Le Quotidien du 20 mai 2020 : Avocats/Responsabilité

[Brèves] Sous-compte « affaire » : la CARPA doit aussi justifier d’un mandat écrit même si elle n'est pas séquestre

Réf. : CA Douai, 19 mars 2020, n° 18/05721 (N° Lexbase : A99953IZ)

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par Marie Le Guerroué

le 13 Mai 2020

► Commet une faute la CARPA qui accepte d'affecter une somme au crédit d’un sous-compte mais qui s'abstient de réclamer le mandat écrit dont disposait l’avocat, peu importe qu'elle n'ait pas été elle-même séquestre.

Tel est l’enseignement de la décision rendue par la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 19 mars 2020 (CA Douai, 19 mars 2020, n° 18/05721 N° Lexbase : A99953IZ).

Procédure. Une SAS faisait grief à son avocat une action imprudente dans l'exécution de ses obligations professionnelles et de mandataire d'intérêts commun en ne sécurisant pas les demandes de déblocage de fonds qui lui avaient été adressées. Elle précisait que ces négligences et manquements lui avaient causé un préjudice s'élevant à la somme de 190 670 euros correspondant au montant total des sommes déconsignées de manière injustifiée à son insu. La SAS avait assigné l’avocat et la CARPA des avocats au barreau de Lille devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins de déclarer le premier responsable du préjudice subi par elle, de déclarer la Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats du Barreau de Lille co-responsable avec celui-ci du dommage subi par elle et de dire que ce sont leurs fautes conjuguées qui ont concouru à la production de l'entier dommage subi par elle. Concernant la CARPA, le tribunal de grande instance de Douai avait débouté la SAS de sa demande d'indemnisation, considérant qu'aucun manquement à ses obligations ne pouvait être retenu, dès lors qu'on ne pouvait lui imposer un contrôle sur la justification objective des déblocages intervenus avec l'échéancier liant les parties. La SAS avait partiellement fait appel.

Argumentation de la CARPA. Dans ses dernières conclusions, la CARPA du barreau de Lille demandait de dire et juger que la SAS n'apportait pas la triple preuve de la faute (au regard de l'obligation réglementaire de contrôle qui pèse sur elle) qu'aurait commise la CARPA, du préjudice causal en résultant et du lien de causalité direct et certain entre cette faute et le préjudice allégué. Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les fonds consignés devaient être maniés par l'intermédiaire du compte tiers de l’avocat et sous sa seule responsabilité, qu'elle-même n'avait pas été désignée comme séquestre, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir débloqué les sommes même que par ordonnance, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Douai le tribunal de commerce de Lille-Métropole avait estimé que les règlements effectués au profit de l’autre sociétén'étaient pas excessifs.

Raisonnement de la cour d’appel. Sur la faute de la CARPA de Lille Métropole, la cour d’appel de Douai rappelle que l'article 8 de l'arrêté du 5 juillet 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements des fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients (N° Lexbase : L3456IPP), impose, notamment, à la caisse des règlements pécuniaires des avocats de contrôler lors des opérations visées à l'article 241 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) notamment :
 - l'intitulé et la nature des affaires, la provenance des fonds crédités sur les sous-comptes-affaires,
- l'identité des bénéficiaires des règlements,
- la justification du lien entre les règlements pécuniaires des avocats et les actes juridiques ou judiciaires accomplis par ceux-ci dans le cadre de leur exercice professionnel.
Règlement intérieur (non applicable). La cour ne fait pas, en revanche, faire application du règlement intérieur de la CARPA des avocats du barreau de Lille versé aux débats par la caisse, dès lors qu'il s'agit du règlement intérieur adopté le 4 juillet 2016, donc à une date bien postérieure aux dates auxquelles la CARPA a opéré les paiements litigieux.
Faute de la CARPA. La cour vise l'article 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9), les articles 240-1, 241, 241-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID),et l'article 8 de l'arrêté du 5 juillet 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements des fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients (cette dernière disposition impose, notamment, à la caisse des règlements pécuniaires des avocats de contrôler lors des opérations visées à l'article 241 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991). La cour note, ensuite, qu’il résulte d’un courrier émanant de la CARPA des avocats de Lille adressé à l’avocat qu'elle avait accepté d'affecter une somme au crédit du sous-compte sans avoir aucun acte juridique ou judiciaire permettant de justifier de ce virement, la mention manuscrite « Merci de nous faire retour de la copie de l'acte » figurant sur le courrier, de même que la mention manuscrite « le 4/2/2014 rappel » en attestant. Aucune des pièces versées aux débats par la CARPA des avocats de Lille ne permet de retenir qu'elle a reçu postérieurement à l'affectation de la somme au crédit du sous-compte, l'acte évoqué et ce alors même qu'elle avait accepté, à la suite de la demande formée par l’avocat, d'éditer un chèque et de faire un virement. Au vu de ces éléments, la société appelante est fondée à voir retenue la faute commise par la CARPA des avocats du barreau de Lille qui s'est abstenu de réclamer le mandat écrit dont disposait l’avocat, peu importe qu'elle n'ait pas été elle-même séquestre, les textes réglementaires précités s'appliquant à la CARPA dans ses activités d'affectation de sommes sur un sous-compte ouvert au nom d'un avocat et à l'émission de chèques ou virement par elle à partir de ce sous-compte. Si certes, il n'appartenait pas à la CARPA des avocats du barreau de Lille de vérifier l'avancement des travaux, la communication du mandat inclus dans le devis accepté lui aurait permis de déterminer à la simple lecture, que l’avocat ne respectait nullement les modalités de déconsignation prévues, les montants demandés et les dates auxquelles ils étaient demandés, les demandes de déconsignation ne correspondant notamment pas à ce qui était prévu à l'acte, l’avocat ne justifiant nullement d'un accord de la SAS à cet acte (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E1760E7C).

 

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