la société F. moyennant une rémunération incluant les congés payés. Il a démissionné le 30 janvier 2009. Au terme de son préavis, l'intéressé a réclamé le paiement du reliquat de ses congés payés (il n'est pas parti en congé pour l'intégralité de ses droits acquis puisqu'au moment de sa démission il disposait encore au total de 25 jours de congés qu'il lui restait à prendre). L'employeur a refusé de donner suite à la demande du salarié, estimant que l'intéressé avait été rempli de ses droits en raison du mode de rémunération stipulé au contrat de travail ; le salarié a saisi le Bâtonnier de son Ordre pour obtenir le paiement d'une indemnité au titre de ce reliquat. La cour d'appel a fait droit aux demandes du salarié et l'employeur s'est donc pourvu en cassation, en vain.

I - Inclusion des congés payés dans le salaire en droit européen

A - Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail

La Directive 93/104/CE (3) prévoit les mesures que les Etats membres sont tenus de prendre pour que tout travailleur bénéficie de périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire ainsi que de congé annuel payé.

Précisément, le régime des congés annuels est fixé par l'article 7 de la Directive, selon lequel les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales ; la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.

La Directive 93/104 a été remplacée par la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM). La rédaction de l'article 7, ainsi que sa numérotation, sont inchangées.

B - Jurisprudence européenne

La CJCE s'est prononcée sur la pratique (anglaise) de la clause "rolled-up holiday pay" (CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04, préc. (4) et aff. C-257/04, préc. (5)) et l'a invalidée.

1 - Les décisions de la CJCE du 16 mars 2006

Les recours étaient relatifs au paiement du congé annuel sous la forme d'une inclusion de la rémunération de celui-ci dans le salaire horaire ou journalier (régime dit "rolled-up holiday pay"). Le règlement de 1998, relatif au temps de travail (Working Time Regulations, 1998, S.I. 1998, n° 1833), prévoit qu'un travailleur a droit à quatre semaines de congé annuel au cours de chaque année de référence. Le congé auquel le travailleur a droit peut être fractionné, mais il ne peut être pris que pendant l'année au titre de laquelle il est accordé, et il ne peut être remplacé par une indemnité financière, sauf s'il est mis fin à la relation de travail.

- Affaire C-131/04

M. X a travaillé pour R. D. Retail Services Ltd entre le 19 avril 2002 et le 19 décembre 2003 (Retail Services fournit les services de son personnel à de grandes entreprises du secteur de la vente au détail ; les travailleurs effectuent des prestations d'installation de magasins et de remplissage des rayons) (6). En janvier 2004, M. X a saisi l'Employment Tribunal (Leeds) d'un recours portant sur le congé annuel payé, parce que l'employeur ne lui a payé que le "rolled-up holiday pay" : en d'autres termes, le salarié a invoqué l'illégalité de la clause de "rolled-up holiday pay". Pour les juges anglais, la question s'est posée de savoir si la violation équivaut à un refus de l'employeur d'autoriser M. X à exercer son droit au congé annuel ou si elle signifie que l'employeur n'a pas versé tout ou partie de la somme due au titre de la rémunération du congé annuel. L'employeur (ainsi que la juridiction de renvoi) estimait qu'un pourcentage de congé payé de 8,33 % permet d'obtenir le montant exact correspondant à une semaine de rémunération après une période d'emploi continue de trois mois, selon l'organisation alternant les postes de jour et ceux de nuit.

- Affaire C-257/04

La société Frank Staddon Ltd, entreprise de la construction, a embauché M. X en tant qu'aide maçon/coupeur de briques, du 2 avril au 23 juin 2001. Il a ensuite été en congé jusqu'au 24 juillet 2001 lorsqu'il a repris le travail auprès de la société. Il n'a pas été rémunéré entre le 23 juin 2001 et le 24 juillet 2001. Le contrat de M. X dispose que tous les montants dus au titre des congés payés et des jours fériés payés sont intégrés au salaire journalier (7).

Par requête présentée devant l'Employment Tribunal, le 20 novembre 2001, M. X a demandé la condamnation de la société à lui payer les congés annuels accumulés pendant la période du 2 avril au 16 novembre 2001. Le tribunal a rejeté ce recours et, en appel, la cour a également rejeté sa demande. M. X a saisi la Court of Appeal, Civil Division, contre cette décision.

Cette dernière a saisi la CJCE pour savoir si l'article 7 de la Directive s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué. La CJCE (cons. 51 et 52) a invalidé ce type de mécanisme : l'article 7 § 1 de la Directive s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué. Il ne saurait être dérogé à ce droit par un accord contractuel.

De plus, la juridiction de renvoi demandait si l'article 7 de la Directive s'oppose à ce que le paiement du congé annuel minimal fasse l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué (système du "rolled-up holiday pay"), et non d'un versement au titre d'une période déterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé. Or, pour la CJCE (cons. 59), le moment où le paiement du congé annuel est effectué doit être fixé de sorte que, lors de ce congé, le travailleur est, quant au salaire, placé dans une situation comparable aux périodes de travail. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. Cette interdiction vise à assurer que le travailleur peut normalement bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé (cons. 60) (8).

Bref, la CJCE invalide les mécanismes contractuels par lesquels le paiement du congé annuel fait l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué, alors qu'il devrait faire l'objet d'un versement au titre d'une période déterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé.

2 - Sens, objectifs

Le motif des décisions rendues par la CJCE s'expliquent par sa volonté de protéger la santé des salariés en les dissuadant de ne pas prendre leurs congés, dans la mesure où existerait une possibilité de monétiser les reliquats de congés.

C'est le sens de sa jurisprudence. Ainsi, en 2006 (CJCE, 6 avril 2006, aff. C-124/05 N° Lexbase : A9378DNN) (9), la CJCE avait invalidé une disposition nationale permettant, pendant la durée du contrat de travail, que les jours d'un congé annuel qui ne sont pas pris au cours d'une année donnée soient remplacés par une indemnité financière au cours d'une année ultérieure.

En effet, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre par les autorités nationales ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la Directive elle-même. Cette Directive consacre la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé, puisque ce n'est que dans le cas où il est mis fin à la relation de travail que son article 7 § 2, permet que le droit au congé annuel payé soit remplacé par une compensation financière.

II - Inclusion des congés payés dans le salaire en droit interne

A - Cadre général : le droit aux congés payés, un droit au repos

La jurisprudence européenne fait du droit aux congés payés un droit au repos, dans son acception sanitaire. Aussi, la règlementation relative au paiement du congé annuel doit assurer la prise effective du congé par le salarié. En d'autres termes, dans tous les cas où quelle qu'en soit la raison le salarié n'a pas pu prendre ses congés à la date prévue, il faut lui permettre de les prendre à une autre date.

La Cour de cassation a consacré cette approche, dans un arrêt rendu en 2012 (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929, FS-P+B+R N° Lexbase : A8714IN3). Le salarié qui n'a pas pris son congé annuel peut prétendre à la réparation du préjudice qui en est résulté. L'employeur ne peut pas se contenter de démontrer qu'il les a payés. Il doit apporter la preuve qu'il a pris les mesures pour que le salarié prenne effectivement ses congés.

En l'espèce, un distributeur de prospectus était soumis au régime de "forfaitisation", ses congés payés étant indemnisés par une majoration de 10 % lors de chaque versement de salaire. Mais aucun des bulletins de paie ne mentionnait la date de prise des congés payés, contrairement aux dispositions de l'article R. 3243-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5170ICH). L'intéressé a demandé réparation de la privation de ses congés. La cour d'appel l'a débouté, conformément à la jurisprudence alors en vigueur, selon laquelle il appartient au salarié de prouver que l'employeur l'a empêché de prendre ses vacances (10). Pour débouter le salarié de sa demande à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels, l'arrêt retient que les bulletins de salaires ne mentionnent pas de date de prise de congés payés annuels mais attestent du versement de la majoration de 10 % et que le salarié ne démontre pas s'être trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels du fait de l'employeur alors que ces congés lui ont été payés.

La Cour de cassation a, au contraire, retenu une solution inverse. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

B - Fin de la forfaitisation de l'indemnité de congés payés ?

1 - Jurisprudence antérieure

Une jurisprudence hésitante. Jusqu'alors, la Cour de cassation avait admis le principe de fixation d'une rémunération globale annuelle (comprenant l'indemnité de congés payés) par voie contractuelle, pour autant que ce mode de calcul soit justifié par des circonstances particulières tenant à l'emploi (11). Plusieurs arrêts s'étaient prononcés en ce sens (Cass. soc., 13 janvier 1988, n° 87-40.619 N° Lexbase : A1707ABT ; Cass. soc., 19 octobre 1988, n° 86-43.100 N° Lexbase : A1235CXZ ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 08-41.229 N° Lexbase : A2149EEC). L'exception pouvait également tenir aux circonstances exceptionnelles empêchent l'application de la réglementation légale (Cass. soc., 9 mars 1977, n° 76-40.170 N° Lexbase : A7363CGS).

Une jurisprudence tolérante. La validité de l'inclusion de l'indemnité de congés payés dans la rémunération à raison des circonstances particulières de travail a été retenue :

- en raison du caractère intermittent, irrégulier ou discontinu (Cass. soc., 9 novembre 1988, n° 86-12.458 N° Lexbase : A1860AHD ; Cass. soc., 16 décembre 1992, n° 89-40.827 N° Lexbase : A4949ABW) ;

- pour les salariés payés à la commission, notamment les représentants de commerce (Cass. soc., 11 mai 1988, n° 86-40.460, 86-40.573 et 86-40.579 N° Lexbase : A2275AHQ ; Cass. soc., 30 mai 2000, n° 97-45.946 N° Lexbase : A6686AH4).

Puis la Cour a généralisé le principe (Cass. soc., 2 avril 1997, n° 95-42.320 et 95-42.329 N° Lexbase : A2106ACY ; Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.695 N° Lexbase : A7574ENT).

Un principe admis, mais sous conditions. La faculté d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération est néanmoins subordonnée à une double condition.

Premièrement, il doit y avoir une convention expresse entre l'employeur et le salarié. La convention de forfait ne se présume pas ; elle doit être précise (jurisprudence abondante, V. par ex. Cass. soc., 12 mars 2002, n° 98-43.144 N° Lexbase : A9349AS3 ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 08-41.229, FS-P+B sur le premier moyen N° Lexbase : A2149EEC ; Cass. soc., 6 mai 2009, n° 07-43.559 N° Lexbase : A7481EG8 ; Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.695, préc.).

Deuxièmement, la convention de forfait ne doit pas aboutir à un résultat moins favorable que l'application stricte de la loi. En effet, s'il n'est pas interdit aux parties de convenir d'un salaire forfaitaire, incluant les congés payés, encore faut-il que cette convention soit expresse et que ses modalités n'aboutissent pas pour le salarié à un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales (Cass. soc., 2 avril 1997, n° 95-42.320, préc. ; Cass. soc., 4 juin 1998, n° 96-41.441 N° Lexbase : A1626ABT ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 08-41.229, préc.). La convention de forfait ne doit affecter ni les règles légales, ni les stipulations d'un accord collectif (Cass. soc., 11 mai 1988, n° 86-40.565 N° Lexbase : A2377AHI).

2 - Arrêt rapporté

Au visa des articles L. 3141-12 (N° Lexbase : L0562H9P), L. 3141-14 (N° Lexbase : L0564H9R), D. 3141-5 (N° Lexbase : L9452H9X) et D. 3141-6 (N° Lexbase : L9449H9T) du Code du travail, en 2012, la Cour de cassation a fixé une ligne directrice générale : le versement d'une indemnité ne peut suppléer la prise effective des congés (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929, préc.).

Par l'arrêt rapporté, la Cour confirme et amplifie la solution. Le salarié estimait qu'en raison de sa démission, il ne prendrait jamais effectivement ses jours de congés qui lui restaient sur les périodes 2007-2008 et 2008-2009 et qu'il ne saurait être privé de ses droits au titre des congés payés. La cour d'appel de Versailles a constaté que le contrat de travail se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés : la Cour de cassation (arrêt rapporté) en tire la conséquence que cette clause du contrat n'était ni transparente, ni compréhensible. Enfin, lors de la rupture, le salarié n'avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés : la cour d'appel a pu, à bon droit, condamner l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice.

Stricto sensu, la Cour de cassation, par l'arrêt rapporté, n'indique pas qu'elle invalide les clauses des contrats de travail forfaitisant l'indemnité de congés payés (qui serait donc incluse dans le versement du salaire, chaque mois). Mais la Cour vise expressément les arrêts de la CJUE du 16 mars 2006, par lesquels la Cour de justice avait très clairement invalidé les clauses dites de "rolled-up holiday pay". En effet, la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. Cette interdiction vise à assurer que le travailleur peut normalement bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Or, le régime du "rolled-up holiday pay" risque de conduire à des situations où la période minimale de congé annuel payé serait, en effet, remplacée par une indemnité financière. La CJUE (cons. 63) vise spécifiquement la clause britannique dite "rolled-up holiday pay", mais, plus largement, la clause du contrat de travail par laquelle le paiement du congé annuel minimal fait l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail.


(1) Rapport annuel sur l'évolution de la durée du temps de travail dans l'Union européenne (26 juin 2013, Liaisons Sociales Europe n° 334 du 25 juillet 2013), Fondation pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).
(2) CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10 (N° Lexbase : A2471IB7) ; L. Driguez, note, Europe n° 3, mars 2012, comm. 127.
(3) Biblio. Générale : S. Henion-Moreau, M. Le Barbier-Le Bris et M. Del Sol, Droit social européen et international, PUF, 2013, coll. Thémis, § 397 pp. 418 à 422 ; F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen du travail, Groupe revue fiduciaire, 2010, p. 339 ; P. Rodière, Traité de droit social de l'Union européenne, LGDJ, 2008, § 489 ; J.-M. Servais, Droit social de l'Union européenne, Bruylant, 2011, n° 671 ; B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, coll. Manuel, 5ème éd. 2013, n° 664. Biblio. spécifique ; A. Johansson, Influence sur le droit français de la Directive temps de travail 2003/88 et de la jurisprudence de la Cour de justice y afférente (hors congés payés), Dr. soc., 2012, p. 821.
(4) CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 (N° Lexbase : A6372DNC), Liaisons Sociales Europe n° 149 du 30 mars 2006 ; J.-P. Lhernould, Le bilan 2006 de la jurisprudence sociale de la Cour de justice, Liaisons Sociales Europe, n° 167 du 11 janvier 2007 ; G. Vachet, A propos de l'inclusion du paiement des congés annuels dans le salaire horaire ou journalier, JCP éd. S., 2006, nº 1308, p. 23 ; L. Idot, Inclusion du paiement du congé annuel dans le salaire horaire, Europe, 2006, mai, Comm. nº 153, p. 19 ; H. Tissandier, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2006, p. 657 ; M. Vericel, note Rev. de droit du travail n° 1-2007, p. 43. V. aussi Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 27 octobre 2005 ; V. aussi F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen du travail, préc., p. 353.
(5) CJCE, 16 mars 2006, aff. C-257/04 (N° Lexbase : A6372DNC) : L. Idot, préc. ; H. Tissandier, préc. ; F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen du travail, préc., p. 353 ; V. aussi Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 27 octobre 2005, préc..
(6) M. X travaillait soit en postes de jour de douze heures chacun sur une période de cinq jours, soit en postes de nuit, de douze heures également, sur quatre jours, de manière continue au cours de la période d'emploi, à l'exception d'une semaine de congé à Noël en 2002, qui n'a pas été rémunérée séparément. A compter du 29 juin 2003, son emploi était régi par un contrat intitulé "Conditions applicables au recrutement des travailleurs temporaires". La clause de ce contrat dispose que le droit au paiement du congé s'acquiert en proportion du temps travaillé de manière continue par le travailleur temporaire en mission au cours de l'année de congé. Le travailleur temporaire accepte que le paiement correspondant au droit au congé payé se fasse en même temps que son salaire horaire, auquel il s'ajoute, au taux de 8,33 % du salaire horaire. M. X recevait son salaire sur une base hebdomadaire (6,25 GBP de l'heure en poste de jour et à 7,75 GBP de l'heure en poste de nuit). Le taux de rémunération intègre la compensation correspondant aux jours de vacances et de maladie.
(7) En application de l'accord collectif local du 9 juillet 1984, les indemnités de congés payés sont intégrées au salaire horaire et ne s'accumulent donc pas. Les congés sont pris pendant les périodes de repos prévues par le système de rotation. Le salaire horaire intègre, à hauteur de 13,36 %, la rémunération du congé. Pour 182 jours de travail par an, chaque appelant percevait une rémunération pour 24,32 jours de congé sur les 7,515 GBP payés par heure de travail, 6,629 GBP correspondaient au temps de travail effectif et 88,6 pence à la majoration au titre du paiement du congé.
(8) CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/9 (N° Lexbase : A8499GAZ) (point 44), Europe 2001, comm. 261 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI), Rec. p. I-2605, point 30.
(9) Rec. 2006 page I-03423 ; L. Idot, Congé annuel et compensation financière, Europe 2006, mai, Comm. nº 155, p. 20 ; H. Tissandier, préc..
(10) Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 02-43.575, F-D (N° Lexbase : A7898DAR) ; Cass. soc., 14 octobre 1998, n° 96-40.083 (N° Lexbase : A2793CTM).
(11) Cf. l’Ouvrage "Droit du travail", La date du paiement de l'indemnité de congé payé .

Décision

Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-14.070, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6232KPI)

Rejet (CA Versailles, 1ère ch., 1ère section, 15 décembre 2011, n° 10/06880 N° Lexbase : A3190H8N)

Textes concernés : Directive 93/104/CE (N° Lexbase : L7793AU8) ; C. trav., art. L. 3141-26 (N° Lexbase : L0576H99)

Mots-clés : Congés payés - Droit au congé annuel payé - Inclusion du paiement du congé annuel dans le salaire horaire ou journalier ("rolled-up holiday pay") - Clause du contrat de travail - Validité - Caractère transparente et compréhensible.

Lien base : (N° Lexbase : E0097ETR)

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