Réf. : Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 19-16.434, F-D (N° Lexbase : A24974E9)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 08 Février 2021
► L’assureur dommages-ouvrage doit préfinancer le coût des travaux de reprise des désordres de nature décennale ;
► lorsque les travaux de reprise impliquent la souscription d’une assurance dommages-ouvrage et des frais de maîtrise d’œuvre, l’assureur dommages-ouvrage doit les prendre en charge.
Le but du mécanisme dit « à double détente » de l’assurance dommages-ouvrage est d’assurer la rapidité et l’efficacité de la réparation des dommages les plus graves que peuvent subir un maître d’ouvrage après la réception des travaux : ceux qui sont de nature décennale. Les articles L. 243-2 (N° Lexbase : L1826KGQ) et suivants du Code des assurances précisent, en effet, que l’assureur dommages-ouvrage indemnise le maître d’ouvrage du coût de réparation des dommages de nature décennale qu’il subit puis, subrogé dans les droits du maître d’ouvrage, se retourne contre les constructeurs présumés responsables en application des articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et 1792-1 (N° Lexbase : L1921ABR) du Code civil ainsi que leur assureur de responsabilité civile décennale.
Les modalités d’appréciation de ce droit à réparation du préjudice matériel subi par le maître d’ouvrage par l’assureur dommages-ouvrage relèvent du droit commun. Autrement dit, il est fait application du principe de réparation intégrale du préjudice. Il n’est donc pas étonnant que la jurisprudence ait pu y inclure les frais de maîtrise d’œuvre, de contrôle technique ou encore, comme c’est le cas en l’espèce, le coût de l’assurance dommages-ouvrage qui devrait être souscrite pour les travaux de reprise. Ces coûts sont, en effet, considérés comme un dommage direct qui ne peut être dissocié du coût des travaux réparatoires.
Pour reprendre l’expression utilisée par la Cour de cassation, la victime de désordres devant être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’immeuble avait été livré sans vices (Cass. civ. 3, 9 octobre 1991, n° 87-18.226 N° Lexbase : A2061ABX ; Cass. civ. 3, 15 mai 2001, n° 99-18.088 N° Lexbase : A5379ATE).
En l’espèce, l’arrêt d’appel a rejeté la demande d’indemnisation du montant de l’assurance dommages-ouvrage et des frais de mission de maîtrise d’œuvre nécessaires à la réalisation des travaux de reprises des désordres au motif que le maître d’ouvrage n’avait pas souscrit d’assurance pour les travaux d’origine et qu’il n’était pas prouvé que le maître d’œuvre avait été payé. La Haute juridiction censure. Ces motifs sont impropres à exclure ces frais de l’indemnité versée par l’assureur dommages-ouvrage.
La solution est, à cet égard, confirmative d’une décision rendue par cette même chambre le 8 avril 2009 (Cass. civ. 3, 8 avril 2009, n° 07-21.910, FS-P+B N° Lexbase : A4975EGD) aux termes de laquelle la Haute juridiction a considéré que :
« Mais attendu qu’ayant relevé qu’eu égard à la nature des travaux à effectuer les époux X auraient l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage, la cour d’appel a pu retenir que la dépense correspondante n’était pas dissociable du coût des travaux et constituait un dommage direct indemnisable ».
L’application du principe de réparation intégrale du préjudice est fréquemment rappelée en cas de mise en œuvre de la responsabilité décennale des constructeurs (pour exemple, Cass. civ. 3, 29 juillet 2020, n° 19-18.954, F-D N° Lexbase : A11173RS ; Cass. civ. 3, 30 janvier 2020, n° 19-10.038, F-D N° Lexbase : A89733CC) moins pour l’indemnisation de l’assureur dommages-ouvrage, raison pour laquelle cet arrêt mérite un peu de mise en lumière.
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