D'abord, les termes de modération et de délicatesse sont suffisamment précis dans la langue française et les usages, spécialement en matière de déontologie, pour exclure tout arbitraire et que l'avocat, qui prête serment et qui s'oblige à respecter des principes essentiels dont il ne peut ignorer le sens et la portée, spécialement quant à la modération et à la délicatesse, est en mesure de connaître à l'avance la nature et la cause du manquement qui peut lui être reproché de ce chef. Ensuite, le propos tenu de "traître génétique", exprimé sans nécessité et ne traduisant aucune idée, aucune opinion ou aucune information susceptible d'alimenter une réflexion ou un débat d'intérêt général, manifestait une animosité personnelle à l'égard du magistrat concerné, de sorte que ce propos, outrageant pour la personne même de l'avocat général en ce qu'il mettait en cause son intégrité morale, ne pouvait être justifié par la compassion de l'avocat sanctionné pour sa cliente, ni par la provocation ressentie dans l'exercice de sa mission de défense, même dans le contexte polémique suscité par un crime odieux, au cours duquel la question de l'antisémitisme était posée. Le pourvoi formé à l'encontre d'un arrêt d'appel confirmant l'avertissement infligé à un avocat pour contravention aux principes essentiels de la profession est rejeté, la restriction apportée à sa liberté d'expression étant nécessaire pour assurer tant la protection des droits d'autrui que l'autorité et l'impartialité de l'institution judiciaire. Telle est la portée d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 10 juillet 2014 (Cass. civ. 1, 10 juillet 2014, n° 13-19.284, F-P+B
N° Lexbase : A4344MUG ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6573ETM et N° Lexbase : E1682EUT). Dans cette affaire, dans son édition du 23 au 29 juillet 2009, l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur a publié un article intitulé
Gang des barbares - la botte de X citant les propos de l'avocat qualifiant Me Y, avocat général en charge de cette affaire criminelle, de "traître génétique" en référence au passé de collaborateur du père de celui-ci, condamné à la Libération. Une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de Me X. Pour renvoyer Me X des fins de la poursuite, la cour d'appel de Paris avait retenu qu'en raison des circonstances particulières de l'affaire, les propos violents de l'avocat ne constituaient pas un manquement à l'honneur, à la délicatesse et à la modération, puisqu'il s'agissait d'une réplique à une intervention de l'avocat général (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 24 mars 2011, n° 10/20346
N° Lexbase : A7966HRH). La Cour de cassation n'a pas été de cet avis et a cassé l'arrêt, puis renvoyé l'affaire (Cass. civ. 1, 4 mai 2012, n° 11-30.193, FS-P+B+I
N° Lexbase : A6570IKK). La cour d'appel de Lyon ayant reconnu l'avocat coupable de manquement à l'honneur, à la délicatesse et à la modération, l'avocat se pourvoyait, sans succès, à nouveau devant la Cour de cassation.
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