Le Quotidien du 22 août 2025

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[Questions à...] Les transformations à l’œuvre en matière de fusions-acquisitions - Questions à François Baylion, avocat associé, cabinet BDGS

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N2145B3T

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Le 28 Juillet 2025

Mots clés : rachats d'entreprises • fusions-acquisitions • break up fees  IA générative • options d’achat

Alors que le marché français des fusions-acquisitions n’a crû que de 3 % en 2024, pour atteindre 160 milliards de dollars (155 milliards d’euros), les transactions réalisées à travers le monde ont totalisé dans le même temps 3 538 milliards de dollars, en progression de 12 %. Début 2025, les multinationales cherchaient à développer leur présence aux États-Unis avant de finalement prendre peur devant la politique économique imprévisible de la nouvelle administration Trump. Pour analyser ces bouleversements et aussi appréhender de quelle manière l'IA générative pourrait révolutionner ce secteur, Lexbase a interrogé François Baylion, avocat associé du cabinet BDGS au sein de la pratique fusions-acquisitions et droit des sociétés*.


 

Lexbase : Quels sont les pièges courants des opérations de fusion-acquisition, de la signature à l'intégration ?

François Baylion : Pour mieux appréhender les pièges et risques juridiques courants des opérations de M&A, il est effectivement utile d’apprécier ces risques au regard des phases d’une opération de M&A.

Avant même la signature de l’opération de M&A, il y a deux phases structurantes dans la gestion des risques : l’initiation du processus M&A et la phase de due diligences.

Lors de ces phases, les risques se posent de façon différente selon que l’on est sell side ou buy side.

Côté sell side, les principaux pièges sont (i) une mauvaise construction du processus de cession (dossier trop diffusé ou auprès des mauvais acteurs de marché, mauvaise gestion de la confidentialité, calendrier de cession mal préparé, droits de tiers non purgés), et (ii) une mauvaise préparation des due diligences (absence de VDD structurées, mauvaise ou non-couverture de certains aspects importants).

Côté buy side, les principaux pièges sont avant tout (i) la réalisation de due diligences insuffisantes ou mal calibrées par rapport à la cible et son secteur, et (ii) une mauvaise appréhension des autorisations réglementaires et antitrust ou du caractère compétitif du deal.

Au moment de la négociation de la documentation d’acquisition et la signature de l’opération de M&A, les principaux risques sont alors :

  • une mauvaise structuration du prix qui sera génératrice d’expertise, voire de contentieux (mauvaise définition des termes comptables et financiers, mauvaise définition des leakages en cas de locked box, mauvaise définition des indemnités spécifiques) ;
  • une mauvaise gestion de la période intercalaire (covenants insuffisants ou inadaptés), à apprécier à l’aune du risque de gun jumping ;
  • une mauvaise gestion des conditions suspensives ;
  • un calendrier d’exécution inadapté au regard des contraintes réglementaires ou antitrust ;
  • et une approche inadaptée en matière de resp & warranties.

Enfin, il existe des risques spécifiques qui peuvent être liés à des opérations de M&A plus particulières, dont notamment :

  • pour les opérations de LBO, la gestion des problématiques liées au financement du LBO et à la construction d’un management package dans un environnement fiscal de plus en plus contraint ;
  • pour les opérations réalisées en consortium ou en JV, la gestion des équilibres de gouvernance entre les différents acteurs, la gestion des conflits d’intérêts, la question de la liquidité entre les membres, et les conséquences antitrust de la mise en consortium ou en JV ;
  • pour les acquisitions entre concurrents ou entre sociétés industrielles, la gestion de l’échange d’informations commerciales sensibles, à apprécier à l’aune du risque d’entente ;
  • ou pour les opérations boursières, la gestion du marché, troisième partie prenante d’une opération de M&A, et des informations privilégiées.

Au total, si les avocats sont peu sollicités sur l’aspect intégration d’une opération de M&A, une meilleure gestion possible des risques juridiques mentionnés ci-avant est de nature à faciliter pour nos clients ce travail d’intégration.

Lexbase : De quelle manière votre cabinet y répond-il ? Avec quelle valeur ajoutée ?

François Baylion : Notre cabinet présente certaines spécificités que nous souhaitons distinctives pour répondre à ces risques en offrant le maximum de valeur ajoutée à nos clients.

L’ensemble de nos associés ont tout d’abord une très bonne compréhension de l’ensemble des parties prenantes à une opération de M&A.

Nous avons ainsi la capacité de comprendre et anticiper la réaction des différentes parties prenantes d’une opération de M&A autres que les parties à l’opération (tutelles, interlopers, etc.) et davantage si l’opération présente des complexités en matière de régulation ou de marchés.

Nous disposons également tous d’une connaissance sectorielle large et d’une expertise qui va au-delà du simple M&A, en ayant des expériences poussées en matière de gouvernance, pré-contentieux, expertise de gestion, suivi de participation, etc.

Nous offrons ainsi à nos clients la possibilité de bénéficier d’une expérience poussée en matière de précédents qui nous permet d’appréhender les risques pouvant ressortir de situations déjà vécues.

Pour exemple, nos associés présentent, en cumulé, plus d’un siècle d’expérience en droit boursier !

Par la qualité de nos parcours et des profils que nous recrutons, nous bénéficions d’une compréhension fine des enjeux financiers des opérations de M&A qui nous permet de recommander à nos clients la meilleure approche face à un risque identifié (traitement en resp & warranties, D&I, ou factorisation dans le prix).

Enfin, nous avons une approche originale quant à notre panel d’intervention en se concentrant essentiellement sur les tâches à haute valeur ajoutée.

Ainsi, pour les exercices de due diligences, nous avons pris pour stratégie de nous appuyer sur des spécialistes de ce type de services dans l’intérêt du rendu au client et de son coût (pratique que nous avons reprise des États-Unis).

Cette spécificité se retrouve également dans notre stratégie internationale où nous privilégions les liens personnels et les équipes les mieux placées sur un sujet donné plutôt que les systèmes d’alliance ou de best friend.

Lexbase : Le secteur des fusions-acquisitions semble se déplacer vers l'axe transatlantique. Cela vous inquiète-t-il ?

François Baylion : Nous ne pensons pas que les opérations transatlantiques seront dominantes dans le marché M&A en 2025. Comme l’a exprimé le Président Donald Trump, le mouvement MAGA ne veut pas dire Make M&A Great Again !

Nous voyons dans la politique conduite par les États-Unis avec les droits de douane, l’accélération d’une régionalisation des économies, dont les pays européens commencent à percevoir l’intérêt, voire la nécessité.

Pour prendre un exemple, dans le secteur de la Défense, le ministre chargé de l’Économie a annoncé que les investisseurs publics français, notamment la Caisse des Dépôts et Bpifrance, mobiliseront 1,7 milliard d’euros en capital, avec l’objectif d’atteindre jusqu’à 5 milliards d’euros de fonds propres grâce aux co-investissements privés dans des projets de défense. De même, l’Allemagne a annoncé un programme de 100 milliards d’euros sur les prochaines années.

Nous pensons qu’une fois les contrats sécurisés, les acteurs de la défense procéderont à des opérations de croissance externe pour acquérir des technologies ou des fournisseurs clés. Compte tenu de notre statut de cabinet français indépendant, notre connaissance des secteurs régulés, de l’écosystème français et de ses acteurs, nous pourrions jouer un rôle privilégié dans cette tendance de fond.

Ce n’est qu’un exemple des réflexions que nous pouvons mener. À titre d’autre exemple, l’histoire enseigne que dans les périodes de troubles, l’activiste actionnarial peut facilement renaître sur des acteurs placés en difficulté. Nous disposons là encore, sur ce type de sujet, d’une expérience approfondie en matière de réponses aux activistes et de restructuration préalable aux difficultés (cas Comexposium ou Clariane à opposer au précédent Orpéa).

Enfin, si le mouvement des opérations transatlantiques est plus poussé qu’attendu, notre position de cabinet français indépendant offre un certain nombre d’atouts pour nos correspondants américains non présents en France. Nous sommes ainsi capables de leur offrir un haut niveau d’expertise et de compréhension des enjeux locaux, notamment en matière de régulation et d’investissements étrangers en France, éléments indispensables pour la réussite d’une opération cross border.

Lexbase : Des pratiques courantes là-bas comme les break up fees sont-elles amenées à se développer en France ?

François Baylion : Pour comprendre pourquoi la pratique du break up fees n’est pas majoritaire en France dans les opérations de M&A, il faut avant tout regarder son utilité par rapport aux autres instruments de deal protection.

Le break up fee a principalement pour objet de permettre à un vendeur de sécuriser sa transaction en contraignant l’acquéreur à payer une partie du prix d’acquisition (usuellement de l’ordre de 2 %) s’il s’avérait que l’acquéreur n’était pas en mesure de remplir les conditions suspensives, notamment en matière d’autorisations d’investissement ou antitrust.

L’effet pervers de ce type d’instrument de deal protection est qu’il pourrait permettre à un acquéreur de s’offrir une option d’achat (et donc une porte de sortie) si les conditions pour obtenir les autorisations d’investissement ou antitrust étaient plus onéreuses qu’anticipées.

Pour répondre à cette difficulté, la pratique a plutôt développé les clauses de type hell or high water ou des listes blanches ou noires d’engagements plus efficaces pour sécuriser la levée des conditions suspensives, notamment antitrust, par l’acquéreur.

À noter que l’utilisation des breaks up fees reste toutefois pertinente pour un certain types de conditions suspensives (type contrôle de change) avec des acquéreurs présents sur des juridictions où leur responsabilité peut-être plus difficile à rechercher (notamment certains acquéreurs asiatiques). Dans un tel cas, il est également important de s’assurer de la sécurisation de ce break-up fee qui devra alors faire l’objet d’une couverture (notamment une garantie à première demande auprès d’une banque).

Lexbase : Comment l'IA générative pourrait-elle s’installer dans votre pratique ? 

François Baylion : Nous avons déjà implanté l’IA générative au sein du cabinet pour de nombreuses tâches avec une valeur ajoutée limitée, telles que la relecture documentaire, la traduction, et un certain nombre de tâches de synthèse. Il en ressort encore la nécessité d’une revue poussée même si ces instruments font gagner un temps conséquent dans l’intérêt de nos clients.

Sur les aspects plus juridiques (recherches et clausiers), compte tenu de notre taille, notre stratégie n’est pas de développer un outil propriétaire mais plutôt de sélectionner les outils les plus performants. Nous sommes actuellement en phase de test des différents outils présents sur le marché (notamment les outils les plus connus comme GeNIA-L, Lexis IA, bientôt Harvey) avec des retours également intéressants.

Dans tous les cas, nous installons ces différents outils en restant vigilants à la confidentialité de nos documents et données clients (notamment en instaurant de bonnes pratiques pour prompter). Nous faisons sur ce sujet preuve de la même rigueur que celle que nous avons employée dans la construction de notre architecture informatique, réseau et téléphonie.

*Propos recueillis par Virginie Natkin, chargée d’affaires grands comptes Avocats et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

newsid:492145

Environnement

[Questions à...] Pollution de l’air dans la vallée de l’Arve, l’État défaillant ? Questions à Clémence du Rostu, Seban Avocats

Réf. : CAA Lyon, 3ème ch., 19 février 2025, n° 21LY00245 N° Lexbase : A35036ZR

Lecture: 8 min

N2180B37

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Le 28 Juillet 2025

Mots clés : environnement • pollution • lien de causalité • responsabilité de l'État • dioxyde d’azote

Dans un arrêt rendu le 19 février 2025, la cour administrative d’appel de Lyon estime que l’État a commis une faute engageant sa responsabilité pour insuffisance des mesures prises pour réduire les émissions de polluants au-dessous des seuils fixés par le Code de l’environnement dans le délai le plus court. Elle ajoute que l’incidence de la pollution atmosphérique est en lien de causalité directe avec l’aggravation des pathologies d'un enfant. Pour faire le point sur le fondement et les implications de cette décision, Lexbase a interrogé Clémence du Rostu, Seban Avocats*.


 

Lexbase : Quelles sont les

Très récemment, le Conseil d'Etat a toutefois considéré que la décision du 12 juillet 2017 était entièrement exécutée au regard des mesures adoptées depuis lors par l'Etat (CE, 25 avr. 2025, n° 428409, assoc. Les amis de la terre France)

décisions les plus marquantes jusqu'ici en matière de pollution de l'air ?

Clémence Du Rostu : La réglementation actuellement applicable est issue de la Directive (CE) 2008/50 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe N° Lexbase : L9078H3M. Le non-respect de cette Directive a déjà valu à la France d’être condamnée deux fois par la CJUE pour manquement. Il lui a d’abord été reproché le dépassement systématique et persistant de la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote (NO2) depuis le 1er janvier 2010 dans douze agglomérations et zones de qualité de l’air françaises [1]. Puis il a été reconnu que la France n’avait pas veillé, d’une part, à éviter le dépassement systématique des valeurs limites journalières applicables aux concentrations de microparticules (PM10) dans certaines régions et, d’autre part,  à ce que les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement de cette valeur limite soit la plus courte possible [2].

Au niveau national, plusieurs condamnations ont également été prononcées par les juridictions administratives.

C’est d’abord par le biais du recours pour excès de pouvoir que le Conseil d’État a reconnu la méconnaissance des règles issues de la directive du 21 mai 2008 transposées en droit interne, et plus spécifiquement des articles L. 222-1 N° Lexbase : L1756MHI, L. 222-4 N° Lexbase : L3082KGA et L. 222-5 N° Lexbase : L9600LHZ du Code de l’environnement [3]. Dans cet arrêt le juge annulait les décisions implicites de rejet du Président de la République et des ministres concernés relatives, d’une part, à la mise en œuvre de toutes mesures permettant d’éviter le dépassement des seuils de concentration en  particules fines et en dioxyde d'azote et, d’autre part, à l'élaboration d'un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l'air ayant pour objet de définir les mesures appropriées permettant de ramener, dans chacune des zones et agglomérations du territoire national concernées, les concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote à l'intérieur des valeurs limites fixées à l'annexe XI de la directive. Le juge enjoignait par ailleurs aux autorités en cause d’adopter les mesures sollicitées, ce qui l’a conduit à condamner l’État à deux reprises au paiement d’astreintes pour n’avoir pas pris les mesures suffisantes en exécution de cette injonction [4].

Très récemment, le Conseil d'État a toutefois considéré que la décision du 12 juillet 2017 était entièrement exécutée au regard des mesures adoptées depuis lors par l'État [5].

Sur le plan indemnitaire, le juge administratif a, dans un premier temps, reconnu la faute de l’État susceptible d’engager sa responsabilité dès lors qu’il était admis que les instruments déployés par l'État, notamment le plan de protection de l'atmosphère (PPA), ainsi que les mesures prises pour sa mise en œuvre, ont été insuffisants puisqu’ils n'ont pas permis que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible [6]. Néanmoins, la faute ainsi reconnue n’a pas conduit à l’indemnisation de la victime faute de lien de causalité établi entre le manquement constaté et le préjudice allégué. C’est seulement très récemment qu’un tel lien a été établi, le juge ayant ainsi condamné l’État à indemniser une famille pour l’aggravation des maladies respiratoires contractées par un enfant, provoquées par l’insuffisance des mesures de réduction de la pollution de l’air [7].

Lexbase : La vallée de l'Arve a-t-elle déjà fait l'objet de telles décisions ? En quoi est-elle plus à risque que les autres secteurs ?

Clémence Du Rostu : La Vallée de l’Arve est un secteur fréquemment concerné par des pics de pollution et, partant, par les mesures de restrictions et d’interdictions qui s’imposent. Cette fréquence s’explique par la topographie de la Vallée : sa situation encaissée ne permet pas aux particules fines, provenant majoritairement de la combustion de chauffage au bois et des véhicules, de se disperser, notamment en période touristique lorsque de nombreux automobilistes se concentrent dans la zone. Plusieurs types de polluants sont constatés : les particules fines (PM10), les oxydes d’azote (Nox), les hydrocarbures aromatiques polycliniques (HAP) et l’ozone. Il s’agit donc d’une zone particulièrement exposée où 8% des décès seraient attribuables aux particules fines, soit 85 décès par an [8].

Le PPA 2019-2023 de la Vallée préconise ainsi un certain nombre de mesures spécifiques telles que l’interdiction d’utiliser tout dispositif de chauffage au bois à foyer ouvert ou encore des limitations de vitesse de circulation [9].

C’est notamment du fait de la mauvaise qualité de l’air de cette zone géographique que certaines actions contre l’État ont été engagées. Ainsi, d’abord, la Vallée de l’Arve était au nombre des zones concernées par le dépassement systématique et persistant de la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote (NO2) ayant conduit la CJUE à condamner la France [10]. De même les décisions implicites de rejet des autorités étatiques annulées par le juge [11] concernaient également, entre autres zones, le cas de la Vallée de l’Arve. S’agissant de ce contentieux, il est toutefois utile de relever que les astreintes auxquelles l’État a ensuite été condamné n’ont pas été justifiées par la situation de la Vallée pour laquelle les juges ont considéré que les mesures adoptées ultérieurement par l’État avaient été suffisantes [12].

Lexbase : La décision de la cour administrative d’appel contient-elle une avancée spécifique en la matière ?

Clémence Du Rostu : La décision de la cour administrative d’appel s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence rendue en matière de responsabilité de l’État du fait de la pollution de l’air.

La décision avant-dire droit, rendue le 13 décembre 2023 [13], reprend  le raisonnement du juge dans ce domaine :

  • elle reconnaît l’existence d’une faute de l’État dès lors qu’il est admis que le PPA de la Vallée de l'Arve adopté le 16 février 2012 et les moyens dont il prévoyait la mise en œuvre étaient insuffisants pour empêcher une méconnaissance des valeurs limites sur une durée qui serait la plus courte possible ;
  • la carence des services déconcentrés de l’État n’est, en revanche, pas retenue [14] ;
  • le lien de causalité entre la faute reconnue de l’État et le préjudice allégué pose question et doit être vérifié. De manière assez nouvelle, le juge ordonne alors une expertise pour établir l’existence ou non de ce lien de causalité.

C’est donc au terme de cette expertise que le lien de causalité entre l’insuffisance des mesures prises par l’État et le préjudice allégué est établi par le juge dans l’arrêt ici examiné.

Sans être totalement novatrice dès lors que le mouvement a été enclenché par la cour administrative d’appel de Paris au mois d’octobre 2024, cette décision conforte donc la position du juge qui n’hésite plus à condamner l’État du fait des préjudices causés par la pollution de l’air qu’il n’a pas su empêcher.

Lexbase : Quelles seraient les mesures véritablement efficaces que l'État pourrait prendre pour améliorer la situation ?

Clémence Du Rostu : À suivre les décisions rendues dans ce domaine, la carence de l’État réside principalement dans le fait qu’il n’a pas adopté les mesures suffisantes pour éviter le franchissement des seuils de pollution dans le cadre des PPA. Certains de ces plans ont d’ailleurs émergé ou ont été révisés très tardivement. Il est donc utile que l’État veille, dans l’élaboration des PPA, à adopter des mesures concrètes et efficaces. La mise en œuvre de ces PPA doit également être contrôlée afin d’assurer l’effectivité de la politique de lutte contre la pollution.

Aucune carence n’est en revanche reprochée, dans les espèces examinées, aux services déconcentrés de l’État dans la gestion de la pollution ou des pics de pollution au niveau local. Il semble donc utile de renforcer encore les actions à ce niveau pour plus d’efficacité. L’État peut également s’appuyer sur des acteurs publics locaux qui contribuent également à réduire la pollution de l’air (on peut par exemple citer la mise en place des ZFE).

 

[1] CJUE, 24 octobre 2019, aff. C-636/18 N° Lexbase : A3317ZSN.

[2] CJUE, 28 avril 2022, aff. C-286/21 N° Lexbase : A92717UW.

[3] CE, 12 juillet 2017, n° 394254 N° Lexbase : A6547WMG.

[4] CE, 10 juillet 2020, n° 428409 N° Lexbase : A17963RX et CE, 24 novembre 2023, n° 428409 N° Lexbase : A477014G.

[5] CE, 25 avril 2025, n° 428409 N° Lexbase : A58514ZQ.

[6] CAA Paris, 11 mars 2021, n° 19PA02873 N° Lexbase : A93874KU.

[7] CAA Paris, 9 octobre 2024, n° 23PA03742 N° Lexbase : A452059B et n° 23PA03743 N° Lexbase : A4488594.

[8] Pollution dans la vallée de l'Arve, Vers la fin de l'asphyxie ?, site Air et Santé.

[9] Plan de protection de l'atmosphère de la vallée de l'Arve, site de la préfecture de Haute-Savoie.

[10] CJUE, 24 octobre 2019, aff. C-636/18, préc.

[11] CE, 12 juillet 2017, n° 394254, préc.

[12] CE, 10 juillet 2020 n° 428409 et CE, 24 novembre 2023, n° 428409.

[13] CAA Lyon, 13 décembre 2023, n° 21LY00245 N° Lexbase : A666918I.

[14] Pour une décision similaire, voir CAA Versailles, 23 mai 2023, n° 19VE03054 N° Lexbase : A62899WT.

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Marchés publics

[Dépêches] Informations obtenues grâce à l’engagement d’un ancien cadre du concurrent évincé : possible rupture du principe d’égalité de traitement

Réf. : CJUE, 12 juin 2025, aff. C-415/23 P, OHB System AG c/ Commission européenne N° Lexbase : B1929AIB

Lecture: 2 min

N2622B3I

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par Yann Le Foll

Le 28 Juillet 2025

Les informations obtenues grâce à l’engagement d’un ancien cadre du concurrent évincé pouvant avoir donné un avantage injustifié au soumissionnaire l’ayant recruté, le pouvoir adjudicateur doit vérifier que cette situation n’est pas susceptible d’entraîner un manquement au principe d’égalité de traitement.

Au cours de la procédure d’appel d’offres, la société n’ayant pas vu son offre finalement retenue a informé la Commission (ici pouvoir adjudicateur) que son ancien directeur général administratif, lequel avait eu à l’époque un accès étendu aux données du projet de son offre, avait entretemps rejoint la société attributaire, où il avait été placé à la tête du département chargé de l’offre soumise par cette dernière entreprise. Selon elle, les informations sensibles obtenues par l’ancien employé de l’entreprise requérante auraient procuré à sa concurrente un avantage indu dans la procédure en question. La Commission a cependant estimé que ce n’était pas un motif suffisant pour exclure la société de la procédure de passation.

La CJUE indique qu’en présence de tout élément objectif mettant en doute le caractère autonome et indépendant d’une offre, rapporté non seulement par des preuves directes, mais également au moyen d’indices, le pouvoir adjudicateur est tenu de vérifier toutes les circonstances pertinentes ayant conduit à la présentation de cette offre, y compris l’existence d’éventuels conflits d’intérêts.

En considérant qu’il convenait d’écarter l’argument de la société tiré du niveau de preuve requis et de la répartition de la charge de la preuve au seul motif que la saisine de l’instance exigeait que le pouvoir adjudicateur eût des indices suffisants pour établir que le soumissionnaire était coupable d’une faute professionnelle grave menaçant les intérêts financiers de l’Union, le Tribunal de l’Union européenne a commis une erreur de droit.

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE, Les marchés publics : définitions et champ d'application, Les grands principes de la commande publique, in Marchés Publics – Commande publique (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E9082ZMC.
  • Lire O Garreau, Sur l’application du principe d’impartialité, en matière de marchés publics, au recrutement, par le candidat, d’un salarié d’une société ayant participé à l’élaboration de la procédure de mise en concurrence, Lexbase Public n° 516, 2018 N° Lexbase : N5639BX7.

 

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