Réf. : Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-44.006, [lxb=A0067AZI]
Lecture: 5 min
N3417AAS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Dirk Baugard, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
Le 07 Octobre 2010
La cour d'appel de Paris fit droit aux demandes du salarié par un arrêt rendu le 4 août 2000. La société Wyeth Lederlé forma alors un pourvoi en cassation contre cette décision.
Rappelons qu'en cas de transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, les salariés protégés concernés ne peuvent être transférés que si l'inspecteur du travail autorise ce transfert, après avoir vérifié qu'aucun motif discriminatoire n'est intervenu dans cette décision de l'employeur.
En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui faisait l'objet du pourvoi avait retenu qu'il y avait bien eu rupture du contrat de travail du salarié par la société Wyeth Lederlé, celle-ci ayant apparemment imposé une modification unilatérale du contrat à ce dernier en changeant son secteur géographique et en cessant de le rémunérer à partir du 17 mars 1999. Les juges du fond considéraient que cette entreprise aurait alors dû solliciter l'autorisation de l'inspection du travail afin de licencier le salarié, et que la situation dans laquelle elle avait mis le salarié constituait un trouble manifestement illicite.
La Cour de cassation considère que la cour d'appel de Paris a violé les articles L. 122-12, alinéa 2, ([lxb=L5562ACY]) et L. 122-14 ([lxb=L5565AC4]) du Code du travail en jugeant de la sorte, "alors qu'il résultait de ses constatations et énonciations que le contrat de travail de l'intéressé avait été transmis à la société Laboratoires Fornet à la date de la notification qui lui avait été faite, le 16 mars 1999, de la décision de l'inspecteur du travail autorisant ce transfert, en sorte que la société Wyeth Lederlé n'était plus son employeur à la date de la saisine, le 24 août 1999, du juge prud'homal des référés". En application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ([lxb=L2884AD8]), la Cour régulatrice juge qu'il n'y a pas lieu à renvoi, la cassation n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, de telle sorte qu'elle déboute le salarié de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Wyeth Lederlé.
La solution retenue par la Cour de cassation est a priori sans surprise, puisqu'elle avait déjà été retenue à de nombreuses reprises (Cass. soc., 16 janvier 1990, n° 88-40.054, [lxb=A7846AGP], Bull, V, n°11).
Contrairement à ce qui a pu être parfois dit, elle est pleinement compatible avec la jurisprudence de la CJCE et plus particulièrement avec son arrêt Katsikas (CJCE, 16 décembre 1992, n° C-132/91, [lxb=A5809AYS]). En effet, si la Cour de Luxembourg énonce "que la directive ne fait pas obstacle à ce qu'un travailleur employé par le cédant s'oppose au transfert au cessionnaire de son contrat ou de sa relation de travail", elle n'en retient pas moins que les Etats membres sont libres de considérer que le salarié ne peut s'opposer à ce transfert. Bref, c'est aux Etats de déterminer les conséquences attachées à ce refus. Contrairement au droit allemand, la Cour de cassation persiste à considérer par la décision commentée qu'il n'existe pas de droit au refus du transfert du contrat de travail.
Cette question ne pourrait-elle pas, pourtant, être revisitée à la lumière du récent arrêt dit Maldonado rendu par la Cour de cassation le 20 mars 2002 (Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-41.651, [lxb=A3121AYA]) ? Permettre à un salarié de se retourner contre son ancien employeur alors que toutes les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail sont applicables, n'est-ce pas déjà mettre en cause le caractère d'ordre public absolu de ce texte ? Or, c'est bien ce caractère qui est généralement présenté comme la justification de l'absence de véritable droit de refus du salarié en cas de transfert de son contrat de travail. On notera, toutefois, que la situation dans laquelle l'article L. 122-12, alinéa 2, est contourné et celle où le salarié s'oppose au transfert sont, de manière évidente, très différentes.
En l'occurrence, aucune rupture n'était intervenue avant le transfert du contrat. Par conséquent, le salarié ne pouvant s'y opposer, il lui était impossible de s'adresser à son ancien employeur.
Il convient également de rappeler que les conséquences du refus du salarié ne sont pas aussi claires qu'on pourrait le souhaiter. Certes, la Cour de cassation a déjà jugé que le refus du salarié s'analyse en une démission (Cass. soc., 5 novembre 1987, n° 85-40.629, [lxb=A1516ABR], Bull, n° 616). Cette analyse peut toutefois être contestée au regard de la conception restrictive qu'a généralement la Cour de cassation de la démission : le refus de travailler pour le nouvel employeur manifeste-t-elle sans équivoque la volonté de démissionner ?
En l'occurrence, c'est le repreneur qui avait demandé l'autorisation de licencier le salarié. Effectivement, le refus du salarié d'exécuter son contrat de travail est une faute qui justifierait la rupture du contrat, sans qu'on puisse y attacher systématiquement la qualification de faute grave. C'est, certainement, la voie du licenciement qu'il conviendrait de privilégier ici.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:3417
Réf. : Arrêté n° NOR : ECOT0220022A du 18 juin 2002, portant homologation du règlement n° 2002-05 de la Commission des opérations de ... (N° Lexbase : L4315A4L)
Lecture: 1 min
N3459AAD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 22 Septembre 2013
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:3459