Le juge d'un Etat membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure principale d'insolvabilité est-il compétent pour connaître d'une action en extension, dirigée contre une société ayant son siège dans un autre Etat membre. Telle est la question soulevée par un pourvoi en cassation (Cass. com., 13 avril 2010, n° 09-12.642, FS-P+B
N° Lexbase : A0611EWK ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E1845EQE). La Cour de cassation relève que, selon l'article 4 du Règlement n° 1346/2000 (
N° Lexbase : L6914AUM), la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat d'ouverture, laquelle détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité et qu'aux termes de l'article L. 621-2 du Code de commerce (
N° Lexbase : L4056HBT), la procédure ouverte en France peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes, à cette fin le tribunal ayant ouvert la procédure initiale restant compétent. Selon la Cour, l'impossibilité de démêler les liens entre deux sociétés dont les patrimoines sont confondus impose l'unicité de procédure et de compétence prévue à l'article L. 621-2. Toutefois, si le constat de la confusion des patrimoines permet, en droit interne, l'extension de la procédure collective, extension qui emporte unicité de la procédure collective, ce constat est sans incidence sur la personnalité juridique des deux sociétés. Se pose, néanmoins, la question de la compatibilité de cette règle de droit interne avec les règles de compétence posées par le Règlement. Or, au vu des textes et de la jurisprudence de la CJCE, il apparaît que l'action aux fins d'extension pourrait, d'un côté, s'analyser comme une action en ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou de l'autre, appartenir à la catégorie des actions qui dérivent directement de la procédure initiale et qui s'y insèrent étroitement. En conséquence, la Cour de cassation sursoit à statuer et renvoie à la CJUE aux fins de répondre à deux questions :
- lorsqu'une juridiction d'un Etat membre ouvre la procédure principale d'insolvabilité d'un débiteur, en retenant que le centre de ses intérêts principaux est situé sur le territoire de cet Etat, le Règlement s'oppose-t-il à l'application par cette juridiction d'une règle de son droit national lui donnant compétence pour étendre la procédure à une société dont le siège statutaire est fixé dans un autre Etat membre, sur le seul fondement de la constatation d'une confusion des patrimoines du débiteur et de cette société ?
- si l'action aux fins d'extension doit s'analyser comme l'ouverture d'une nouvelle procédure d'insolvabilité, subordonnée, pour que le juge de l'Etat membre initialement saisi puisse en connaître, à la démonstration que la société visée par l'extension ait dans cet Etat le centre de ses intérêts principaux, cette démonstration peut-elle découler du seul constat de la confusion des patrimoines ?
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