Le Quotidien du 6 février 2020

Le Quotidien

Avocats/Déontologie

[Brèves] Critères d’indépendance d’un avocat vis-à-vis de son client/employeur : la CJUE apporte des précisions

Réf. : CJUE, 4 février 2020, aff. C-515/17 P, Uniwersytet Wroclawski c/ Agence exécutive pour la recherche (REA) (N° Lexbase : A87913CL)

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N2148BY9

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par Marie Le Guerroué

Le 06 Février 2020

► Le devoir d’indépendance incombant à l’avocat s’entend comme l’absence non pas de tout lien quelconque avec son client, mais de liens qui portent manifestement atteinte à sa capacité à assurer sa mission de défense en servant au mieux les intérêts de son client ; dès lors, le Tribunal de l’Union européenne a commis une erreur de droit en jugeant que l’existence d’un contrat d’enseignement entre une partie et son avocat portait atteinte à l’exigence d’indépendance du représentant en Justice devant les juridictions de l’Union.

Ainsi statue la Cour de justice de l'Union européenne dans une décision du 4 février 2020 (CJUE, 4 février 2020, aff. C-515/17 P, Uniwersytet Wroclawski c/ Agence exécutive pour la recherche (REA) N° Lexbase : A87913CL).

Procédure. Dans le cadre d’un programme de recherche, l’Agence exécutive pour la recherche (REA) avait conclu avec l’Université de Wrocław (Pologne) une convention de subvention. Il s’est, toutefois, avéré que l’Université ne respectait pas les stipulations de cette convention, de sorte que la REA avait mis fin à ladite convention et a adressé trois notes de débit dont l’Université de Wrocław s’était acquittée. L’Université de Wrocław avait introduit par la suite un recours devant le Tribunal visant à l’annulation des décisions de la REA résiliant la convention de subvention et l’obligeant à rembourser une partie des subventions versées. Le conseil juridique représentant l’Université étant lié à celle-ci par un contrat d’enseignement, le Tribunal avait rejeté ce recours comme manifestement irrecevable. 

Conditions de l’article 19. La Cour a rappelé que l’article 19 du statut comprend deux conditions distinctes et cumulatives en ce qui concerne la représentation, dans le cadre de recours directs formés devant les juridictions de l’Union, d’une partie non visée par les deux premiers alinéas de cet article. La première impose l’obligation pour une telle partie d’être représentée devant les juridictions de l’Union par un « avocat ». La seconde prévoit que l’avocat représentant cette partie doit être habilité à exercer devant une juridiction d’un Etat membre ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). Relevant que la seconde condition était respectée par le conseil juridique de l’Université, la Cour a examiné si la première condition était satisfaite. 

Interprétation de l’article 19. La Cour a commencé par rappeler qu’en l’absence de renvoi au droit national des Etats membres, il convenait d’interpréter la notion d’« avocat » contenue à l’article 19 du statut de manière autonome et uniforme en tenant compte non seulement du libellé de cette disposition, mais également de son contexte et de son objectif. A cet égard, elle a souligné que, conformément au libellé de cet article, une « partie » non visée aux deux premiers alinéas dudit article n’est pas autorisée à agir elle-même devant une juridiction de l’Union, mais doit recourir aux services d’un tiers, et plus précisément d’un avocat, contrairement aux parties visées à ces deux premiers alinéas, lesquelles peuvent, pour leur part, être représentées par un agent. La Cour a précisé que l’objectif de la mission de représentation par un avocat visée à l’article 19 du statut consiste surtout à protéger et à défendre au mieux les intérêts du mandant, en toute indépendance ainsi que dans le respect de la loi et des règles professionnelles et déontologiques.

Elle a rappelé que la notion d’« indépendance de l’avocat », dans le contexte spécifique de cet article du statut, se définit non seulement de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi, mais également de manière positive, par une référence à la discipline professionnelle.Dans ce contexte, la cour énonce la précision susvisée. 

Application. La Cour rappelle, ainsi, que n’est pas suffisamment indépendant de la personne morale qu’il représente l’avocat qui est investi de compétences administratives et financières importantes au sein de cette personne morale, qui situent sa fonction à un niveau exécutif élevé en son sein, de nature à compromettre sa qualité de tiers indépendant, l’avocat qui occupe de hautes fonctions de direction au sein de la personne morale qu’il représente, ou encore l’avocat qui possède des actions de la société qu’il représente et dont il préside le conseil d’administration. Toutefois, ne saurait être assimilée à de telles situations celle dans laquelle le conseil juridique non seulement n’assurait pas la défense des intérêts de l’Université de Wrocław dans le cadre d’un lien de subordination avec celle-ci, mais, en outre, était simplement lié à cette Université par un contrat portant sur des charges d’enseignement en son sein. Selon la Cour, un tel lien est insuffisant pour permettre de considérer que ce conseil juridique se trouvait dans une situation portant manifestement atteinte à sa capacité à défendre au mieux, en toute indépendance, les intérêts de son client. 

Annulation. Par conséquent, la Cour a considéré que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la simple existence, entre l’Université de Wrocław et le conseil juridique représentant celle-ci, d’un contrat de droit civil portant sur des charges d’enseignement était susceptible d’influer sur l’indépendance de ce conseil en raison de l’existence d’un risque que son opinion professionnelle soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel. Partant, la Cour a annulé l’ordonnance attaquée et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E6566ETD).

newsid:472148

Consommation

[Brèves] Jeux de hasard : caractérisation des pratiques commerciales trompeuses

Réf. : Cass. crim., 28 janvier 2020, n° 19-80.496, F-P+B+I (N° Lexbase : A66303CK)

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N2163BYR

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par Vincent Téchené

Le 05 Février 2020

► Le seul fait d’affirmer d’un produit ou d’un service qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard suffit à caractériser l’élément matériel constitutif de l’infraction de pratique commerciale trompeuse, prévue par le 15° de l’article L. 121-1-1 (N° Lexbase : L2508IBI), devenu L. 121-4 (N° Lexbase : L2508IBI), du Code de la consommation ;

► En outre, en vertu de la Directive 2005/29 du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales (N° Lexbase : L5072G9Q), à la lumière de laquelle les textes français doivent être interprétés, les pratiques commerciales qui, comme celle relative aux jeux de hasard, figurent dans l’annexe I de ladite Directive sont considérées comme déloyales en toutes circonstances, sans qu’il soit nécessaire pour le juge répressif de caractériser une altération du comportement économique d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 28 janvier 2020 (Cass. crim., 28 janvier 2020, n° 19-80.496, F-P+B+I N° Lexbase : A66303CK).

L’affaire. Le 8 mars 2014, un consommateur s’est plaint auprès de la DGCCRF de ce qu’il avait acquis des grilles de jeux de hasard sur un site en ligne sans avoir jamais gagné. Selon l’enquête de ce service administratif suivie d’une enquête de gendarmerie, le site proposait d’acheter des grilles des jeux Loto et Euromillions censées procurer, en raison du recours à une méthode de calcul scientifique, une plus grande chance de gains que celles acquises en dehors du site, ce qui était authentifié par un huissier nommément désigné. Le site, les achats de grilles et la distribution des gains étaient assurés par une société gérée par une femme à qui son mari, souvent cité dans le site sous un pseudonyme, fournissait les grilles vendues. Ces derniers ont été poursuivis, pour pratique commerciale trompeuse consistant dans l’affirmation qu’un produit ou un service augmentait les chances de gagner aux jeux de hasard, devant le tribunal correctionnel qui les en a déclarés coupables.

Les prévenus ont relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public.

L’arrêt d’appel. La cour d’appel a confirmé la culpabilité des prévenus. Après avoir rappelé les caractéristiques du site et les mentions selon lesquelles il y était affirmé l’augmentation des chances de gagner aux jeux de hasard que sont le Loto et Euromillions, la cour d’appel énonce que les prévenus tentent de prouver que leur méthode est efficace et repose sur des bases scientifiques, mais qu’une telle efficacité n’est pas démontrée. Par ailleurs, les documents déposés par les prévenus, établissant l’existence de constats d’huissier comparant le nombre de grilles ayant proposé, sur le site, les numéros gagnants et le nombre de gagnants officiels, ainsi que l’existence de gains passés par le prévenu et la preuve que le plaignant avait, contrairement à ses déclarations, plusieurs fois gagné en ayant recours au site ne sont d’aucune utilité. En effet en vertu de l’article L. 121-1-1, devenu L. 121-4, du Code de la consommation, l’infraction est constituée à partir du moment où il est affirmé que le site litigieux augmente les chances de gagner par rapport à un joueur n’ayant pas recours à ce site, quelle que soit la réalité tant de l’efficacité des calculs présidant à la mise en ligne des grilles que de l’accroissement des chances de gagner.

La décision. Saisie d'un pourvoi formé par les prévenus, la Chambre criminelle, énonçant la solution précitée, le rejette.

newsid:472163

Contrats administratifs

[Brèves] Précisions sur le régime d'indemnisation des biens de retour en cas de cessation anticipée d’un contrat de concession d'un service public

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 27 janvier 2020, n° 422104, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A65033CT)

Lecture: 3 min

N2145BY4

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par Yann Le Foll

Le 05 Février 2020

En cas de cessation anticipée d’un contrat de concession d'un service public, le montant de l'indemnité due concernant les biens de retour est égal à la valeur nette comptable de ces biens, sans qu'ait d'incidence la circonstance que ceux-ci auraient été économiquement amortis avant la résiliation du contrat grâce aux résultats de l'exploitation de la concession.

 

 

Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 27 janvier 2020 (CE 2° et 7° ch.-r., 27 janvier 2020, n° 422104, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A65033CT).

 

 

Faits. Un contrat a été signé le 19 septembre 1991 par lequel la commune de Saint-Orens, à laquelle a succédé la communauté urbaine du Grand Toulouse, a concédé les services publics de l'eau et de l'assainissement à la société X pour une durée de 29 ans, jusqu'au 30 septembre 2020. A ensuite été prononcée la résiliation anticipée du contrat par la communauté urbaine, devenue Toulouse Métropole, à compter du 1er janvier 2013. 

 

 

Rappel. Par une décision «Commune de Douai» du 21 décembre 2012 (CE, Ass., 21 décembre 2012, n° 342788, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1341IZP), la Haute juridiction a estimé «que lorsque la personne publique résilie la convention avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique […] dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis ; que lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan ; que, dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat ; que si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus».

 

 

Solution. En fixant à leur valeur nette comptable le montant de l'indemnisation de la société X au titre du retour gratuit anticipé des biens nécessaires au fonctionnement du service public dans le patrimoine de Toulouse Métropole en l'absence de stipulations contraires du contrat, et en jugeant inopérant le moyen tiré de ce que ces biens auraient été économiquement amortis avant la résiliation du contrat grâce aux résultats de l'exploitation de la concession, la cour administrative d'appel (CAA Bordeaux, 9 mai 2018, n° 15BX02770 N° Lexbase : A8942XQA) n'a donc pas commis d'erreur de droit.

newsid:472145

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Un Etat étranger exerçant une activité lucrative en France est passible de l’impôt sur les sociétés

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 22 janvier 2020, n° 421913, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A65013CR)

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N2104BYL

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par Marie-Claire Sgarra

Le 05 Février 2020

L'Etat du Koweït peut, en sa qualité de personne morale se livrant à une exploitation ou des opérations de caractère lucratif, être soumis à l'impôt sur les sociétés à raison des opérations de location civile qu'il réalise directement en France.

Telle est la solution retenue dans un arrêt du Conseil d’Etat en date du 22 janvier 2020 (CE 9° et 10° ch.-r., 22 janvier 2020, n° 421913, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A65013CR).

En l’espèce, l’Etat du Koweït donne en location nue un bien immobilier situé dans le quartier de la Défense. A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a mis à la charge de l’Etat du Koweït des cotisations d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2010 et 2011. Le tribunal administratif de Montreuil rejette la demande de décharge de ces impositions. La cour administrative d’appel de Versailles confirme le jugement (CAA de Versailles, 3 mai 2018, n° 17VE02899 N° Lexbase : A2957XTP).

Pour rappel, aux termes de l’article 206 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9571G7M), sont assujetties à l’impôt sur les sociétés, toutes les personnes morales qui se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, sans exclure les Etats étrangers. L’activité qu’un Etat étranger exerce en France est assujettie à l’impôt sur les sociétés si cette activité, eu égard à son objet et aux conditions particulières dans lesquelles elle est exercée, relève d’une exploitation à caractère lucratif.

Pour la cour administrative d’appel, la gestion, en France, d’un patrimoine immobilier par une personne morale de droit public étrangère peut constituer une opération à caractère lucratif, même si elle n’a pas de caractère commercial, sans qu’y fasse nécessairement obstacle le caractère, en principe, désintéressé de la gestion de cette collectivité. Ici, l’activité de location était réalisée dans des conditions similaires à celles dans lesquelles des entreprises privées exercent leur activité, avec des prix pratiqués correspondant au prix du marché et une clientèle composée de sociétés commerciales.

Par suite, en déduisant de ces constatations que l’activité ainsi exercée par l’Etat du Koweït relevait d’une exploitation à caractère lucratif passible de l’impôt sur les sociétés, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé dans un arrêt du 20 juin 2012. Dans cette affaire, une commune, qui exploitait un port de plaisance dans le cadre d'une régie dotée de l'autonomie financière, a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des années 1997 à 1999. Le Conseil d’Etat avait jugé que, pour déterminer si une commune est passible de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exploitation d'un port de plaisance dans le cadre d'une régie, le caractère désintéressé de sa gestion doit ressortir de son objet et de ses conditions particulières.

 

newsid:472104

Procédure

[Brèves] Décision administrative portant atteinte à la propriété privée : l’accord du propriétaire exclut a priori l’existence d’une voie de fait

Réf. : Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.864 (N° Lexbase : A37983DZ)

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N2181BYG

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par Yann Le Foll

Le 05 Février 2020

► Dans le cas d’une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, l’accord du propriétaire exclut l’existence d’une voie de fait ou d’une emprise irrégulière, à moins que l’action de l’administration n’ait excédé substantiellement les limites prévues par cet accord.

Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 février 2020 (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.864 N° Lexbase : A37983DZ).

Faits.  M. et Mme X sont propriétaires d’une parcelle qui était clôturée par une haie végétale d’une longueur de trente-sept mètres, située en bordure d’une route départementale. Après les avoir informés que des véhicules avaient été endommagés du fait de la présence de cette haie, la commune a fait procéder, le 5 juillet 2014, à son arrachage sur toute sa longueur.

Soutenant n’avoir donné leur accord que pour un arrachage sur une longueur de quinze mètres, et sous réserve d’une participation financière de la commune à l’achat des matériaux nécessaires à la construction d’un mur, les intéressés ont obtenu en référé la désignation d’un expert, puis, invoquant l’existence d’une voie de fait ou d’une emprise irrégulière, ont saisi la juridiction judiciaire aux fins de réparation de leurs préjudices. La commune a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.

Décision attaquée. Pour rejeter la demande en réparation du préjudice résultant de la destruction de la haie litigieuse, l’arrêt retient qu’il ressort des déclarations faites par M. X au cours de la mesure d’expertise que les arbres ont été arrachés en sa présence et avec son accord et que, dès lors, la compétence du juge judiciaire est exclue.

Solution. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en procédant à l’arrachage de la haie sur toute sa longueur, la commune n’avait pas outrepassé l’autorisation qui lui avait été accordée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

newsid:472181

Propriété intellectuelle

[Brèves] Revirement : le vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’UE est redevable de la rémunération pour copie privée

Réf. : Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-23.752, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A37963DX)

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N2180BYE

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par Vincent Téchené

Le 19 Février 2020

► Lorsqu’un utilisateur résidant en France fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction à titre privé d’une oeuvre protégée, et en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2491K97) doit être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de l’utilisateur final.

Tel est l’enseignement d’un important arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 février 2020, promis à la plus large publicité (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-23.752, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A37963DX).

L’affaire. Copie France a assigné une société luxembourgeoise qui propose à la vente sur internet des supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’oeuvres, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement d’une provision au titre de la rémunération pour copie privée dont elle serait redevable, ainsi que la communication de pièces. En appel, la société a été condamnée à payer à titre provisionnel la somme de 188 499,64 euros à valoir sur la rémunération pour copie privée due pour la période du 16 juin 2011 au 3 novembre 2017. Il lui a, par ailleurs, été ordonné de communiquer l’ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comprenant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France, pour chacune des catégories de supports vierges d’enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée.

La société luxembourgeoise a donc formé un pourvoi en cassation.

La décision. Aux termes d’un raisonnement tout particulièrement étayé, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

Elle rappelle, en premier lieu, que conformément à l’article L. 311-4, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle, la rémunération pour copie privée est versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l’article 256 bis du CGI (N° Lexbase : L1684IP3), de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’oeuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports.

Cette disposition, bien qu’antérieure à la Directive «droits d’auteur» du 22 mai 2001 (Directive 2001/29 N° Lexbase : L8089AU7), doit, selon une jurisprudence constante, être interprétée à la lumière de cette Directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci (CJCE, 13 novembre 1990, aff. C-106/89, point 8 N° Lexbase : A7475AHC ; CJCE, 5 octobre 2004, aff. C-397/01 à C-403-1, point 10 N° Lexbase : A5431DDI ; CJUE, 19 avril 2016, aff. C-441/14, points 30 et 31 N° Lexbase : A7754RIZ), sans que, toutefois, l’obligation d’interprétation conforme puisse servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (CJUE, 4 juillet 2006, aff. C-212/04, point 110 N° Lexbase : A1488DQ8 ; CJUE, 19 avril 2016, aff. C-441/14, préc., point 32 ; Cass. civ. 1, 15 mai 2015, n° 14-13.151, FS-P+B N° Lexbase : A8773NHE).

En deuxième lieu, la Cour relève qu’aux termes de l’article 5 § 2, sous b), de la Directive 2001/29, les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction, lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques visées à l’article 6 aux oeuvres ou objets concernés. En outre, par un arrêt du 16 juin 2011 (CJUE, 16 juin 2011, aff. C-462/09 N° Lexbase : A6408HTI), la CJUE a dit pour droit qu’«[…] il incombe à l’Etat membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’œuvres protégées, et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par l’utilisation à des fins privées de leurs œuvres par des acheteurs qui y résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. A cet égard, la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de résultat. Il appartient à la juridiction nationale, en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant».

Pour la Cour de cassation, il s’ensuit que, contrairement à ce qu’elle a précédemment jugé (Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-15.066, FS-P+B N° Lexbase : A4580EBA) -et comme énoncé ci-dessus-, lorsqu’un utilisateur résidant en France fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction à titre privé d’une oeuvre protégée, et en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de l’utilisateur final.

Or, la cour d’appel a relevé, d’une part, que la société luxembourgeoise en cause ne pouvait pas se prévaloir de la clause des conditions générales de vente transférant au client final le paiement des «taxes spécifiques aux Etats comme par exemple des taxes sur les droits d’auteur», laquelle aurait pour effet d’annihiler l’effectivité de l’indemnisation due aux ayants droit au titre de l’exception de copie privée, d’autre part, que les commandes de supports d’enregistrement vierges effectuées par des consommateurs français, à partir de son site rédigé en français et permettant le paiement en euros, étaient livrées sur le territoire national. Ainsi, elle a pu constater qu’il s’avérait, en pratique, impossible de percevoir la rémunération équitable auprès des utilisateurs finaux et que la société luxembourgeoise avait contribué à l’importation des supports litigieux.

Dès lors, pour la Haute juridiction, c’est à bon droit, et sans se livrer à une interprétation contra legem du droit national ni faire produire un effet direct à la Directive 2001/29, que la cour d’appel en a déduit qu’en tant que commerçant vendant sur le territoire national des produits assujettis à la rémunération pour copie privée, la société luxembourgeoise était redevable du paiement de cette rémunération et que, par suite, son obligation à l’égard de la société Copie France n’était pas sérieusement contestable, au sens de l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9113LTP).

 

newsid:472180

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Action en réparation du préjudice d'anxiété : délai de prescription de 5 ans à compter de la connaissance du risque à l’origine de l’anxiété

Réf. : Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-15.388, FS-P+B (N° Lexbase : A88913CB)

Lecture: 3 min

N2137BYS

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par Charlotte Moronval

Le 05 Février 2020

► La prescription de cinq années des actions personnelles ou mobilières tendant à la réparation du préjudice d’anxiété part du jour où les salariés avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété, soit à compter de l'arrêté ministériel du 24 avril 2002 ayant inscrit le site de Saint-Just-en-Chaussée sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l'ACAATA, à une période où ils y avaient travaillé.

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 janvier 2020 (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-15.388, FS-P+B N° Lexbase : A88913CB).

Dans les faits. Des salariés d’une société, spécialisée dans la conception et la fabrication de matériaux destinés à l'industrie automobile, ont travaillé sur le site d'Ozouer-le-Voulgis puis à compter de 1980 sur celui de Saint-Just-en-Chaussée. Par un arrêté ministériel du 24 avril 2002, modifié par arrêté du 25 mars 2003, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1977 à 1983. Un nouvel arrêté du 10 mai 2013 a réduit de 1981 à 1983 la période afférente à l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée et mentionné l'établissement de Ozouer-le-Voulgis pour la période de 1977 à 1983. Les salariés, qui ont cessé leur activité entre 2012 et 2014, ont saisi la juridiction prud'homale, le 22 juillet 2014 de demandes en réparation de leur préjudice d'anxiété à l'encontre de la société.

La position de la cour d’appel. La cour d’appel déclare recevable l'action des salariés au regard des règles de prescription car selon elle, le site d'Ozouer-le-Voulgis, où ont travaillé les salariés appelants, n'a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l' ACAATA que le 10 mai 2013 et que le délai de prescription de cinq ans n'était pas atteint lorsque les salariés ont initié leur action le 22 juillet 2014. La société forme un pourvoi en cassation.

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. En statuant comme elle l’a fait, alors que les salariés avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel du 24 avril 2002 ayant inscrit le site de Saint-Just-en-Chaussée sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'ACAATA, à une période où ils y avaient travaillé, la cour d'appel a violé l'article 2262 (N° Lexbase : L2548ABY) du Code civil, dans dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I) et l'article 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) du Code civil (sur L'action en réparation du préjudice d'anxiété, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E0693GAW).

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Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] Présence facultative à l’audience de l’auteur de la requête en prolongation de la mesure d’hospitalisation sans consentement

Réf. : Cass. civ. 1, 30 janvier 2020, n° 19-23.659, F-P+B (N° Lexbase : A89933C3)

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N2139BYU

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par Laïla Bedja

Le 05 Février 2020

► Il résulte des articles L. 3211-12-1 (N° Lexbase : L9754KXK), R. 3211-11 (N° Lexbase : L9938I3H) et R. 3211-13 (N° Lexbase : L9936I3E) du Code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de statuer sur la poursuite d'une hospitalisation complète par une requête de l'auteur de la décision comportant les mentions et accompagnée des pièces prévues par ces dispositions et, s'il est prévu à l'article R. 3211-15 (N° Lexbase : L9934I3C) du même code qu'à l'audience le juge entend le requérant, il ressort également de ce texte que la comparution de celui-ci, qui peut faire parvenir ses observations par écrit et dont la comparution peut toujours être ordonnée par le juge, est facultative.

Ainsi statue la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 janvier 2020 (Cass. civ. 1, 30 janvier 2020, n° 19-23.659, F-P+B N° Lexbase : A89933C3).

Une personne a été admise en hospitalisation psychiatrique sans consentement en urgence, à la demande de sa mère, par décision du directeur d’établissement prise sur le fondement de l’article L. 3212-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6978IQI). Par la suite, en application de l’article L. 3211-12-1 du même code, celui-ci a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure. La mesure étant prolongée, le patient fait grief à cette dernière, alors que la procédure devant le juge de la liberté et de la détention en matière de soins psychiatriques sans consentement est une procédure orale ; que le requérant doit être entendu par le juge à l'audience, seules les personnes convoquées ou avisées, autres que le requérant, étant autorisées à faire parvenir leurs observations par écrit sans comparaître. En l’espèce, le directeur de l’hôpital, qui était le requérant, n’était ni présent ni représenté à l’audience, il s’en déduisait que sa requête n’avait pas été soutenue et que le juge ne pouvait donc y faire droit. En confirmant néanmoins cette ordonnance, le délégataire du premier président de la cour d’appel a violé les articles L. 3211-12-1, R. 3211-7 (N° Lexbase : L9942I3M), R. 3211-8 (N° Lexbase : L9941I3L), R. 3211-10 (N° Lexbase : L4797LTT), R. 3211-13 et R. 3211-15 du Code de la santé publique, ensemble l'article 446-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1138INH). En vain.

Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage « Droit médical », Le contrôle des mesures d'admission en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention N° Lexbase : E7544E9B).

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