Le Quotidien du 17 mars 2022

Le Quotidien

Arbitrage

[Brèves] En matière d’arbitrage international, la dérogation au principe compétence-compétence doit être expresse et non-équivoque

Réf. : Cass. civ. 1, 9 mars 2022, n° 20-21572, FS-B N° Lexbase : A94397PB

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N0762BZA

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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit

Le 16 Mars 2022

► L’application du principe compétence-compétence est supplétif en matière d’arbitrage international ; la dérogation au principe doit être expresse et non-équivoque.

Faits et procédures. Une société française passe un contrat de construction navale incluant une clause compromissoire auprès d’une société italienne. Cette dernière fait appel à plusieurs intervenants pour la classification du navire, la fourniture des générateurs, et la mise en place du dispositif anti-incendie. À la suite d’un incendie dans la salle des machines du paquebot, les assureurs, subrogeant le propriétaire du paquebot, assignent le constructeur italien et les autres intervenants devant le tribunal de commerce de Mata’Utu (Wallis-et-Futuna), port d’immatriculation du navire.

Par jugement du 29 mars 2019, le juge polynésien se déclare incompétent et renvoie les parties à l’arbitrage en relevant qu’il n’existe pas d’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire. L’incompétence de la juridiction étatique est confirmée par la cour d’appel de Nouméa par un arrêt rendu le 10 septembre 2020.

Pourvoi. Les assureurs forment pourvoi contre l’arrêt, et le débat porté devant la Cour de cassation concerne l’application du principe compétence-compétence selon lequel « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable » (CPC, art 1448 N° Lexbase : L2275IPX, applicable à l’arbitrage international par renvoi opéré par l’article 1506 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2216IPR).

Les demandeurs au pourvoi soutiennent que le principe compétence-compétence est supplétif en matière d’arbitrage international et que les parties auraient manifesté leur volonté d’écarter l’effet négatif du principe compétence-compétence, prévu dans le droit français, en choisissant Londres en tant que siège de l’arbitrage et le droit anglais comme droit applicable.

Réponse de la Cour. La Haute juridiction abonde dans le sens des demandeurs au pourvoi en énonçant que, en vertu de l’article 1506 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2216IPR, les dispositions relatives au principe compétence-compétence ont un caractère simplement supplétif en matière d’arbitrage international. Toutefois, la première chambre civile précise que la dérogation à ce principe doit être expresse et non équivoque. La seule désignation de Londres comme siège de l’arbitrage et du droit anglais, ignorant le principe compétence-compétence, comme loi de la procédure ne satisfait pas à l’exigence de renonciation expresse et non-équivoque. Il appartient ainsi à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence en faisant application du droit choisi par les parties.

Solution. La Cour renvoie les assureurs à mieux se pourvoir.

Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : L’arbitrage, Le principe compétence-compétence, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E30174YE.

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Contrôle fiscal

[Brèves] Droit de visite et de saisie en matière fiscale : conformité à la Constitution de l’article L. 16 B du LPF

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-980, du 11 mars 2022 N° Lexbase : A38557QT

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N0741BZH

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Mars 2022

Les dispositions régissant les visites domiciliaires et saisies de données stockées en dehors des lieux autorisés par le juge et appartenant à des tiers à la procédure sont conformes à la Constitution.

Les faits. Les dispositions de l'article L. 16 B du LPF N° Lexbase : L0419LTP ont été renvoyées devant le Conseil constitutionnel par la Cour de cassation (Cass. QPC, 15 décembre 2021, n° 21-40.022, FS-D N° Lexbase : A99817GR).

Pour rappel, les dispositions contestées permettent en l'absence d'autorisation judiciaire spéciale et de recours effectif la saisie de données stockées en dehors des lieux autorisés par le juge et appartenant à des tiers à la procédure.

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 11 mars 2022.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée :

  • en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu adapter les prérogatives de l'administration fiscale à l'informatisation des données des contribuables et à leur stockage à distance sur des serveurs informatiques ; il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ;
  • le droit de saisie reconnu aux agents habilités de l'administration des impôts ne peut être mis en œuvre qu'au titre d'une visite ayant pour objet la recherche de la preuve d'agissements de fraude fiscale ; si peuvent être saisis à cette occasion des documents n'appartenant pas aux personnes visées par ces présomptions, ce n'est qu'à la condition qu'ils se rapportent à de tels agissements ;
  • la saisie ne peut intervenir qu'à l'occasion d'une visite autorisée par le JLD, sa décision devant être motivée par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; d’autre part, les opérations de visite et de saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Les dispositions contestées procèdent à une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée. Les dispositions de l’article L. 16 B ont été déclarées conformes à la Constitution.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. L'article L. 16 B du LPF prévoit que l'ordonnance du JLD autorisant la visite des agents de l'administration des impôts peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans un délai de quinze jours. Ce dernier connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que ces recours peuvent être formés non seulement par la personne visée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et l'occupant des lieux visités, mais aussi par toute personne ayant qualité et intérêt à contester la régularité de la saisie d'un document.

Le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit donc être écarté.

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Copropriété

[Brèves] Mise en concurrence pour les contrats et marchés de travaux : précision utile de la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 3, 9 mars 2022, n° 21-12.658, FS-B N° Lexbase : A94437PG

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N0796BZI

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 16 Mars 2022

La mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, qu'ils soient soumis (chacun) au vote de l'assemblée générale ; il est dès lors exclu que l'assemblée générale vote sur le seul devis mentionné à l'ordre du jour et choisi par l'architecte, et non sur chacun des devis des soumissionnaires.

Les textes. Selon l’article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4821AHZ, l'assemblée générale des copropriétaires arrête un montant des marchés et des contrats, autres que celui du syndic, à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire. Selon l’article 19-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5506IGZ, la mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats, autres que le contrat du syndic, lorsque l'assemblée générale n'en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l'établissement d'un devis descriptif soumis à l'évaluation de plusieurs entreprises.

Pour l’application de ces dispositions, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser, tout d’abord, que l'obligation de mise en concurrence se trouve respectée par la demande de devis à deux ou trois entreprises, la circonstance que pour certains lots, les entreprises consultées n'aient pas toutes répondu n'affectant pas la régularité de la délibération dès lors que les documents annexés à la convocation décrivaient de façon suffisamment précise le détail des différents travaux prévus ainsi que leur coût global et par lots, de sorte que les copropriétaires avaient disposé des éléments nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause (Cass. civ. 3, 27 novembre 2013, n° 12-26.395, FS-P+B+I N° Lexbase : A4044KQT). Ensuite, il faut savoir que la mise en concurrence n'est pas obligatoire à défaut de fixation par l'assemblée générale du montant à partir duquel elle doit être mise en œuvre (Cass. civ. 3, 26 mars 2014, n° 13-10.693, FS-P+B N° Lexbase : A2495MIA).

Problématique. La question soulevée dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 9 mars 2022, était celle de savoir si la mise en concurrence est satisfaite dès lors que plusieurs devis ont été transmis, et joints à la convocation (première analyse), ou si elle suppose alors, en outre, un vote de l’assemblée générale, pour chacun de ces devis (seconde analyse).

Décision CA Versailles. La cour d’appel de Versailles s’en était tenue à la première analyse. En effet, pour rejeter la demande d'annulation d’une résolution d’assemblée générale relative à des travaux (de ravalement de façade et d'isolation de l'immeuble par l'extérieur), la cour d’appel avait retenu que, quand bien même un seul devis avait été soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, plusieurs devis avaient été joints à la convocation et le maître d'œuvre avait procédé à leur audit en expliquant les raisons du choix de l'entreprise retenue, de sorte que les copropriétaires avaient été en mesure de voter cette résolution en connaissance de cause (CA Versailles, 15 décembre 2020, n° 18/05469 N° Lexbase : A04044A9).

Cassation. Le demandeur avait formé un pourvoi en cassation soutenant que la mise en concurrence suppose que plusieurs devis soient soumis au vote de l'assemblée générale et que l'assemblée générale ne peut valablement voter que sur les questions inscrites à l'ordre du jour ; dès lors, en l'espèce, la mise en concurrence étant obligatoire en vertu d’une précédente résolution d’assemblée générale, il était exclu que l'assemblée générale vote sur le seul devis mentionné à l'ordre du jour et choisi par l'architecte, qui n'avait pas le pouvoir de se substituer à l'assemblée dans la sélection de l'entreprise, et non sur chacun des devis des soumissionnaires.

L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui énonce qu’il résulte des textes précités que « la mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, qu'ils soient soumis au vote de l'assemblée générale ».

Statuant au fond, en application des articles L. 411-3, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L2546LBW et 627 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8428IRL, la Cour de cassation annule la résolution en cause, après avoir relevé que plusieurs devis avaient été joints à la convocation des copropriétaires mais qu'un seul avait été soumis au vote de l'assemblée générale.

Pour résumer :

  • l'obligation de mise en concurrence se trouve respectée dès lors qu’il existe une pluralité de demandes de devis, peu important au final qu’un seul devis n’ait été transmis (Cass. civ. 3, 27 novembre 2013, n° 12-26.395, précité) ; le vote peut alors valablement porter sur le seul devis joint à la convocation ;
  • en revanche, dès lors que plusieurs devis sont communiqués et joints à la convocation, ou notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, chacun d’eux doit faire l’objet d’un vote (Cass. civ. 3, 9 mars 2022, n° 21-12.658, FS-B).

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : L'assemblée générale des copropriétaires, Le montant des travaux, marchés et contrats au-delà duquel sont obligatoires la consultation du conseil syndical et une mise en concurrence, in Droit de la copropriété, (dir. P.-E. Lagraulet), Lexbase N° Lexbase : E5926EY7.

 

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Domaine public

[Brèves] Convention d'occupation du domaine public maritime sur un site du littoral : pas de réparation du préjudice tenant à la perte d'un fonds de commerce

Réf. : CE, 3° et 8° ch.-r., 11 mars 2022, n° 453440, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A38307QW

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N0782BZY

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par Yann Le Foll

Le 16 Mars 2022

► L’illégalité d’une clause interdisant la constitution d’un fonds de commerce sur le domaine public pour le cocontractant privé n’est pas constitutive d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat, ni même l'annulation de cette seule clause, indivisible du reste de la convention.

Faits. Deux particuliers exploitent, sur une parcelle appartenant à la commune de Cap-d'Ail, un restaurant sous l'enseigne « La Pinède ». À la suite de l'expiration d'une précédente convention d'occupation conclue en 1995, la commune de Cap-d'Ail a conclu le 15 février 2016 avec les intéressés une convention d'occupation précaire de cette parcelle pour une durée de cinq ans. Ces derniers ont saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant, à titre principal, à ce qu'il déclare nulle ou annule cette convention et, à titre subsidiaire, à ce qu'il annule certaines clauses de cette convention, dont une clause stipulant que l'occupation ne donnerait lieu à la création d'aucun fonds de commerce.

Rappel. Aux termes de l'article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L5016I38 : « Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre ». Il résulte de ces dispositions applicables à la convention en litige que le législateur a reconnu aux occupants d'une dépendance du domaine public, lorsque celle-ci ne se trouve pas sur le domaine public naturel, le droit d'exploiter un fonds de commerce sur cette dépendance pendant la durée du titre d'occupation à la condition qu'ils disposent d'une clientèle propre distincte des usagers du domaine public (sur ce sujet, lire F. Stifani, K. Berthet et P. Létienne, La privatisation du domaine public au travers de la reconnaissance du fonds de commerce, Lexbase Public, juillet 2016, n° 424 N° Lexbase : N3668BWR).

En cause d’appel. La cour administrative d'appel de Marseille (CAA Marseille, 9 avril 2021, n° 18MA03151 N° Lexbase : A19004P3) a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la clause figurant à l'article 3 de la convention litigieuse, selon laquelle l'occupation du domaine ne donnerait pas lieu à la création d'un fonds de commerce, formait un ensemble indivisible avec les autres stipulations.

Position CE. En jugeant que la méconnaissance, par une telle clause, des dispositions de l'article L. 2124-32-1 précité ne pouvait constituer, à elle seule, un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation de la convention ou de cette seule clause indivisible du reste de la convention, la cour, par un arrêt suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit (voir pour une solution dans le même sens, CE, 2° et 7° ch.-r., 10 juillet 2020, n° 434353, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A29283RU).

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Licenciement

[Brèves] Pas d’exclusion de la faute grave en cas d’engagement tardif d’une procédure de licenciement en raison de l’absence du salarié

Réf. : Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872, F-B N° Lexbase : A94327PZ

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N0732BZ7

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par Charlotte Moronval

Le 16 Mars 2022

► Le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise.

Faits et procédure. Le 31 mai 2013, une salariée est placée en arrêt de travail. Par lettre du 14 novembre 2014, l'employeur la convoque à un entretien préalable au licenciement, lui reprochant des faits remontant à 2011 et 2012. La salariée est par la suite licenciée pour faute grave, par lettre du 12 décembre 2014.

Elle conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale, faisant valoir que l'employeur avait tardé à engager la procédure disciplinaire (quatre semaines pour engager la procédure de licenciement après la connaissance des faits reprochés) et ne pouvait plus invoquer la faute grave.

La cour d’appel estime que le licenciement repose bien sur une faute grave et déboute la salariée de l’ensemble de ses demandes. Celle-ci forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle confirme le raisonnement de la cour d’appel qui relève que l'employeur avait acquis une connaissance exacte des faits le 17 octobre 2014 et relevé qu'il avait convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave le 14 novembre 2014. Elle constate que la salariée, dont le contrat de travail était suspendu depuis le 31 mai 2013, était absente de l'entreprise, ce dont il résultait que l'écoulement de ce délai ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité.

Pour aller plus loin :

  • hormis le cas d'absence du salarié, l'engagement de la procédure de licenciement en cas de faute grave suppose d'agir dans un délai relativement restreint (v. par ex : Cass. soc., 6 octobre 2010, n° 09-41.294, FS-P+B N° Lexbase : A3748GBG et Cass. soc., 28 mai 2015, n° 14-12.797, F-D N° Lexbase : A8164NI9) ;
  • v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, La faute grave du salarié, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E5682ZNR.

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Procédure civile

[Brèves] Mesure d'instruction in futurum et dérogation au principe du contradictoire

Réf. : Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-22.349, F-B N° Lexbase : A24687P4

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N0766BZE

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 01 Avril 2022

La Cour de cassation rappelle que le juge, saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête d’une mesure d’instruction in futurum, doit s'assurer de l'existence, dans la requête et l'ordonnance, des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement ; il ne peut se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l'ordonnance pour justifier qu'il est dérogé au principe du contradictoire ;

les motifs justifiant le recours à une mesure d'instruction non contradictoire doivent être indiqués par le juge rendant l’ordonnance, qui ne peut se contenter de considérer qu'il est établi que la requérante justifie de circonstances exigeant que la mesure soit ordonnée sans débat contradictoire préalable ; ce défaut de motivation ne peut faire l’objet d’une régularisation a posteriori devant le juge de la rétractation.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une société a déposé une requête auprès d’un tribunal de commerce aux fins de voir ordonner une mesure d’instruction in futurum pour la désignation d’un huissier de justice chargé de procéder à un constat dans les locaux de la société adverse. Par ordonnance du 30 octobre 2019, il a été fait droit à la requête, et les mesures d’instruction ont été exécutées le 25 novembre 2019. Le 19 décembre 2019, la partie adverse a assigné la requérante en rétractation de l’ordonnance.

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt (CA Dijon, 17 septembre 2020, n° 20/0035 N° Lexbase : A16103U8), d’avoir confirmé l’ordonnance de référé en ce qu’elle a rétracté l’ordonnance rendue sur requête, et d’avoir ordonné la restitution des pièces saisies par l'huissier instrumentaire, en lui faisant interdiction de faire état du procès-verbal de ce dernier ou des pièces annexées à celui-ci, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance.

En l’espèce, la cour a relevé que la requête faisait état d’actes de concurrence déloyale sans préciser les circonstances justifiant que la mesure ne soit pas prise de manière contradictoire. Les juges d’appel ont retenu que l'ordonnance rendue sur requête n'exposait pas les motifs justifiant le recours à une mesure d'instruction non contradictoire, et que le juge s’est contenté de considérer qu'il était établi que la requérante justifiait de circonstances exigeant que la mesure soit ordonnée sans débat contradictoire préalable.

Solution. Énonçant les solutions précitées, aux termes des dispositions des articles 145 N° Lexbase : L1497H49 et 493 N° Lexbase : L6608H7U, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’administration judiciaire de la preuve, Les mesures d’instruction, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E68003UE.

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Responsabilité

[Brèves] Aggravation du dommage corporel, après conclusion d’une transaction, consécutive à des soins visant à améliorer l’état de la victime : rappel des principes

Réf. : Cass. civ. 2, 10 mars 2022, n° 20-16.331, F-B N° Lexbase : A03527Q4

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 16 Mars 2022

► En cas d’aggravation du dommage corporel après la conclusion d’une transaction, aggravation consécutive à des soins qui avaient pour but d’améliorer l’état de la victime, cette dernière est en mesure d’agir dans le délai prévu par l’article 2226 du Code civil.

Faits et procédure. En l’espèce, les victimes d’un accident de la circulation avaient conclu une transaction relative à l’indemnisation du préjudice corporel. Par la suite, l’une d’elles invoqua une aggravation de son préjudice, aggravation consécutive à des interventions chirurgicales, lesquelles visaient à améliorer son état. La cour d’appel (CA Grenoble, 14 janvier 2020, n° 18/02279 N° Lexbase : A10773BI) débouta la victime de sa demande d’indemnisation du préjudice, considérant que la victime d’un dommage corporel indemnisé qui se soumet ultérieurement à des soins ayant pour but d’améliorer son état, lesquels aggravent son état, ne peut obtenir réparation.

Solution. La cassation de l’arrêt d’appel intervient au visa de l’article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240 N° Lexbase : L0950KZ9, de l’article L. 211-19 du Code des assurances N° Lexbase : L7248IAP et du principe de la réparation intégrale du préjudice. La Cour de cassation constate la violation de la loi dès lors que « l’aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveaux préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation, en vue d'améliorer son état séquellaire résultant de cet accident ». Ce faisant, la victime est en mesure d’obtenir réparation de son dommage. Ainsi, l’aggravation du dommage est assimilée à un préjudice distinct de celui ayant antérieurement fait l’objet de la transaction. Ce faisant, la victime ne saurait se heurter à l’effet extinctif des transactions. En outre, peu importe que cette aggravation résulte de soins médicaux ou chirurgicaux ultérieurs qui avaient pour but d’améliorer l’état séquellaire, mais qui ont emporté une aggravation du dommage. La victime peut alors, dans le délai prévu par l'article 2226 du Code civil N° Lexbase : L7212IAD, demander réparation de l'aggravation du dommage qu'elle a subi à l'assureur qui a versé l'indemnité.

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[Brèves] Devoir de mise en garde de la caution : précision sur la preuve du risque d’endettement né de l’octroi du prêt

Réf. : Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-16.277, F-B N° Lexbase : A94287PU

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N0742BZI

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par Vincent Téchené

Le 16 Mars 2022

► La circonstance que la banque a octroyé un prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution non avertie qui soutient que la banque était tenue à son égard d'un devoir de mise en garde, d'établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résultait de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Faits et procédure. Une banque a consenti un prêt à une société. Le président et associé majoritaire de la société s'est rendu caution du remboursement de ce prêt. La société ayant été mise en liquidation judiciaire le 15 mai 2016, avec une date de cessation des paiements fixée au 29 février 2016, la banque a assigné en paiement la caution qui lui a opposé d'avoir manqué à son devoir de mise en garde à son égard.

La cour d’appel (CA Versailles, 14 janvier 2020, n° 18/05771 N° Lexbase : A96383A9) a débouté la caution de ses demandes et l’a, en conséquence, condamnée à payer un certain montant à la banque. La caution a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle que pour établir que le banquier dispensateur de crédit était tenu, à son égard, d'un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n'était pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résultait de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. Or, selon elle, la circonstance que la banque a octroyé le prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution d'établir l'inadaptation de ce prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

La Haute juridiction constate alors que l'arrêt d’appel a relevé que la caution ne produit aucun document comptable relatif à la société débitrice lors du démarrage de son activité et que, selon la déclaration de créance du 30 mars 2016, les échéances du prêt cautionné avaient été payées jusqu'à la date de l'ouverture de la procédure collective. En outre, l’arrêt d’appel a retenu que le patrimoine déclaré à la banque à la date du cautionnement s'évalue, après déduction des emprunts encore en cours, à la somme totale de 301 243,93 euros et que, sans même tenir compte de ses revenus déclarés, il ne peut davantage être considéré que son engagement n'était pas adapté à ses capacités financières.

Dès lors, il en résulte que la caution n'apportait pas la preuve lui incombant que le prêt litigieux était inadapté aux capacités financières de la société ou à ses propres capacités financières. Par conséquent,  la cour d'appel a pu retenir qu'il ne pouvait être reproché à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.

Observations. On sait que le devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie est une création purement prétorienne (v. par ex. Cass. com., 20 octobre 2009, n° 08-20.274, FS-P+B+I N° Lexbase : A2384EMA). La réforme du droit des sûretés issue de l’ordonnance du 15 septembre 2021 a consacré cette solution jurisprudentielle. Le nouvel article 2299 du Code civil N° Lexbase : L0173L8W, qui est désormais le siège de l’obligation de mise en garde, contient trois nouveautés (v. not., G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8). D’abord, la mise en garde ne porte plus que sur les capacités financières du débiteur principal. Ensuite, la sanction est modifiée. Il ne s’agit plus de la responsabilité du créancier, mais d’une déchéance : à défaut de mise en garde, le créancier est déchu de son droit contre la caution, à hauteur du préjudice subi par celle-ci. Enfin, et c’est l’innovation majeure, le devoir de mise en garde profite à toute caution, dès lors qu’elle est une personne physique.

Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation applique (en y apportant une précision) une solution classique : pour invoquer le manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers elle, une caution, fût-elle non avertie, doit rapporter la preuve que son engagement n'est pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal (Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-16.790, FS-P+B+I N° Lexbase : A0222WZA – Cass. com., 21 octobre 2020, n° 18-25.205, F-P+B N° Lexbase : A88853YQ).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La responsabilité du créancier à l'égard de la caution pour non-respect de son obligation de mise en garde, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E3566E4T.

 

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