Le Quotidien du 20 mars 2024

Le Quotidien

Avocats/Formation

[Brèves] Requalification en contrat de travail d'une convention de stage signée entre un titulaire du CAPA et un avocat

Réf. : CA Versailles, 28 février 2024, n° 21/03105 N° Lexbase : A82312RB

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N8778BZ7

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par Marie Le Guerroué

Le 19 Mars 2024

► La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 28 février 2024, a requalifié en contrat de travail la convention de stage signée entre un titulaire du CAPA dans l’attente de sa prestation de serment et un avocat.

Faits et la procédure. Une titulaire du CAPA dans l’attente de sa prestation de serment avait été engagée par un cabinet d’avocat en qualité de stagiaire, par convention de stage conclue le 23 juillet 2018, pour la période du 10 juillet 2018 au 31 décembre 2018. Elle percevait une rémunération fixe brute mensuelle de 899 euros. La relation contractuelle a pris fin au 31 décembre 2018 comme indiqué dans la convention. L’appelante a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de requalification de la convention de stage en contrat de travail et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire. Le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt l’a déboutée de l'ensemble de ses demandes. Cette dernière a interjeté appel du jugement.

Réponse de la CA. La cour d’appel de Versailles rappelle que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. La qualification du contrat de travail repose sur la vérification de l'existence ou non d'un lien de subordination. En l'absence d'un contrat de travail écrit, c'est au salarié qui se prévaut de l'existence d'une relation salariale, d'en rapporter la preuve. La preuve de son existence peut être recherchée au regard des trois éléments la définissant que sont la prestation de travail, la rémunération versée en contrepartie et le lien de subordination.

Par ailleurs, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187, publié au bulletin N° Lexbase : A9731ABZ), le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Au cas présent, la relation contractuelle qui unissait les parties ne peut être qualifiée de contrat de collaboration, dans la mesure où il n'est pas contesté que celle-ci, bien que titulaire du CAPA, n'avait pas encore prêté serment. L’intimé reconnaît dans ses conclusions que l’appelante effectuait les tâches énumérées dans la convention de stage signée avec l'établissement d'enseignement privé, dans les conditions qui y sont décrites.

Ainsi, l’appelante effectuait la rédaction de divers projets d'actes juridiques (rédaction d'assignation notamment, tels que prévus d'ailleurs dans la convention de stage), et ces tâches étaient réalisées sous la supervision et l'autorité de l’avocat intimé qui, notamment lui a demandé d'effectuer pour lui différentes démarches au palais de justice de Paris. Elle avait une amplitude de travail de trente-cinq heures par semaine pour une rémunération de 899 euros par mois, selon les termes de la convention de stage. Il n'est pas contesté, et cela résulte des différentes pièces produites, que l’avocat, qualifié de tuteur dans ladite convention, avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements. Il ressort de l'ensemble des éléments de preuve présentés à la cour, que la convention de stage conclue doit être requalifiée en contrat de travail.

En l'absence de tout contrat de travail à durée déterminée écrit et signé par les parties, la relation de travail est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, par voie d'infirmation du jugement.

Infirmation. La cour infirme le jugement, requalifie la convention de stage en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de juriste (Niveau II, échelon 1, Catégorie B, Coefficient 385), dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’avocat intimé à payer à l’appelante : 2 614 euros bruts à titre d'indemnité de requalification, 10 760,65 euros bruts à titre de rappel de salaire, 1 307 euros bruts au titre du treizième mois, 1 627,81 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, 5 228 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 522,80 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis, 2 614 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 15 684 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Pour aller plus loin : lire, M. Durand, Élève-Avocat : quel statut avant la prestation de serment ?, Lexbase Avocats, octobre 2021, n° 318 N° Lexbase : N8970BYU.

 

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Congés

[Brèves] Congés payés et arrêts maladie : zoom sur l'avis rendu par le Conseil d’État

Réf. : CE, avis, 11 mars 2024, n° 408112 N° Lexbase : A01452WB

Lecture: 6 min

N8780BZ9

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par Lisa Poinsot

Le 20 Mars 2024

Le 11 mars, le Conseil d’État a rendu un avis portant sur la mise en conformité des dispositions du Code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie.

Contexte juridique. Interrogé par le Gouvernement lors d’une demande d’avis portant sur la mise en conformité des dispositions du Code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie, le Conseil d’État s’est penché sur les points suivants :

  • acquisition dans la limite de quatre semaines de congés payés pour les salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle ;
  • acquisition pour le passé dans la limite de quatre semaines de congés payés pour les salariés en arrêt maladie non professionnelle et fixation de cette règle dans la loi ;
  • délai de report des congés payés inférieur à quinze mois ;
  • point de départ du délai de report des congés payés acquis au titre de l’arrêt maladie ;
  • délais de report différents selon que les congés payés ont été acquis avant l’arrêt maladie ou au titre de l’arrêt maladie ;
  • application rétroactive de la durée maximale de report des congés ;
  • possibilité d’extinction par une loi de validation des contentieux de salariés au titre des congés qui auraient dû être générés pour les arrêts maladie passés.

Acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie. Le projet d’amendement prévoit une acquisition différenciée de congés pour les arrêts maladie d’origines professionnelle et non-professionnelle.

Le Conseil d’État considère que cette distinction ne méconnaît pas le principe constitutionnel d’égalité ni le principe de discrimination. Il propose néanmoins une limite d’acquisition de quatre semaines de congés payés pour les salariés en arrêt de travail d’origine non professionnelle.

Limitation de cette acquisition à quatre semaines. Le Conseil d’État propose que le droit aux congés payés soit toutefois limité à quatre semaines (vingt-quatre jours ouvrables) par an, même si un salarié en arrêt maladie pour une année entière aurait pu prétendre à plus. 

Pour le Conseil d’État, cette limitation est conforme au droit de l'Union européenne, qui exige un minimum de quatre semaines de congés payés annuels pour tous les travailleurs.

En pratique, sauf dispositions conventionnelles contraires, le salarié absent en raison d’une maladie d’origine non professionnelle pendant moins de deux mois continuera de ne pas acquérir de congés payés. L’acquisition ne sera rétablie qu’à partir du troisième mois d’arrêt maladie.

Le projet d’amendement ne peut avoir d’effet rétroactif pour les périodes antérieures au 1er décembre 2009.

Report de quinze mois et point de départ du délai de report. Pour le Conseil d’État, la durée de report de quinze mois est suffisamment substantielle. Il n’est pas possible de fixer un délai de report inférieur. Cette durée doit faire l’objet d’une information de la part de l’employeur auprès du salarié à son retour d’arrêt maladie. La date de la délivrance de cette information est la date du point de départ du délai de report des congés payés acquis.

En pratique, pour les congés payés acquis avant l’arrêt maladie ou au cours de l’arrêt maladie, la période de report débute lorsque le salarié est informé de ses droits, sauf pour les longs arrêts maladie (les salariés qui ne sont pas revenus avant le terme de la période de report perdent leurs droits).

Rétroactivité des mesures. La rétroactivité des mesures sera limitée à trois ans.

En pratique, seuls les arrêts maladie survenus depuis 2020 peuvent ouvrir droit à une demande de congés payés supplémentaires, dans la limite de quatre semaines par an. Les périodes d'arrêt maladie antérieures à 2020 ne donneront pas lieu à un recours pour l'acquisition de congés payés supplémentaires.

Prescription et forclusion. Pour éviter les accumulations illimitées de congés lorsque la maladie s’étend sur plusieurs périodes de référence, le Conseil d’État propose l’instauration d’un délai de forclusion de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, applicable même en l’absence de démarche d’information de l’employeur pour les actions introduites par les salariés encore en poste.

Sur la question de la possible extinction par une loi de validation des contentieux, le Conseil d’État estime qu’une telle loi sera susceptible de violer les dispositions du droit de l’Union européenne. Néanmoins, plusieurs dispositions législatives pourraient être envisagées, concernant la période du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, afin de se confirmer au droit de l’Union européenne.

Il est ainsi envisagé d’établir que la prescription soit acquise pour les salariés ayant quitté leur entreprise depuis plus de trois ans.

Conséquences en entreprise :

  • pour le salarié, il s’agit d’une évolution importante assurant ainsi une meilleure protection de ses droits en conformité aux dispositions européennes ;
  • pour l’employeur, il faut adapter les pratiques de gestion des congés payés, mais aussi les coûts pour courir les périodes antérieures et intégrer le changement des règles de calcul pour l’avenir.

Pour aller plus loin :

  • pour un récapitulatif des différentes positions judiciaires, lire L. Poinsot, Congés payés pendant les arrêts maladie : limiter légalement leur acquisition est conforme à la Constitution, Lexbase Social, février 2024, n° 974 N° Lexbase : N8385BZL ;
  • v. infographies, INFO603, Les congés payés, Droit social N° Lexbase : X7382CNQ ; INFO769, Calculer les jours de congés payés acquis N° Lexbase : X3897CQE ; INFO770, Calculer les jours de congés payés acquis en cas de présence incomplète N° Lexbase : X3901CQK ; INFO771, Calculer les jours de congés payés acquis : tableau d'équivalence N° Lexbase : X3900CQI, Ressources humaines (RH) 
  • v. formulaires, MDS0049, Lettre de l'employeur refusant une demande de congés payés N° Lexbase : X3221AKI ; MDS0050, Lettre de demande de report de congés payés prévu par accord collectif  N° Lexbase : X3222AKK ; MDS0051, Demande par le salarié de prise de congés payés anticipés non acquis N° Lexbase : X3223AKL ; MDS0062, Lettre de demande de report de congés payés jusqu'au départ en congé pour création d'entreprise ou sabbatique N° Lexbase : X3234AKY, Droit social ;
  • v. fiche pratique, FP248, Accorder aux salariés leurs congés payés, Droit social - RH  N° Lexbase : X3560CQW ; 
  • lire Ch. Willmann, Acquisition de droits ou exercice des droits à congés payés : des risques judiciaires, en attendant une réforme législative, Lexbase Social, octobre 2023, n° 960 N° Lexbase : N7062BZL ;
  • lire aussi P. Pomerantz et P. Lopes, Congés payés et maladie : quels impacts et quelles solutions à la suite des arrêts du 13 septembre 2023 ?, Lexbase Social, octobre 2023, n°9 60 N° Lexbase : N7070BZU ;
  • v. ÉTUDE : Les congés payés annuels, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0003ETB ;
  • v. ÉTUDE : L’incidence de la maladie non professionnelle sur le contrat de travail, Les effets de la suspension du contrat pour maladie sur les congés, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3213ET8.

 

newsid:488780

Entreprises en difficulté

[Brèves] Transmission du superprivilège des créances salariales à l’AGS et recevabilité du recours de l'UNEDIC-AGS contre une ordonnance du juge-commissaire qui affecte ses droits

Réf. : Cass. com., 6 mars 2024, n° 22-19.471, F-B N° Lexbase : A29582SD

Lecture: 4 min

N8654BZK

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par Vincent Téchené

Le 22 Mars 2024

► La subrogation dont bénéficie l'AGS ayant pour effet de l'investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, lequel n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement devant être acquitté sur les premières rentrées de fonds ;

En outre, les avances de l'AGS ayant été versées, en partie au titre du superprivilège des salaires, l'ordonnance du juge-commissaire, qui a autorisé l'administrateur et la débitrice à transiger et à payer à un créancier une somme résultant d'une créance antérieure, a affecté les droits de l'UNEDIC-AGS, qui peut donc former un recours contre une ordonnance.

Faits et procédure. Une société, soutenant être créancière d'une société en redressement judiciaire, a entendu exercer son droit de rétention sur des marchandises que lui avait confiées la débitrice avant l'ouverture du redressement judiciaire.

L'administrateur a été autorisé, sur le fondement de l'article L. 622-7, II, alinéa 1er, du Code de commerce N° Lexbase : L7285IZT, par une ordonnance du juge-commissaire, à transiger en payant la créance en deux échéances mensuelles afin de récupérer les marchandises retenues. L'UNEDIC, délégation AGS CGEA, a formé un recours contre cette ordonnance.

La débitrice ayant été entre-temps mise en liquidation judiciaire, son liquidateur et l’administrateur ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel, reprochant notamment à ce dernier d’avoir déclaré l’UNEDIC-AGS recevable à exercer un recours.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle d'abord qu’il résulte de l'article R. 621-21 du Code de commerce N° Lexbase : L9244LTK, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article R. 631-16 N° Lexbase : L0999HZZ, que le créancier qui entend former un recours contre une ordonnance du juge-commissaire au motif que ses droits et obligations sont affectés, doit invoquer un intérêt personnel distinct de l'intérêt collectif des créanciers que le mandataire judiciaire a seul qualité à défendre en vue de la protection et de la reconstitution de leur gage commun.

Ensuite, reprenant une solution de première importance dégagée récemment, la Cour de cassation précise que la subrogation dont bénéficient les institutions de garantie ayant pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, lequel n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement devant être acquitté sur les premières rentrées de fonds (v. déjà, Cass. com., 17 janvier 2024, deux arrêts, n° 22-19.451, FS-B+R  N° Lexbase : A43472EQ et n° 23-12.283, F-B+R N° Lexbase : A43382EE, Ph. Duprat et B. Saintourens, Lexbase Affaires, mars 2024, n° 787 N° Lexbase : N8495BZN).

Ainsi, pour la Haute juridiction, ayant constaté que les avances de l'AGS avaient été versées, en partie au titre du superprivilège des salaires, la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance du juge-commissaire, qui a autorisé l'administrateur et la société débitrice à transiger et à payer une somme résultant d'une créance antérieure, a affecté les droits de l'UNEDIC. Cette dernière pouvait donc former un recours contre l'ordonnance litigieuse. 

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : La garantie des créances salariales (AGS), Le remboursement des créances bénéficiant de la subrogation, in Entreprises en difficulté (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E1768EQK ;
  • v. ÉTUDE : La protection du salaire, Les modalités de versement des avances par l'AGS, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1294ET4 ;
  • v. ÉTUDE : La gestion de l'entreprise durant la période d'observation, Les modalités de l'autorisation, in Entreprises en difficulté (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E9677ETL.

 

newsid:488654

Fiscalité internationale

[Brèves] Libre prestation de services et demande en décharge de retenue à la source

Réf. : CE 3e et 8e ch. réunies, 16 février 2024, n° 468673, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A72832MP

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N8666BZY

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par Marie-Claire Sgarra

Le 19 Mars 2024

Un contribuable peut utilement invoquer, au soutien d’une demande de décharge de l’intégralité d’une retenue à la source, la méconnaissance de la liberté de prestation de services par l’article 182 B du Code général des impôts, au motif que ces dispositions auraient pour effet de procurer un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont sont privées les sociétés non résidentes déficitaires.

Faits. La société de gestion du Port Vauban assure l'exploitation et la gestion du port de plaisance Vauban en vertu d’un contrat de concession conclu avec la commune d’Antibes. À l'issue d'un contrôle, l'administration fiscale a considéré que les sommes que cette société a versées à dix-neuf sociétés étrangères disposant chacune de la jouissance d'un poste à quai, en contrepartie de l'occupation temporaire de ces postes par des usagers de passage, constituaient la rémunération de prestations de services rendues par ces sociétés en France et devaient par suite être soumises à la retenue à la source prévue par l'article 182 B du Code général des impôts N° Lexbase : L8917MCA.

Procédure :

  • une société de droit luxembourgeois, qui a la jouissance d'un de ces postes à quai, a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des suppléments de retenue à la source auxquels la société de gestion du Port a été en conséquence assujettie ;
  • le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande (TA Nice, 27 juin 2019, n° 1603699 N° Lexbase : A7423Z4P) ;
  • la CAA de Marseille a jugé qu'elle était seulement fondée à demander une réduction de la retenue à la source en litige à concurrence de la déduction de l'assiette de celle-ci des frais professionnels qu'elle avait supportés et qui étaient indissociables de l'activité de sous-location des postes à quai qu'elle avait exercée et a remis à la charge de la société de gestion du port les cotisations supplémentaires de retenue à la source en litige.

Principes :

  • donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente les sommes versées en rémunération d'une activité déployée en France dans l'exercice de l'une des professions mentionnées à l'article 92 (CGI, art. 182 B) ;
  • sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (CGI, art. 92 N° Lexbase : L5577MAS).

Devant la cour, la société luxembourgeoise se prévalait, au soutien de sa demande de décharge de l'intégralité de la retenue à la source en litige, de ce que les dispositions de l'article 182 B du Code général des impôts précitées méconnaissaient le droit de l'Union européenne, notamment le principe de libre prestation de services, dès lors que ces dispositions auraient pour effet de procurer un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont sont privées les sociétés non résidentes déficitaires.

La cour s'est bornée, pour écarter cette argumentation, à juger que la société ne pouvait utilement se prévaloir d'une méconnaissance à son détriment de la liberté de circulation des capitaux consacrée dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors qu'il convenait d'examiner sa situation au regard de la seule liberté de prestation de services.

En statuant ainsi, alors que la société invoquait expressément une méconnaissance de cette dernière liberté, la cour a omis de répondre à un moyen qui n'était pas inopérant.

Précisions :

  • la Cour de justice a sanctionné la législation française qui soumettait à la retenue à la source les dividendes versés à un actionnaire non résident en situation déficitaire (CJUE, 22 novembre 2018, aff. C-575/17, Sofina SA N° Lexbase : A0191YNE) ;
  • apportant un élément nouveau qui n’avait pas été précisé par la Cour de justice, en précisant que le droit de l’Union européenne fait obstacle à ce qu’une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non résidente qui se trouve, au regard de la législation de son État de résidence, en situation déficitaire, le Conseil d’État indique que le caractère déficitaire ou non de la société de droit étranger doit être apprécié au regard de la législation de son état de résidence (CE 9e et 10e ch. réunies, 27 février 2019, n° 398662, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2137YZ8).

Pour aller plus loin : v. en ce sens, F. Chidaine, Retenue à la source sur les dividendes versés aux sociétés étrangères déficitaires : la censure est confirmée, Lexbase Fiscal, mai 2019, n° 782 N° Lexbase : N8846BXW.

 

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Fonction publique

[Brèves] Recours possible contre le refus de muter un enseignant « TZR » sur un poste de titulaire dans un établissement

Réf. : CE, 3e-8e ch. réunies, 5 mars 2024, n° 466622, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A41252SL

Lecture: 2 min

N8710BZM

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par Yann Le Foll

Le 19 Mars 2024

► Un recours est possible contre le refus de muter un enseignant titulaire de zone de remplacement (TZR) sur un poste de titulaire dans un établissement.

Principe. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable (CE, 25 septembre 2015, n° 372624, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8495NPC).

Application. La décision par laquelle le recteur d'académie procède, en application de l'article 3 du décret n° 99-823, du 17 septembre 1999, relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré N° Lexbase : L8717IEL, à l'affectation d'un enseignant qui exerce ses fonctions comme TZR dans un établissement situé au sein de la zone de remplacement à laquelle il a été affecté, ou dans une zone limitrophe, constitue une simple mesure d'ordre intérieur qui n'est pas susceptible de recours, à moins qu'elle ne traduise une discrimination ou une sanction.

En revanche, lorsqu'un enseignant qui exerce ses fonctions comme titulaire de zone de remplacement demande sa mutation sur un poste de titulaire dans un établissement, le refus opposé à sa demande présente le caractère d'une décision lui faisant grief.

Faits. Une professeure d'éducation physique et sportive était affectée sur un emploi de titulaire de zone de remplacement dans la zone de remplacement Grande Terre Désirade. Elle a demandé, au titre de l'année scolaire 2020/2021, à être mutée sur un poste vacant de titulaire au lycée des métiers de l'hôtellerie et du tourisme du Gosier.

Cette demande ayant été rejetée par décision du 29 juin 2020, la rectrice de la Guadeloupe a procédé à son affectation au sein de la zone de remplacement dans laquelle elle exerçait ses fonctions, notamment par l'arrêté contesté du 22 septembre 2020.

Décision CE. L'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit en jugeant que la décision de la rectrice de la Guadeloupe du 29 juin 2020 rejetant la demande de mutation dans un établissement de l’intéressée avait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les changements de corps, de cadre d’emplois, d’affectation et mutations dans la fonction publique d'État, Le changement d’affectation dans la fonction publique d'État, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E95973KN.

newsid:488710

Procédure prud'homale

[Brèves] Conséquences du principe d’unicité de l’instance sur la recevabilité des demandes formées devant la juridiction prud’homale dont leur fondement est né devant une juridiction étrangère

Réf. : Cass. soc., 6 mars 2024, n° 19-20.538, FS-B N° Lexbase : A29672SP

Lecture: 5 min

N8699BZ9

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par Lisa Poinsot

Le 19 Mars 2024

Pour les instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieures au 1er août 2016, période durant laquelle l’article R. 1452-6 du Code du travail était applicable, lorsqu’une décision d’une juridiction d’un État membre est reconnue en France en application du Règlement européen n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud’homale, dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l’instance antérieure devant la juridiction étrangère.

Faits et procédure. Engagé aux termes d’un contrat de droit anglais, un salarié se voit licencié pour faute grave en raison de faits survenus au cours de sa période de détachement à Singapour.

Le salarié saisit l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) ». Par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique reconnaît le caractère abusif du licenciement et accorde au salarié une indemnité à ce titre.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014. Il demande par la suite à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse.

La cour d’appel (CA Paris, 22 mai 2019, n° 16/07817 N° Lexbase : A0699ZCU) retient que les demandes du salarié sont recevables.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, saisie par l’employeur, renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne trois questions préjudicielles portant sur la compétence judiciaire et l’autorité de la chose jugée d’une décision de justice rendue dans un autre pays (Cass. soc., 8 septembre 2021, n° 19-20.538, FS-B N° Lexbase : A894343M).

Rappel. Le principe de l'unicité d'instance ne peut être opposé devant la juridiction prud'homale en raison d'une action introduite devant une juridiction étrangère (Cass. soc., 8 février 2012, n° 10-27.940, FS-P N° Lexbase : A3665ICQ). Toutefois, dans ce même arrêt, la Cour de cassation rejette un moyen tiré de la violation des articles 33 à 36 du Règlement n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale N° Lexbase : L7541A8S, aux motifs qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel que ni les parties ni l'objet du litige n'étaient les mêmes, et que la question tranchée par la juridiction espagnole est sans rapport avec celle soumise à la juridiction française, de sorte qu'il résulte de cette décision que le Règlement n° 44/2001 n'était pas applicable en l'espèce.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 8 juin 2023, aff. C-567/21 N° Lexbase : A92979YY) affirme que « l'article 33 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec l'article 36 de ce Règlement, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la reconnaissance, dans l'État membre requis, d'une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l'État membre d'origine, ait pour conséquence d'entraîner l'irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l'État membre requis au motif que la législation de l'État membre d'origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l'État membre requis susceptibles de s'appliquer une fois cette reconnaissance effectuée ».

Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel en application des articles 33 et 36 du Règlement européen n° 44/2001, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi que de l’article R. 1452-6 du Code du travail N° Lexbase : L6679LE4, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660, du 20 mai 2016 N° Lexbase : L2693K8A.

La Haute juridiction relève que lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle-ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent. Il revient donc à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement.

En l’espèce, les demandes du salarié sont liées au contrat de travail avec le même employeur. Leur fondement est né avant la clôture des débats de l’instance antérieure devant la juridiction britannique.

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Les compétences du conseil de prud’hommes, La compétences juridictionnelle des contrats de travail internationaux, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E5178EX3 ;
  • v. aussi ÉTUDE : L’instance prud’homale, La suppression du principe d’unicité de l’instance, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E4883ZK3.

 

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Santé et sécurité au travail

[Brèves] Inaptitude : le refus de la proposition de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail constitue un motif de licenciement

Réf. : Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-18.758, FS-B N° Lexbase : A05042U9

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N8779BZ8

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par Laïla Bedja

Le 20 Mars 2024

► Il résulte des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail que l'employeur peut licencier le salarié s'il justifie du refus par celui-ci d'un emploi proposé dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2 du Code du travail, conforme aux préconisations du médecin du travail, de sorte que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite ; viole ces dispositions la cour d'appel qui juge dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude d'un salarié qui avait refusé un poste à mi-temps conforme aux préconisations du médecin du travail, proposé par l'employeur au motif qu'il entraînait, par la baisse de rémunération qu'il générait, une modification de son contrat de travail que le salarié pouvait légitimement refuser.

Faits et procédure. Embauchée en qualité d’employée commerciale, une salariée a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail, ce dernier préconisant un poste à mi-temps sans station debout prolongée ni manutention manuelle de charges. L’avis fut confirmé le 4 février 2019.

Après consultation des représentants du personnel, l’employeur a transmis une proposition de reclassement à la salariée qu’elle a refusée. Elle a alors été licenciée pour inaptitude le 14 mai 2019. Le licenciement a alors été contesté devant la juridiction prud’homale.

Cour d’appel. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’obligation de reclassement non satisfaite, la cour d’appel a déduit que la proposition de poste à temps partiel (dix-heures heures et trente minutes) entraîne une diminution substantielle de la rémunération de la salariée et qu’en conséquence, la salariée pouvait légitimement refuser le poste proposé. En effet, la cour analyse cette baisse de rémunération comme une modification de son contrat de travail (CA Reims, 11 mai 2022, n° 21/01774 N° Lexbase : A67457WQ).

L’employeur a formé un pourvoi en cassation.

Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. Dès lors que l’employeur a proposé un poste conforme aux préconisations du médecin du travail, le refus de la salariée d’accepter la proposition constitue un motif de licenciement (C. trav., art. L. 1226-2 N° Lexbase : L8714LGT et L. 1226-2-1 N° Lexbase : L6778K9W).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’inaptitude médicale au poste de travail du salarié d’une maladie non professionnelle, Les justifications de licenciement du salarié déclaré inapte, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3282ETQ.

 

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