La lettre juridique n°795 du 19 septembre 2019 : Copropriété

[Chronique] Chronique de droit de la copropriété - Jurisprudence des cours d’appel (juin 2019)

Réf. : CA Orléans, 3 juin 2019, n° 17/01851 (N° Lexbase : A0799ZDX) ; CA Versailles, 4ème ch., sect. 2, 5 juin 2019, n° 17/02191 (N° Lexbase : A3151ZD3) ; CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 juin 2019, n° 18/21025 (N° Lexbase : A3132ZDD) ; CA Rennes, 4ème ch., 6 juin 2019, n° 16/05307 (N° Lexbase : A5792ZDU) ; CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 juin 2019, n° 16/07824 (N° Lexbase : A4852ZKW) ; CA Rennes, 4ème ch., 27 juin 2019, n° 16/06123 (N° Lexbase : A8605ZGS)

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par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit

le 18 Septembre 2019

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit de la copropriété de Pierre-Edouard Lagraulet, docteur en droit. L’auteur revient, en premier lieu, sur un arrêt rendu le 3 juin par la cour d’appel d’Orléans relatif aux travaux en copropriété et à l’obligation potentielle d’obtenir préalablement une autorisation administrative (CA Orléans, 3 juin 2019, n° 17/01851). C’est, ensuite, un arrêt de la cour d’appel de Versailles, du 5 juin 2019, qui a retenu l’attention de l’auteur sur les frais dits nécessaires en matière de recouvrement de charges de copropriété (CA Versailles, 4ème ch., sect. 2, 5 juin 2019, n° 17/02191). L’auteur s’intéresse, également, à un arrêt de la cour d’appel de Paris du même jour relatif à l’utilité de la procédure de référé d’heure à heure en matière de copropriété (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 juin 2019, n° 18/21025) et à un arrêt de la cour d’appel de Rennes relatif à la distinction entre parties communes et privatives (CA Rennes, 4ème ch., 6 juin 2019, n° 16/05307). Enfin, il sera proposé un rappel sur la non-application des clauses réputées non écrites (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 juin 2019, n° 16/07824) et sur l’obligation de contribuer aux charges de copropriété d’un lot transitoire (CA Rennes, 4ème ch., 27 juin 2019, n° 16/06123).

1. Les autorisations administratives en vue des travaux en copropriété (CA Orléans, 3 juin 2019, n° 17/01851 N° Lexbase : A0799ZDX)

 

Un marchand de biens cède deux lots à aménager dans un immeuble mis en copropriété. Les acquéreurs procèdent à leur aménagement en abattant des cloisons et procédant à une ouverture sur une façade de l’immeuble. Un copropriétaire les assigne en référé pour non-respect des règles d’urbanisme et du règlement de copropriété afin de voir ordonner la remise en état du plateau. La demande est rejetée par le juge des référés car la demande ne tendait pas à prévenir un risque imminent et qu’il existait des contestations sérieuses. Le copropriétaire demandeur interjette, alors, appel devant la cour d’Orléans qui rappelle, dans un premier temps, fort utilement, que l’existence d’une contestation sérieuse n’interdit pas au juge des référés d’ordonner des mesures conservatoires ou de remises en état, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0696H4K) [1]. La Cour rappelle, également, tout aussi utilement, que l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4808AHK) autorise tout copropriétaire à exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, et qu’à ce titre l’action d’un copropriétaire aux fins de la remise en état de l’immeuble est recevable [2]. La Cour relève, en outre, que les travaux, s’ils n’avaient pas été préalablement autorisés, conformément aux stipulations du règlement de copropriété, ont été valablement ratifiés par l’assemblée générale [3]. Il importait donc peu, par la suite, que la mairie se soit opposée à leur réalisation. Le copropriétaire demandeur ne justifiant pas d’un préjudice résultant de ces travaux, elle n’était pas fondée à invoquer l’absence d’autorisation administrative puisque ceux-ci, portant sur des parties communes, avaient été valablement ratifiés par l’assemblée générale.

 

Le droit de la copropriété, les syndics le rappellent souvent aux copropriétaires, est une réalité parallèle à celle du droit de l’urbanisme dès lors que le règlement de copropriété ne s’en saisit pas. Il en va ainsi, par exemple, lorsqu’un immeuble autorise l’activité de location saisonnière. Peu importe alors que la mairie ait refusé, lorsque le règlement municipal le prévoit, l’autorisation d’exercer cette activité. Aucun copropriétaire ne pourra faire interdire l’activité sur ce fondement puisque le règlement de copropriété, auquel il adhère [4] l’autorise. Si le syndicat des copropriétaires -et ses membres- souhaite bénéficier -mais aussi, peut-être se restreindre- des règles d’urbanisme, il faut alors faire procéder à l’introduction d’une clause dans le règlement de copropriété.

 

👉 Conseils pratiques

Les conseils ont tout intérêt à bien distinguer les sources sur lesquelles ils motivent les demandes et à s’interroger sur leur invocabilité par les copropriétaires. A défaut, comme en l’espèce, la demande de leurs clients sera rejetée.

En amont, les syndics, pour leur part, veilleront à bien distinguer le droit de la copropriété de l’urbanisme et à se référer au règlement de copropriété. Ils pourront également introduire, dans les résolutions autorisant ou ratifiant les travaux, proposer de recevoir l’engagement du copropriétaire demandeur de justifier des autorisations administratives avant d’engager les travaux.

 

2. Les frais nécessaires en matière de recouvrement des charges (CA Versailles, 4ème ch., sect. 2, 5 juin 2019, n° 17/02191 N° Lexbase : A3151ZD3 ; cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété», La charge des dépenses exposées par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement des charges de copropriété N° Lexbase : E8068ETY)

 

Un syndicat de copropriétaires assigne un copropriétaire débiteur en paiement des charges. Débouté en première instance, le syndicat interjette appel devant la cour d’appel de Versailles et sollicite sa condamnation, des charges impayées ainsi que des «frais nécessaires». La jurisprudence sur cette question est abondante et l’arrêt a le mérite de mettre en exergue une problématique connue des habitués du prétoire.

Si la Cour rappelle très justement que l’ensemble des charges doit être justifié, par les procès-verbaux, appels de fonds, contrat de syndic, etc., ce qui était le cas en espèce, la solution retenue est critiquable car contraire aux dispositions du décret relatif aux frais imputables au copropriété débiteur. En effet, la Cour précise que les frais nécessaires, visés par l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5204A37) ne le sont que lorsqu’ils résultent de «diligences efficientes qui marquent une étape indispensable dans le processus de recouvrement, comme la mise en demeure, prélude obligé à l'article 19-1 de la loi ou au cours des intérêts». En conséquence, selon la Cour, ne relèvent pas des dispositions de l'article 10-1 précité́, les frais de suivi de procédure, les honoraires du syndic pour transmission du dossier à l'huissier ou à l'avocat, qui font partie des frais d'administration courante entrant dans la mission de base de tout syndic et répartis entre tous les copropriétaires au prorata des tantièmes. Il en résulte que sur les 5 081,83 euros demandés, le copropriétaire débiteur ne sera condamné qu’au paiement de 846,40 euros correspondant pour 816,40 euros aux charges de copropriété (appels provisionnels et appels pour travaux) et 30 euros au titre de la relance qui avait été seule considérée comme nécessaire.

S’il est vrai que les relances postérieures à l’assignation sont tout à fait inutiles et que les frais en résultant méritent d’être écartés, ce raisonnement est tout à fait critiquable puisque l’article 10-1 vise «notamment» certains frais. En conséquence, la liste n’est pas limitative. Elle est d’ailleurs utilement complétée par celle inscrite au contrat de syndic, fixé par le décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 (N° Lexbase : L2475I88), qui définit en son article 9.1 les frais de recouvrement dont le coût est «imputable au seul copropriétaire concerné et non au syndicat des copropriétaires qui ne peut être tenu d'aucune somme à ce titre». Cette liste vise l’ensemble des honoraires du syndic dont ceux de mise en demeure, mais également de constitution du dossier transmis à l’auxiliaire de justice ainsi que le suivi du dossier transmis à l’avocat. La cour a donc ici violé les dispositions légales et l’arrêt encourt, selon nous, la cassation selon ce motif.

Au contraire, la cour rappelle à juste titre que les frais d'assignation en justice, qui font l'objet des dépens de l'instance, et les frais d'avocat, qui sont arbitrés dans le cadre de l'article 700 du Code de procédure civile, n’entrent pas dans le champ des «frais nécessaires» [5]. Ces frais ne peuvent en conséquence être intégrés dans la dette du copropriétaire. Elle est celle du syndicat des copropriétaires et ne peut être recouvrée en tant que «frais nécessaires». Toutefois, mais le moyen ne semblait pas être développé, une clause d’aggravation des charges pourrait permettre de solliciter la condamnation du copropriétaire débiteur à ce titre [6], pour l’intégralité de la somme, à condition de démontrer une faute du copropriétaire et que celui-ci soit condamné à ce titre [7]. L’article 700 du Code de procédure civile en principe le permet mais, malheureusement les praticiens le savent, il est rare que les juges accordent le remboursement intégral de ces frais, selon un motif d’équité dont la justification échappe souvent à l’observateur, au créancier demandeur. L’invocation d’une clause d’aggravation des charges et la faute du copropriétaire, lorsqu’elles existent, pourraient peut-être permettre d’échapper à cet écueil et contraindre le juge à prononcer le paiement intégral. Les demandes au titre de l’article 700 ne seraient alors formulées que subsidiairement à celles qui le seraient au titre de la clause d’aggravation des charges.

👉 Conseils pratiques

Les conseils veilleront à obtenir du syndicat l’ensemble des justificatifs à présenter à la juridiction. Chaque procès-verbal, chaque appel de fonds, chaque répartition d’exercice, chaque mise en demeure, chaque commandement de payer, etc. doit être présenté à la juridiction pour justifier de la créance du syndicat. Surtout les conseils -et les syndics- seront attentifs à la ventilation des frais et éviteront, comme en l’espèce de demander au titre des frais nécessaires le paiement des frais d’avocat qui relèvent de l’article 700 du Code de procédure civile.

En outre, les conseils n’hésiteront pas à rappeler le sens des dispositions de l’article 10-1, combinés avec celles du décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 que certaines juridictions semblent, comme ici, méconnaitre au détriment du syndicat des copropriétaires et sans doute du syndic qui aura les pires difficultés à faire accepter aux copropriétaires le paiement de ses honoraires pour le travail engagé afin de recouvrer les charges…

Enfin, les conseils vérifieront si le règlement de copropriété ne contient pas une clause d’aggravation des charges qui permettrait de demander la condamnation du copropriétaire indélicat au paiement des frais engagés par le syndicat afin recouvrer contre lui sa créance. Dans ce cas l’avocat du syndicat n’hésitera pas à produire l’ensemble de ses factures pour justifier, au même titre que les appels de fonds, la créance du syndicat (y compris pour justifier le montant demandé à l’article 700).


 

3. L’utilité toute relative de la procédure de référé heure à heure en vue de faire interdire la tenue d’une assemblée indument convoquée (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 juin 2019, n° 18/21025 N° Lexbase : A3132ZDD)

A la suite de difficultés un syndicat des copropriétaires est administré par un administrateur provisoire chargé de prendre toutes les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. A l’issue de sa mission, le syndicat des copropriétaires désigne un syndic pour une durée commençant le 23 janvier pour se terminer le 23 septembre 2019.

Le 3 août 2018 le président du conseil syndical convoque l’ensemble des copropriétaires en vue de la tenue d’une assemblée générale avec pour ordre du jour la révocation du syndic en exercice.

Des copropriétaires l’assignent devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, dans une procédure d’heure à heure, afin de voir dire que les convocations qu’il a adressées sont irrégulières puisqu’il est dépourvu du pouvoir de le faire n’ayant pas mis en demeure préalablement le syndic de convoquer, condition préalable à l’exercice de son pouvoir de convoquer l’assemblée générale. En conséquence, les demandeurs sollicitent la condamnation du copropriétaire convocateur à une astreinte de 3 000 euros en cas d’infraction et la désignation d’un huissier avec mission et pouvoir de se rendre à la convocation pour constater sa tenue ou non. Le syndicat des copropriétaires intervient volontairement à la procédure au soutien des demandes. Ambiance… !

Le juge des référés déclare, le 3 septembre, irrecevable la demande des copropriétaires et fait interdiction à l’assemblée générale de se réunir, rejette la demande d’astreinte, désigne un huissier et condamne le président du conseil à payer 1 000 euros au syndicat des copropriétaires, au titre de l’article 700. Cette sanction est théoriquement intéressante puisqu’elle réitère une position déjà émise et qui tend à permettre de distinguer deux actes : la convocation et le procès-verbal. Les deux actes ont effectivement une réalité juridique propre et leur validité peut être analysée séparément [8].

L’autre apport de cette procédure tient au raisonnement de la cour d’appel qui a confirmé l’ordonnance. En effet, malgré l’interdiction du 3 septembre, le même jour, le président du conseil tient l’assemblée générale qui désigne un nouveau syndic… Par la suite, le président du conseil interjette appel. Dans son analyse, bien que ce ne soit pas l’apport essentiel, il faut noter que la cour d’appel, et ce n’est pas courant, semble reconnaître une «qualité de président du conseil», bien que cet organe ne soit pas constitué en personne morale en distinguant la personne assignée du président du conseil syndical «assigné ès qualité»., comme s’il était un représentant légal. Cela laisse, peut-être, présager une préparation de la cour aux évolutions législatives à venir…

L’appel interjeté par le «président du conseil syndical» est finalement jugé irrecevable parce qu’il n’a pas régularisé l’appel auprès du nouveau syndic qu’il a fait désigner. L’analyse interroge, car si l’assemblée générale était interdite de réunion, le juge constate la production d’effets juridiques à celle-ci. Or, si la convocation était jugée nulle, qualification permettant d’imposer l’interdiction pour défaut de pouvoir de son convocateur, il est étonnant de tirer des effets de cette assemblée générale lorsqu’elle s’est illégalement réunie. Il nous semble que, dans la mesure où était, par avance, constatée l’irrégularité de la convocation, celle-ci ne pouvait produire d’effet, et qu’en conséquence l’assemblée générale ne devait pas être qualifiée comme telle. Le nouveau syndic ne l’était pas non plus, et l’appel régularisé auprès du syndic à la première procédure aurait dû être jugé recevable. A défaut, c’est priver d’intérêt la procédure de référé d’heure à heure puisqu’il ne reste plus que la voie de la contestation post-assemblée générale, dans un délai de deux mois, pour contester le procès-verbal dressé illégalement. Nul doute que l’assemblée sera annulée, mais à quoi bon engager une procédure en amont pour un tel résultat ? [9]

👉 Conseils pratiques

Le raisonnement de la cour d’appel de Paris s’inscrit dans la tendance générale de la jurisprudence protégeant l’acte unilatéral conjonctif qu’est l’assemblée générale, même lorsque la convocation est affectée d’irrégularité importante et, comme en l’espèce, a été interdite. Aussi, la pratique du référé d’heure à heure perd de son intérêt sauf à dissuader les copropriétaires velléitaires. Il faudra, donc, dès avant la procédure, informer ceux qui veulent l’engager qu’il faudra sans doute en envisager une seconde pour demander la nullité de l’assemblée générale, et peut-être aussi de s’y rendre afin d’y faire entendre sa voix… En outre, les conseils penseront à bien régulariser, en cas d’appel, la procédure auprès du syndic de copropriété, lorsque celui-ci change

4. La qualification de communes ou privatives des parties de l’immeuble (CA Rennes, 4ème ch., 6 juin 2019, n° 16/05307 N° Lexbase : A5792ZDU ; cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété», L'énumération des parties communes matérielles N° Lexbase : E4565ETA)

Voici un contentieux résultant d’un débat classique, à propos de la distinction entre parties communes et parties privatives [10]. En l’espèce, le litige portait sur la propriété de verrières fixées en partie basse sur des balustrades de certains balcons et en partie haute sur le mur de soubassement du balcon supérieur. Le conflit s’était noué, comme souvent, à l’occasion d’une résolution emportant la réalisation de travaux pour le remplacement des verrières. Une copropriétaire avait assigné le syndicat pour contester cette résolution, estimant qu’il s’agissait de parties privatives, et qu’en conséquence il n’appartenait pas au syndicat des copropriétaires de décider de leur remplacement. Le juge de première instance avait débouté la copropriétaire de ses demandes, qualifiant ces parties de parties communes de l’immeuble. Insatisfaite, celle-ci interjette appel. La cour d’appel rappelle, alors, les critères de distinctions fondées sur les articles 2 (N° Lexbase : L4819AHX) et 3 (N° Lexbase : L4836AHL) de la loi du 10 juillet 1965 : si une partie est à l’usage exclusif d’un copropriétaire, alors il s’agit d’une partie privative. Au contraire si l’usage est commun, alors il s’agit d’une partie commune et, dans le silence ou la contradiction des titres, est réputé commun, notamment, le gros œuvre des bâtiments. Le juge relève, en outre, que, si les balcons particuliers relèvent, d’après le règlement de copropriété, des parties privatives, aucune précision n’est faite quant aux verrières ; il faut, donc, se référer au critère légal, et ainsi procéder à une appréciation factuelle, pour définir la nature commune ou privative des verrières. Le juge de la cour d’appel retient, ainsi, que les verrières sont attachées au mur plein en béton formant balustrade et sur le mur de façade et que les verrières forment un «ensemble vertical qui s’intègre complètement à la façade». La conclusion est logique au regard de ce constat : ce sont des parties communes, quand bien même elles ne concourent pas à la solidité de l’immeuble, puisqu’elles font «corps» avec lui, et en tant qu’ensemble, sont utiles à tous.

 

👉 Conseils pratiques

Pensez à bien décrire les parties objet de la procédure ! S’il s’agit de démontrer la nature privative, alors il faut convaincre le juge que cette partie est exclusivement utile à une personne. En l’espèce, il aurait peut-être été possible de démontrer que chaque verrière, bien qu’intégrée dans un ensemble esthétique, était chacune distincte des autres, et ainsi exclusivement utile à chaque habitant pour se séparer du voisin et se protéger du vent. En matière d’appréciation de fait, les points de vue ne sont que rarement figés, et il apparaît bien souvent que, selon l’argumentaire choisi, la conviction peut être emportée dans un sens ou dans l’autre. Dans tous les cas, il faudra bien s’interroger sur la capacité à mener une démonstration convaincante en la matière avant d’engager son client dans une procédure, en première instance puis en appel

5. Petit rappel sur la non-application des clauses réputées non écrites (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 juin 2019, n° 16/07824 N° Lexbase : A4852ZKW)

Le règlement de copropriété d’un syndicat stipule que les parties communes générales de celui-ci se limitent au sol, à l’allée centrale et au réseau d’eau sanitaire en l’absence d’autre équipement commun. Le reste est constitué de parties communes spéciales propres aux copropriétaires des différents immeubles qui composent l’ensemble immobilier institué en syndicat unique. Le règlement de copropriété, jusque-là rien d’anormal, stipule des charges propres à chaque bâtiment relatives à ces parties communes spéciales. De manière plus étrange le règlement de copropriété stipule qu’en «cas d’action judiciaire, le paiement des frais de procès, dépens, dommages intérêts, honoraires en conséquence, incombera aux copropriétaires intéressés, compte tenu de la spécialisation des charges». Or, justement, à la suite de procédures judiciaires concernant les désordres ayant affecté l’un des bâtiments, le syndic décide d’imputer les frais de procédures sur tous les copropriétaires, et non selon le mode de répartition prévu par le règlement. L’assemblée générale est sollicitée sur ce point et refuse de procéder à une régularisation de l’imputation selon le mode prévu par le règlement. Des copropriétaires saisissent alors le tribunal de grande instance de Paris, afin d’obtenir l’annulation de l’assemblée, subsidiairement l’annulation des résolutions concernées, et enfin le remboursement des sommes qui aurait été appelées à tort, selon eux. Le TGI annule l’assemblée et répute non écrite la clause et déboute pour le surplus les demandeurs. Les demandeurs interjettent appel.

La cour d’appel confirme la nullité de l’assemblée générale incriminée pour défaut de pouvoir du syndic dont le mandat s’était achevé avant l’assemblée générale.

En outre, sur la demande de remboursement de charges, la cour rappelle que les clauses contraires aux dispositions d’ordre public de la loi et du décret de 1965 sont réputées non écrites [11] et, constate que la clause prévue au règlement de copropriété est bien contraire aux dispositions d’ordre public, puisqu’elle tend à répartir une charge commune à tous, à défaut de syndicat secondaire, entre seulement quelques copropriétaires [12]. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs qui critiquaient la rétroactivité de la mesure, la cour rappelle que la clause réputée non écrite, contrairement à la clause nulle [13], est censée n’avoir jamais existé [14]. Les appelants ne pouvaient donc obtenir le remboursement des charges et le syndicat était fondé à répartir les charges relatives aux frais de procédures judiciaires entre tous. Le jugement du tribunal de grande instance est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et les appelants condamnés à payer au syndicat des copropriétaires 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile…

👉 Conseils pratiques

Tout d’abord, on aura noté que les demandeurs avaient soulevé la nullité de l’intégralité de l’assemblée générale alors qu’ils ne cherchaient qu’à obtenir, réellement, celle de quelques résolutions. Nous devons attirer sur ce point l’attention des conseils dans la mesure où des demandeurs ont été condamnés pour une telle pratique. La demande d’annulation globale quand seule quelques résolutions sont véritablement l’objet de la demande peut, en effet, être analysée comme un abus du droit d’ester en justice [15].

Surtout, au regard de cet arrêt qui s’inscrit dans une jurisprudence constante, les syndics et leurs conseils chercheront à savoir, lorsqu’ils sont confrontés à une clause litigieuse du règlement de copropriété, s’il s’agit d’une clause réputée non écrite ou «simplement» annulable au regard de la différence de traitement qui découle de cette qualification.

6. Lot transitoire, charges de copropriété et procédure collective du débiteur (CA Rennes, 4ème ch., 27 juin 2019, n° 16/06123 N° Lexbase : A8605ZGS ; cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété», L'obligation du titulaire de lots transitoires de participer aux charges N° Lexbase : E4585ETY)

Un promoteur projette, sur un terrain, d’édifier 52 maisons individuelles. 51 le sont effectivement et un lot est conservé par le promoteur comme lot transitoire, c’est-à-dire comme un terrain à bâtir. Le promoteur est placé, en 2009, en redressement, puis en 2010, en liquidation judiciaire.  En 2013, alors que la procédure est toujours ouverte, le syndicat non payé des charges de copropriété, après avoir effectué des mises en demeures restées infructueuses, assigne en paiement le liquidateur. Le tribunal de grande instance, déboute, en 2016, le syndicat de sa demande au titre des charges de copropriété, mais condamne le liquidateur à payer au syndicat 5 000 euros à titre de dommages intérêts et, assez bizarrement, condamne le syndicat aux entiers dépens et rejette les demandes fondées sur l’article 700. Le syndicat interjette alors appel, afin d’obtenir le paiement des arriérés de charges qui s’élèvent à 25 438,92 euros pour la période de 2009 à 2010, et à 130 666,92 euros pour la période postérieure à la liquidation.

Le liquidateur conteste la dette pour défaut de déclaration dans les délais pour la créance antérieure et conteste le statut de créance postérieure des charges de copropriété, au motif que ces charges ne sont pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur comme l’exige l’article 622-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4). Qu’en outre, la contrepartie, si elle pouvait exister pour un lot de copropriété bâti, n’existe pas pour un lot non bâti.

La cour, dans un raisonnement exemplaire, il faut le souligner, rappelle que la créance du syndicat est bien la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur copropriétaire du syndicat, puisque ces charges sont utiles à la conservation de l’actif du débiteur. La cour rappelle [16], également, que les lots transitoires sont tenus aux paiements des charges, en tant que véritable lot de copropriété. La cour prend, également, le soin de distinguer les charges générales des charges soumises au critère d’utilité des services ou équipements qu’elles financent [17]. Constatant que le paiement poursuivi des charges ne porte que sur des charges générales, la cour, dans un raisonnement qui nous apparaît insusceptible de critique, conclut à la validité de la créance du syndicat et au non-paiement fautif des charges du promoteur. Le syndicat aura bien fait de persévérer dans le recouvrement des charges, et il faut espérer que la solution soit largement diffusée afin d’éviter des solutions répétées par des juges de première instance rejetant les demandes en paiement de charges de lots transitoires.

 

[1] Pour la distinction entre les cas d’ouverture prévue par l’article 809 du Code de procédure civile, v° S. Guinchard (ss. la dir.), Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz action, 2017, § 125.201 et s.. ; V° pour une application de la procédure de l’article 809 en matière de copropriété, CA Paris, pôle 1, 3ème ch., 6 mars 2019, n° 18/20978 (N° Lexbase : A5838YZA) : comm. P.-E. Lagraulet, Lexbase, éd. priv., n° 778, 2019 (N° Lexbase : N8362BXY).

[2] Sur le pouvoir partagé, entre le syndicat et les copropriétaires pris individuellement, d’agir en justice pour la remise en état de l’immeuble en copropriété, V° Cass. civ. 3, 18 décembre 2001, n° 00-17.871 (N° Lexbase : A6965AXA) ; Cass. civ. 3, 18 janvier 1972, n° 70-11.350 (N° Lexbase : A9430CHQ), Bull. civ. III, n° 39 ; V° également Ch. Atias, Copropriétaires et syndicat : des relations procédurales complexes, IRC, mai 2002, p. 22 ; Cabanac, L’évolution des actions collectives et individuelles dans le domaine de la copropriété, REDI, 1977, n° 69, p. 58 ; P.-E. Lagraulet, Les fonctions du syndic de copropriété, Thèse, Paris 2, 2018, n° 296.

[3] V° en ce sens Cass. civ. 3, 20 novembre 1985, n° 84-16.414 (N° Lexbase : A5604AAS), Bull. civ. III, n° 150, p. 114 ; V° également sur la ratification d’une assignation délivrée par le syndic non autorisé : Cass. civ. 3, 19 décembre 2006, n° 05-20.559, F-D (N° Lexbase : A1038DTM).

[4] Sur la qualification du règlement de copropriété en acte unilatéral conjonction d’adhésion, v° P.-E. Lagraulet, Thèse, précit., n° 90 ; V° également sur l’adhésion au règlement, W. Dross, Droit civil. Les choses, LGDJ, 2012, p. 426, n° 225-2.

[5] V° Cass. civ. 3, 30 novembre 2010, n° 09-17.219, F-D (N° Lexbase : A4569GM8) ; Cass. civ. 3, 21 juin 2011, n° 10-16.055, F-D (N° Lexbase : A5178HUC) ; V° Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 242.565.

[6] Contra : Ibid. Les auteurs semblent indiquer que les frais relevant de l’article 700 ne pourraient plus pouvoir relever d’une clause d’aggravation des charges. Toutefois, à notre connaissance, aucune jurisprudence ne s’est prononcée en ce sens et l’argument devrait au contraire pouvoir être reçu favorablement dès lors que le copropriétaire n’est pas condamné à payer deux fois les mêmes frais, au titre de la clause et de l’article 700 du Code de procédure civile.

[7] CA Paris, 25 octobre 1993, n° 92/23791 ; CA Paris, 18 février 1994, n° 92/023742 ; V° Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 242.553.

[8] V° sur cette distinction, P.-E. Lagraulet, Thèse, précit., n° 481 et s..

[9] V° sur le «principe de faveur» développé par la jurisprudence pour le maintien de la validité de l’assemblée générale : comm. sous. Cass. civ. 3, 14 mars 2019, n° 18-10.379, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0148Y4A), P.-E. Lagraulet, Lexbase, éd. priv., n° 780, 2019 (N° Lexbase : N8570BXP).

[10] Cass. civ. 3, 17 février 1994, n° 92-17.184 (N° Lexbase : A4430CPR) ; Cass. civ. 3, 6 octobre 1993, n° 91-18.289 (N° Lexbase : A7034CNT) ; V° également sur les critères de la distinction entre parties communes et privatives, P. Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), La copropriété, Dalloz action, 9ème éd., n° 112.12 et s..

[11] V° Cass. civ. 3, 22 juin 2005, n° 04-12.659, FS-P+B (N° Lexbase : A8379DI8), Bull. civ. III, n° 139 ; Cass. civ. 3, 7 juin 2011, n° 09-15.863, F-D (N° Lexbase : A4908HTX).

[12] V° en ce sens pour des charges communes générales (ici de gardiennage) : CA Paris, 21 février 1996, n° 95-23761.

[13] Dans ce cas, la clause s’applique jusqu’à son annulation judiciaire : Cass. civ. 3, 21 juin 2006, n° 05-13.607, FS-P+B (N° Lexbase : A9972DPZ), Bull. civ. III, n° 159, p. 131 ; Cass. civ. 3, 28 avril 2011, n° 10-14.298, FS-P+B (N° Lexbase : A2697HQX), Bull. civ. III, n° 61.

[14] Cass. civ. 3, 9 mars 1988, n° 86-17.869 (N° Lexbase : A7782AAH), Bull. civ. III, n° 54 ; Cass. civ. 3, 27 septembre 2005, n° 03-12.402, F-D (N° Lexbase : A5763DKN) ; Cass. civ. 3, 28 avril 2011, n° 10-20.514 (N° Lexbase : A2696HQW), Bull. civ. III, n° 62.

[15] CA Grenoble, 2ème ch. civ., 12 février 2019, n° 15/02272 (N° Lexbase : A7170YWH) : comm. P.-E. Lagraulet, Lexbase, éd. priv., n° 786, 2019 (N° Lexbase : N9351BXM).

[16] Cass. civ. 3, 20 juin 1998, n° 96-20.758 (N° Lexbase : A5555ACQ) ; V° sur l’évolution jurisprudentielle : P. Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 111.22.

[17] V° en ce sens, Cass. civ. 3, 10 octobre 2007, n° 06-18.122, FS-P+B (N° Lexbase : A7386DY9), Bull. civ. III, n° 171.

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