Le Quotidien du 9 avril 2020

Le Quotidien

Construction

[Brèves] Interruption et suspension de la prescription : pas d’effet erga omnes

Réf. : Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 19-13.459, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A48603K9)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 08 Avril 2020

► Seule une initiative du créancier de l’obligation peut interrompre et suspendre la prescription ;

► seul le créancier de l’obligation peut revendiquer l’effet interruptif de son action et en tirer profit ;

► la demande de mesure d’expertise avant tout procès n’y déroge pas : elle tend à préserver les droits de la partie en demande et ne joue qu’à son profit.

Voici l’essentiel à retenir de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 19 mars 2020 (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 19-13-459, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A48603K9).

Quoique clarifiés à plusieurs reprises par la Haute juridiction en 2019 et en 2020, la question de l’interruption et de la suspension des délais continue à alimenter des contentieux.

Les faits de l’espèce sont des plus classiques. Un maître d’ouvrage confie à une entreprise l’exécution de travaux de voirie et de réseaux divers chez des particuliers. Ceux-ci se plaignant du retard dans la réalisation des travaux et de désordres, ils assignent en référé expertise le maître d’ouvrage et l’entreprise. Les délais n’ont donc été interrompus qu’à l’égard des particuliers. Après le dépôt du rapport par l’expert, le maître d’ouvrage transige avec les particuliers puis assigne l’entreprise en indemnisation de ses préjudices. Il obtient gain de cause devant les juges d’appel. L’entreprise forme un pourvoi en cassation.

La première branche du moyen expose, de première part, que la demande en justice n’interrompt le délai de prescription que si elle a été signifiée par le créancier lui-même au débiteur se prévalant de la prescription. Le maître d’ouvrage serait donc « prescrit à agir » contre l’entreprise faute d’avoir assigné dans les délais. Et le maître d’ouvrage ne pourrait, pas davantage, tenter de « profiter » de l’action en référé expertise pour prétendre que son délai aurait été interrompu.

C’est vrai et la Haute juridiction a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises (pour exemple récent, Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-15.833, F-D N° Lexbase : A3192ZPW). La demande en justice doit être dirigée à l’encontre de celui qu’on veut empêcher de prescrire. Autrement dit, l’assignation est un mode interruptif de prescription qui ne profite qu’à celui dont elle émane et ne produit d’effet interruptif qu’à l’encontre de celui contre laquelle elle est dirigée. Ce principe est interprété très strictement par la Cour de cassation qui impose même à l’assureur d’interrompre son propre de délai de prescription, même si son assuré les a interrompus (Cass. civ. 3, 21 mars 2019, n° 17-28.021, FS-P+B+I N° Lexbase : A5064Y4C). De manière particulièrement claire, elle résume dans le présent arrêt que « seule une initiative du créancier de l’obligation peut interrompre la prescription et lui seul peut revendiquer l’effet interruptif ».

La seconde branche du moyen expose, de seconde part, que la mesure d’instruction présentée avant tout procès n’entraîne une suspension de la prescription qu’au profit de la personne qui a sollicité cette mesure.

C’est vrai aussi. Et, là encore, la Haute juridiction avait eu l’occasion de le rappeler récemment (Cass. civ. 3, 17 octobre 2019, n° 18-19.611, FS-P+B+I N° Lexbase : A9427ZRL). L’action se renferme dans son objet. Elle rappelle, en l’espèce, que « lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l’interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de la mesure et ne joue qu’à son profit ».

La décision est, en tous points, confirmative, mais la large publicité que la Cour de cassation a souhaité y donner n’est qu’une preuve supplémentaire des difficultés rencontrées en pratique pour articuler ces règles, qu’il faudrait donc simplifier.

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Covid-19

[Brèves] Publication d’une ordonnance organisant le report de la date du second tour des élections municipales

Réf. : Ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 (N° Lexbase : L6262LWT)

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N2965BYH

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par Yann Le Foll

Le 08 Avril 2020

Venant préciser les dispositions électorales de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), l'ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020, relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l'établissement de l'aide publique pour 2021 (N° Lexbase : L6262LWT), a été publiée au Journal officiel du 2 avril 2020.

Le premier chapitre de cette ordonnance tire les conséquences sur les opérations préparatoires au vote d'un report de plusieurs semaines du second tour, là où l'article L. 56 du Code électoral (N° Lexbase : L2782AAB) prévoit qu'« en cas de second tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour ». Pour que ce report ne remette pas en cause la sincérité du scrutin, il est proposé d'organiser le second tour dans un cadre similaire à ce qui aurait été prévu en l'absence de report. Ainsi, conformément aux règles applicables pour les scrutins à deux tours qui forment un même ensemble électoral, l'article 1er prévoit que les listes électorales arrêtées pour le premier tour seront reprises pour le second tour.

L'article 2 complète les modalités de dépôt de déclaration de candidature en vue du second tour, la loi précisant déjà que les déclarations de candidature peuvent être déposées au plus tard le mardi suivant la publication du décret de convocation des électeurs, lui-même publié au plus tard le 27 mai 2020. Les candidatures qui auraient été enregistrées en préfecture ou en sous-préfecture les 16 et 17 mars 2020 demeurent valables.

L'article 3 traite des règles applicables aux candidatures dans les communes de moins de 1 000 habitants où « seuls peuvent se présenter au second tour de scrutin les candidats présents au premier tour, sauf si le nombre de candidats au premier tour est inférieur au nombre de sièges à pourvoir » au terme de l'article L. 255-3 du Code électoral (N° Lexbase : L7910IYM). Le nombre de sièges à pourvoir s'apprécie en fonction du nombre d'élus au premier tour du scrutin, sans que ne soient prises en compte les vacances qui pourraient intervenir dans l'intervalle.

L'article 4 clarifie les dispositions de la loi relatives au délai de dépôt, en précisant que la date limite de dépôt des comptes de campagne est fixée au 10 juillet 2020 pour l'ensemble des listes uniquement présentes au premier tour (listes dans les communes où le conseil municipal a été élu dès le premier tour, listes de candidats non admises ou ne présentant par leur candidature au second tour).

Afin de ne pas léser les requérants qui n'ont pu consulter la liste d'émargement après le premier tour, l'article 5 aménage la possibilité dans toutes les communes, à tout électeur requérant, de se la voir communiquer, à compter de l'entrée en vigueur du décret de convocation des électeurs pour le second tour, ou à défaut à compter de l'entrée en fonction des conseillers municipaux élus dans les communes pourvues entièrement dès le premier tour, et jusqu'à la clôture du délai de recours contentieux prolongé par l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif (N° Lexbase : L5719LWQ).

Le deuxième chapitre composé d'un seul article (article 6) prévoit que la démission d'un candidat élu au premier tour ne prend effet qu'à son entrée en fonction différée en application de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dans la mesure où l'on ne peut renoncer à un mandat que l'on ne détient pas encore. Ceci permettra en outre de considérer le conseil municipal complet afin de permettre l'élection du maire lors de la première réunion du conseil municipal.

Le troisième chapitre, qui n'est également composé que d'un seul article (article 7), tire les conséquences de la loi du 23 mars 2020 qui reporte la date limite de dépôt à la CNCCFP des comptes des partis et groupements politiques pour l'exercice 2019 au 11 septembre 2020. 

 

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Covid-19

[Brèves] Covid-19 : mise en œuvre de la garantie de l'Etat relative aux opérations d'assurance et de réassurance pratiquées par la Caisse centrale de réassurance

Réf. : Décret n° 2020-397 du 4 avril 2020, portant modalités d'application de l'article 7 de la loi de finances rectificative pour 2020 en vue de définir les modalités d'octroi de la garantie de l'Etat aux opérations de réassurance de certains risques d'assurance-crédit effectuées par la Caisse centrale de réassurance (N° Lexbase : L6367LWQ)

Lecture: 4 min

N2947BYS

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par Vincent Téchené

Le 09 Avril 2020

► Un décret, publié au Journal officiel du 5 avril 2020 (décret n° 2020-397 du 4 avril 2020 N° Lexbase : L6367LWQ), précise les modalités d'application de l'article 7 de la loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5505LWS) en vue de définir les modalités d'octroi de la garantie de l'Etat aux opérations de réassurance de certains risques d'assurance-crédit effectuées par la Caisse centrale de réassurance.

En effet cet article 7 autorise la Caisse centrale de réassurance (CCR) à pratiquer des opérations d'assurance ou de réassurance des risques d'assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises (PME), des entreprises de taille intermédiaire situées en France, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction. Le dispositif est borné dans le temps puisqu'il s'applique aux opérations d'assurance et de réassurance effectuées par la CCR avant le 31 décembre 2020. En outre, il accorde la garantie de l'Etat à la CCR dans le cadre de ces opérations d'assurance et de réassurance. Le montant maximal de la garantie pouvant être accordée à ce titre est fixé à 10 milliards d'euros.

Le décret précise donc les conditions d'exercice de cette garantie. Il prévoit notamment deux catégories d'opérations de réassurance : les garanties complémentaires et les garanties de substitution.

  • Les garanties complémentaires

Pour les garanties complémentaires (art. 3), il est prévu que la garantie de l'Etat n'est acquise que dans la mesure où l'exposition de la CCR est au plus égale, pour chaque risque réassuré, à celle que l'assureur-crédit cosignataire du traité de réassurance conserve à sa charge sur ce même risque. A titre exceptionnel, la garantie de l'Etat peut toutefois être acquise à la CCR pour une exposition supérieure, sur proposition du directeur général de la caisse et après accord du ministre chargé de l'Economie, pour autant que l'assureur-crédit conserve une exposition sur le risque correspondant. Cette dérogation exceptionnelle n’est pas applicable aux engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction.

  • Les garanties de substitution

Pour les garanties de substitution (art. 4), la garantie de l'Etat n'est acquise que dans la mesure où les garanties délivrées par les assureurs-crédit couvrent un risque dont la probabilité de défaut à un an associée, telle qu'évaluée par l'entreprise d'assurance à la date de souscription de la garantie, se situe entre 2 % et 6 % et que les garanties sont délivrées à un fournisseur contre le risque de non-paiement de ses encours de crédit client, lorsque :
- le fournisseur garanti a reçu une notification de cessation de garantie sur un client donné par son assureur-crédit ;
- le fournisseur garanti ou sollicitant une garantie a reçu une notification de refus de garantie sur un client donné par son assureur-crédit.

La garantie de l'Etat n'est acquise que dans la mesure où l'assureur-crédit conserve à sa charge, pour chaque risque réassuré, une part minimale de risque et où la quotité garantie par l'assureur-crédit est au maximum de 80 % du risque correspondant.

  • La conclusion de traités de réassurance

Pour chaque catégorie, les opérations de réassurance font l'objet de traités de réassurance distincts conclus avec les entreprises d'assurance, fixés par la CCR selon les usages et méthodes du marché de la réassurance, et précisant les conditions particulières notamment tarifaires (art. 2), ces traités de réassurance étant conclus pour une période ne pouvant aller au-delà du 31 décembre 2020 (art. 5).

  • Le compte distinct et le compte de réserve

Pour chaque catégorie, les opérations de réassurance des risques d'assurance-crédit, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction, effectuées par la CCR et bénéficiant de la garantie de l'Etat sont retracées au sein d'un compte distinct ouvert dans les livres de la CCR, à raison d'un compte pour les garanties complémentaires et d'un compte pour les garanties de substitution (art. 6).

En outre, pour chaque catégorie, le bilan de la CCR comporte un compte de réserve spéciale correspondant aux opérations de réassurance de certains risques d'assurance-crédit, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction, bénéficiant de la garantie de l'Etat (art. 7).

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Détermination des limites d'émission des engins non routiers combinant l'essence à du gaz naturel carburant ou du gaz de pétrole liquéfié et faisant l'objet d’une déduction exceptionnelle

Réf. : Décret n° 2020-401 du 6 avril 2020 pris pour l'application de l'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (N° Lexbase : L6427LWX)

Lecture: 1 min

N2939BYI

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par Marie-Claire Sgarra

Le 08 Avril 2020

Afin d'inciter les principales entreprises utilisatrices d'engins fonctionnant au gazole non routier à acquérir des matériels moins polluants, l'article 60 de la loi n° 2019-1479, du 28 décembre 2019, de finances pour 2020 (N° Lexbase : L5870LUX) instaure une déduction exceptionnelle codifiée au I de l'article 39 decies F du Code général des impôts (N° Lexbase : L6142LUZ).

Ce mécanisme permet aux entreprises de déduire 40 % du prix de revient des engins non routiers utilisant des carburants plus respectueux de l'environnement qu'elles acquièrent ou qu'elles prennent en crédit-bail à compter du 1er janvier 2020 et jusqu'au 31 décembre 2022.

Ces engins doivent utiliser l'une des sources d'énergie fixées par le I de l'article 39 decies F du Code général des impôts parmi lesquelles figure une combinaison d'essence et de gaz naturel carburant ou de gaz de pétrole liquéfié. Pour ces deux sources d'énergie, dites hybrides, l'article 39 decies F du Code général des impôts prévoit un plafond d'émission fixé par décret.

Le décret, publié au Journal officiel du 7 avril 2020, détermine donc ces limites d'émission qui varient en fonction du type de moteur utilisé.

Le texte est entré en vigueur le 8 avril 2020.

 

 

 

 

newsid:472939

Harcèlement

[Brèves] Possibilité pour le conseil de prud'hommes de caractériser le harcèlement sexuel même en cas de relaxe au pénal

Réf. : Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-23.682, FS-P+B (N° Lexbase : A60753K9)

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N2950BYW

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par Charlotte Moronval

Le 08 Avril 2020

► La décision du juge pénal, qui s'est borné à constater l'absence d'élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l'employeur.

Telle est la solution énoncée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 mars 2020 (Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-23.682, FS-P+B N° Lexbase : A60753K9).

Dans les faits. Une salariée est engagée par contrat de professionnalisation en qualité d'assistante dentaire. Elle est, par la suite, licenciée pour faute grave. Soutenant avoir été victime de harcèlement sexuel, elle saisit la juridiction prud'homale pour contester son licenciement. Parallèlement, le tribunal correctionnel relaxe l'employeur des fins de la poursuite pour harcèlement sexuel.

La position de la cour d’appel. De son côté, la cour d’appel estime que la salariée a été victime de harcèlement sexuel et que donc son licenciement est nul. En effet, elle relève que le jugement de relaxe du tribunal correctionnel n’était fondé que sur le seul défaut d'élément intentionnel. Face à cette décision, l’employeur décide de former un pourvoi en cassation.

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle souligne que la caractérisation de faits de harcèlement sexuel, en droit du travail, tels que définis à l'article L. 1153-1, 1°, du Code du travail (N° Lexbase : L8840ITL), ne suppose pas l'existence d'un élément intentionnel (sur Les actions judiciaires contre l’auteur du harcèlement sexuel, cf. l’Ouvrage « Droit du travail » N° Lexbase : E9997YYW).

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Protection sociale

[Brèves] Pas de refus possible du bénéfice d’une allocation familiale pour l’enfant d’un travailleur frontalier sans lien de filiation avec celui-ci

Réf. : CJUE, 2 avril 2020, aff. C-802/18 (N° Lexbase : A56273KM)

Lecture: 3 min

N2979BYY

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par Laïla Bedja

Le 08 Avril 2020

► Une allocation familiale constitue un avantage social et une prestation de Sécurité sociale qui est donc soumise au principe d’égalité de traitement ; ainsi, un Etat membre (le Luxembourg, en l’espèce), ne peut refuser de verser une allocation familiale pour l’enfant du conjoint d’un travailleur frontalier sans lien de filiation avec celui-ci.

Telle est la solution dégagée par la CJUE dans un arrêt rendu le 2 avril 2020 (CJUE, 2 avril 2020, aff. C-802/18 N° Lexbase : A56273KM).

M. et Mme X ont trois enfants, dont un enfant issu d’une précédente union de Mme X et sur qui elle détient l’autorité parentale exclusive. M. X travaille au Luxembourg et la famille bénéficie à ce titre des allocations familiales luxembourgeoise pour les trois enfants.

Le 23 juillet 2016, la loi luxembourgeoise a modifié le Code de la Sécurité sociale en excluant les enfants du conjoint ou de partenaire de la notion de « membres de la famille », entraînant ainsi la suppression du bénéfice de l’allocation pour l’enfant de Mme X, par une décision de la Caisse pour l’avenir des enfants.

M. X a donc contesté la décision devant le conseil arbitral de la Sécurité sociale qui a accédé à la requête de M. X. Un appel a dont été formé par la Caisse et le Conseil supérieur de la Sécurité sociale a décidé de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne notamment afin de savoir si une allocation familiale liée à l’exercice, par un travailleur frontalier, d’une activité salariée dans un État membre constitue un avantage social, au sens du règlement sur la libre circulation des travailleurs. Le conseil supérieur de la Sécurité sociale demande, en outre, à la Cour si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre prévoie que les travailleurs frontaliers ne peuvent percevoir une allocation familiale liée à l’exercice d’une activité salariée que pour leurs propres enfants, à l’exclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation, alors que le droit de percevoir cette allocation existe pour tous les enfants résidant dans cet État membre.

Enonçant la solution précitée, la Cour répond aux questions posées.

Pour dire que l’allocation constitue un avantage social, elle énonce que cette allocation familiale est liée à l’exercice, par un travailleur frontalier, d’une activité salariée dans un Etat membre.

Sur la question de la nature du lien unissant le travailleur à un enfant vivant avec lui, la cour observe, tout d’abord que l’allocation concernée est versée pour tous les enfants résidant au Luxembourg ainsi que pour tous les enfants des travailleurs non-résidents ayant un lien de filiation avec ces derniers. En outre, la Cour souligne que la prestation en cause représente une contribution publique au budget familial destinée à alléger les charges découlant de l’entretien des enfants. Elle en conclut que cette allocation familiale constitue une prestation de Sécurité sociale, ce qui détermine l’application du règlement sur la coordination des systèmes de Sécurité sociale.

Enfin, bien que le droit national détermine les conditions de bénéfice des prestations familiales, la Cour rappelle que les Etats membres doivent respecter le droit de l’Union. Ainsi, dans le domaine  spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, la règle d’égalité de traitement s’oppose à des dispositions d’un État membre en vertu desquelles les travailleurs non-résidents ne peuvent percevoir une allocation, telle que l’allocation familiale demandée par M. X, que pour leurs propres enfants, à l’exclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation, mais dont ils pourvoient à l’entretien, alors que tous les enfants résidant dans cet Etat membre ont le droit de  percevoir cette allocation.

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