La lettre juridique n°741 du 17 mai 2018

La lettre juridique - Édition n°741

Collectivités territoriales

[Brèves] Délibération annuelle fixant la participation d'une commune au fonctionnement des classes des écoles privées sous contrat d'association : décision individuelle à objet purement pécuniaire

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 2 mai 2018, n° 391876, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1886XMS)

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par Yann Le Foll

Le 16 Mai 2018

Les délibérations annuelles fixant la participation d'une commune au fonctionnement des classes des écoles privées sous contrat d'association présentent le caractère de décisions individuelles dont l'objet est purement pécuniaire et non de mesures réglementaires relatives à l'organisation du service public de l'enseignement. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 2 mai 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 2 mai 2018,  n° 391876, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1886XMS).

 

 

Pour les écoles privées ayant conclu avec l'Etat un contrat d'association pour une durée déterminée avec tacite reconduction, les communes qui ne souhaitent pas renouveler leur accord de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles doivent prendre une délibération en ce sens et la notifier à la personne morale responsable de l'école avant la reconduction tacite du contrat. En cas de contrat d'association à durée indéterminée, la délibération peut être prise à tout moment.

 

 

Sous réserve de sa transmission à l'Etat au titre du contrôle de légalité, elle devient exécutoire, en dépit des stipulations contraires qui seraient maintenues dans le contrat d'association, dès qu'elle a été notifiée à son destinataire. Elle ne peut, toutefois, produire d'effet au cours de l'année scolaire au cours de laquelle elle est ainsi notifiée.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Point de départ du délai de l’action en requalification du CDD : les clarifications de la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437, FS-P+B (N° Lexbase : A4401XMX)

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 16 Mai 2018

Action en requalification du CDD/point de départ du délai de prescription

 

Résumé

 

Le délai de prescription de deux ans d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat.

Les observateurs des évolutions du droit du travail de ces dix dernières années n’auront pas manqué d’observer que pour améliorer la sécurité juridique et lever les hypothèques judiciaires qui pèseraient trop longtemps sur les entreprises, le législateur (et les partenaires sociaux aussi parfois) ont œuvré à une réduction drastique des délais de prescription qui, pour n’évoquer que les actions consécutives à la rupture du contrat de travail, sont passées de 30 ans (jusqu’en 2008) à 12 mois (depuis fin 2017), ce qui donne le vertige. La question de la durée de la prescription est importante, mais celle de son point de départ également, le second pouvant compenser la rigueur du premier. Dans une affaire concernant le point de départ du délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD fondée sur le défaut de mentions obligatoires du contrat, la Cour de cassation applique au salarié, dans un arrêt rendu le 3 mai 2018, la double peine, en faisant application d’un délai court de deux ans de l’article L. 1471-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1453LKZ) (ramené entre temps à 12 mois), et en fixant comme point de départ de ce délai, la conclusion du contrat de travail, ce qui va sonner le glas de toutes les illusions du salarié dans cette affaire (I). La solution semble logique au regard des textes, même si sa rigueur peut surprendre compte tenu de la situation particulière dans laquelle se trouvent les salariés liés à une entreprise par des contrats successifs parfois sur de très longues durées, et qui n’exerceront certainement pas leurs droits tant que leur relation épisodique n’aura pas définitivement cessée, si bien qu’on se plaît à imaginer une autre solution (II).

 

Observations

 

I - Les difficultés liées aux questions relatives à la double détermination du délai applicable et du point de départ de l’action 

 

Cadre juridique. Les règles applicables en matière de prescription ont subi ces dix dernières années de profondes réformes.

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I) a tout d’abord réformé le droit commun de la prescription, entraînant notamment la suppression de l’antique délai trentenaire de droit commun au profit d’une prescription quinquennale applicable, par défaut, aux actions personnelles et mobilières [1].

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU) a ensuite mis en place deux délais propres au droit du travail, l’un relatif à «toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail» qui «se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit» (C. trav., art. L. 1471-1, alinéa 1er), l’autre relatif au paiement ou à la restitution du salaire fixé à «trois ans», par l'article L. 3245-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0734IXH) [2].

Le législateur a pris, par ailleurs, le soin d’exclure explicitement du domaine de la prescription biennale du premier alinéa toute une série d’actions spécifiques qui demeurent donc soumises à leur propre délai, et qui concernent «les actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, […] en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1 (N° Lexbase : L1000LDE), L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) et L. 1153-1 (N° Lexbase : L8840ITL)», ainsi que la prescription propre aux prescriptions de l’article L. 1134-5 (N° Lexbase : L5913LBM), qui sont soumis à des délais plus long. La loi a également prévu la survie des prescriptions plus courtes, dont une liste, non limitative, est donnée par le troisième alinéa de l’article L. 1471-1, et qui vise les délais prévus «aux articles L. 1233-67 (N° Lexbase : L2155KGW), L. 1234-20 (N° Lexbase : L8044IA8), L. 1235-7 (N° Lexbase : L0653IXH), L. 1237-14 (N° Lexbase : L8504IA9) et L. 1237-19-8 (N° Lexbase : L7986LGU)».

Le délai de trois ans, applicable en matière de salaires, n’a ensuite pas été modifié, mais celui de deux ans a été ramené à douze mois par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 (N° Lexbase : L6578LH4) s’agissant des actions «portant sur la rupture du contrat de travail à compter de la notification de la rupture».  

Il est possible de résumer ces nombreuses transformations ainsi : le Code civil continue de s’appliquer de manière complémentaire aux prescriptions du Code du travail, c’est-à-dire sauf lorsque ce dernier comporte des dispositions de même objet qui prévalent alors par application de la règle specialia generalibus derogant.

A cette première articulation droit commun/droit spécial s’ajoute une seconde articulation, au sein même du Code du travail, entre les règles communes à toutes les actions engagées par les salariés et employeurs, et dont le siège se trouve aux alinéas premier et deuxième de l’article L. 1471-1 du Code du travail, et les règles propres à certaines actions qui demeurent soumises à des dispositions particulières du Code selon les termes du troisième alinéa de ce même article L. 1471-1.

 

Entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013. Les modalités de l’entrée en vigueur de l’article L. 1471-1 du Code du travail ont été précisées par le législateur dans l’article 21, V. Aux termes de ce texte, «les dispositions du Code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure». Les actions non atteintes par la prescription quinquennale subissent donc l’effet concurrent de la nouvelle prescription biennale, l’action étant alors prescrite par l’échéance du premier des deux délais, l’ancien de cinq ans et le nouveau qui commence à courir lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle [3]. Le texte précise également que «lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation» ; ce dernier texte ne trouvait pas à s’appliquer ici (dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 mai 2018) dans la mesure où le salarié avait saisi le juge le 6 janvier 2014, alors que la loi du 14 juin 2013 était déjà entrée en vigueur.

La détermination de ce qui relève du Code civil, des dispositions générales du Code du travail ou des dispositions spéciales de ce même Code n’est pas toujours aisée, comme le démontre la question de la prescription de l’action en requalification du contrat de travail à durée déterminée, à laquelle répond clairement, et pour la première fois depuis 2013 dans un arrêt publié, la Chambre sociale de la Cour de cassation.

 

L’affaire. Un salarié avait signé plusieurs CDD successifs avec le même employeur (son père au départ) en juillet 2004 puis entre 2010 et 2014. A la suite du non-renouvèlement de son dernier contrat et de la liquidation judiciaire de l’entreprise (cette dernière avait été reprise depuis deux ans par le successeur de son père après le décès de celui-ci), il avait saisi en janvier 2014 la juridiction prud'homale d'une demande en requalification en CDI des différents CDD conclus depuis 10 ans et singulièrement de celui conclu le 12 juillet 2004, mais s’était vu opposer par les juges du fond la prescription quinquennale de droit commun, prévu à l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) par la loi du 17 juin 2008 [4].

La cour d’appel de Poitiers avait considéré que «la date du point de départ de la prescription de la demande tendant à obtenir la requalification du contrat de travail se situe à la date de conclusion de ce contrat et non au terme de son dernier CDD soit, en l'espèce, le 12 juillet 2004», pour déclarer les premières demandes prescrites.

 

La solution. Après avoir indiqué «qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit», la Cour de cassation affirme qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat, ce qui conforte l’analyse qui avait été faite par la cour d’appel dans cette affaire. A l’analyse, cette solution qui vient confirmer d’autres décisions inédites ayant admis la solution de manière incidente semble justifiée en droit, même si elle ne facilite pas l’action en justice du salarié.

 

II - Dura lex

 

Le rattachement de l’action en requalification à l’article L. 1471-1. Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait clairement application de l’article L. 1471-1 à l’action en requalification, confortant ainsi une solution admise antérieurement [5]. Dans une décision non publiée relative à une action en requalification d’un CDD, la Cour avait en effet fait une application immédiate de la prescription de deux ans de l’article L. 1471-1, ce qui excluait l’application de la prescription quinquennale de droit commun mais aussi celle de la prescription triennale propre aux salaires [6].

La décision clôt ainsi le débat qui pouvait naître à la lecture de la formule maladroite de l’article L. 1471-1 visant les actions relatives à l’exécution ou la rupture du contrat [7], et qui pouvait laisser croire que les actions en requalification, qui sont plutôt relatives à la formation du contrat, se trouveraient exclues du domaine de cette prescription particulière. Pareille interprétation restrictive du domaine d’application de la courte prescription voulue en 2013 ne serait guère logique compte tenu de la vocation très large de ce texte à s’appliquer à toutes les actions qui peuvent naître entre un salarié, et son employeur, et de l’intention du législateur [8].

 

Un point de départ de l’action logique. Dans cette affaire, le différend portait non pas sur la désignation de la prescription applicable [9], mais sur le point de départ du délai.

Le texte vise, confortant ainsi la règle contrat non valentem, le «jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer» [10]. La règle signifie que le créancier ne peut se voir opposer la prescription lorsqu’il n’a pas connaissance de l’ensemble des données factuelles qui lui permettent de décider d’agir ou non, en justice, de telle sorte que les fonctions sociales de la prescription extinctive (favoriser la renonciation à agir ou sanctionner les créanciers négligents) ne peuvent justifier alors la perte du droit d’action.

La jurisprudence fait classiquement une application stricte de cette exception qui décale dans le temps le point de départ de la prescription, ce qui a d’ailleurs été conforté par la réforme intervenue en 2008, et les causes proprement juridiques qui reportent le point de départ (comme la force majeure, consacrée par l’article 2234 du Code civil N° Lexbase : L7219IAM) sont rares et tiennent au fait qu’une condition d’existence de la créance -ou que le terme- n’est pas survenu (C. civ., art. 2233 N° Lexbase : L7218IAL), ou que le créancier a été valablement empêché d’agir par la loi ou la convention (C. civ., art. 2234).

La Cour de cassation choisit donc, dans cette affaire, de faire partir le point de départ du délai de la date de conclusion du contrat, mais précise bien que cette règle vaut dans le cas où l’action en requalification est «fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification», ce qui est logique dans la mesure où l’employeur doit remettre, lors de l’embauche, au salarié, le contrat qu’il devra par la suite signer, et lui retourner [11]. La règle vaudra donc dans tous les cas analogues de mentions obligatoires faisant défaut, mais pas lorsque la cause de requalification résultera de données dont le salarié n’avait pas connaissance, notamment lorsque le motif de recours indiqué s’avère tardivement erroné, ou totalement inexistant ; dans ces hypothèses, comme dans d’autres qui supposent un analyse de l’activité de l’entreprise, ou de la justification objective du renouvèlement, le délai commencera à courir du jour où le salarié a eu connaissance de ces faits-là [12]. Rappelons qu’en matière de requalification des contrats de mission, le délai de l’action a été fixé à la date du terme du dernier contrat, mais pour des raisons propres au régime juridique de la requalification de ces contrats [13].

 

Un point de départ étranger à toute considération psychologique. La loi ne tient pas compte de l’éventuelle position d’infériorité juridique, économique ou psychologique dans laquelle se trouverait le créancier, qui pourrait, par exemple, craindre qu’en saisissant le juge, le débiteur ne mette définitivement un terme à leur relation contractuelle lorsqu’elle s’exécute dans le temps, comme c’est le cas du salarié embauché régulièrement en CDD pour des remplacements, ou des surcroîts temporaires d’activité, et qui sait qu’à partir du moment où il aura saisi le juge il ne sera plus jamais rappelé. Cette règle avait ainsi conduit la Cour de cassation à déclarer prescrites des demandes de requalification de contrats de mandat en contrat de travail dès lors que les pompistes concernés avaient attendu que la compagnie pétrolière qui leur fournissait l’activité ait rompu leur contrat, mais trop tardivement pour demander la requalification des conventions les plus anciennes [14]. Certes, et comme l’a justement relevé Julien Icard [15], la Cour de cassation a sensiblement renforcé les garanties du droit au juge des dernières années en élargissant, sur ce fondement, les causes de nullités de licenciements-sanctions [16], mais il faudra là encore attendre la rupture du contrat de travail pour que le juge soit saisi, ce qui ne règle finalement pas le problème.

Dans cette affaire, d’ailleurs, l’inertie du salarié s’expliquait par le contexte familial de l’affaire, dans la mesure où, à l’époque des faits (juillet 2004) le travailleur avait été embauché par son père, gérant majoritaire de la société, avant le décès de celui-ci en 2012. Il avait d’ailleurs continué d’effectuer des contrats courts pendant deux ans, jusqu’à la liquidation de l’entreprise. Les faits n’étaient toutefois pas aussi clairs (même si la Cour de cassation n’avait pas à les rejuger) dans la mesure où le salarié avait été lié par des CDD successifs jusqu’aux derniers jours, qu’il avait saisi la juridiction prud’homale quelques jours seulement avant la désignation du liquidateur judiciaire, et qu’il avait «profité» de l’instance pour faire «remonter» sa demande à une période très ancienne (dix ans) et pour un contrat estival de trois semaines à une époque où il était étudiant. On imagine ici les doutes qui avaient dû être ceux des juges du fond devant une situation pareille, et la tentation de conclure à la forclusion pour ne pas avoir à démêler l’écheveau ... Mais au-delà de ce contexte particulier, la solution, par sa rigueur, ne favorise guère la saisine du juge ni la prise en considération de la «violence économique», à l’heure où précisément elle a fait son entrée dans le Code civil [17], pourtant réputé, jusqu’à la réforme de 2016, pour son indifférence à ce genre de considérations !

 

Décision

 

Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437, FS-P+B (N° Lexbase : A4401XMX)

Rejet, (CA Poitiers, 28 septembre 2016, n° 15/04225 N° Lexbase : A3469R4A)

 

Textes concernés : C. trav., art. L. 1471-1 (N° Lexbase : L1453LKZ).

 

Mots-clés : action en requalification du CDD ; point de départ du délai de prescription.

 

Lien base : (N° Lexbase : E3725ET7).

 

 

 

[1] C. civ., art. 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) : «Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer» ; Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I). Lire S. Tournaux, Les incidences en droit du travail de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription civile, Lexbase, éd. soc., n° 310, 2008 (N° Lexbase : N3769BGP).

[2] Lire nos obs., Commentaire de l'article 21 de la loi n˚ 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, sur la prescription, Lexbase, éd. soc., n˚ 535, 2013 (N° Lexbase : N7812BTI). Le texte dissocie au passage les deux aspects procéduraux et substantiels de la règle, qui étaient jusqu’à présent mélangés. Sur le plan procédural, le salarié doit agir dans un délai de trois ans «à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer». Sur le plan substantiel, la demande portera «sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat».

[3] Ainsi, Cass. soc., 31 janvier 2018, n° 16-23.602, F-D (N° Lexbase : A4872XCG).

[4] CA Poitiers, 28 septembre 2016, n° 15/04225 (N° Lexbase : A3469R4A).

[5] Cass. soc., 31 janvier 2018, 16-23.602, F-D, préc.. 

[6] Ce qu’avait déjà affirmé la Cour quelques semaines plus tôt : Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 16-16.561, FS-P+B (N° Lexbase : A5787W3Q), D., 2017, 2432 ; RDT, 2017, 812, obs. F. Guiomard  ; Dr. soc., 2018, 209, obs. J. Mouly.

[7] Sur ce débat, lire J. Mouly, Dr. soc., 2018, p. 209, qui suggère effectivement de ne pas soumettre la prescription de l’action en requalification à l’article L. 1471-1 du Code du travail. Cette formule malencontreuse résulte d’ailleurs de l’article 26 de l’ANI du 11 janvier 2013 ; on regrettera à cet égard que le texte n’ait pas été véritablement expertisé par des spécialistes de la question avant sa publication, au regard de son objectif très large…

[8] Comme l’indique J. Icard, l’intention du législateur était très certainement de couvrir très largement toutes les actions nées entre les parties, comprenant y compris l’action en requalification (deux amendements visant  à exclure du domaine du texte l’action en requalification ont été déposés, mais n’ont pas été retenus : Requalification-sanction et prescription, Les Cahiers Sociaux, 2015, n° 273, p. 242).

[9] Une combinaison de la prescription de cinq ans «de droit commun» (avant 2008 elle relevait déjà de la prescription trentenaire «de droit commun» : Cass. soc., 19 septembre 2012, deux arrêts, n° 11-18.021 N° Lexbase : A2594ITA et n° 11-18.020, F-D N° Lexbase : A2579ITP ; Cass. soc., 9 avril 2014, n° 12-29.418, F-D N° Lexbase : A1016MKT ; Cass. soc., 4 mai 2017, n° 15-18.229, F-D N° Lexbase : A9423WBM ; Cass. soc., 18 février 2016, n° 14-19.019, F-D N° Lexbase : A4724PZY) et de la prescription biennale applicable immédiatement avec la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU).

[10] Sur des décisions précédentes ayant eu à statuer sur ce principe, Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-16.994, FS-P+B (N° Lexbase : A2407RUP), S. Tournaux, Fraude au droit du licenciement pour motif économique et prescription de l'action en contestation de la rupture conventionnelle, Lexbase, éd. soc., n° 662, 2016 (N° Lexbase : N3528BWL).

[11] En cas de fraude bien entendu ; c’est-à-dire d’irrégularité formelle imputable à une faute volontaire du salarié, il convient également de faire partir le délai du jour de la conclusion du contrat.

[12] En ce sens J. Icard, préc..

[13] Cass. soc., 13 juin 2012, n° 10-26.387, FS-P+B (N° Lexbase : A8715IN4) : Bull. civ. V, n° 189 ; Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.437, FS-P+B (N° Lexbase : A4401XMX). Cette solution s’explique certainement par la lettre même de l’article L. 1251-40 du Code du travail (N° Lexbase : L7326LHS) aux termes duquel «ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission». La loi elle-même substitue, en effet, l’entreprise utilisatrice à l’employeur (l’entreprise de travail temporaire), ce qui fait que les droits contre l’entreprise utilisatrice naissent de manière progressive, au fur et à mesure que s’exécute la mission ; il peut alors sembler logique que le dernier jour de la mission marque le point de départ de la prescription de l’action en réclamation de ces droits.

[14] Cass. soc., 26 novembre 2008, n° 06-45.104, FS-P (N° Lexbase : A5137EBU), Dr. soc., 2009, p. 372, obs. Ch. Radé ; Cass. soc., 7 avril 2009, n° 07-43.409 et 07-43.414, F-D (N° Lexbase : A1031EGB) ; Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-45.615, F-D (N° Lexbase : A5764EIC) et Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 08-40.049, F-D (N° Lexbase : A5920EI4) ; Cass. soc., 17 novembre 2010, n° 09-65.081, FS-P+B (N° Lexbase : A5850GKU).

[15] J. Icard, Requalification-sanction et prescription, Cah. soc., avril 2015, p. 242 et s..

[16] Dernièrement, concernant la protection des «lanceurs d’alerte» : Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0019RWM) et les obs. de D. Boulmier, Alerte sur les lanceurs d'alerte : à propos d'une décision de la Cour de cassation surnotée !, Lexbase, éd. soc., n° 662, 2016 (N° Lexbase : N3547BWB).

[17] C. civ., art. 1143 : «Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif».

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Contrat de travail

[Brèves] Autorisation administrative de non-renouvellement du CDD d’un conseiller prud'homme devenue définitive : impossibilité pour le juge judiciaire de statuer sur une demande de requalification du CDD en CDI

Réf. : Cass. soc., 9 mai 2018, n° 16-20.423, FS-P+B (N° Lexbase : A6239XMZ)

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N4062BXQ

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par Blanche Chaumet

Le 16 Mai 2018

Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée en application des articles L. 2412-13 (N° Lexbase : L7349K93) et L. 2421-8 (N° Lexbase : L0220H9Z) du Code du travail devenue définitive, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée. Telle est la solution dégagée dans un arrêt rendu le 9 mai 2018 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 16-20.423, FS-P+B N° Lexbase : A6239XMZ).

 

En l’espèce, une salariée a été engagée par Pôle emploi par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 novembre 2009, puis par six autres contrats à durée déterminée jusqu'au 31 août 2012. Elle était investie d'un mandat de conseiller prud'homme. La cessation d'emploi après le dernier contrat de travail qui comportait une clause de renouvellement mais n'a pas été renouvelé, a été refusée par l'inspecteur du travail puis autorisée le 23 janvier 2013 par le ministre chargé du Travail. Elle a pris effet le 31 janvier 2013. La salariée estimant que la relation de travail était à durée indéterminée, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification du premier contrat à durée déterminée et de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur.

 

La cour d’appel (CA Toulouse, 13 mai 2016, n° 15/04815 N° Lexbase : A9052RNL) ayant déclaré ses demandes irrecevables, la salariée s’est pourvue en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi en précisant qu’ayant constaté que, par décision du ministre chargé du Travail du 23 janvier 2013, dont la légalité n'était pas contestée par voie d'exception par la salariée, le non-renouvellement du contrat de travail avait été autorisé, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la demande de requalification présentée devant le juge judiciaire était irrecevable (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3617ET7).

newsid:464062

Domaine public

[Brèves] Demande tendant à l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public maritime : obligation pour le juge des référés de se prononcer sur la condition d'utilité

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 4 mai 2018, n° 415002, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6301XMC)

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N3962BXZ

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par Yann Le Foll

Le 16 Mai 2018

Face à une demande tendant à l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine public maritime, le juge des référés a l’obligation de se prononcer sur la condition d'utilité, y compris dans l'hypothèse où il n'aurait pas à se prononcer sur la condition d'urgence en vertu de l'article L. 521-3-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7477IMU). Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 4 mai 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 4 mai 2018, n° 415002, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6301XMC).

 

Le juge des référés a fait droit aux conclusions présentées par un requérant sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3059ALU) tendant à l'expulsion d'occupants de l'immeuble occupé par ce dernier sur les dépendances du domaine public maritime, sans se prononcer sur l'utilité de cette mesure.

 

Alors même qu'il avait estimé qu'il n'avait pas à se prononcer sur la condition d'urgence en vertu des dispositions de l'article L. 521-3-1, qui prévoient qu'une telle condition n'est pas requise en cas de requête relative à une occupation non autorisée dans la zone des cinquante pas géométriques, il a, ce faisant, méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 précité (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E3110E4X).

newsid:463962

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Constat de la résiliation du bail commercial par le juge-commissaire : la délivrance préalable d’un commandement est obligatoire !

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 4 avril 2018, n° 17/199289 (N° Lexbase : A0170XKI)

Lecture: 6 min

N3943BXC

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre du CERDP (EA 1201), Avocate au barreau de Nice

Le 17 Mai 2018

Procédures collectives / Bail commercial / Résiliation du bail par le juge-commissaire / Clause de résiliation de plein droit du bail / Nécessité de la délivrance d'un commandement 

La coordination des règles relatives à la résiliation du bail des locaux utilisés pour l’activité de l’entreprise, posées par le livre IV du Code de commerce, et de celles ayant trait à la résiliation du bail commercial, prévues par le livre 1er du même code, suscite nombre de questions.

 

La première est celle de savoir si le prononcé ou le constat de la résiliation du bail peut indifféremment être l’œuvre du juge-commissaire ou celle du juge des référés.

La réponse est négative lorsque le bailleur sollicite non pas la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail mais le prononcé de la résiliation elle-même. Dans cette hypothèse, seul le juge du bail commercial, c’est-à-dire le tribunal de grande instance, est compétent. Il peut alors, contrairement à la solution en matière de constat d’acquisition de la clause résolutoire, décider d’accepter ou non cette demande en fonction de la gravité du manquement contractuel du preneur [1]. La résiliation est alors judiciaire.

 

Le Code de commerce n’a pas accordé au juge-commissaire la possibilité de prononcer la résiliation du bail commercial. En revanche, il peut constater celle-ci car, en matière de constat de la résiliation, une dualité de compétence apparait à la lecture des textes.

 

D’une part, le tribunal de grande instance, ou son président en référé, a compétence pour statuer sur la mise en œuvre de la clause résolutoire insérée au bail, clause dont il peut suspendre la réalisation ou les effets (C. com., art. L. 145-41, al. 2 N° Lexbase : L1063KZE).

 

D’autre part, l’article R. 622-13, alinéa 2 (N° Lexbase : L9319IC7), applicable en sauvegarde et en redressement judiciaire, énonce que «le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus […] à l’article L. 622-14 (N° Lexbase : L9341ICX) […], ainsi que la date de cette résiliation». Une disposition analogue est reprise, en liquidation judiciaire, à l’article R. 641-21, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L9312ICU).

 

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR), la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé que le bailleur qui souhaitait faire constater le jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs pendant plus de trois mois après l’ouverture de la procédure pouvait saisir soit le juge-commissaire soit le juge des référés du tribunal de grande instance [2].

 

La doctrine s’accorde à considérer que cette solution doit être reconduite sous l’empire de la loi du 26 juillet 2005 [3] (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT).

 

Une fois cette question résolue, d’autres plus épineuses encore, surgissent.

 

La première est celle de savoir si le constat de la résiliation par le juge-commissaire suppose la délivrance préalable d’un commandement de payer resté infructueux. On sait en effet qu’en application de l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause résolutoire insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

En matière de bail des locaux affectés à l’activité professionnelle, l’article L. 622-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L8845INW) écarte l’application des cas de résiliation légale de plein droit visés au III de l’article L. 622-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L7287IZW), siège du «droit commun» de la continuation des contrats en cours. En conséquence, le défaut de paiement des loyers et charges postérieurs, même en présence d’un contrat continué, ne peut entraîner résiliation légale du contrat. Il autorise seulement le cocontractant à faire constater l’acquisition de la résiliation conventionnelle par application de la clause résolutoire insérée au contrat ou à faire prononcer la résiliation par le juge, une fois écoulé le délai d’attente de trois mois prévu par le livre VI du Code de commerce (cf. C. com. art. L 622-14, 2°, en sauvegarde et redressement, et L.  641-12, 3° N° Lexbase : L8859ING, en liquidation).

 

Dès lors que la résiliation intervient par le jeu d’une clause résolutoire, si le bailleur souhaite faire constater son acquisition, ce ne pourra donc être que dans le respect des dispositions de l’article 145-41 du Code de commerce dont il n’est dérogé par aucun texte du livre VI du Code de commerce. Ainsi, en application de ce texte, la clause de résiliation de plein droit ne pourra produire effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, que le constat de la résiliation soit demandé au juge «naturel» du bail commercial ou au juge-commissaire.

 

Telle est la solution prônée par la doctrine [4] et aujourd’hui très clairement posée par un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 4 avril 2018. Cette juridiction énonce ainsi une solution qui doit emporter pleine approbation : «les dispositions de l’article L. 622-14 du Code de commerce ne dérogent pas aux dispositions de l’article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d’un commandement, le liquidateur pouvant se prévaloir des dispositions de l’article L. 145-41 susmentionnés et solliciter des délais de paiement, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n’est pas constatée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Il s’ensuit que la résolution de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges pendant plus de trois mois après le jugement d’ouverture n’est pas acquise tant qu’il n’y a pas eu, en application de l’article L. 145-41 du Code de commerce, délivrance par acte d’huissier d’un commandement de payer au preneur, l’écoulement d’un délai d’un mois pendant lequel ce commandement est demeuré infructueux, et, enfin, l’écoulement des délais de grâce éventuellement octroyés au preneur».

 

Ainsi, le fait pour le bailleur d’opérer le choix procédural de saisir le juge-commissaire plutôt que le juge des référés d’une demande de constat de la résiliation du bail ne le dispense-t-il pas de la délivrance préalable d’un commandement de payer visant la clause résolutoire.

 

Une fois cette question résolue, d’autres surgissent. Elles ont trait à l’étendue des pouvoirs du juge-commissaire saisi d’une demande en constat de la résiliation du bail.

 

Le juge-commissaire peut-il accorder des délais de grâce ? En cette matière [5], l’article 510, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6639H7Z) prévoit que «sous réserve des alinéas suivants, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l’exécution», l’alinéa 2 poursuivant en indiquant qu’«en cas d’urgence, la même faculté appartient au juge des référés».

A la lecture du premier alinéa de ce texte, il apparaît que l’ordonnance de constat de la résiliation rendue par le juge-commissaire est susceptible de prévoir des délais de grâce. D’autres auteurs préfèrent, pour arriver au même résultat, considérer que le juge-commissaire qui statue en matière de constat d’acquisition de la clause résolutoire statue comme le ferait le président du TGI statuant en référé [6], juge des référés auquel l’alinéa 2 de l’article 510 accorde la faculté d’octroyer des délais de grâce.

 

Il reste une dernière question essentielle en pratique : le juge-commissaire, constatant la résiliation, a-t-il le pouvoir d’ordonner l’expulsion du preneur ? Il doit être répondu à cette question par la négative. En effet, aux termes de l’article R. 211-4 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L6555LEI), seul le tribunal de grande instance est compétent pour ordonner l’expulsion d’un local affecté à une activité, en matière de baux commerciaux, professionnels et de convention d’occupation précaire en matière commerciale [7]. On aperçoit alors que, même si le bailleur dispose d’un choix procédural, il lui est préférable de saisir non pas le juge-commissaire mais le juge du bail commercial (en pratique, le président du TGI en référé) de la demande de constat de la résiliation du bail afin de pouvoir obtenir également l’expulsion de son locataire [8].

 

[1] V sur ce point F. Kendérian, La clause résolutoire du bail commercial, JCP éd. E, 2017, 1258, spéc. n° 1.

[2] Cass. com., 10 juillet 2001, n° 99-10.397, P (N° Lexbase : A1717AU7) ; D., 2001, AJ 2830, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2001/14, n° 177, obs. C. Régnaut-Moutier ; JCP éd. E, 2001, Pan. 1602 ; Gaz. Pal., 8-9 février 2002, 31, note Brault ; JCP éd. E, 2002. Chron. 175, p. 174, n° 14, obs. Ph. Pétel  ; Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-21.117, F-D (N° Lexbase : A6892DUS).

[3] P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2018/2019, 10ème éd. à paraître, n° 433.257; F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, 4ème éd., LexisNexis, 2015, n° 91.

[4] F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, préc., n° 94 ; Ph. Pétel, obs. ss. Cass. com., 21 février 2012, n° 11-11.512, F-P+B (N° Lexbase : A3275IDN),  JCP éd E, 2012, 1227, n° 10 in fine ; P.-M. Le Corre, préc. n° 433.255. 

[5] V. O. Staes, J-cl proc. civ, Fasc. 520 : délai de grâce, spéc. 25.

[6] P.-M. Le Corre, préc., n° 433.256.

[7] V. Ch. Blondel-Angebault et R. Simhon, J.-Cl Voies d’exécution, Fasc. 1015 : Expulsion, spéc. n° 9.

[8] V. égal. F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, préc., n° 94, in fine.

newsid:463943

Fiscalité immobilière

[Jurisprudence] Déduction des déficits fonciers et jouissance privative partielle d’un immeuble (classé monument historique)

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 6 avril 2018, n° 405509, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4103XK8)

Lecture: 6 min

N3937BX4

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 16 Mai 2018

Il résulte des articles 156 du Code général des impôts (N° Lexbase : L0428IPK) et 41 E de l'annexe III à ce Code (N° Lexbase : L6971HLR) que les charges foncières liées aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire, qui ne procurent aucune recette, ne sont admises en déduction du revenu global de leur propriétaire qu'à la condition que celui-ci se réserve la jouissance de l'immeuble. Lorsque cette utilisation personnelle ne porte que sur une partie du bien, sont déductibles les charges foncières dont le contribuable justifie le lien existant avec cette partie. Lorsque les charges ne peuvent être affectées à une partie spécifique de l'immeuble, il appartient au contribuable de répartir ces dépenses entre les différentes parties de l'immeuble selon une clef de répartition adaptée à l'objet de ces charges.

 

Telle est la solution d'un arrêt du Conseil d’Etat en date 6 avril 2018.

Régime dérogatoire en matière de déduction des charges foncières, le régime des monuments historiques mérite notable intérêt quand bien même il ne concerne qu’une partie modeste des contribuables (pas toujours modestes). Pour mémoire, les charges foncières supportées par les propriétaires de monuments historiques ou assimilés peuvent être admises en déduction :   

- soit en totalité du revenu foncier procuré par l'immeuble lorsque celui-ci donne lieu à la perception de recettes imposables et n'est pas occupé par son propriétaire,

- soit du revenu global du propriétaire dans les conditions et limites fixées par la loi,

- soit pour partie du revenu foncier et pour partie du revenu global, lorsque l'immeuble procure des recettes mais est occupé en partie par son propriétaire.

 

En raison même du caractère dérogatoire institué, l’administration est particulière vigilante quant à la possibilité de déduire les charges foncières du revenu global du propriétaire. Souvent, contentieux il y a quand l’administration conteste les déductions opérées par des propriétaires d’un bien dont certaines parties (façades, toiture, escalier extérieur, murs de clôture et jardin) sont inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. L’administration remet alors en cause la déduction des charges correspondant à des travaux ne concernant pas, selon elle, les parties de l'immeuble inscrites à l'ISMH (cf. aussi si l'immeuble est, durant les années visées, ouvert au public). Ainsi, dans un arrêt du 18 mai 2005 (CE 9° et 10° ch.-r., 18 mai 2005, n° 249950, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3373DIR), le Conseil d’Etat rejette les prétentions des propriétaires d’un domaine (partiellement ouvert au public) dont une partie est inscrite à l'ISMH.

 

L’administration pouvait remettre en cause le calcul des déficits fonciers résultant des dépenses engagées pour la remise en état du domaine : en isolant les charges déductibles afférentes à la partie classée de leur propriété, en les imputant sur une proportion déterminée forfaitairement des recettes procurées par l'ouverture au public de leur domaine.

 

Dans le cas présent, le contexte est autre et tout aussi -voire davantage- complexe : l’immeuble fait l’objet d’une jouissance privative partielle. Par cette décision du 6 avril 2018, le Conseil d’Etat rappelle un principe simple, parfois remis abusivement en question par l’administration (et les juges du fond) : si les charges foncières inhérentes à un immeuble classé monument historique (ou inscrit à l’inventaire supplémentaire) ne produisent aucune recette, elles sont admises en déduction du revenu global du propriétaire dès lors que ce dernier se réserve la jouissance de l’immeuble. Certes.

 

Mais certaines questions ne peuvent manquer aussitôt de poindre.

 

Question 1 : qu’en est-il lorsque l’utilisation personnelle du bien immeuble porte seulement sur une partie de celui-ci ? Réponse : les charges foncières déductibles sont celles dont le contribuable justifie le lien existant avec cette partie.

 

Question 2 : qu’en est-il dans l’hypothèse où les charges ne peuvent être affectées à une partie spécifique de l’immeuble ? Réponse : le contribuable doit «répartir les dépenses entre les différentes parties de l’immeuble selon une clé de répartition adaptée à l’objet de ces charges». Après avoir ainsi rappelé sa politique jurisprudentielle, le Conseil d’Etat censure l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 29 septembre 2016, n° 15MA00694 N° Lexbase : A9838R47) soumis à son examen. La cour administrative d’appel avait en effet estimé qu’aucune charge n’était déductible (sur le fondement de l’article 41 E, annexe III du Code général des impôts précité) au motif que l’immeuble n’était pas intégralement réservé à la jouissance des propriétaires. Erreur de droit selon le juge de cassation.

 

Les faits. La SCI A. est propriétaire d’un ensemble immobilier classé à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Une partie du château est utilisée comme résidence principale par les associés -M. et Mme B.- de la SCI. Entre 2005 et 2010, des travaux de réparation et d’entretien sont réalisés, ces charges étant imputées sur les revenus fonciers obtenus. L’administration conteste une telle opération et assujettit les contribuables à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales.

 

Les textes. Il s’agit ici de cogiter sur la lecture croisée des articles 156, 41 E (annexe III) et 29 (N° Lexbase : L1068HL7) du Code général des impôts. En vertu de l’article 156 (I, 3°) du Code général des impôts, l’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu net annuel, sous déduction du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus. Si le revenu global est insuffisant pour opérer imputation intégrale, il est possible de reporter successivement l’excédent du déficit sur le revenu global des années suivantes (jusqu’à la 6ème inclusivement). Cependant, n’est pas autorisée l’imputation des déficits fonciers qui s’imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; toutefois, une telle disposition n’est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l’inventaire supplémentaire. Quant à l’article 41 E (annexe III), il dispose que les charges foncières afférentes à de tels immeubles -dont le propriétaire se réserve la jouissance- peuvent être admises en déduction du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu. Les dépenses en question peuvent être déduites du revenu foncier si : les charges alléguées sont dûment justifiées, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par les propriétaires, sont engagées en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu.

 

La cour administrative d’appel de Marseille suit la position de l’administration fiscale, estimant que les diverses dépenses relatives au bien immobilier ont été, à tort, portées en déduction des revenus fonciers ; selon le juge, il n’a pas été justifié que les dépenses ont été engagées en vue de l’acquisition ou la conservation des revenus. Nombre d’éléments semblent militer en faveur de la thèse soutenue par l’administration. Le bien immobilier en question -«Château de Martinet»- est pour partie occupé à titre privatif et pour partie exploité commercialement (entreprise «Château de Martinet», activité de chambres d’hôtes). Or, aucun contrat de location n’a été produit par les contribuables quant à la nature de la location (nue ou meublée) ou quant au descriptif des locaux donnés en location à l’entreprise. Or, aucune justification du versement effectif de loyers par l’entreprise n’a été apportée ; certes, la SCI a fourni des extraits de comptabilité mais ils ne sauraient constituer, à eux seuls, d’idoines justificatifs de paiement. Quant à l’existence d’une conversation verbale susceptible d’être retenue au profit des contribuables -sur le fondement de la documentation administrative 5 D-207 (du 23 mars 2007)- elle n’est pas réputée établie selon le juge. L’administration n’est point contredite lorsqu’elle invoque des courriers de la SCI indiquant : que le château est «réservé à notre habitation et ne sera pas donné en location» (lettre du 10 janvier 2006), que les parties du château données en location «n’étaient pas délimitées» (lettre du 16 septembre 2009). Les charges évoquées ont été, selon la cour administrative d’appel de Marseille, portées à tort en déduction des revenus fonciers ; elles n’ont pas été engagées en vue de l’acquisition ou la conservation des revenus. Enfin, les requérants ne sont pas fondés à invoquer le bénéfice de la doctrine administrative (5 B-2428 ; 13 D-574) admettant une réduction des revenus fonciers à hauteur de 75 % des charges supportées et de 25 % au titre du revenu global ; il n’est pas justifié que l’immeuble soit productif de revenus.

 

En dépit de ces divers éléments pouvant rendre cohérente l’argumentation de l’administration fiscale et justifiée la décision de la cour administrative d’appel de Marseille, le Conseil d’Etat annule cette dernière. Il est possible d’imputer les dépenses foncières sur le revenu global alors même que l’immeuble est occupé partiellement par les contribuables et ne génère aucune recette. En présence de charges affectées à une partie spécifique de l’immeuble, les contribuables doivent «répartir les dépenses entre les différentes parties de l’immeuble selon une clé de répartition adaptée à l’objet de ces charges». La formule est censée valoir modus operandi pour distinguer les différentes parties de l’immeuble et les charges afférentes ; reste que l’opération de répartition s’avère faussement simple et propice à de futures contestations et futurs contentieux.

 

 

 

 

newsid:463937

Justice

[Doctrine] L’efficacité de la justice civile : moyen ou finalité ? Réflexions sur une nouvelle tendance de gestion du contentieux

Lecture: 23 min

N3802BX4

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par Patrice Samuel Aristide Badji, Agrégé des Facultés de droit, UCAD

Le 16 Mai 2018

Depuis 2001, la procédure civile connaît au Sénégal une réforme en profondeur. La remarque est que celle-ci s’inscrit dans la recherche d’attractivité de la justice civile. Mais au regard des dysfonctionnements notés au sein de l’appareil judiciaire, et de la montée en puissance de l’arbitrage religieux, il s’avère indispensable de voir le mode de règlement des litiges le plus conforme aux aspirations de la population sénégalaise. De même, c’est la position du juriste surtout celui d’entreprise, face au contentieux qui doit être repensée.

Rien n’existe que par le but et en vue du but ; le droit tout entier n’est qu’une unique création du but[1]. Partant de ce constat, il devient impératif de se poser des questions relativement à la finalité de la justice civile. S’il est vrai que le «Dictionnaire de la culture juridique» consacre une étude aux théories de la justice (utilitarisme, équité), à la justice administrative, constitutionnelle et même privée, il n’en ignore pas moins la justice civile. Le même constat peut être fait dans le «Dictionnaire de la Justice»[2]. Est-ce à dire que la détermination de la justice civile est plus simple à faire que les autres formes de justice ? Nous ne le pensons pas. C’est peut-être parce qu’en parlant de justice civile, on ne sait pas s’il faut utiliser l’expression «procédure civile» ou «droit judiciaire privé».

Toujours est-il que de notre point de vue, la justice civile renvoie à toute justice qui n’a pas pour objet le phénomène pénal.  Ce point de vue peut être conforté au regard de l’article 1er du Code de procédure civile qui dispose que, sauf en matière pénale et sous réserve des dispositions particulières, la procédure à suivre est réglée par le présent Code. La justice civile est l’aspect de la justice le moins connu tant sa face pénale focalise les regards[3]. Et pourtant, elle concerne toute notre activité quotidienne[4].

Cela n’a pas empêché certains de se poser la question de savoir si le procès civil constitue une pathologie ou une stratégie.

De moyen, l’efficacité devient alors finalité ; c’est cela qui n’est pas admissible[5]. Ainsi s’insurgeait Loïc Cadiet  contre le case management. Pour lui, la recherche de l’efficacité ne peut pas être «l’étalon exclusif à l’aune duquel est mesurée la qualité de la justice».

En effet, depuis un certain temps, il est exigé du monde judiciaire de se comporter comme une entreprise en recherchant la performance. C’est ainsi que des concepts managériaux ont été intégrés dans le langage judiciaire. L’une des raisons de cette option tient à l’idée selon laquelle la justice serait un vecteur d’investissement[6]. Cela amène à s’interroger sur la nature de la justice et sur la conciliation des objectifs d’efficience et de protection des droits de la défense[7].

L’efficacité et le respect des droits de la défense constituent donc des tendances de gestion du contentieux que l’on soit dans ce qu’un auteur a pu qualifier de contentieux chaud ou de contentieux froid. Une autre tendance consiste en une communautarisation, uniformisation, voire régionalisation du procès civil. Les tendances sont déjà à l’œuvre, ou à l’ébauche[8].

La procédure est contentieuse en ce sens qu’elle oppose deux ou plusieurs parties. Elle s’oppose ce faisant à la procédure gracieuse.

L’un des intérêts de ce sujet tient au fait que le débat de la suprématie ou de l’inféodation du droit à l’économie est toujours d’actualité. De même, nous mettrons en évidence l’idée de justice plurielle qui par moment est symbolisée par la prise en compte de l’aspect religieux dans le règlement des litiges. Il y a là comme une sorte de paradoxe eu égard au fait que depuis les événements tragiques du onze septembre aux Etats unis, on constate une suspicion, voire une peur à l’égard de tout ce qui est religieux. A quoi est donc dû ce regain d’intérêt ? Peut-être parce qu’on s’accorde à considérer que la régulation d’une société peut s’opérer par des normes d’une triple origine : religieuse, morale ou juridique[9].

 

Les parties ne doivent recourir qu’à la justice étatique pour régler leur litige ? La réponse négative à cette interrogation est celle qui s’impose eu égard au pluralisme judiciaire en vigueur[10]. Seulement, il ne faut pas se méprendre car, on a beau critiquer la justice exogène, mais elle demeure celle qu’on applique. Cette justice difficilement accessible devient, avec l’indépendance, un enjeu politique et social, parfois économique, mais surtout idéologique[11]. C’est que le droit doit être un vecteur de développement, y compris donc la justice. Reproduire l’organisation coloniale en la nationalisant, n’est-ce pas renverser le rapport de domination à son profit[12] ? Toujours est-il que la justice moderne est sous influence car devant prendre en compte son environnement (I). Seulement, il y a lieu de s’interroger sur son avenir (II).

 

I - La justice civile : Thémis sous influence ou un Janus à deux visages

 

La justice a deux visages en ce sens que l’on cherche à assurer une liaison entre deux conflits de logiques : la conception sociale de la justice, d’une part (A), et la conception managériale, d’autre part (B). Les exigences antagonistes de la justice sont volonté de rationalisation du fait de la massification du contentieux et de l'exigence de qualité[13].

 

A - La permanence de la fonction sociale du procès

 

Dire que le procès a une fonction sociale signifie que celui-ci est un phénomène social[14] en ce sens qu’il y a un rite à observer dans le déroulement de celui-ci même si le rite n’est pas l’essence du procès, mais plutôt le modèle d’argumentation bien déterminé.

La fonction sociale du procès se manifeste à travers la préservation des droits de la défense, le respect des exigences du procès équitable, le principe de coopération et les droits fondamentaux. Ce sont ces différentes idées qui vont être l’objet de notre propos.

En effet, lorsque Serge Guinchard utilise l’expression «équité», c’est en termes d’égalité et d’équilibre. Pour Bruno Oppetit, «la référence à l'équité exprime essentiellement le souci d'organisation d'un procès équilibré et loyal [égalité des armes, durée raisonnable des procédures], qui offre toute garantie de régularité»[15]. Les corollaires de l’équité sont l’égalité des armes, la contradiction, la motivation, la langue du procès.

Au sens du principe de l’égalité des armes, un procès ne serait pas équitable s'il se déroulait «dans des conditions de nature à placer injustement une partie dans une situation désavantageuse» par rapport à l'autre partie[16]. Faisons remarquer qu’au départ, l’égalité des armes renvoyait à une conception arithmétique.

C’est Serge Guinchard qui a théorisé la constitutionnalisation de la procédure civile[17], l’idée selon laquelle il y a une émergence d’un droit substantiel à un procès équitable[18]. Ainsi, à partir de l’arrêt «Golder» (CEDH, 21 février 1975, Req. 4451/70 N° Lexbase : A1951D7E ; cf. l’Ouvrage «Procédure civile» N° Lexbase : E9808ETG), une conception large de la notion de procès équitable a été retenue et se décline en un triptyque : le droit d’accès à un tribunal, le droit à une bonne justice  à travers l’aspect organisationnel du tribunal (indépendance, impartialité) et les garanties dans le déroulement de l’instance, et le droit à l’exécution[19]. Parmi les nouveaux principes directeurs, Serge Guinchard cite le principe de loyauté (C. pr. civ., art. 9 N° Lexbase : L1123H4D et 10 N° Lexbase : L1124H4E, interdiction de se contredire au profit d’autrui, l’estoppel), le principe de dialogue.

La notion de loyauté existe au Sénégal dans le Code de procédure civile si l’on se réfère à l’article 126 dans sa rédaction due au décret n° 2013-1071, pendant des articles 9 et suivants du Code de procédure civile français et à travers l’estoppel. En droit français, l’article 10 du Code de procédure civile dispose que le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles, là où le droit sénégalais fait usage de l’expression «toutes mesures d’instruction appropriées» à l’article 54-13 issu du décret 2013-1071.

S’il ne fait l’ombre d’aucun doute que le principe de loyauté existe en matière de preuve[20], il n’en demeure pas moins que certains considèrent que par moment la recherche de la vérité l’emporte sur le respect de la loyauté surtout dans les contentieux du divorce et de la séparation de corps[21]. La procédure d’estoppel qui signifie interdiction de se contredire au détriment d’autrui[22] n’est pas consacrée expressis verbis en droit sénégalais. Toujours est-il que cette loyauté renvoie également à l’idée de dialogue dans le procès, lequel s’est accentué avec le décret n° 2013-1071 du 6 août 2013 modifiant le décret n° 64-572 du 30 juillet 1964 portant Code de Procédure civile[23]. Ainsi, alors qu’avec le décret 2001-1151 du 31 décembre 2001, le juge de la mise en état était le seul compétent en matière d’instruction, désormais, il peut être conclu un accord de procédure entre ce dernier et les parties ou leurs avocats. C’est dire que le juge de la mise en état n’est plus le seul qui veille au déroulement loyal de la procédure. Le dialogue existe aussi bien dans l’introduction que dans le déroulement de l’instance. Le dialogue au moment de l’introduction de l’instance s’apprécie à travers la requête conjointe et l’assignation qualificative qui constitue quelque peu, une remise en cause de «donne-moi les faits, et je te donne la règle de droit». Au moment du déroulement du procès, le dialogue se matérialise à travers la mise en état.

Ainsi, le contrat devient un instrument de gestion de l’instance : les contrats de procédures sont soit individuels avec les calendriers de procédure, soit collectifs avec les protocoles de procédure (juridictions et professions judiciaires). En France, des contrats de résorption des stocks ont ainsi été signés dans plusieurs cours d'appel, consistant en l'allocation de moyens supplémentaires pendant une durée de trois ans, au cours de laquelle les juridictions doivent atteindre un certain nombre d'objectifs quantitatifs et qualitatifs.

 

Le dialogue traduit l’idée de coopération. En effet, le devoir de coopération est rangé parmi les devoirs fondamentaux du procès qu’un auteur distingue d’avec le procès équitable et les principes directeurs[24]. Ce point de vue est soutenable au regard de l’article 126 issu du décret 2013-1071 qui consacre la production forcée des pièces. Calendrier de procédure, conclusions récapitulatives traduisent ce qu’un auteur appelle la mort de la plaidoirie classique[25].

Les droits fondamentaux, qui de l’avis de certains, sont des catégories juridiques hors normes[26], ne sont pas absents de la procédure civile ; on les appelle fondamentaux parce qu’ils renferment les valeurs essentielles qui constituent le fonds commun universel.

Les valeurs à respecter ne sont pas présentes que dans la procédure judiciaire imposée. Même dans la procédure arbitrale, on assiste à un respect de la bonne foi. Et, d’ailleurs, ce principe existerait dans celle-ci avant de faire son apparition dans le droit commun. Etre de bonne foi serait se conduire de manière éthique dans la procédure[27]. Il y a une confusion que l’on fait entre la bonne foi, la morale et la loyauté, dont l’existence est contestée en matière civile surtout concernant la preuve[28].

Le juge a parfois recours à l’équité de même que l’arbitre. En tout état de cause, le respect du procès équitable s’impose en matière d’arbitrage comme on peut le constater en droit français où d’abord, le juge, dans l’arrêt «Cubic» a précisé que «cette convention, qui engage les Etats et ne concerne que les juridictions de l'Etat, est sans application en matière d'arbitrage»[29]. Dans l’affaire «les frégates de Taiwan», la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d’appel qui a exigé le respect de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme[30]. La raison évoquée est que le tribunal arbitral n’est pas un tribunal établi par la loi. Mais dans l’affaire «Abela», on a noté un infléchissement de la Cour de cassation[31]. L’idée de bonne foi se pose également en matière d’arbitrage[32].

Mais la justice n’est pas qu’un sanctuaire où ne doivent être pris en compte que les droits fondamentaux. De plus en plus, celle-ci est assujettie, comme une entreprise, à des objectifs de performance et d’efficacité.

 

B - Les germes d’une conception managériale de la justice 

 

La réception d’un droit nouveau comme la préparation des justiciables à l’évolution de leur droit trouve dans les tribunaux et les magistrats un cadre approprié ou un obstacle[33]. En guise d’exemple, nous pouvons citer l’analyse économique du droit, mouvement de pensée né dans les Universités américaines, avant de trouver en la personne du juge Posner son meilleur vulgarisateur[34]. Cette nouvelle approche du droit, malgré le fait que d’aucuns pensent que l'invocation de la législation comparée n'est souvent qu'instrument de propagande[35] ou que l’américanisation de la justice constitue à la fois un mythe et une réalité[36] est de plus en en plus adoptée, même dans des Etats qui lui étaient hostiles tels que la France.

En effet, les rapports du droit et de l’économie sont soit imbriquées, antagonistes, s’ignorent mutuellement ou d’intérêt réciproque[37]. La question de qui du droit et de l’économie est serviteur ou maître est toujours d’actualité. Certains en tout cas, se référant à l’histoire, ont décelé une certaine confusion de l’homo juridicus avec l’homo oeconomicus[38] en ce sens que les théories de l’Ecole du droit de la nature ou jusnaturalistes ont fait de l’individu la source et le but du droit. Ce faisant, la satisfaction de ses désirs doit être l’objectif suprême, avec à la clé, le contrat, comme moyen d’y parvenir. Avec le temps, chaque discipline ayant un objet et une méthode qui lui est propre, le divorce a été consommé. C’est ainsi que Marx Weber dira que «l’ordre juridique idéal de la théorie du droit n’a rien de commun, du moins directement, avec le cosmos de l’activité économique réelle, parce qu’ils se trouvent l’un et l’autre sur des plans différents : l’un sur celui de la norme idéalement applicable, l’autre sur celui de l’événement réel»[39]. Cette autonomie ne doit pas faire oublier néanmoins, l’influence de l’économie sur le droit.

Il faut avoir présentes à l’esprit deux idées majeures : le souci d’efficacité du droit et l’analyse économique du droit.

Le souci d’efficacité n’a jamais été absent du droit surtout dans les branches du droit qui touchent directement à la vie économique, telles que le droit de la concurrence ou le droit des procédures collectives, qui ont érigé directement des notions économiques en concepts juridiques[40].

 

En effet, parmi les priorités du plan Sénégal Emergent, il y a la question de la modernisation du système judiciaire. Pour connaître les différents mécanismes à utiliser pour y remédier, il faut se référer à l’exposé des motifs du décret n° 2013-1071. Ainsi, il est exposé que la modernisation passera par la «mise en place d’un environnement juridique et judiciaire propice au développement des investissements, de poursuivre les réformes pour apporter au traitement des affaires un encadrement plus rigoureux».

D’ailleurs, à lire le décret n° 2013-1071 précité, on se rend compte que la réforme du Code de procédure civile s’inscrit dans une logique de satisfaction des intérêts du secteur économique. A travers le PSE, il y a une volonté d’améliorer la gouvernance judiciaire, partie intégrante du PSJ, qui s’inscrit lui-même dans le cadre du PGE (Programme de gouvernance économique).

 

L’un des objectifs recherchés dans le fonctionnement de la justice est la célérité qui comporte des aspects matériels et institutionnels.

Les aspects matériels consistent par exemple en la réduction des délais tels que celui d’appel qui est passé de deux mois à un mois, la déchéance ou forclusion, la péremption d’instance lorsqu’aucune des parties n’accomplit des diligences pendant deux ans. On peut également citer le renvoi, les délais pour les expertises et la communication des pièces, les conclusions récapitulatives. En France, la doctrine parle de calendrier d’arbitrage qui conditionne le rythme de l'instance arbitrale et permet au tribunal arbitral de gérer le délai de l'arbitrage. Son respect permet aux arbitres de rendre la sentence dans les délais et d'éviter, à peine d'engager leur responsabilité, de solliciter du juge d'appui une prorogation du délai de l'arbitrage, nonobstant le fait qu’aucun texte de procédure n’ait prévu cette institution[41].

L’aspect institutionnel s’apprécie par la mise en place d’un juge de la mise en état (JME). Sur la désignation de ce dernier, Serge Guinchard soutient que l’objectif est clair : arriver à l’audience de jugement avec un dossier complètement apuré de tous les incidents de procédure[42]. Ainsi, poursuit-il se profile plus nettement qu’autrefois une instance en deux phases fonctionnellement bien distinctes : une phase d’instruction et de jugement des incidents et une phase de jugement au fond[43].

Au-delà de ces développements, on se rend compte que le droit n’ignore pas l’analyse économique du droit qui a comme instruments d’analyse les modèles du choix d’analyse et du marché[44]. L’analyse économique du droit a comme méthode la description de la réalité et peut avoir trois finalités : critique (prédire quels seront les effets non attendus d’une loi), normative (déterminer quelle législation devrait être adoptée) et prédictive (prédire quelle législation sera adoptée[45]). Pour justifier ce propos, on peut se référer à l’exposé des motifs du décret 2014 sur la médiation et la conciliation : «le présent décret fixe le cadre général ainsi que les règles de procédure de la médiation et de la conciliation conformément aux meilleures pratiques juridiques internationales y compris l’analyse économique du droit». En se référant à cet outil, le législateur intègre Le new public management ou école de la nouvelle gestion publique dans la procédure.  Dans le new public management, l'accent est mis sur le rendement, le productivisme et l'efficacité de l'exercice de la fonction juridictionnelle[46].

Plusieurs concepts sont utilisés pour mettre en évidence l’orientation économique du procès prise par le législateur sénégalais : «Emergence», «investissement», «PSE», «Doing business», système performant. Ainsi, on peut lire : «l’environnement juridique et judiciaire propice aux investissements" dans le rapport de présentation du décret 2013-1071, le Doing business, «la modernisation du système judiciaire s’inscrit dans le PSE»  dans l’exposé des motifs du décret 2015-1145, fixant la composition et la compétence des cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance.

Que pense la doctrine de l’analyse économique du droit ? S’il est vrai que l’analyse économique a des contempteurs en France[47], elle a aussi des thuriféraires dans ce dernier pays. C’est l’exemple du Président Guy Canivet qui pense que le rôle d’exégète du juge doit évoluer vers une conception plus moderne de la jurisprudence en donnant à la loi la conception la plus économiquement favorable[48]. Il semblerait que la law and economics soit en train d’être complétée par l’économie comportementale[49].

Ce qui demeure constant c’est qu’à nouveaux juges (juges spécialisés) répond la notion d’avocat spécialiste et donc la nécessité d’évolution professionnelle, notamment dans le cadre de la formation continue[50].

Comme quoi l’environnement judiciaire ne sera  propice au développement que si les acteurs du monde judiciaire sont bien formés, observent les règles de déontologie et d’éthique.

La promotion du principe d’efficience doit se combiner avec les principes du procès équitable[51]. Seulement on peut se demander s’il ne faudrait pas dépasser cette conception dichotomique.

 

II - Le dépassement de la conception  dichotomique de la justice par le contournement du prétoire

 

Le droit de la famille en France de 1965 était animé par la célèbre formule "A chacun sa famille, à chacun son droit[52] !" Cette formule traduisait l’idée de pluralisme juridique. Au Sénégal, le pluralisme juridique a été expérimenté en matière successorale du fait de l’existence dans le Code de la famille, à côté des successions de droit musulman, celles de droit commun.

Nous pensons que ce pluralisme pourrait s’accompagner d’un pluralisme judiciaire (A) pour tenir compte de la réalité sociologique. Sur le plan du droit des affaires, on s’attend à une transformation du rôle du juriste qui devrait être une sorte de «vigile» au sein de l’entreprise qui  l’emploie en y développant une véritable stratégie judiciaire (B). Ainsi, de gardien du temple, il devient conseil de l’entreprise.

 

A - L’exacerbation du recours à une justice plurielle

 

Lorsque l’on parle de justice plurielle, nous ne mettons pas l’accent sur les modes alternatifs de règlement des différends, forme de justice par le contrat, qui, il faut le rappeler, n’ont pas que des aspects positifs eu égard par moment à la violation des droits de la défense notamment la rupture d’égalité et le coût, mais d’un possible recours à la justice traditionnelle ou religieuse.

En droit sénégalais, il y a une supplantation du droit exogène sur la coutume et même la religion. Par droit exogène, nous entendons celui issu ou inspiré de la colonisation. En revanche, le droit endogène est celui qui prend naissance dans le ventre du groupe[53]. Or, nous avons un «donné[54]» qui consiste dans le fait qu’il y a plusieurs coutumes et une religion majoritaire au Sénégal. Ce que l’on note cependant c’est une «endogénéisation» de la justice de droit musulman c’est-à-dire intégré dans le droit officiel à travers les cadis certes, mais non l’institution d’un arbitrage religieux.

En effet, le geste judiciaire est avant tout investi par une culture[55].  L’intervention des tribunaux étatiques est par moment précédée de la saisine d’autres organes ou tout simplement inadaptée des parties[56] car, les tribunaux publics ne constituent pas le lieu unique où «les contestations sont normalement et de façon naturelle portées et examinées»[57]. Depuis longtemps, Jacques Vanderlinden attirait l’attention sur le défi d’une justice post-coloniale fondée sur une science de la coutume[58]. La justice coutumière renvoie à l’idée de société sans Etat ou le fait que les pouvoirs étatiques s’effacent devant les prérogatives des potentats locaux[59].

 

La justice indigène demeure l’histoire d’une double volonté : celle du déni et celle de la reconnaissance. La première est celle qui conduit le colonisateur, désormais en terre conquise, à faire table rase de l’existant, c’est-à-dire de la justice traditionnelle, et à imposer sa loi et son sens de la justice. La seconde correspond à l’échec de cette politique, lequel ouvre sur une phase de reconnaissance et de réhabilitation des pratiques judiciaires endogènes[60]. Si l’on prend l’exemple du Sénégal, nous ne pensons pas qu’il y ait un échec à la politique d’exclusion de la coutume au regard de plusieurs facteurs que nous allons énumérer sans prétendre à l’exhaustivité. Il en est ainsi du privilège accordé au mariage civil, de la place du consentement des époux dans le mariage, de la dot qui n’est pas une condition de validité du mariage sauf exception. Cette situation a fait dire à certains auteurs que l’examen attentif du processus d’élaboration du Code de la famille va mettre en lumière la volonté délibérée de sacrifier, sous couvert d’uniformisation, le droit indigène ou droit négro-africain au profit d’une combinaison boiteuse entre droit arabo-musulman et le Code Napoléon[61].

Malgré l’absence de statistiques, on ne peut nier qu’elle existe. C’est peut-être parce que le droit autochtone privilégie l’équité et non l’application du droit[62].

 

Il y a une urgence à réfléchir au recours à la justice traditionnelle et à l’instauration de l’arbitrage religieux. Pour la justice coutumière, son intégration sera facilitée par l’emprunt de la méthode utilisée dans le Code de la famille notamment en son article 114 qui consacre deux formes de mariages : constaté et célébré.

La réflexion à mener relativement à l’instauration de l’arbitrage religieux se justifie par le fait qu’il n’existe aucune religion qui ne privilégie pas l’entente, le dialogue, l’arrangement en cas de conflit ou ne moralise pas dans un esprit religieux les rapports contractuels. Comme nous l’avons annoncé plus haut, l’aspect religieux est certes pris en compte dans le règlement des conflits, mais pas l’arbitrage religieux. A preuve, l’existence des cadis au sein des tribunaux d’instance dont l’avis demeure obligatoire en matière de succession de droit musulman et le pouvoir d’interprétation du juge relativement à l’article 571 du Code de la famille. On peut citer les affaires «enfants naturels de feu Babacar Diop  contre le sieur Papa Diop» ou l’affaire «Abdourahmane Corréa».

Il semblerait selon un auteur que le contrat de vente constitue le cœur du droit islamique des obligations[63]. Toujours selon cet auteur, le droit islamique se caractérise par sa non prétention à une valeur universelle, son caractère contraignant à l’égard de tous les Musulmans qui vivent sur les territoires des Etats islamiques et dans une moindre mesure en territoire infidèle vu que, selon la doctrine hanafite, les Musulmans peuvent passer des accords impliquant la riba avec des non-Musulmans en territoire infidèle[64]. Le caractère contraignant concerne également les non-Musulmans en terre islamique. Le trait majeur qui fait du droit religieux de l’islam ce qu’il est, celui qui assure son unité dans toute sa diversité, c’est qu’il entend couvrir la totalité des actes et des relations humaines[65]. Pourtant, il existe des auteurs qui soutiennent que même en Islam, on peut séparer le spirituel du temporel. En outre, il est difficilement concevable de continuer à croire que dans l’islam, on ne sépare pas le spirituel du temporel puisque le domaine du droit est bien distingué par les jurisconsultes musulmans de la religion[66].

L’assimilation automatique des chrétiens aux adeptes du  droit imposé ou exogène n’est pas justifiée. En effet, il existe une justice canonique ensemble de procédures instituées pour juger les catholiques ayant violé les sacrements administrés par l’Eglise, au-delà de la justice civile. Ce n’est pas étonnant de constater que, dans certaines universités catholiques, il existe une faculté de droit civil et une faculté de droit canonique. De même, au sein de la doctrine, certains auteurs chrétiens soutiennent que le droit fait partie du monde laïque et qu’il est laïque[67]. Seulement, rien n’empêche de discuter des fondements de cette laïcité ou même de la nature de celle-ci. Il faudrait donc aller au-delà de ce pré-jugement.

Mais que l’on soit chrétien ou musulman ou que ce soit dans la Bible ou le Coran, il y a comme une sorte d’assimilation de la justice humaine à celle divine. Combien de fois entend-on dire qu’exercer le métier d’avocat est contraire à la religion, même si cela n’est pas pour décourager certains. C’est pourquoi un auteur, citant le Deutéronome 1, 16-17, conclut en soutenant qu’en réalité, il n’y a qu’une seule justice et dans la mesure où la justice de l’homme s’articule sur la justice de Dieu, on ne peut absolument pas comprendre l’une sans l’autre[68].

L’encouragement du recours à l’arbitrage religieux est certes difficile, mais pas impossible. La difficulté peut tenir à la problématique de l’arbitrabilité des litiges et à l’absence de consensus au tour de l’importance du phénomène religieux dans le droit. Concernant l’arbitrage religieux, nous pouvons, au-delà de l’article 796 du Code de procédure civile qui fixe les matières dans lesquels les parties à l’arbitrage n’ont pas la libre disposition, nous référer à l’article 21 du Traité de l’OHADA (N° Lexbase : L3252LGK) en vertu duquel toute partie peut recourir à l’arbitrage sur tout différend d’ordre contractuel. Et une fois la possibilité de recourir à l’arbitrage réglée, il convient d’en prévoir les modalités tenant aux parties et aux arbitres.

C’est que le juge doit, aujourd’hui, assurer la gestion de la concurrence entre plusieurs et de plus nombreux types de légitimités, de droits et de valeurs «modernes», traditionnelles et coutumières, religieuses. La question ne concerne pas uniquement les litiges en matière foncière et familiale ; elle revêt une importance accrue avec la tendance contemporaine à assurer le respect des minorités et de leurs droits, ainsi que des droits d’origine religieuse (droit islamique) avec le droit tel qu’il est consigné dans les textes fondamentaux nationaux et internationaux hérités du constitutionnalisme libéral et démocratique[69]. Mais pour que la justice coutumière une fois instituée soit efficace, il faut éviter certains errements tels que le mimétisme[70] et les attitudes pathologiques comme la corruption.

 

En tout cas, il faudrait également tendre vers une culture de stratégie judiciaire.

 

B - Optimisation d’une culture de stratégie judiciaire

 

La stratégie : qu’est-ce que c’est que ? Poser cette question n’est pas sans intérêt vu qu’un auteur tel que Jean  Claude Woog qui l’a évoquée n’en a pas donné de définition[71], se contentant de citer le Général André Beaufre pour qui, la stratégie exige l’exploitation d’un potentiel d’imagination, imposant la variabilité des moyens, en fonction du milieu environnant et d’une réalité sans cesse changeante[72]. On aura remarqué que la stratégie est l’apanage des hommes de guerre. D’ailleurs, qui ne connaît la magnifique œuvre de Xen Zu intitulé «l’art de la guerre» ?

La stratégie signifie : attaquer, surprendre, forcer, fatiguer, répondre aux feintes et emprises, riposter, esquiver, rompre, se garder, dégager, menacer, poursuivre, parer[73]. C’est la capacité à créer sa différence, à se donner une valeur unique, grâce à laquelle le retour sur investissement sera plus important. Il ne s'agit pas tant de contourner les règles existantes, mais d'exercer son activité de façon originale[74].

Constitue-t-elle une  nouveauté ? Claude Champaud et Didier Danet répondent par la négative. Pour eux, comme les entreprises ont fait pendant longtemps de la stratégie juridique sans le savoir, les plaideurs ont découvert la stratégie judiciaire depuis des temps immémoriaux[75].

Ce qu’il convient de noter c’est la méfiance des managers à l’égard des juristes considérés comme des empêcheurs de tourner en rond. La faute certainement à une formation théorique qui ne cadre pas avec les besoins de l’entreprise. Un concept, la law and managment a vu le jour.  Avec cette méthode, on cherche à comprendre comment les entreprises peuvent utiliser le droit à leur profit et en faire un facteur décisif de leur développement[76]. On peut également citer le concept de culture juridique. Pour Pierre Charreton, la culture juridique d’entreprise est «l’aptitude de l’entreprise à intégrer de manière naturelle la dimension juridique dans les processus de décision, et dépend fortement de la capacité des juristes à décliner au quotidien une pédagogie de terrain auprès de tous leurs interlocuteurs, en expliquant la problématique juridique inhérente à chaque situation, en lui donnant «sa juste dimension», et en envisageant les solutions dans le cadre d’un dialogue continu»[77]

La fonction de juriste passe de celle de prestation à celle d’aide à la décision. Elle devient donc une fonction stratégique[78]. Les outils d’optimisation du droit au sein de l’entreprise peuvent être le contrat ou la maitrise des risques juridiques.

Le contrat est un mécanisme de gestion du risque. En effet, lorsque la partie au contrat n’a pas une entreprise structurée, elle peut chercher à réduire la part de hasard même si elle ne peut l’éradiquer. Et pour y parvenir, un auteur suggère de recourir à l’intelligence, l’expérience et l’information. Dans le cadre d’une entreprise notamment personne morale, l’on a souvent recours au risque manager, le contrat d’assurance ne suffisant plus. Pour M. Ledouble, l’influence des compagnies d’assurances, ajoutée à la paresse intellectuelle de certains juristes, ont pu laisser croire que l’unique moyen de réduire les risques liés au contrat ne pouvait être que l’assurance, alors qu’une rédaction attentive des clauses même du contrat peut rendre les plus grands services sans entraîner des frais supplémentaires[79].

La méthode de la gestion des risques consiste dans :

- l’analyse ;

- l’évaluation ;

- la décision.

 

Dans les entreprises, on cherche à établir une cartographie des risques. C’est ainsi que la maîtrise des risques est un élément de pilotage de toute organisation qui revêt deux dimensions essentielles : une dimension «sécurité», vision défensive, et une dimension «décision de gestion», vision dynamique. Il s'agit, d'une part, d'apporter une réponse aux pressions des régulateurs et des corps de contrôle tels que les comités d'audit et, d'autre part, de saisir l'opportunité d'améliorer l'efficacité de l'entité[80]. La prise en compte du risque est nécessaire parce que liée à la performance de l’entreprise[81].

Au terme de cette analyse, il convient de préciser que la justice est soumise à plusieurs impératifs dont les plus visibles sont l’efficacité et la protection des justiciables. En fonction de l’orientation souhaitée, le législateur privilégie un impératif au détriment d’un autre. Toujours est-il qu’au regard du divorce manifeste entre la justice imposée et le vécu des populations sénégalaises, il est temps de repenser le modèle de justice existant.

 

 

[1] R. Von Jhering, La lutte pour le droit, Dalloz, 2006 (Réimpression de l’édition de 1889)

[2] Dans ce dictionnaire sous la direction de L. Cadiet, il est question de justice administrative, canonique, coloniale, communautaire, contractuelle, coutumière, divine, financière, fiscale, internationale, pénale, royale.

[3] J.-F. Burgelin, P. Lombard, Le procès de la justice, Plon, 2003, p. 44.

[4] J.-F. Burgelin, P. Lombard, ibid

[5] L. Cadiet, Introduction à la notion de bonne administration de la justice en droit privé, Justice et Cassation, Dalloz, 2013, p. 28, n° 23.

[6] V. T. Pasquier, A. Teissier, Faut-il caler le temps de la justice sur celui de l'entreprise ?,  Rev. trav., 2014,153. Pour qui parmi les indicateurs, figure en bonne place la capacité du système judiciaire à répondre avec efficacité et rapidité aux contentieux auxquels sont confrontées les entreprises. L'attractivité économique de la France repose donc, en partie, sur l'adaptation du temps de la justice au rythme économique

[7] La justice est-elle un service public ou pas ? Se réduit-elle au droit ?

[8] Expression empruntée à L. Cadiet, Les tendances contemporaines de la procédure civile en France, p. 65.

[9] B. Oppetit, op. cit., p. 261.

[10] Tout récemment, on a enregistré l’adoption par l’OHADA d’un Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (N° Lexbase : L4677LHP), la médiation (N° Lexbase : L4676LHN) et du Règlement d’arbitrage de la CCJA (N° Lexbase : L4675LHM).

[11] Etienne Le Roy, Afrique, in Dictionnaire de la justice, PUF, 2004, P.13.

[12] Etienne Le Roy, ibid.

[13] Y. Gaudemet, Approche doctrinale : définition, origines, essais d’explication et perspectives des contentieux de masse, RFDA, 2011, p. 464. Egalement, E. Costa, AJDA, 2010, p. 1623.

[14] F. Zenati, Le procès, lieu du social, pp. 240-248.

[15]  B. Oppetit, Philosophie du droit, Dalloz, Précis, 1999, p. 109.

[16] CEDH, 30 octobre 1991, Req. 39/1990/230/296 (N° Lexbase : A6419AWN), Série A, no 214-A, Berger, 12ème éd., 2011, no 92, p. 291 ; P. Lambert, De la participation du ministère public au délibéré de la Cour de cassation… à l'erreur de menuiserie, JTDE, 1992, 167.

[17] Cette théorie ne fait pas l’unanimité au sein de la doctrine française et a pour pourfendeur des auteurs tels que B. Beignier.

[18] S. Guinchard, Les métamorphoses de la procédure à l’aube du troisième millénaireClés pour le 21ème siècle, Dalloz, 2000, p. 1167, n° 1271.

[19] S. Guichard, op. cit., p. 1172, n° 1276.

[20] Pour L. Miniato (L’introuvable principe de loyauté en matière civile, D., 2001, 1035) ce principe demeure introuvable. En droit français, la jurisprudence considère la loyauté comme un aspect des droits de la défense. V. L. Weiller, Principes directeurs du procès, avril 2015, Répertoire de droit civil (actualisation : avril 2016), n° 400. De même, on rattache la loyauté à l’article 16, alinéa 1, du Code de procédure civile. En tout cas Motulsky, dans son article défend ce comportement et met à la charge des parties une «obligation d'observer un minimum de loyauté» (Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile, Mélanges Roubier, Dalloz, n° 16, p. 187).

[21] V. Perrocheau, Les fluctuations du principe de loyauté dans la recherche des preuves, LPA, 17 mai 2002, p. 6.

[22] V. Alexandre Ciaudo, Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif, AJDA, 2010, p. 479.

[23]  JO n° 6753 du Samedi 12 octobre 2013.

[24] S. A. Mekki, La fondamentalisation du droit du procès, Revue d’Assas, n°11, Octobre 2015, p. 72 et s..

[25] J.-M. Burguburu, Evolution de la place de l’avocat dans le système judiciaire, in Quelles perspectives pour la recherche juridique ? Mission de recherche Droit et justice, PUF, 2007, p. 318.

[26] E. Picard, L’émergence des droits fondamentaux en France, AJDA, numéro spécial, 1998, p. 6.

[27] J. Ortscheidt, Illustrations du principe de loyauté procédurale dans la conduite de l’arbitrage, Just. & Cass, Dalloz 2014, p. 85.

[28] L. Miniato, L'introuvable principe de loyauté en procédure civile, D. 2007, p. 1035.

[29] Cass. civ. 1, 20 février 2001, n° 99-12.574 (N° Lexbase : A3303ARR), Bull. civ. I, n° 39, Rev. crit. DIP, 2002, 124, note Ch. Seraglini, Rev. arb., 2001, 511, note Th. Clay.

[30] V. Cass. civ. 1, 11 février 2009, n° 06-18.746, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1187EDC), Bull. civ. I, n° 25, D., 2009, AJ, 557, obs. Delpech et Pan. 2959, obs. Th. Clay, Rev. arb., 2009, 517, note Ch. Jarrosson, JCP éd. G, 2009, I, 148, n° 11, obs. J. Ortscheidt).

[31] X. Delpech, La Convention européenne des droits de l'Homme pénètre le droit de l'arbitrage, 21 octobre 2010.

[32] M. De Fontmichel, La bonne foi dans l’arbitrage, RDA, 10 février 2016, p. 103.

[33] S. Melone, Les juridictions mixtes de droit écrit et de droit coutumier dans les pays en voie de développement, Du bon usage du pluralisme judiciaire en Afrique, l’exemple du Cameroun, RIDC, n° 2-1986, pp. 328-346.

[34] C. Jamin, Economie et droit, in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 580.

[35] J. Carbonnier, Essais sur les lois, 2ème éd., 1995, éd. Defrénois, p. 237 et aussi p. 182.

[36] L. Cadiet, L’hypothèse de l’américanisation de la justice française, mythe et réalité, Arch. phil. droit 45 (2001).

[37] B. Oppetit, Droit et économie, in Droit et modernité, PUF, 1998, p. 169.

[38] J.-J. Bienvenu, Economie politique et droit naturel dans la doctrine libérale au XXème siècle, Rev. Hist. Fac.dr. et sc. Jurid., n°4 (1987), p.37 et s, cité par B. Oppetit, ibid.

[39] Cité par B. Oppetit, op. cit.,  p. 170.

[40] B. Oppetit, op. cit., p. 179.

[41] E. Loquin, Le calendrier de l'arbitrage, RTDCom., 2006, 305.

[42] S. Guinchard, Les métamorphoses de la procédure à l’aube du troisième millénaire, In clés pour le siècle, Dalloz , 2000, p. 1179, n° 1282.

[43] S. Guinchard, ibid.

[44] B. Oppetit, op. cit., p. 176.

[45] B. Lemennicier, cité par B. Oppetit, op. cit., p. 177.

[46] C. Castaing, Les procédures civile et administrative confrontées aux mêmes exigences du management de la justice, AJDA, 2009 p. 913.

[47] Les écrits sont nombreux. On peut citer à titre d’exemple Comparer et classer les droits du travail nationaux : J. Berg, S. Cazes, Les limites des indicateurs Doing Business, Rev. trav. 2008, 264 ; A. Bernard, Law and Economics, une science idiote ?, D., 2008, 2806.

[48] G. Canivet, M. A. Frison Roche, Faire coïncider les visions économique et judiciaire, Revue Banque et Droit, Décembre, 2005, n° 675

[49] V. A. Biard, Ce que l’économie comportementale  peut apporter aux juristes : illustrations européennes, RTDeur, 2015, p. 715

[50] J.-M. Burguburu, ibid..

[51] L. Cadiet, op. cit.,

[52] V. D. Fenouillet,  La suppression du divorce pour faute ou feu le pluralisme en droit de la famille, AJ fam. 2001, 82.

[53] Expression d’Etienne Le Roy, Les Africains et l’institution de justice-Entre mimétisme et métissages, Dalloz, 2005, p. 82.

[54] Il semble que la formule classique chez les théoriciens du droit est de se demander si le droit est-il donné ou construit. Une chose est donnée quand elle existe comme objet en dehors de toute activité productrice de l’homme. V. J. Dabin, Théorie générale du droit, Bruxelles, Bruylant, 1953, n° 98, p.119.

[55] D. Salas, Procès, in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, p. 1238.

[56] Jean-Pierre Karaquillo, Un «pluralisme judiciaire complémentaire» original. La résolution par les institutions sportives et par les juridictions d'Etat de certains «litiges sportifs», D. 1996, 87.

[57]  Galanter, La justice ne se trouve pas seulement dans les décisions des tribunaux, dans Accès à la justice et l'Etat-providence (sous la dir. de M. Cappelletti, préface de R. David), publ. institut univ. eur., coll. Etudes juridiques comparatives, Economica, 1984, p. 154.

[58] Anthropologie juridique, Collection connaissance du droit, Dalloz, 1996.

[59] J. Bart, Justice coutumière, in Dictionnaire de la justice, p. 747.

[60] D. Etoughe, Justice indigène et essor du droit coutumier au Gabon, L’Harmattan, 2007, p. 13.

[61] F. K. Camara, Le Code de la famille du Sénégal ou de l’utilisation de la religion comme alibi à la légalisation de l’inégalité de genre, Nouvelles annales africaines, n° 2, 2008, p .12.

[62] E. Le Roy, La formation des droits «non étatiques», in Encyclopédie juridique de l’Afrique, NEA, 1982, p 364.

[63] J. Schacht, Introduction au droit musulman, Maisonneuve et  p. 129.

[64] J. Schacht, op. cit., p. 165.

[65] J. Schacht, op. cit., p. 166

[66] E. Leroy, op. cit., p. 375.

[67] J. Ellul, Le fondement théologique du  droit, Dalloz, 2008, p. 10. Pour cet auteur, il ne peut être question de transformer en loi, et moins encore en loi juridique le contenu de l’Evangile.

[68] J. Ellul, op. cit., p. 27.

[69] Jean du Bois de Gaudusson, La justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs, Introduction thématique, Afrique contemporaine 2014/2 (n° 250), p. 13-28.

[70] P. Nkou Mvondo, La Justice parallèle au Cameroun : la réponse des populations  camerounaises à la crise de la Justice de l'Etat, Droit et société 2002/2, (n° 51-52), p. 369-381.

[71] J.-C. Woog et alii, Stratégie contentieuse du créancier, 2ème édition, Dalloz références, 2006, 600 Pages.

[72]  A. Beaufre, Introduction à la stratégie, A. Colin, 1963, p. 21 à 42.

[73]  A. Beaufre, cité par J.-C. Woog, op. cit., p. 9, n° 111, 60.

[74] L'éditorial de Jean-Baptiste Soufron, La stratégie juridique au cœur de l'innovation numérique, Revues des Juristes de Sciences Po n° 10, Mars 2015, 109

[75] C. Champaud, D. Danet, Stratégies judiciaires des entreprises, Dalloz, 2006, P.10

[76] A. Masson, L’approche «Law and managment», RTDCom., 2011, p. 233.

[77] P. Charreton, in Débat croisé entre P. Charreton et C. Roquilly, Le droit et les juristes sont-ils une ressource créant de la valeur pour l’entreprise ?, Option Droit Affaires, 2010, 16, p. 6-7.

[78] S. Dyens, La nécessité de dresser une cartographie des risques juridiques, AJ Collectivités Territoriales, 2012 p. 131.

[79] D. Ledouble cité par J.-M. Mousseron, La gestion des risques par le contrat,  RTDCiv., 1988, p. 481.

[80] Frédérique Céleste, Associations, maîtrisez vos risques !, JA, 2014, n° 491, p. 19.

[81] G. Deharo, Stratégie judiciaire et performance de l’entreprise : approche dynamique de droit processuel appliqué à l’entreprise, RTDCom., 2013, p. 177.

newsid:463802

Procédure prud'homale

[Brèves] Indemnisation du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité : précisions sur la compétence du juge prud’homal

Réf. : Cass. soc., 3 mai 2018, deux arrêts, n° 16-26.850 (N° Lexbase : A4409XMA) et n° 17-10.306 (N° Lexbase : A1880XML), FS-P+B+R+I

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N3912BX8

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par Charlotte Moronval

Le 16 Mai 2018

Si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de Sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. De plus, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée. Telles sont les précisions apportées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 3 mai 2018 (Cass. soc., 3 mai 2018, deux arrêts, n° 16-26.850 N° Lexbase : A4409XMA et n° 17-10.306 N° Lexbase : A1880XML, FS-P+B+R+I ; voir aussi Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-20.074, FS-P+B+R N° Lexbase : A9450KEQ).

 

Dans la première espèce (n° 16-26.850), un salarié, victime d’un accident du travail, avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Soutenant que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, il avait saisi le juge prud’homal d’une demande d’indemnisation du préjudice consécutif à la rupture. Cette demande avait été rejetée par la cour d’appel (CA Caen, 30 septembre 2016, n° 15/00002 N° Lexbase : A7583R4M) au motif qu’elle tendait à la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail.

 

Dans la seconde espèce (n° 17-10.306), une salariée, également victime d’un accident, avait formé une demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude découlait d’un manquement à l’obligation de sécurité. Alors que l’employeur avait soutenu que cette demande relevait du tribunal des affaires de Sécurité sociale, la cour d’appel (CA Agen, 8 novembre 2016, n° 15/01097 N° Lexbase : A9978SGN) a rejeté cette exception d’incompétence et alloué des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Dans le premier arrêt (n° 16-26.850), la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel au visa de l'article L. 1411-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1878H9G), ensemble les articles L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS) et L. 142-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3194IGE). En statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

Dans le second arrêt (n° 17-10.306), elle rejette le pourvoi. En effet, en constatant, sans méconnaître l’objet du litige, que la salariée ne réclamait pas des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant de son accident du travail ou du manquement de son employeur à son obligation de sécurité mais des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que par son manquement à l’obligation de sécurité, l’employeur était à l’origine de son licenciement pour inaptitude, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle était compétente pour statuer sur cette demande (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E3729ETB et N° Lexbase : E3131ET7).

newsid:463912

Procédures fiscales

[Brèves] Compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires pour se prononcer sur le principe et le montant des amortissements et provisions

Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 389563, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6256XMN)

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N3972BXE

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Mai 2018

Il résulte des termes du II de l'article L. 59 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3314LCQ) que le législateur a entendu rendre la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) compétente pour connaître de tout désaccord persistant entre un contribuable et l'administration portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, non seulement, en vertu du premier alinéa, sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen d'une question de droit mais aussi, en vertu du second alinéa, «par dérogation aux dispositions du premier alinéa», sur le principe et le montant des amortissements et des provisions. En conséquence, saisie d'une demande en ce sens par le contribuable, l'administration doit soumettre le litige à la CDI lorsque le désaccord porte sur toute question relative à l'application des règles qui régissent les amortissements et les provisions à la situation particulière du contribuable. L'administration reste libre de ne pas suivre l'avis émis par la commission.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 9 mai 2018 (CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 389563, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6256XMN).

 

En l’espèce, Monsieur B. fait l’objet d’un contrôle sur pièces à l’issue duquel l’administration réintègre dans ses bénéfices industriels et commerciaux une fraction des amortissements comptabilisés au titre des exercices 2007 et 2008. Le tribunal administratif de Lyon rejette la demande de Monsieur B. tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008. Le ministre des Finances et des Comptes publics se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon faisant droit à l’appel formé par Monsieur B..

 

Le Conseil d’Etat juge que la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’administration ne pouvait, refuser de faire droit à la demande du contribuable tendant à la saisine de la commission départementale du différend qui les opposait, alors même que le litige portait sur la qualification de l’activité exercée par le contribuable au regard de l’article 39 C du Code général des impôts (N° Lexbase : L9773I3D), qui en cas de location de biens consentie par une personne physique, limite le montant des amortissements déductibles au titre d’une année lorsque le montant des charges excède au cours de cette année le montant des loyers perçus (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8204ALG).

 

 

newsid:463972

Publicité foncière

[Brèves] Alsace-Moselle : procédure de traitement des requêtes relatives à l'inscription d'un droit au livre foncier et régime de délivrance de copie des données du livre foncier ou des annexes au livre foncier et procédure

Réf. : Décret n° 2018-318 du 30 avril 2018, relatif aux modalités de délivrance des copies des données et des annexes au livre foncier d'Alsace-Moselle et portant diverses mesures de simplification pour l'inscription des droits (N° Lexbase : L0834LK4)

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N3909BX3

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par Vincent Téchené

Le 15 Mai 2018

Un décret, publié au Journal officiel du 30 avril 2018, pose de nouvelles règles concernant la procédure de traitement des requêtes relatives à l'inscription d'un droit au livre foncier (droit d’Alsace-Moselle) et au régime de délivrance de copie des données du livre foncier ou des annexes au livre foncier et procédure (décret n° 2018-318 du 30 avril 2018, relatif aux modalités de délivrance des copies des données et des annexes au livre foncier d'Alsace-Moselle et portant diverses mesures de simplification pour l'inscription des droits N° Lexbase : L0834LK4).

 

Il consacre, en premier lieu, la possibilité pour le juge du livre foncier d'établir les ordonnances de rejet et les ordonnances constatant le désistement par voie électronique. Il consacre également la possibilité de notifier ces ordonnances ainsi que les ordonnances intermédiaires par voie électronique. Il permet l'usage de la requête en inscription normalisée pour former un pourvoi à l'encontre des ordonnances de rejet. Il confère enfin une compétence exclusive à l'établissement public d'exploitation du livre foncier pour délivrer des copies d'annexes au livre foncier, à l'exception des ordonnances du juge du livre foncier.

 

Les dispositions de ce décret entreront en vigueur le 1er juin 2018, à l'exception des articles 4 et 5 qui entreront en vigueur le 1er novembre 2019, relatifs aux demandes aux fins de délivrance de copie des données du livre foncier et des données du registre des dépôts.

newsid:463909

Responsabilité

[Brèves] Vente aux enchères : responsabilité du commissaire-priseur non organisateur de la vente et restitution du prix

Réf. : Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-13.656, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4325XM7)

Lecture: 2 min

N3958BXU

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par June Perot

Le 16 Mai 2018

Commet une faute de nature à engager sa responsabilité, le GIE de commissaires-priseurs qui procède à la vente d’une statue de bronze, pour laquelle il a admis avoir éprouvé des doutes sur son estimation, l’ayant conduit à demander une seconde expertise, sans réserve sur sa valeur dans le catalogue, dont au contraire les mentions relatives à son caractère exceptionnel et à son appartenance à une collection familiale étaient destinées à augmenter l’attrait potentiel des acquéreurs pour ce bien et à renforcer leur croyance en son authenticité, et ce peu important que celui-ci n’ait pas été l’organisateur de la vente.

 

Si les restitutions consécutives à l'annulation d'une vente pour erreur sur la substance n'ont lieu qu'entre les parties contractantes, le commissaire-priseur peut être condamné à des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'acquéreur par sa faute.

 

De plus, encourt la cassation l’arrêt qui, pour rejeter la demande de l’acquéreur tendant à condamner le GIE des commissaires-priseurs et l’expert du Crédit municipal de Paris à garantir la restitution du prix de vente, au motif qu’elle se heurtait à l’impossibilité de démontrer l’insolvabilité du propriétaire de l’objet litigieux, ne précise pas les éléments sur lesquels il se fonde pour retenir une évaluation d’un bien immobilier lui appartenant différente de celle invoquée dans les pièces versées aux débats.

 

Les juges du fond ne peuvent également rejeter cette demande au motif que le Crédit municipal faisait valoir qu’il avait remis au propriétaire le montant du prix de vente de la statue, sous déduction des sommes qui lui étaient dues en sa qualité de prêteur de deniers, sans rechercher si celui-ci avait effectivement perçu une partie de ce prix de vente. Telles sont les différentes solutions énoncées par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-13.656, FS-P+B+I N° Lexbase : A4325XM7).

 

Dans cette affaire, au cours d'une vente aux enchères publiques organisée le 16 décembre 2004 par la caisse du Crédit municipal de Paris, avec le concours du GIE des commissaires-priseurs appréciateurs auprès du Crédit municipal, M. Y a acquis une statue en bronze représentant «un satyre portant Bacchus», accompagnée d'un certificat d'authenticité délivré par M. V., expert, qui la datait du premier siècle avant Jésus-Christ. Cet objet avait été remis en nantissement par M. Z au Crédit municipal, afin de garantir le remboursement du prêt que celui-ci lui avait consenti. Par ordonnance du 10 novembre 2005, le juge des référés, saisi par M. Y, a désigné deux experts, qui ont daté la statue du dix-huitième siècle. Après le dépôt du rapport des experts judiciaires, M. Y a assigné le Crédit municipal, le GIE des commissaires-priseurs et M. V. en annulation de la vente, le Crédit municipal ayant appelé en la cause M. Z.

 

Enonçant les solutions précitées, la Haute juridiction censure l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de l’acquéreur tendant à condamner le Crédit municipal, le GIE et l’expert à garantir la restitution du prix de vente (cf. l’Ouvrage «Contrats spéciaux» N° Lexbase : E7471E9L).

newsid:463958

Responsabilité

[Brèves] Vente aux enchères : responsabilité du commissaire-priseur non organisateur de la vente et restitution du prix

Réf. : Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-13.656, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4325XM7)

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par June Perot

Le 16 Mai 2018

Commet une faute de nature à engager sa responsabilité, le GIE de commissaires-priseurs qui procède à la vente d’une statue de bronze, pour laquelle il a admis avoir éprouvé des doutes sur son estimation, l’ayant conduit à demander une seconde expertise, sans réserve sur sa valeur dans le catalogue, dont au contraire les mentions relatives à son caractère exceptionnel et à son appartenance à une collection familiale étaient destinées à augmenter l’attrait potentiel des acquéreurs pour ce bien et à renforcer leur croyance en son authenticité, et ce peu important que celui-ci n’ait pas été l’organisateur de la vente.

 

Si les restitutions consécutives à l'annulation d'une vente pour erreur sur la substance n'ont lieu qu'entre les parties contractantes, le commissaire-priseur peut être condamné à des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'acquéreur par sa faute.

 

De plus, encourt la cassation l’arrêt qui, pour rejeter la demande de l’acquéreur tendant à condamner le GIE des commissaires-priseurs et l’expert du Crédit municipal de Paris à garantir la restitution du prix de vente, au motif qu’elle se heurtait à l’impossibilité de démontrer l’insolvabilité du propriétaire de l’objet litigieux, ne précise pas les éléments sur lesquels il se fonde pour retenir une évaluation d’un bien immobilier lui appartenant différente de celle invoquée dans les pièces versées aux débats.

 

Les juges du fond ne peuvent également rejeter cette demande au motif que le Crédit municipal faisait valoir qu’il avait remis au propriétaire le montant du prix de vente de la statue, sous déduction des sommes qui lui étaient dues en sa qualité de prêteur de deniers, sans rechercher si celui-ci avait effectivement perçu une partie de ce prix de vente. Telles sont les différentes solutions énoncées par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-13.656, FS-P+B+I N° Lexbase : A4325XM7).

 

Dans cette affaire, au cours d'une vente aux enchères publiques organisée le 16 décembre 2004 par la caisse du Crédit municipal de Paris, avec le concours du GIE des commissaires-priseurs appréciateurs auprès du Crédit municipal, M. Y a acquis une statue en bronze représentant «un satyre portant Bacchus», accompagnée d'un certificat d'authenticité délivré par M. V., expert, qui la datait du premier siècle avant Jésus-Christ. Cet objet avait été remis en nantissement par M. Z au Crédit municipal, afin de garantir le remboursement du prêt que celui-ci lui avait consenti. Par ordonnance du 10 novembre 2005, le juge des référés, saisi par M. Y, a désigné deux experts, qui ont daté la statue du dix-huitième siècle. Après le dépôt du rapport des experts judiciaires, M. Y a assigné le Crédit municipal, le GIE des commissaires-priseurs et M. V. en annulation de la vente, le Crédit municipal ayant appelé en la cause M. Z.

 

Enonçant les solutions précitées, la Haute juridiction censure l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de l’acquéreur tendant à condamner le Crédit municipal, le GIE et l’expert à garantir la restitution du prix de vente (cf. l’Ouvrage «Contrats spéciaux» N° Lexbase : E7471E9L).

newsid:463958

Responsabilité médicale

[Brèves] Responsabilité du médecin qui n’a pas sollicité les résultats auprès du laboratoire d’un examen de dépistage de la trisomie 21

Réf. : Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-27.506, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1959XMI)

Lecture: 2 min

N3920BXH

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par Laïla Bedja

Le 16 Mai 2018

Commet une faute, le médecin gynécologue qui ne sollicite pas auprès du laboratoire qui l’a réalisé le résultat de l’examen sanguin de dépistage de la trisomie 21, dès lors qu’il n’existait aucun élément médical, biologique ou échographique autre que ce test permettant de suspecter un risque de trisomie 21, que le protocole en vigueur entre ce médecin et le laboratoire de biochimie du centre hospitalier de Mamao prévoyait que celui-ci n’informait le médecin prescripteur du résultat du test que dans le cas d’un risque de trisomie 21, ce qui avait conduit ce praticien à considérer, en l’absence de transmission du résultat de ce test, que celui-ci était normal et qu’en raison de ce protocole, les dysfonctionnements des laboratoires avaient eu comme conséquence un défaut de prescription d’une amniocentèse.

Ayant prescrit l’examen, le médecin devait être en mesure d’informer elle-même sa patiente quant à son résultat, sans dépendre des aléas d’une communication par les laboratoires. Enfin, l’intervention des médecins biologistes des laboratoires chargés du test ne pouvait pas la dispenser d’en demander le résultat et elle n’était pas fondée à opposer à la patiente l’absence de toute réponse des laboratoires relative à l’examen ordonné ni à se prévaloir de leur erreur ou de leur négligence.

Est également fautif le fait de ne pas s’assurer du résultat de ce test dès lors que le dossier médical de la patiente, transmis à un confrère, ne contenait pas de réponse au test demandé et que ce praticien ne pouvait fonder son diagnostic sur le défaut de réponse des laboratoires. Telle est la solution retenue pas la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2018 (Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 16-27.506, FS-P+B+I N° Lexbase : A1959XMI).

 

Dans cette affaire, lors de la visite du troisième mois de grossesse, Mme B, gynécologue de Mme Z, et chargée de suivre la grossesse de cette dernière, a, le 11 décembre 1999, prescrit un test sanguin destiné notamment à déceler un risque de trisomie 21, à effectuer entre le 15 décembre 1999 et le 4 janvier. Le 6 janvier 2000, Mme Z a fait réaliser le prélèvement au sein du laboratoire C qui l’a transmis au laboratoire du centre hospitalier de Mamao. N’étant pas équipé du logiciel permettant de pratiquer l’analyse au-delà de la dix-huitième semaine, le prélèvement fut envoyé à un laboratoire à Paris. Les résultats du test ont mis en évidence un risque accru de 1/110 de donner naissance à un enfant atteint de trisomie 21, mais n’ont été transmis ni au médecin du laboratoire du centre hospitalier de Mamao, ni à Mme B, ni à Mme Z. Mme Z a ensuite été suivie par M. X. Elle a donné naissance à l’enfant A, atteinte de trisomie 21.

 

Les parents de l’enfant A ont assigné Mme B et M. X en responsabilité et indemnisation, en soutenant que l’absence de diagnostic de la trisomie 21 les avaient privés de la possibilité de demander une interruption médicale de grossesse. La cour d’appel de Papeete (CA Papeete, 7 juillet 2016, n° 13/00283 N° Lexbase : A3108RXE), statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 31 octobre 2012, n° 11-22.756, F-D N° Lexbase : A3207IWP), a condamné les médecins in solidum au paiement de différentes sommes aux parents en réparation des préjudices résultant du handicap de leur fille. Pourvoi est formé par les praticiens.

 

En vain. Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette leur pourvoi (cf. l’Ouvrage «Droit médical» N° Lexbase : E5442E7P).

newsid:463920

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] TVA : application du taux normal aux bières dont le titre alcoométrique volumique est égal ou supérieur à 0,5 %

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 4 mai 2018, n° 417475, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6305XMH)

Lecture: 2 min

N3960BXX

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Mai 2018

Il résulte du paragraphe 3 de l'article 98 de la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 (N° Lexbase : L7664HTZ), relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et du chapitre 22 de la nomenclature combinée annexée au Règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 (N° Lexbase : L8871AU4), relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, relatif aux boissons, liquides alcooliques et vinaigres, que doivent, en l'absence de définition spécifique donnée par la loi fiscale des boissons non alcooliques, être regardées comme telles, au sens des dispositions du 1° de l'article 278-0 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L3043I7T), les boissons dont le titre alcoométrique volumique n'excède pas 0,5 %. Ce taux alcoométrique volumique s'applique, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'ensemble des boissons non alcooliques, sans qu'il y ait lieu de se référer aux catégories de boissons retenues en matière de droits d'accises sur les alcools. Ainsi, le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux bières dont le titre alcoométrique volumique est égal ou supérieur à 0,5 %.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 4 mai 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 4 mai 2018, n° 417475, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6305XMH).

 

Aux termes du paragraphe 180 du commentaire administratif attaqué, publié le 19 septembre 2014 au BoFiP, relatif aux produits imposables à la TVA au taux normal : «L’ensemble des boissons […] dont le titre alcoométrique volumique est égal ou supérieur à 1,2 % vol. ou à 0,5 % vol. pour les bières relève du taux normal. Il en va de même pour les produits composés de fruits et d’alcool ou les produits en bocaux baignant dans l’alcool, les liqueurs fabriqués à partir des cafés, thés, chicorés et leurs succédanés». La société K. demande l’annulation des termes «ou à 0,5 % vol. pour les bières».

 

Le Conseil d’Etat décide que dès lors que les commentaires contestés ne donnent pas une interprétation erronée de la loi fiscale en ce qui concerne le taux de TVA applicable aux bières, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que ces mêmes commentaires méconnaîtraient le principe d’égalité. D’autre part, la loi prévoyant l’application du taux réduit de TVA à toutes les boissons non alcooliques, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité du système commun de TVA ne peut être qu’écarté (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X6534ALL).

newsid:463960

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