Réf. : TA Marseille, 8 avril 2024, n° 2307694 N° Lexbase : A680423E
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N9145BZQ
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par Yann Le Foll
Le 06 Mai 2024
► En l’absence de précautions contractuelles, la candidature du délégataire sortant et candidat au renouvellement de sa délégation de service public des jeux de casino, qui a des liens économiques avec le propriétaire du bâtiment accueillant le casino, est de nature à porter atteinte à la liberté d’accès à la commande publique, à l’égalité de traitement entre les candidats et à la transparence.
Faits. La commune de La Ciotat a, par contrat du 14 février 2023, délégué le service public des jeux de casino municipal à la société Pleinair casino à compter du 10 juin 2023, pour une durée de douze années. La légalité de ce contrat était contestée par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal, qui l’a résilié à compter du 31 décembre 2024.
Position TA. La commune a obligé les candidats à la délégation de service public des jeux de casino municipal à exploiter ce service dans le bâtiment abritant le casino, propriété de la société Partouche immobilier qui fait partie du groupe Partouche. Or, la société Pleinair casino, délégataire sortant et unique candidat à la délégation de service public en litige, titulaire d’un bail commercial, prorogé par un avenant du 11 octobre 2022 jusqu’au 30 juin 2035, fait également partie du groupe Partouche.
Ainsi, la société Pleinair casino entretient des liens économiques privilégiés avec la société Partouche immobilier.
En outre, celle-ci était juridiquement en mesure, d’une part, d’empêcher un candidat de présenter un dossier de candidature complet, et, d’autre part, de proposer aux candidats autres que la société Pleinair casino des conditions de location moins favorables que celles consenties à cette dernière par le bail commercial les liant depuis le 1er juin 2017.
Ainsi, la commune de La Ciotat n’a pas pris, comme le fait valoir le préfet des Bouches-du-Rhône, les précautions nécessaires afin que les intérêts liant le délégataire sortant, et candidat au renouvellement de sa délégation, au propriétaire des murs du casino, ne soient pas susceptibles de porter atteinte d’une part aux principes de liberté d’accès à la délégation de service public, et, d’autre part, au principe d’égalité de traitement des candidats.
Décision. Le contrat en litige est dès lors entaché d’un vice tenant à la méconnaissance de ces principes, s’opposant à la poursuite de l’exécution du contrat, qu’il convient de résilier dès lors que cette mesure, s’agissant d’un service non essentiel, et alors qu’une procédure de passation régulière peut avoir lieu, ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
Il convient toutefois, au regard de l’impossibilité légale pour la commune de reprendre l’exploitation des jeux de casino en régie, des conséquences immédiates d’une mesure de résiliation pour les salariés de la société Pleinair casino, des conséquences en matière d’attractivité de la commune au cours de la saison estivale, des pertes fiscales dues à la fermeture du casino, et au regard des délais nécessaires pour la passation d’une nouvelle délégation de service public et l’obtention, le cas échéant, d’une licence d’exploitation des jeux par un nouveau délégataire, de prononcer la résiliation du contrat en litige à compter du 31 décembre 2024 (office du juge dans le cadre du recours « Tarn-et-Garonne », CE, ass., 4 avrill 2014, n° 358994 N° Lexbase : A1509D3B).
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Le 04 Juin 2024
Membres du jury de thèse :
Directrice de thèse : Sylvie Cimamonti, Professeur à l’Université Aix-Marseille III
Domaine de la thèse : Droit processuel
École doctorale : École doctorale Sciences juridiques et politiques (ED 67)
► Pour lire la thèse, voir É. Vergès, La catégorie juridique des principes directeurs du procès judiciaire : Étude d’une catégorie juridique, 2000, Lexbase N° Lexbase : X0368CR3.
Résumé et apports de la thèse
Mots-clés : principes généraux du droit • procédure pénale
Les principes directeurs du procès judiciaire peuvent être considérés comme les principes généraux de la procédure. Ils ont été consacrés dans le nouveau Code de procédure civile sous la forme de dispositions liminaires et intégrés dans un article préliminaire du Code de procédure pénale. Pourtant, la réalité des principes directeurs déborde largement le cadre de leur consécration textuelle. Ces principes existent dans toutes les sources du droit.
Un tel constat appelle une question essentielle : les principes directeurs du procès judiciaire présentent-ils une singularité normative ?
La réponse peut être trouvée dans l'étude de la notion et de l'action des principes directeurs.
Dans la première partie consacrée à la notion de principe directeur, les principes sont des normes juridiques proches des faits sociaux. Ils assurent la transmission des finalités sociales aux règles techniques. Ces finalités prennent la forme d'une valeur ou d'une utilité. L'identification des principes s'opère grâce à trois caractères distinctifs : continuité, généralité et flexibilité.
Dans la seconde partie relative à l'action des principes directeurs, les principes encadrent le droit processuel. Ils définissent des lignes directrices qui constituent l'armature de cette discipline. Leur autorité normative conduit le juge a neutraliser l'application d'une règle technique formellement supérieure a un principe. On assiste alors à un bouleversement de la hiérarchie des normes et de la représentation du système juridique. Pourtant, au sein du procès judiciaire, la sanction des principes ne présente pas de particularité évidente.
Les principes directeurs du procès judiciaire sont des normes d'avenir dont le particularisme tend à se développer progressivement. Si l'on souhaite qu'ils jouent pleinement leur rôle dans le système procédural, il est nécessaire de modifier le droit positif dans le sens d'une reconnaissance formelle de la notion de principe juridique.
Sommaire de la thèse
Partie 1 : La notion de principe directeur du procès judiciaire N° Lexbase : X0155CR8
Titre 1 : Les origines des principes directeurs du procès judiciaire N° Lexbase : X0156CR9
Chapitre 1 : Les origines formelles des principes directeurs du procès judiciaire (la diversité des formes) N° Lexbase : X0157CRA
Chapitre 2 : Les origines matérielles des principes directeurs du procès judiciaire (la diversité des fins) N° Lexbase : X0164CRI
Titre 2 : Les caractères des principes directeurs du procès judiciaire N° Lexbase : X0171CRR
Chapitre 1 : Les caractères discutés des principes directeurs du procès judiciaire N° Lexbase : X0172CRS
Chapitre 2 : Les caractères adoptés des principes directeurs du procès judiciaire N° Lexbase : X0180CR4
Partie 2 : L’action des principes directeurs du procès judiciaire N° Lexbase : X0188CRE
Titre 1 : L’action des principes directeurs du procès judiciaire au sein du système normatif processuel N° Lexbase : X0189CRG
Chapitre 1 : L’action interne : les relations entre principes au sein du système des principes directeurs du procès judiciaire N° Lexbase : X0190CRH
Chapitre 2 : L’action externe : les relations entre les principes directeurs et les autres normes du droit processuel N° Lexbase : X0197CRQ
Titre 2 : L’action des principes directeurs sur le déroulement du procès judiciaire N° Lexbase : X0204CRY
Chapitre 1 : L’action des principes directeurs du procès judiciaire sur les actes de la procédure N° Lexbase : X0128CR8
Chapitre 2 : L’action des principes directeurs sur les acteurs du procès judiciaire
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Réf. : Cass. civ. 2, 25 avril 2024, n° 22-17.229, FS-B N° Lexbase : A9169284
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N9243BZD
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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D
Le 06 Mai 2024
► L'arrêt qui, au titre des pertes de gains professionnels actuels, n'a indemnisé que la perte de revenus de la victime liée à son placement en arrêt de travail, évaluée à la différence entre ses revenus antérieurs à l'accident et la pension d'invalidité qu'elle a perçue de l'organisme social après celui-ci, n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice ;
Le préjudice d'établissement constitué par la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap subsistant après consolidation, est un poste de préjudice à caractère permanent ; lorsqu'en raison de la longueur de la période temporaire, cette même perte est subie avant consolidation, elle peut être indemnisée au titre du déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie et des joies usuelles de l'existence ;
Le préjudice sexuel avant consolidation est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.
Contexte. Une question fréquemment soulevée dans le domaine de l'indemnisation des dommages corporels concerne les conditions d’évolution de la nomenclature « Dintilhac ». Ainsi que le précise le rapport « Dintilhac », la nomenclature « ne doit pas être appréhendée comme un carcan rigide et intangible conduisant à exclure systématiquement tout nouveau chef de préjudice sollicité dans l’avenir par les victimes, mais plutôt comme une liste indicative - une sorte de guide ». Il appartient à la Cour de cassation d’assurer un contrôle direct de qualification des postes de préjudice.
Dans ce nouvel arrêt, elle est interrogée sur la possibilité d’une réparation autonome à titre temporaire, pour une période antérieure à la consolidation, d’abord de l’incidence professionnelle, ensuite du préjudice sexuel et du préjudice d’établissement.
Faits et procédure. En l’espèce, la victime a été blessée le 24 juin 2008 par l'explosion d'un engin pyrotechnique lors d'une fête organisée par une association. Elle a assigné l'association et son assureur en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.
La victime est décédée des suites de ses blessures le 14 octobre 2017. Sa mère et ses frères sont intervenus volontairement à l'instance, tant à titre personnel qu'en leur qualité d'ayants droit.
Un arrêt du 24 juillet 2018, rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 14 janvier 2016, n° 14-29.147 et n° 15-14.517, F-D N° Lexbase : A9243N3Q), a déclaré l'association responsable des préjudices subis par la victime, déclaré l'assureur tenu à garantie et a sursis à statuer sur l'indemnisation des ayants droit, tant au titre de leur action successorale que de leur action personnelle. À la suite de l’expertise médicale, la cour d’appel de Montpellier a, par un arrêt du 5 avril 2022, condamné in solidum l’association et l’assureur à payer diverses sommes aux ayants droit en indemnisation de leurs préjudices personnels et au titre de leur action successorale (CA Montpellier, 5 avril 2022, n° 16/01683 N° Lexbase : A23027S3). Un pourvoi en cassation est formé, structuré du principe de réparation intégrale sans perte si profit pour la victime. La première branche du premier moyen et le second moyen soutiennent que l’incidence professionnelle, le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement ne peuvent être indemnisés qu’au titre des préjudices permanents, après consolidation de l’état de la victime. Le second moyen prétend également que le déficit fonctionnel temporaire intègre nécessairement le préjudice sexuel avant consolidation. Autrement dit, sur ce point, la somme allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire intégrait nécessairement le préjudice sexuel avant consolidation.
Solution. La Cour de cassation rend un arrêt de cassation partielle. Pour rappel, il résulte d’une jurisprudence constante que l’évaluation du préjudice doit donc être effectuée dans le respect du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime (Cass. civ. 2, 14 janvier 2016, n°15-10.239, F-D N° Lexbase : A9427N3K ; Cass. civ. 2, 8 juin 2017, n° 16-20.616, F-D N° Lexbase : A4324WHM; Cass. civ. 2, 3 mai 2018, n°17-14.985, F-D N° Lexbase : A4357XMC). La Haute juridiction devait se prononcer sur deux points.
D’abord, l’incidence professionnelle peut-elle être indemnisée de manière autonome à titre temporaire, pour une période antérieure à la consolidation ? Le poste de l’incidence professionnelle n’existe pas dans la liste des préjudice temporaires (subis avant la consolidation) prévus par la nomenclature « Dintilhac » et il n’est pas pris en compte par les autres préjudices temporaires. Dès lors, la Cour de cassation rejette le moyen : « l'arrêt, qui, au titre des pertes de gains professionnels actuels, n'a indemnisé que la perte de revenus de la victime liée à son placement en arrêt de travail, évaluée à la différence entre ses revenus antérieurs à l'accident et la pension d'invalidité qu'elle a perçue de l'organisme social après celui-ci, n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice ». L’incidence professionnelle temporaire peut être réparée de manière autonome pour une période antérieure à la consolidation.
Ensuite, le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement peuvent-ils être indemnisés de manière autonome à titre temporaire, pour une période antérieure à la consolidation ? Il résulte de la jurisprudence antérieure que le préjudice sexuel n’est un poste spécifique que pour la période postérieure à la date de consolidation (Cass. civ. 2, 11 décembre 2014, n°13-28.774, F-P+B N° Lexbase : A6078M7A ; Cass. civ. 2, 11 mars 2021, n°19-15.043, F-D N° Lexbase : A01654LP). Il est donc en principe nécessairement indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire. La Cour de cassation refuse l’autonomisation de ces préjudices. Elle énonce en premier lieu que « le préjudice d'établissement constitué par la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap subsistant après consolidation est un poste de préjudice à caractère permanent. Lorsqu'en raison de la longueur de la période temporaire, cette même perte est subie avant consolidation, elle peut être indemnisée au titre du déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie et des joies usuelles de l'existence ». Elle affirme en second lieu que « le préjudice sexuel avant consolidation est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire ».
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Réf. : Cass. civ. 2, 25 avril 2024, n° 22-11.580, F-B N° Lexbase : A9168283
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N9217BZE
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par Laïla Bedja
Le 06 Mai 2024
► Il résulte des articles L. 114-17, I, et R. 114-11 du Code de la Sécurité sociale qu’en cas de recours gracieux exercé par la personne concernée, la saisine de la commission constitue une formalité substantielle, qui s'impose au directeur de la caisse ; à peine de nullité de la pénalité, ce dernier ne pourra procéder ni à la notification de son montant définitif ni à son recouvrement avant réception de l'avis de la commission, soit que cet avis ait été rendu soit qu'il soit réputé rendu.
Faits et procédure. Le directeur d’une caisse d’allocations familiales a notifié à un allocataire, bénéficiaire de l’AAH, une pénalité financière, au motif que celui-ci avait commis une fraude en ne déclarant pas son changement de situation familiale. Le 3 mars 2021, l’allocataire a formé un recours gracieux auprès du directeur de la caisse, puis, par requête du 6 août 2021, a saisi une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale, aux fins d'annulation de la pénalité et de restitution des sommes retenues sur prestations.
Le tribunal judiciaire ayant annulé la pénalité financière, la caisse a formé un pourvoi en cassation selon le moyen notamment que les articles L. 114-17 N° Lexbase : L2822MGM et R. 114-11 N° Lexbase : L1479MLD du Code de la Sécurité sociale n'imposent au directeur d'une caisse d'allocations familiales ayant notifié à l'allocataire une pénalité administrative aucun délai pour saisir la commission des pénalités à la réception d'un recours gracieux.
Décision. Ayant constaté que le directeur de la caisse n'avait pas saisi la commission prévue à l'article L. 114-17, alors que l'allocataire avait exercé un recours gracieux auprès de lui, le tribunal en a exactement déduit que la procédure de pénalité était entachée d'une irrégularité, de sorte qu'il y avait lieu d'annuler la pénalité et d'ordonner la restitution des sommes retenues au titre de celle-ci.
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