Le Quotidien du 9 septembre 2022

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] La justice tente de régler le problème de l’accès des mineurs aux contenus pornographiques

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N2515BZ8

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par Vincent Vantighem

Le 21 Septembre 2022

            La fermeture radicale des sites pornographiques est-elle la seule solution pour éviter que des mineurs ne puissent avoir accès à leurs contenus ? Le débat s’est invité, mardi 6 septembre, au tribunal judiciaire de Paris lors d’une audience civile de « procédure accélérée au fond ». L’Arcom, l’autorité de régulation des médias (anciennement appelée le CSA) a, en effet, assigné en justice les principaux fournisseurs d’accès à internet. Le but ? Que la justice les contraigne à fermer l’accès à cinq sites pornographiques – dont le leader mondial Pornhub – sous peine d’une astreinte financière.

            Pour comprendre pourquoi et comment on en est arrivé là, il faut, en réalité, remonter à juillet 2020. Au 30 juillet exactement. C’est à cette date qu’a été adoptée la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Et son article 23 qui précise bien que les autorités peuvent agir si elles constatent que « des services de communication en ligne permettent à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique », ce que le Code pénal et son article 227-24 N° Lexbase : L7492L9D interdisent scrupuleusement. Sauf que c’est malheureusement fréquent. Selon les derniers chiffres de la délégation aux droits des femmes du Sénat publiés en avril dernier, 80 % des moins de dix-huit ans ont déjà été confrontés à du porno en ligne [1]. Pire, un enfant de moins de douze ans sur trois a déjà visionné de telles images… Une réalité qui n’est pas surprenante lorsque l’on sait que 19 millions de Français consultent un site X, chaque mois. Soit un tiers des internautes…

            Des chiffres que trois associations de protection de l’enfance ne veulent plus lire. C’est donc elles qui ont demandé à l’Arcom de saisir la justice pour régler enfin le problème. Mais est-ce seulement possible ? « Intervenants volontaires » à la procédure civile ouverte devant le tribunal judiciaire de Paris, les sites internet concernés ont expliqué, par la voix de leurs conseils, qu’ils ne pouvaient pas bloquer leurs contenus aux mineurs car il n’existait pas de « solution technique » le permettant… Autrement dit qu’ils ne pouvaient pas réaliser l’impossible.

« Aucune solution n’est satisfaisante »

            Dans les faits, il n’a pas fallu attendre l’audience de mardi pour s’en apercevoir. Bien avant que l’Arcom ne décide de saisir la justice, elle avait déjà mis en demeure les sites de se conformer à la loi. Des initiatives ont bien été lancées. Le site Tukif a testé un système baptisé « AgeVerif »… Le site Jacquie & Michel a essayé de vérifier l’âge de ses utilisateurs en s'appuyant sur les cartes bancaires… Mais rien ne s’est avéré concluant. Finalement, la seule solution serait de permettre aux sites concernés de pouvoir stocker des bases de données constituées de cartes d’identité couplé à un système de reconnaissance biométrique que seule la Chine oserait sans doute imposer à ses ressortissants. Une réalité que la Cnil elle-même a reconnu dans un avis rendu le 22 juillet 2022. « La Cnil constate que les systèmes actuels sont contournables et intrusifs et appelle à la mise en place de modèles plus respectueux de la vie privée », précise-t-elle.

            « Aucune des solutions ne s’est révélée satisfaisante, a donc plaidé Elsa Rodrigues, l’avocate de MG Freesites qui édite le site Pornhub lors de l’audience. Il n’y a pas de consensus sur des mesures techniques […] Personne ne nous dit ce qu’on doit faire ! » En conséquence, et avec les avocats des autres sites concernés, elle a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Question qui ne manquait pas de préciser par ailleurs que si un mineur voyait un site pornographique bloqué, il aurait tôt fait de se retourner vers un autre site non bloqué, dans le maquis inexpugnable que constitue internet.

Une médiation mais peu d’espoir de solution

            Le tribunal judiciaire de Paris a mis en délibéré au 4 octobre sa décision de transmettre, ou pas, la QPC. Il faudra donc attendre cette date-là pour savoir si l’audience au fond se poursuit ou non. En attendant, le tribunal n’a pas voulu rester les mains croisées face à ce vrai problème de société. Il a, en effet, proposé la mise en place d’une médiation pour que les fournisseurs d’accès à internet, les sites concernés et l’Arcom tentent de trouver une solution.

            Encore faut-il que ce soit possible… « Depuis le début, l’Arcom refuse de discuter avec les sites internet, lâche un fin connaisseur du dossier. Elle considère qu’elle est là pour réguler et appliquer la loi. Pas pour trouver des solutions qui profiteraient aux éditeurs... ». Sans doute encore plus quand il s’agit de négocier avec des sites au contenu parfois douteux, hébergés bien souvent hors des contrées françaises. « Dans cette médiation, la seule obligation, c’est de se présenter devant le médiateur. Pas forcément de s’engager dans une discussion... », poursuit notre source qui augure mal de la suite des événements.

            En attendant cela, l’Arcom, elle, continue d’envoyer des mises en demeure aux sites concernés pour qu’ils se mettent en conformité avec la loi, même si cela leur est impossible. De son côté, Knivvi, une actrice X qui propose ses vidéos en direct sur internet, indique qu’elle continuera à mettre dehors tous les mineurs qui se connectent sur son chat dès qu’elle a un doute sur leur âge.

 

[1] Délégation aux droits des femmes, Table ronde sur la protection des mineurs face aux contenus pornographiques, compte rendu, avril 2022 [en ligne].

newsid:482515

Données personnelles

[Brèves] Condamnation de la France par la CEDH après la collecte et la conservation de données personnelles fondées sur des suppositions relatives à l’orientation sexuelle d’un candidat au don du sang

Réf. : CEDH, 8 septembre 2022, Req. n° 3153/16 et 27758/18, Drelon c. France N° Lexbase : A23788HK

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N2521BZE

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par Laïla Bedja

Le 08 Septembre 2022

► La collecte et la conservation, par l’Établissement français du sang, de données personnelles reflétant l’orientation sexuelle supposée du requérant, mais dépourvues de base factuelle avérée entraînent une violation de l’article 8 de la CESDH (droit au respect de la vie privée et familiale).

Les faits et procédure. En 2004, alors qu’il souhaite donner son sang, le requérant a refusé, au cours de l’entretien médical préalable, de répondre quand il lui avait été demandé s’il avait déjà eu un rapport sexuel avec un homme. La possibilité de procéder au don lui a été refusée et dans un fichier informatique, il fut renseigné la contre-indication au don « FR08 », correspondant à celle qui était prévue, à l’époque, pour les hommes ayant eu un rapport sexuel avec un autre homme.

En 2006, un nouveau refus lui est opposé au regard de la mention dans son dossier informatique. Après un dépôt de plainte du requérant auprès des juridictions françaises, la chambre de l’instruction de la cour d’appel jugea que les faits dénoncés n’étaient pas constitutifs d’une discrimination pénalement répréhensible.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant, au motif que le traitement de données litigieux était prévu par l’article 8, II, 6e de la loi du 6 janvier 1978 et qu’il ne relevait donc pas du domaine de l’incrimination prévue à l’article 226-19 du Code pénal (Cass. crim., 8 juillet 2015, n° 13-86.267, FS-P+B N° Lexbase : A7517NMD, lire N° Lexbase : N8525BUB).

En 2016, une nouvelle tentative de don est effectuée et de nouveau refusée. Le requérant forma ensuite deux recours contre la nomenclature des contre-indications. Les deux furent rejetés. La Cour européenne écarte la requête sur ce point, l’arrêté du 5 avril 2016, entrant en vigueur le 10 juillet 2016 et la tentative de don étant antérieure (26 mai 2016).

La décision. En premier lieu, la cour relève qu’alors que le requérant avait refusé de répondre aux questions relatives à sa sexualité lors de l’entretien médical préalable au don, le traitement de données a été renseigné par la contre-indication au don propre aux hommes ayant eu un rapport sexuel avec un homme. Elle en déduit que les données collectées, fondées sur de simples spéculations, ne reposaient sur aucune base factuelle avérée. En effet, le requérant s’est vu appliquer une contre-indication propre aux hommes ayant eu un rapport sexuel avec un homme au seul motif qu’il avait refusé de répondre à des questions relatives à sa sexualité lors de l’entretien médical préalable au don. Aucun des éléments soumis à l’appréciation du médecin ne lui permettait de tirer une telle conclusion sur ses pratiques sexuelles.

En second lieu, après avoir relevé que le Gouvernement ne démontrait pas que la durée de conservation des données litigieuses (jusqu'en 2278 à l’époque des faits litigieux) était encadrée de telle sorte qu’elle ne puisse pas excéder celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles avaient été collectées, la Cour juge que la durée excessive de conservation des données litigieuses a rendu possible leur utilisation répétée à l’encontre du requérant, entraînant son exclusion automatique du don de sang.

Concernant l’interdiction aux hommes homosexuels de procéder à un don, il convient de préciser qu’après une réduction de la période d’abstinence de un an à quatre mois en 2019, elle a été complètement supprimée avec l’absence de toute référence à l’orientation sexuelle dans les questionnaires d’entretien préalable au don (arrêté du 11 janvier 2022 modifiant l'arrêté du 17 décembre 2019, fixant les critères de sélection des donneurs de sang N° Lexbase : L4778MA9).

newsid:482521

Droit pénal international et européen

[Brèves] Condamnation de la Roumanie par la CEDH : rappel que l’usage de la force policière doit être « absolument nécessaire » et de la nécessité d’une enquête effective sur les circonstances de sa mise en œuvre

Réf. : CEDH, 30 août 2022, Req. 13326/18, Pârvu c/ Roumanie [en anglais]

Lecture: 8 min

N2516BZ9

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par Helena Viana

Le 21 Septembre 2022

►La Roumanie a, une nouvelle fois, été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, laquelle a conclu à une double violation de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH). D’une part, en raison d’un usage excessif de la force par les agents de police et d’autre part en raison de l’ineffectivité de l’enquête nationale sur les circonstances de la mort de la victime. Elle rappelle l’existence d’affaires similaires contre la Roumanie ayant été transmises pour exécution au Conseil des ministres du Conseil de l’Europe en vertu de l’article 46, § 2 de la CESDH et considère que des mesures générales s’imposent.

Faits. Le 26 septembre 2009, le véhicule d’un homme accompagné d’un de ses amis, fut bloqué à un feu rouge par deux véhicules, sans insigne extérieur. Quatre individus armés appartenant à l’Inspection générale de la police roumaine, et habillés en civils, sont sortis desdits véhicules. Les policiers ont donné pour ordre à l’individu, qu’ils pensaient être recherché au titre d’un mandat d’arrêt européen, de sortir du véhicule et ont ouvert le feu sans sommation. L’individu, pensant être la cible d’un braquage, a tenté de prendre la fuite en marche arrière et a percuté le second véhicule. Trois autres hommes, également en civils, sont sortis du second véhicule et l’un d’entre eux est monté du côté de la banquette arrière du véhicule du fugitif présumé et a tiré une balle dans la tête  de ce dernier. Par la suite, les policiers ont constaté qu’il ne s’agissait pas de l’individu qu’ils recherchaient. L’homme a été amené en urgence à l’hôpital et est décédé le lendemain matin.

Procédure. Cinq enquêtes pénales successives ont été clôturées par le parquet, au motif que le policier à l’origine du tir aurait agi en légitime défense et que le tir serait d’origine accidentelle. Les recours contre les décisions de classement ont été initiés par l’épouse du défunt. Le 8 avril 2021, statuant sur son ultime recours contre la cinquième décision de classement et près de douze ans après les faits, le tribunal départemental de Braila a rejeté le recours de la requérante « car les conclusions concernant la légitime défense et le tir accidentel “ont été tirées au regard de différents moments dans le temps et selon différentes hypothèses” ». N’ayant pas obtenu gain de cause devant les juridictions nationales, la requérante a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) par requête en date du 7 mars 2018.

Griefs invoqués par la requérante. En substance, la requérante alléguait une violation de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits fondamentaux (CESDH) N° Lexbase : L4753AQ4, consacrant le droit à la vie, et ce à deux titres. D’une part, elle soutenait que la police avait fait usage excessif de la force meurtrière, dans des circonstances où cela n’était pas absolument nécessaire. D’autre part, elle se plaignait de la durée excessive de l’enquête ainsi que de l’absence d’enquête effective sur la mort de son époux. Elle déplorait également l’absence de cadre légal pour réglementer ce type d’intervention policière.

Décision de la Cour. La Cour déclare la requête recevable, et constate la double violation de l’article 2 de la CESDH. En outre, elle relève qu’elle a déjà formulé des constats similaires dans trois autres affaires contre la Roumanie (CEDH, 25 juin 2013, Req. 6978/08, Gheorghe Cobzaru c/ Roumanie N° Lexbase : A3868KHQ ; CEDH, 11 février 2014, Req. 14974/09, Gramada c/ Roumanie N° Lexbase : A9663MDA et CEDH, 17 janvier 2017, Req. 40374/11 Boaca et autres c/ Roumanie) et impose des mesures générales au niveau national afin d’assurer l’exécution du présent arrêt en application de l’article 46 de la CESDH N° Lexbase : L4782AQ8.

En premier lieu, la violation de l’article 2 de la CESDH résulte du défaut de proportionnalité du recours à la force policière.

En effet, la Cour n’est pas convaincue par les allégations selon lesquelles les policiers étaient exposés à un danger clair et immédiat, ni de la nature accidentelle du coup de feu. Elle considère en outre que le policier, auteur du coup de feu, avait pour seule mission d’identifier le suspect et était, de fait, intervenu hors de sa mission. Enfin, elle souligne de sérieux problèmes dans la préparation et le contrôle de l’opération de police et l’absence de cadre législatif et administratif adéquat pour offrir aux citoyens des garanties contre l’arbitraire et l’abus de force.

Partant, les juges européens considèrent que l’action policière n’était pas absolument nécessaire pour empêcher la fuite de la victime ou écarter la menace que celle-ci représentait, l’opération n’ayant pas été planifiée de telle sorte à réduire au minimum tout recours à la force meurtrière.

En deuxième lieu, la Cour retient une violation de l’article 2 de la CESDH au motif que l’enquête interne menée sur les événements ayant conduit à la mort du défunt n’a pas été effective. Elle dénonce en outre la durée de cette enquête, à savoir de septembre 2009 à avril 2021.

Dans une affaire précédente, la Cour avait déjà eu à s’exprimer sur le recours à la force meurtrière des forces de police à la suite d’une erreur d’identification (Armani Da Silva c. Royaume-Uni, Req. 5878/08, 30 mars 2016 N° Lexbase : A9810RAL). Dans cette espèce, un ressortissant brésilien avait été abattu par erreur par des policiers l’ayant pris pour un kamikaze. Néanmoins, la Cour concluait à l’absence de violation de l’article 2 de la CESDH dans la mesure où une enquête approfondie avait été menée tant sur la responsabilité individuelle des policiers que sur la responsabilité institutionnelle de la police par différentes institutions.

Ce sont donc bien les défaillances des autorités à avoir mené une enquête effective sur la mort du défunt qui sont en cause dans l’espèce de l’arrêt du 30 août 2022.

En troisième lieu, elle rappelle qu’au titre de l’article 46 de la CESDH il existe une obligation pour les États contractants de se conformer aux arrêts de la Cour. Si l’État partie à une affaire est en principe libre de choisir les moyens dont il usera pour se conformer à un arrêt constatant une violation, elle acte ici de la nécessité d’ordonner des mesures générales afin d’assurer l’exécution de l’arrêt, et se réfère pour ce faire à une demande formulée par le Comité des ministres dans un autre groupe d’affaires roumaines et à une recommandation formulée par le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT) dans son rapport de 2022 sur la Roumanie.

La multiplication des violations concernées pose, de fait, une véritable question quant à l’efficacité des arrêts de condamnation de la CEDH, lesquels font face à des difficultés d’exécution dans certains États.

Il n’en reste pas moins que la solution de la Cour, bien que préexistante, œuvre comme une piqure de rappel sur l’usage de la force de police, qui doit être strictement proportionné et sur la nécessaire mobilisation des institutions étatiques en charge de mener des investigations approfondies sur cette proportionnalité.

Les faits à l’origine de la décision de la Cour ne sont pas sans rappeler ceux ayant suscité un vif émoi en juin dernier dans le 18e arrondissement de Paris, lorsqu’une passagère de vingt ans a été tuée d’une balle par l’un des fonctionnaires de police, à l’occasion d’un refus d’obtempérer commis par le conducteur sans être titulaire du permis de conduire et sous l’empire d’un état alcoolique.

En France, le principe de l’usage des armes par les forces de l’ordre est encadré par l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L1138LDI, fait justificatif spécial conduisant à l’irresponsabilité pénale et anciennement régie par l’article 122-4-1 du Code pénal N° Lexbase : L4817K8W. Selon ces dispositions, les policiers et gendarmes amenés à user de leur arme doivent agir « dans l’exercice de leurs fonctions » et être « revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité », dans les cas limitativement énumérés dans l’article et « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».

Dans l’arrêt d’espèce, il ressort en effet que les policiers n’étaient revêtus d’aucun uniforme ou insigne extérieur et apparent de leur qualité, ce que n’a pas manqué de relever la Cour en ajoutant que « l’enquête n’a pas entièrement clarifié si les agents avaient clairement averti oralement qu’ils étaient de la police avant d’ouvrir le feu sur la voiture ».

newsid:482516

Fiscalité internationale

[Brèves] Retenue à la source sur des sommes correspondant à des prestations artistiques en France : « Les vieilles Canailles » sur le devant de la scène

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juillet 2022, n° 455789, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A916579C

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N2268BZZ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 08 Septembre 2022

Dans le cadre d’un litige portant sur une société redevable ayant coproduit un spectacle, auquel a participé un l’artiste Johnny Hallyday, le Conseil d’État a jugé que l’ensemble des sommes facturées par la société américaine à la société contribuable en contrepartie de prestations de services doivent être soumises à la retenue à la source prévue à l’article 182 A bis du CGI, sans qu’ait d’incidence à cet égard l’absence de lien juridique direct entre la société contribuable et l’artiste.

Les faits :

  • la société Encore B a coproduit avec la société Valéry Zeitoun Productions un spectacle intitulé « Les vieilles Canailles », auquel a participé Johnny Hallyday ;
  • en vertu d’un contrat de prestation de services et de cession de droits conclu avec la société Encore B, la société américaine Bornrocker Inc. s'engageait à ce que Johnny Hallyday participe aux répétitions et représentations, assurait la validation des différents aspects du spectacle et la gestion du planning des représentations et concédait aux producteurs les droits de propriété intellectuelle pour la promotion du spectacle ;
  • la société Bornrocker bénéficiant, en contrepartie, d'une avance minimum garantie de 1 500 000 euros hors taxes qui lui a été versée en six échéances, à l'issue de chaque représentation, la société Encore B a déclaré une retenue à la source sur une base de 900 000 euros correspondant aux seuls salaires versés par Bornrocker à Johnny Hallyday ;
  • à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la retenue à la source devait être assise sur la totalité des sommes versées à la société Bornrocker et a mis à la charge de la société Encore B un complément de retenue à la source au titre des années 2014 et 2015, ainsi que la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du CGI ;
  • après rejet de sa réclamation, la société Encore B a porté le litige devant le tribunal administratif de Paris qui a partiellement rejeté sa demande par un jugement du 17 avril 2019 ; la société Encore B se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre l'article 2 de ce jugement (CAA Paris, 24 juin 2021, n° 19PA01920 N° Lexbase : A50094XS).

Législation française. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source les sommes payées, y compris les salaires, en contrepartie de prestations artistiques fournies ou utilisées en France, par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente (CGI, art. 182 A bis N° Lexbase : L6956LZN). Relèvent de ces dispositions les prestations artistiques ainsi que les prestations qui en constituent l'accessoire indissociable.

Dispositions de la convention fiscale franco-américaine N° Lexbase : E1957EUZ :

  • les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé (art. 7) ;
  • les redevances provenant d'un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l'autre État contractant ne sont imposables que dans cet autre État (art. 12) ;
  • lorsque les revenus d'activités qu'un artiste du spectacle ou un sportif exerce personnellement et en cette qualité sont attribués non pas à l'artiste ou au sportif lui-même mais à une autre personne, qu'elle soit ou non un résident d'un État contractant, ces revenus sont imposables, nonobstant les dispositions des articles 7 (bénéfices des entreprises), 14 (professions indépendantes) et 15 (professions dépendantes), dans l'État contractant où les activités de l'artiste ou du sportif sont exercées (art. 17).

Solution du Conseil d’État. Après avoir relevé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que les sommes facturées par la société Bornrocker à la société Encore B l'avaient été en contrepartie de prestations artistiques fournies par Johnny Hallyday en France et que cette facturation par la société Bornrocker ne trouvait aucune contrepartie dans une intervention de cette dernière distincte de ces prestations artistiques, la cour a pu, sans erreur de droit, en déduire que la convention franco-américaine ne faisait pas obstacle à l'imposition en France des revenus tirés de cette activité personnelle d'artiste du spectacle.

Le pourvoi de la société Encore B est rejeté.

Précisions. S’agissant de l’application de l’article 155 A du CGI N° Lexbase : L2518HLT. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :

  • soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;
  • soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;
  • soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.

Le Conseil d’État a jugé que les dispositions de l'article 155 A du CGI visent uniquement l'imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée en France et ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée hors de France. En l'absence d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, les dispositions de l'article 155 A du CGI ne sauraient porter atteinte au principe de liberté de prestation de services (CE, 3°-8° ssr., 4 décembre 2013, n° 348136, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8496KQQ).

Lire en ce sens : Questions à C. Gerschel et J. Lebel, Le droit à l'image des sportifs : enjeux fiscaux, Lexbase Fiscal, avril 2015, n° 607 N° Lexbase : N6681BUY.

newsid:482268

Habitat-Logement

[Brèves] Expulsion arbitraire d’un locataire alors qu’un litige est pendant : violation de l’article 8 de la CESDH

Réf. : CEDH, 8 septembre 2022, Req. 1434/14, Jansons c/ Lettonie, en anglais

Lecture: 5 min

N2520BZD

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par Laure Florent

Le 08 Septembre 2022

L’expulsion arbitraire de l’occupant d’un appartement, alors même qu’un litige concernant l’appartement en cause était pendant, est contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au droit au respect du domicile, et à l’article 13, relatif au droit à un recours effectif, combiné avec l’article 8.

C’est ce qu’a jugé la Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt rendu le 8 septembre 2022, par lequel elle condamne la Lettonie à verser au requérant 8 000 euros de dommages-intérêts pour dommage moral (v. communiqué).

Faits et procédure. En l’espèce, le requérant, un ressortissant letton, avait signé un contrat d’« usage de locaux », lequel fut reconduit à plusieurs reprises, concernant un appartement situé à Riga. Le dernier contrat précisait qu’il expirerait le 1er juillet 2011.

En février 2011, l’immeuble fut vendu, et le nouveau propriétaire adressa une lettre au requérant, lui demandant de libérer les lieux le 25 juin 2012, ce que le requérant refusa.

En novembre 2012, l’entreprise propriétaire plaça des agents de sécurité armés devant l’appartement, en empêchant l’accès au requérant. La police, appelée par lui, refusa d’intervenir. Les serrures de l’appartement furent changées.

Par la suite, un huissier, exécutant le transfert de possession ordonné par un juge en faveur du nouveau propriétaire, força l’entrée, changea les serrures, et enleva les biens du requérant, ce malgré les contestations de ce dernier.

Les différentes actions, civiles comme pénales, intentées par le requérant, ne permirent pas au requérant de contester son expulsion.

Décision de la Cour. La Cour considère qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention N° Lexbase : L4798AQR, relatif entre autres au droit au respect du domicile, et de l’article 13 N° Lexbase : L4746AQT, concernant le droit à un recours effectif, combiné avec l’article 8.

  • Sur la violation du droit au respect de son domicile

La Cour constate que le requérant vivait habituellement dans les locaux depuis plus de trois ans, et qu’au moment de son expulsion, une action en justice concernant son droit d’y résider était pendante. L’article 8 de la Convention s’applique donc au litige lié à son expulsion.

Elle poursuit en énonçant que les autorités ont manqué à leur obligation de prendre des mesures appropriées pour s’assurer que le droit du requérant au respect de son domicile était garanti, en dépit des demandes répétées de celui-ci.

Ainsi, les policiers appelés sur les lieux lors de l’expulsion ne pouvaient ignorer que le requérant résidait dans l’appartement, mais sont restés passifs. Ils auraient dû savoir que l’existence d’un différend juridique ne pouvait suffire à justifier l’expulsion d’une personne de son domicile. Ils ne sont d’ailleurs pas plus intervenus par la suite, malgré l’ouverture d’une procédure pénale, et le fait que le requérant n’avait plus accès à son domicile.

Aucune protection n’avait non plus été accordée au requérant dans le cadre de l’enquête pénale : les décisions de non-lieu rendues ne traitaient effectivement pas la question de savoir si le requérant résidait effectivement dans l’appartement, ou celle de savoir si l’appartement était le « domicile » du requérant. Les juges ne s’étaient donc pas livrés à un examen de la légalité des actes du nouveau propriétaire.

L’huissier également ne pouvait ignorer que le requérant, qui s’était présenté à l’appartement lors du transfert de possession, y résidait, ou qu’un litige relatif à ses droits locatifs était pendant. Il n’a pas pour autant interrompu la procédure, et s’est même directement impliqué dans le litige en retirant de l’appartement les biens du requérant ; il a ainsi agi dans l’intérêt du propriétaire, sans que les arguments des parties ne soient examinés par un juge.

La Cour conclut que le transfert de possession ayant conduit à l’expulsion du requérant était dépourvu de base légale. Elle énonce en outre que, même si le droit interne offrait des garanties procédurales – ce dernier prévoyait qu’une expulsion ne pouvait être exécutée que sur le fondement d’une ordonnance judiciaire et que la police devait être présente au cours du transfert de possession –, ces garanties n’ont pas été utiles, étant donné qu’elles n’ont pas été appliquées, et n’ont pas permis d’empêcher une ingérence arbitraire dans l’exercice par le requérant de ses droits.

Il y a donc eu violation de l’article 8.

  • Sur la violation du droit à un recours effectif

La Cour énonce que le requérant ne disposait d’aucun recours en droit civil, la procédure civile introduite par l’intéressé ne portant que sur son droit à résider dans l’appartement et non sur son expulsion illégale, cette dernière étant considérée comme relevant des juridictions pénales.

En matière pénale, le recours était cette fois possible. Toutefois, l’enquête menée dans ce cadre était de portée limitée, et n’offrait pas une protection effective en cas de litige portant sur les droits locatifs.

Ainsi, la Cour considère que le requérant n’a pas disposé d’un recours effectif pour se plaindre de l’ingérence dans l’exercice par lui de son droit au respect de son domicile, et qu’il y a donc eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 8.

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Sociétés

[Brèves] Fraude paulienne : l’inopposabilité d’une donation-partage portant sur la nue-propriété de parts sociales entraîne l'inopposabilité de la modification statutaire

Réf. : Cass. civ. 1, 6 juillet 2022, n° 21-15.886, F-D N° Lexbase : A50958AX

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par Vincent Téchené

Le 08 Septembre 2022

► L'inopposabilité à un créancier d’une donation-partage portant sur la nue-propriété de parts sociales d'une SCI entraîne, par voie de conséquence, l'inopposabilité de la modification des statuts de cette dernière quant à la nue-propriété desdites parts.

Faits et procédure. Le 19 avril 2010, le dirigeant d’une société, à l'encontre duquel cette dernière avait déposé plainte pour abus de confiance, et son épouse ont constitué une SCI portant sur l'acquisition, l'administration et l'exploitation d'un bien immobilier acquis le 12 mai suivant.

Le 11 septembre 2015, un arrêt devenu définitif a déclaré le dirigeant coupable d'abus de confiance au préjudice de la société et l'a condamné à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts. Suivant acte notarié du 4 avril 2017, le dirigeant a consenti une donation-partage de la nue-propriété de ses parts de la SCI à chacun de ses deux enfants mineurs. Le 6 avril 2017, les statuts de la SCI ont été modifiés quant à la nue-propriété des parts sociales.

Le 30 août 2017, la société a assigné le dirigeant, son épouse et la SCI afin de voir déclarer inopposables à son égard la constitution de la SCI, l'acte de donation-partage et la modification des statuts de la SCI.

L'acte de donation-partage du 4 avril 2017 a été déclaré inopposable à la société. C’est dans ces conditions qu’un arrêt d’appel ayant rejeté la demande de la SCI en inopposabilité de l'acte de modification de l'acte de constitution, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Moyen. La société soutenait que l'inopposabilité paulienne d'un acte à l'égard du créancier poursuivant entraîne l'inopposabilité à l'égard de ce créancier de tous les actes qui sont la conséquence nécessaire de cet acte. Ainsi, en rejetant, la demande de la société tendant à ce que lui soit déclaré inopposable l'acte de modification de l'acte de constitution de la SCI, quand elle relevait que cet acte de modification était la conséquence nécessaire de l'acte de donation-partage qu'elle avait déclaré inopposable à la société en application des dispositions de l'article 1341-2 du Code civil N° Lexbase : L1269ABM, la cour d'appel aurait violé les dispositions de l'article 1341-2 de cet texte.

Décision. Cet argument convainc très logiquement la Cour de cassation qui censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1341-2 du Code civil.

Pour rappel, selon ce texte, le créancier peut agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposable à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits.

Or, la Cour de cassation relève que pour rejeter la demande de la société en inopposabilité de l'acte du 6 avril 2017, l'arrêt retient que, si la modification des statuts est la conséquence de la donation, elle n'est pas un acte qui appauvrit le débiteur, de sorte qu'elle ne peut être concernée par l'action paulienne.

La Haute juridiction en conclut qu’en statuant ainsi, alors que l'inopposabilité de la donation-partage portant sur la nue-propriété des parts sociales entraînait, par voie de conséquence, l'inopposabilité de la modification des statuts de la SCI quant à la nue-propriété de ces parts, la cour d'appel a violé le texte visé.

Observations. La solution, qui résulte clairement du texte, ne souffre aucune critique. Il n’en reste pas moins qu’elle porte ici une illustration intéressante des effets de la fraude paulienne en droit des sociétés.  

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