Réf. : CJUE, 21 novembre 2018, aff. C-664/16 (N° Lexbase : A2527YMK)
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N6545BXP
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par Marie-Claire Sgarra
le 28 Novembre 2018
►La Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (N° Lexbase : L7664HTZ), ainsi que les principes de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, un assujetti qui n’est pas en mesure de rapporter la preuve du montant de la TVA qu’il a payée en amont, par la production de factures ou de tout autre document, ne peut bénéficier d’un droit à déduction de la TVA sur la seule base d’une estimation résultant d’une expertise ordonnée par une juridiction nationale.
Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 21 novembre 2018 (CJUE, 21 novembre 2018, aff. C-664/16 N° Lexbase : A2527YMK).
En l’espèce, un ressortissant roumain a entrepris un projet de construction d’un ensemble résidentiel de logements unifamiliaux et collectifs et détenait, à cette période plusieurs terrains qui avaient fait l’objet d’une approbation administrative pour accueillir des constructions de logements unifamiliaux. Dans la mesure où le chiffre d’affaires du requérant au principal avait dépassé, dès le mois de juin 2006, le plafond légal d’exonération de la TVA, les autorités fiscales ont estimé qu’il avait la qualité d’assujetti à la TVA et qu’il devait, en conséquence, s’identifier en tant que tel à compter du 1er août 2006. Le requérant a contesté le montant du redressement opéré par l’administration fiscale devant les autorités administratives qui ont partiellement fait droit à ses demandes. Il forme par suite un recours en appel et fait valoir qu’il ne lui incombait ni de s’identifier en tant qu’assujetti à la TVA, ni de tenir un quelconque registre dans la mesure où il avait procédé au paiement de cette taxe lors des acquisitions qu’il avait effectués et qu’il n’avait jamais perçu de TVA auprès de ses acquéreurs. La cour d’appel rejette l’ensemble des prétentions du requérant. En cassation, l’arrêt d’appel est cassé et renvoyé devant la cour d’appel.
Cette dernière, dans sa décision de renvoi, indique que la question dont elle est saisie porte sur le point de savoir si un promoteur immobilier, qui, sans avoir effectué des démarches préalables auprès de l’autorité fiscale compétente, ne s’est pas identifié comme assujetti à la TVA, alors même qu’il en avait l’obligation, et qui n’a pas tenu de comptabilité, est en droit de bénéficier de déductions de TVA, correspondant aux fonds investis dans la construction de bâtiments vendus, dans des circonstances où, à défaut de pouvoir produire des factures fiscales, les autres documents produits sont illisibles et, par conséquent, insuffisants pour déterminer l’existence et l’étendue d’un droit à déduction et décide de surseoir à statuer.
En vertu de l’article 167 de la Directive TVA, le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. Pour pouvoir bénéficier dudit droit, il faut, d’une part, que l’intéressé soit un assujetti au sens de ladite Directive et, d’autre part, que les biens ou les services invoqués pour fonder le droit à déduction soient utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens soient livrés ou ces services soient rendus par un autre assujetti (CJUE, 15 septembre 2016, aff. C-518/14 N° Lexbase : A9163RZE). L’exercice de ce droit est subordonné à la détention d’une facture établie conformément à l’article 226 de cette Directive. L’application stricte de l’exigence formelle de produire des factures se heurterait aux principes de neutralité et de proportionnalité, en ce qu’elle aurait pour effet d’empêcher de manière disproportionnée l’assujetti de bénéficier de la neutralité fiscale afférente à ses opérations. Néanmoins, il incombe à l’assujetti qui demande la déduction de la TVA d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier. Ainsi, l’assujetti est tenu de fournir des preuves objectives que des biens et des services lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA, et à l’égard desquels il s’est effectivement acquitté de la TVA. En l’occurrence, il ressort des indications figurant dans la décision de renvoi que, à défaut de pouvoir produire des factures, le requérant a soumis d’autres documents qui sont toutefois illisibles et, selon la juridiction de renvoi, insuffisants pour déterminer l’existence et l’étendue d’un droit à déduction. En ce qui concerne la preuve par une expertise judiciaire, telle que celles en cause au principal, cette juridiction précise que l’expert aurait pour mission d’évaluer le montant de la TVA déductible sur le fondement de la quantité des travaux effectués ou de la main-d’œuvre employée par ledit assujetti nécessaires à la construction des bâtiments qu’il a vendus. A cet égard, il importe toutefois de constater qu’une telle expertise ne serait pas à même d’établir que le requérant a effectivement payé cette taxe pour les opérations effectuées en amont aux fins de la construction de ces bâtiments.
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