Réf. : Cons. const., décision n° 2024-865 DC, du 7 mai 2024, relative à la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes N° Lexbase : A61205AW
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N9290BZ4
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par Pauline Le Guen
Le 29 Mai 2024
► Saisi de la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes, le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les articles incriminant la provocation à abandonner ou suivre un traitement, ainsi qu’à adopter des pratiques dangereuses présentées comme thérapeutiques ou prophylactiques. Il censure en revanche comme « cavalier législatif » l’article 2 de cette loi.
Objet de la saisine. Le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi n° 2024-420, du 10 mai 2024, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes N° Lexbase : L3143MMD par deux recours émanant des députés et sénateurs. Ces derniers contestaient notamment la conformité à la Constitution de l’article 12 de la loi, ainsi que certaines dispositions de l’article 3.
Motifs de la saisine. Il était fait grief aux dispositions en cause :
Décision. Le Conseil constitutionnel reconnaît tout d’abord la conformité de l’article 223-15-3 à la Constitution. Il indique que le législateur a entendu incriminer le seul fait de placer ou maintenir une personne en état de sujétion physique ou psychologique dont il résulterait des conséquences gravement préjudiciables pour la victime. Par ailleurs, l’infraction n’est constituée que si l’auteur a usé de moyens propres à altérer le jugement de la victime, et que ses agissements lui ont causé une altération grave de sa santé. Dès lors, l’article 3 de la loi visée ne contrevient à aucune des libertés précitées, garanties par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.
L’article 12 de la loi est également déclaré conforme à la Constitution.
Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité. Le Conseil rappelle tout d’abord que l’alinéa premier de l’article 223-1-2 du Code pénal réprime la provocation à abandonner ou s’abstenir de suivre un traitement médical. Or, le délit doit se matérialiser par des pressions ou manœuvres réitérées, et l’abandon ou l’abstention doit être présenté comme bénéfique pour la santé. De plus, il n’est constitué que s’il est constaté que cet abandon ou abstention est manifestement susceptible d’entraîner des conséquences particulièrement graves pour la santé de la victime. L’auteur doit également avoir conscience de ces conséquences. Enfin, la provocation doit être adressée à toute personne atteinte d’une pathologie. Partant, la seule diffusion à un public indéterminé de ces provocations ne peut entrer dans le champ d’application de l’article. Le Conseil ajoute que le délit ne sera pas constitué si les circonstances établissent la volonté libre et éclairée de la personne. Ensuite, le Conseil rappelle que l’alinéa 2 de l’article 223-1-2 réprime la provocation à adopter certaines pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique. Il en résulte que le délit n’est constitué que si l’auteur diffuse des informations tendant à promouvoir de telles pratiques alors qu’elles exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures graves, et que ce dernier en a conscience. Dès lors, il résulte de ces observations que les dispositions de l’article 223-1-2 sont non équivoquent et suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire, et que le principe de légalité n’a pas été méconnu.
Enfin, sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’expression et de communication, le Conseil indique que les délits prévus par l’article précité visent à lutter contre la promotion de comportements ou pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé, alors qu’elles sont susceptibles de mettre en danger la santé des personnes. Le législateur a ainsi entendu protéger la santé, la sauvegarde de l’ordre public et prévenir les infractions. Dès lors, l’atteinte portée à la liberté d’expression était nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis.
Seul l’article 2 de la loi, qui donnait compétence aux conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance pour traiter des questions relatives aux dérives sectaires, est jugé contraire à la Constitution, cet article ayant été introduit sans avoir de lien avec les dispositions du projet de loi.
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Réf. : CE, 2e-7e ch. réunies, 11 avril 2024, n° 490484, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A161324I
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N9141BZL
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par Yann Le Foll
Le 14 Mai 2024
► Peut être demandé le sursis à exécution, en cassation, d'une décision par laquelle le juge du référé-provision d'appel, ayant annulé la décision du premier juge accordant la provision, rejette la demande de provision.
Rappel. Aux termes de l'article R. 541-6 du Code de justice administrative N° Lexbase : L2553AQM : « Le sursis à l'exécution d'une ordonnance du juge des référés accordant une provision peut être prononcé par le juge d'appel ou par le juge de cassation si l'exécution de cette ordonnance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés à son encontre paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier son annulation et le rejet de la demande ».
Principe. L'article R. 541-6 du Code de justice administrative est applicable aux demandes de sursis à exécution des décisions par lesquelles le juge des référés de première instance ou d'appel a accordé une provision.
Il ne fait pas obstacle à ce qu'il soit demandé au Conseil d'État, sur le fondement de l'article R. 821-5 du même code N° Lexbase : L3303ALW, de surseoir à l'exécution de la décision par laquelle le juge d'appel, après avoir annulé la décision du premier juge accordant la provision, rejette la demande de provision et oblige ainsi le demandeur à rembourser la provision qui lui avait été versée en exécution de la première décision.
Faits. La société Entreprise Construction Bâtiment (ECB) demande au Conseil d'État, sur le fondement de l'article R. 821-5 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3303ALW, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 11 décembre 2023 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'ordonnance du 14 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun (TA Melun, 14 avril 2023, n° 2104718 N° Lexbase : A26519PU) et rejeté la demande présentée par cette société, sur le fondement de l'article R. 541-1 du même code N° Lexbase : L2548AQG, tendant à la condamnation de la commune de Chessy à lui verser une provision de 317 635,83 euros HT.
Position CE. Si la société ECB soutient que l'exécution de l'ordonnance du 11 décembre 2023 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris, en lui faisant obligation de procéder au remboursement de la somme de 374 405 euros que la commune de Chessy lui a versée en exécution de l'ordonnance du 14 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, risquerait d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables compte tenu de sa situation financière, les documents comptables qu'elle produit à l'appui de sa requête ne démontrent pas l'existence d'un tel risque.
Décision. La requête de la société ECB est rejetée (v., sur la condition tenant à l'existence d'un moyen de nature à justifier l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond, CE, 6 novembre 2019, n° 430352, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8838ZTI).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Le juge des référés accordant une provision, Le pourvoi en cassation dirigé contre l'ordonnance rendue en appel par le juge du référé provision, in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E4202EXW. |
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Réf. : CE, sect., 13 mai 2024, n° 466541, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A35805B9
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N9299BZG
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par Yann Le Foll
Le 15 Mai 2024
► Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu'elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.
Faits. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant les juges du fond, que la décision de la chambre disciplinaire de première instance du secteur I de l’Ordre des sages-femmes a été notifiée à Mme X le 5 février 2021, le courrier procédant à cette notification comportant les mentions prévues à l’article R. 4126-44 du Code de la santé publique N° Lexbase : L7860LTB.
Si l’appel formé par cette dernière contre cette décision, qui a été adressé par voie postale, n’a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des sages-femmes que le 16 avril 2021, il n’est pas contesté qu’il a été expédié le 31 mars 2021 depuis la Polynésie française, où réside l’intéressée, soit avant l’expiration du délai d’appel imparti de trente jours, augmenté du délai de distance d’un mois, résultant des dispositions de l’article 643 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6758LEZ.
Décision. Par suite, il ne peut être soutenu que l’appel de Mme X était tardif. Dans un communiqué, le Conseil d’État précise que « le respect des délais de recours est l’une des conditions nécessaires pour qu’une contestation soit recevable devant le juge administratif. L’appréciation de ce délai se faisait jusqu’à présent sur la base de la date d’enregistrement du recours par le greffe de la juridiction administrative saisie (…) Pour que tous les justiciables, qu’ils utilisent ou non Internet, bénéficient en pratique du même délai de recours, le Conseil d’Etat fait évoluer sa jurisprudence () » par la présente décision (abandon jur., s'agissant de la référence au délai d'enregistrement, tempérée par la vérification de ce que le délai d'acheminement présente un caractère normal, CE Contentieux, 14 janvier 1910, n° 32699 N° Lexbase : A9861B7D ; CE, 20 février 1970, n° 77021 N° Lexbase : A3559B8C).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La requête introductive d’instance, Le dépôt de la requête introductive d’instance, in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E3667EX4. |
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Réf. : CE 3e et 8e ch. réunies, 5 avril 2024, n° 474968, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A95852ZZ
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N9164BZG
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par Marie-Claire Sgarra
Le 14 Mai 2024
► Est régulière la notification au contribuable, non pas de l’ampliation de l’avis de mise en recouvrement mais d’une copie certifiée conforme de cette ampliation, comprenant l’ensemble des mentions devant figurer sur l’avis de mise en recouvrement, qui ne prive le contribuable d’aucune de ses garanties.
Faits :
Procédure. La cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SARL contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes (CAA Versailles, 11 avril 2023, n° 21VE02091 N° Lexbase : A82079NB).
Principes :
En appel, la société soutenait que le comptable public ne lui avait pas régulièrement notifié l’AMR des impositions en litige dans le délai de reprise dès lors qu'il avait adressé au mandataire auprès duquel elle avait élu domicile non pas l'ampliation, mais une copie certifiée conforme de cette ampliation.
Solution. En jugeant, après avoir relevé par des motifs non contestés que la copie conforme adressée au mandataire comportait l'ensemble des mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement, que de telles modalités de notification, qui n'avaient privé la contribuable d'aucune de ses garanties, n'étaient pas entachées d'irrégularité, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Le pourvoi de la société est rejeté.
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Réf. : Cass. civ. 1, 4 avril 2024, n° 23-12.377, F-D N° Lexbase : A358123Z
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N9242BZC
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 14 Mai 2024
► La prescription de l'action en fixation de ses honoraires par le généalogiste dans le cadre d’un contrat de révélation de succession, qui est de deux ans, ne saurait commencer à courir antérieurement à la date à laquelle la mission et le mandat ont pris fin, indépendamment de l'établissement de décomptes et règlements intermédiaires.
L'action en fixation de ses honoraires par le généalogiste dans le cadre d’un contrat de révélation de succession, est soumise à la prescription, prévue à l'article L. 137-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L7231IA3, de deux ans impartis aux professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs.
Mais quel est alors le point de départ de ce délai ?
En l’espèce, un généalogiste avait été mandaté par un notaire en charge d’une succession afin de retrouver les héritiers.
Le 18 août 2014, le généalogiste et l’un des héritiers avaient signé un contrat de révélation de succession moyennant le règlement par ce dernier d'honoraires à hauteur de 20 % de la part lui revenant et des capitaux versés au titre de contrats d'assurance-vie.
Le 20 octobre 2014, l'héritier avait donné procuration au généalogiste pour effectuer les diligences nécessaires au règlement de la succession.
Le 17 mars 2016, le généalogiste a établi un décompte de ses honoraires, suivi d'un décompte complémentaire le 9 septembre 2019.
Le 13 novembre 2018, contestant le calcul des honoraires et sollicitant la restitution des sommes détenues par le généalogiste, l'héritier avait assigné celui-ci en paiement. Il soutenait que l’action en fixation de ses honoraires par le généalogiste était prescrite.
Il n’obtiendra pas gain de cause.
La Haute juridiction approuve l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau (CA Pau, 29 novembre 2022, n° 20/02482 N° Lexbase : A29438YN) qui avait retenu :
De ces constatations et énonciations, la cour d'appel avait exactement déduit, indépendamment des motifs surabondants critiqués par la première branche, que l'action du généalogiste n'était pas prescrite.
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newsid:489242
Réf. : Cass. civ. 2, 2 mai 2024, n° 21-22.541, FS-B N° Lexbase : A884729K
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N9295BZB
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 15 Mai 2024
► Il résulte de la combinaison des articles R. 3252-1, R. 3252-12, R. 3252-13 et R. 3252-15 du Code du travail que, le débiteur devant être informé, avant l'audience de conciliation, de l'objet de la demande et de l'état des sommes réclamées, le créancier ne peut substituer un autre titre exécutoire à celui qu'il a joint à sa requête.
Faits et procédure. Dans cette affaire, un jugement rendu le 26 janvier 2015, rectifié le 29 janvier 2015, a condamné une défenderesse à payer au demandeur une certaine somme correspondant au solde du prix d’un compromis de vente et à une autre somme au titre de son préjudice lié à la perte de chance. En octobre 2015, le créancier a sollicité, par requête, la saisie des rémunérations de la débitrice sur le fondement du jugement rectifié et d’une ordonnance du 12 août 2015 rendue par le premier président d’une cour d’appel refusant de suspendre l’exécution provisoire. En avril 2016, par procès-verbal de non-conciliation, un juge d’un tribunal d’instance a constaté que la défenderesse soulevait une contestation portant sur la créance sollicitée. Par un arrêt rendu le 23 mai 2017, le jugement rectifié a été reformé, et statuant à nouveau, la réitération devant notaire de la vente dans les conditions du compromis a été ordonnée en fixant notamment des conditions de consignation. Par ailleurs, la débitrice a été condamnée au titre de dommages et intérêts en indemnisation d’un préjudicie de jouissance à verser au créancier une certaine somme. Par jugement du 28 février 2019, un tribunal d’instance a statué sur la demande tendant à la saisie des rémunérations, et fixé la créance pour un certain montant. La défenderesse a interjeté appel à l’encontre de cette décision. La cour d’appel l’a déboutée de ses demandes.
Pourvoi. Le demandeur fait grief à l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 1er avril 2021, n° 19/07973 N° Lexbase : A11024N7) d'avoir autorisé la saisie de ses rémunérations à hauteur d’une certaine somme.
L’intéressée fait valoir que la cour d’appel a violé les articles R. 3252-12 N° Lexbase : L9204LT3, R. 3252-13 N° Lexbase : L9204LT3 du Code du travail et 542 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7230LEI. Elle soutient que le créancier ne peut substituer un titre exécutoire à celui qu'il a joint à sa requête en saisie des rémunérations.
En l’espèce, l’arrêt retient pour autoriser la saisie des rémunérations de la défenderesse que si, en principe, le créancier ne peut substituer un titre exécutoire à un autre dans le cadre d'une saisie des rémunérations. L’arrêt énoncé, il doit être admis qu’en l'espèce et du fait, compte tenu de l'exécution provisoire assortissant le jugement du 26 janvier 2015, et, de l'évolution du litige, que le fait pour le créancier de modifier son décompte, pour tenir compte de l'arrêt intervenu en mai 2017, constitue une actualisation de sa créance, recevable et au demeurant dans l'intérêt de la débitrice, sans qu’il soit nécessaire de déposer une nouvelle requête.
Solution. Énonçant la solution susvisée au visa des articles R. 3252-1 N° Lexbase : L8965H9W, R. 3252-12, R. 3252-13 et R. 3252-15 du Code du travail, la Cour de cassation, censure le raisonnement de la cour d’appel. Elle casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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