Jurisprudence : TA Toulon, du 26-12-2023, n° 2202368

TA Toulon, du 26-12-2023, n° 2202368

A88472AW

Référence

TA Toulon, du 26-12-2023, n° 2202368. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/103006397-ta-toulon-du-26122023-n-2202368
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Références

Tribunal Administratif de Toulon

N° 2202368

1ère chambre
lecture du 26 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 août 2022, 17 mars 2023 et 15 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys, représenté par Me Costa, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 29 juin 2022 par lequel le maire de la commune de Roquebrune-sur-Argens a délivré à la SCCV La Thébaïde, un permis de construire pour l'édification de 3 maisons individuelles et la rénovation d'une villa existante, emportant création d'une surface de plancher de 987 mètres carrés, après division du terrain, sur un terrain situé avenue de la Thébaïde et cadastré section CE n° 65, 92 et 93, d'une superficie de 7 930 mètres carrés ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'intérêt à agir :

- il est un voisin immédiat, car le terrain appartenant au syndicat est distant de quelques mètres du terrain d'assiette du projet de construction ; il dispose d'un intérêt à agir, en application des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 car le projet litigieux est de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; un syndicat de copropriétaires dispose de par la loi de la qualité à agir et cela a été confirmé par la jurisprudence.

En ce qui concerne la légalité externe :

- la commune s'est précipitée pour délivrer le permis de construire litigieux alors que quelques jours plus tard le plan local d'urbanisme de la commune entrait en vigueur ; la légalité du permis de construire accordé doit donc être appréciée au regard des dispositions des articles L. 111-1 à L. 111-26 du code de l'urbanisme🏛🏛 et R. 111-1 à R. 111-53 du même code ;

- la décision attaquée est entachée de l'incompétence de son auteur tant que la commune n'a pas apporté la preuve de la délégation de signature dévolue à l'adjoint au maire, M. B, qui est le signataire de la décision attaquée ;

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ; l'arrêté ne comporte que quatre considérants, dont deux sont relatifs à la procédure de saisine du préfet et les deux autres aux raccordements aux réseaux électrique et d'assainissement ;

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme🏛 ; la pétitionnaire, la SCCV La Thébaïde, n'a pas respecté les prescriptions concernant son identification exacte ni son numéro SIRET édictées par les dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme ;

- la notice du projet ne précise pas suffisamment le projet architectural, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme🏛 ; la notice n'apporte pas suffisamment de précisions ; cette notice n'évoque même pas le terrain d'assise du syndicat des copropriétaires constitué par les parcelles cadastrées section CE n° 393 et 395, immédiatement voisines de la demande de permis de construire ;

- la demande de permis de construire n'a pas fait l'objet d'une instruction sérieuse, car la demande de permis de construire porte non seulement sur les parcelles cadastrées section CE n° 92 et 93 mais également sur la parcelle cadastrée section CE n° 65, pour laquelle la société pétitionnaire n'apporte pas la preuve qu'elle en est propriétaire, qui en outre obéit au régime juridique de l'Association libre syndicale (ASL) qui gère la partie nord du projet ; la parcelle cadastrée section CE n° 65 comporte une villa qui est donnée en location sur certains sites Internet ; le projet consiste uniquement à réaliser une opération commerciale ;

- une confusion existe dans ce dossier concernant les différents intervenants ; l'arrêté du 29 juin 2022 indique que la demande de permis de construire a été faite par la société Thébaïde alors qu'en fait elle a été faite par la société Le Tébaïde ; les attestations de prise en compte des réglementations thermique et environnementale ne sont pas signées par M. C, le gérant de la société Le Tébaïde, mais par M. A, pour la société Simpledag, agissant en qualité de représentant de la SCCV ; la demande de permis de construire est irrégulière tant sur le plan du droit de propriété, que de l'urbanisme ou des sociétés.

En ce qui concerne la légalité interne :

- la SCCV mentionne dans ses écritures l'existence de 5 lots alors que dans le projet de permis, il n'a jamais été question de 5 lots ; le syndicat s'interroge légitimement sur le nombre réel de constructions projetées par la SCCV ;

- la servitude de passage existant au nord du terrain d'assiette de la copropriété d'Ys est mise en œuvre de manière déloyale, disproportionnée et dangereuse, pour la mise en œuvre du projet litigieux ; les risques d'affaissement eu égard à la topographie des lieux sont majeurs ; cette servitude ne permet pas une manœuvre de retournement d'un véhicule, même de taille modeste ; eu égard à la pente existante, il faudrait consolider la servitude par des ouvrages bétonnés, voire un système de pieux enfoncés profondément dans le sol pour éviter l'effondrement du terrain sur la copropriété du requérant ; la servitude est actuellement utilisée principalement pour le cheminement des piétons ; il n'est pas possible, étant donné la configuration et l'étroitesse de cette servitude, d'y aménager des trottoirs ; la société pétitionnaire a démarré une construction sans droit ni titre par la force ;

- des travaux de rasage de la végétation et de destruction ont déjà été entrepris par la SCCV La Thébaïde sans aucune autorisation ; d'autres possibilités de desserte existent en dehors de la servitude existante, la parcelle CE n° 92 étant accessible par le nord et l'ouest ; d'ailleurs, les travaux de destruction massive de la végétation ont été réalisés sans que les engins lourds n'empruntent la servitude de la copropriété ; la SCCV a donc consciemment porté atteinte aux droits de la copropriété en dévoyant l'usage de la servitude ;

- depuis le 25 mai 2022, de gros engins de chantier empruntent le chemin de la servitude pour construire les trois villas de la parcelle CE n° 93 ; le syndic a alerté les services de l'urbanisme de la commune afin de faire cesser les travaux sur la servitude ; ces travaux et déplacements sur la servitude ont été constatés par voie d'huissier ;

- la mairie a considéré dans le dossier de demande de permis de construire que l'avenue de la Thébaïde était une voie privée, alors que Enedis et Veolia ont considéré qu'il s'agissait d'une voie publique ;

- les largeurs de la servitude de passage de la copropriété des jardins d'Ys, sur une portion de plus de 25 mètres, sont toutes inférieures à 4 mètres, alors qu'elle doit servir à assurer la voie de distribution entre les trois villas à créer ; un architecte mandaté par le syndic s'est interrogé sur la pertinence d'une greffe sur la servitude actuelle, qui est limitée par sa taille et ses capacités d'accueil ; les riverains sont inquiets des risques d'accidents dramatiques ; la servitude n'est utilisée actuellement que de jour et sur la partie basse de la servitude, et principalement pour le cheminement des piétons ; l'étroitesse de la servitude empêche toute manœuvre de retournement sur celle-ci, même pour un véhicule de taille modeste ; actuellement il n'y a donc pas de nuisance sonore, ni de pollution lumineuse ou d'atteinte à la tranquillité des riverains ; il y a un risque pour les piétons empruntant la servitude d'être percutés par les véhicules qui emprunteront celle-ci pour accéder aux quatre maisons, car aucun trottoir n'est aménagé ; les véhicules de secours n'auront pas la place de manœuvrer ; la demande de permis de construire méconnaît dès lors les dispositions des articles R. 111-2, R. 111-3 et R. 111-5 du code de l'urbanisme🏛🏛🏛 ;

- la stabilité de la servitude est assurée par son usage actuel ; toute modification viendra mettre à mal cette stabilité ; le projet va engendrer un bétonnement massif des parcelles, à plus de 50 %, sur plusieurs centaines de mètres carrés, ce qui entrainera l'impossibilité pour les terrains d'assurer une stabilisation des eaux notamment de pluie ; les travaux de rasage de la végétation ont été entrepris sans que les véhicules lourds n'empruntent la servitude ; le projet n'évoque pas la question pourtant fondamentale de la collecte et du traitement des eaux qui vont ruisseler sur les surfaces imperméabilisées ; la demande de permis de construire ne respecte ainsi pas les préconisations énoncées aux articles R. 111-2 à R. 111-20 du code de l'urbanisme🏛 ;

- le projet de permis de construire a été autorisé sur la base de surfaces qui sont erronées, car non conformes au projet de division foncière établi par un géomètre-expert le 9 février 2022 ; cela risque de générer des difficultés en termes de limites parcellaires ; ainsi, le projet méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 à R. 111-19 du code de l'urbanisme🏛 ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles R. 111-26 à R. 111-30 du code de l'urbanisme🏛🏛 ; la végétation sur le terrain a été presque complétement détruite, ainsi que cela ressort de la comparaison entre les constats d'huissier réalisés en décembre 2021 et en février 2022 ; ces arbres devaient être conservés dans le permis de construire litigieux ; le maire n'aurait pas dû accorder le permis de construire le 29 juin 2022 alors que les arbres avaient été détruits dès le 25 février 2022 ;

- la demande de permis de construire n'est pas conforme aux dispositions des articles R. 111-2 à R. 111-24 du code de l'urbanisme🏛 ; le dispositif d'évacuation des eaux pluviales est insuffisant pour évacuer les eaux de pluie ; cette insuffisance peut s'avérer dangereuse pour les riverains situés en contrebas ; l'évacuation des eaux étant gravitaire, il est nécessaire de prévoir un dispositif en bas de la voirie et le projet n'en mentionne pas ;

- la SCCV La Thébaïde s'est arrogée le droit de faire passer les canalisations dans le sous-sol de la servitude concédée par la copropriété des Jardins d'Ys ; la société pétitionnaire ne dit rien sur la question du traitement des eaux usées, incluant les eaux de piscine ; cette servitude n'a jamais été utilisée depuis 20 ans et jamais en tréfonds ; le projet méconnaît le droit de propriété de la copropriété Les Jardins d'Ys et le maire n'aurait pas dû délivrer cette autorisation ; la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 à R. 111-30 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté attaqué méconnaît donc les dispositions des articles L. 111-1 à L. 111-25 et R. 111-2 à R. 111-53 du code de l'urbanisme🏛🏛 ;

- le recours indemnitaire formé par la SCCV La Thébaïde doit être rejeté car d'une part le présent recours contentieux n'est pas exercé dans des conditions traduisant un comportement abusif et d'autre part le préjudice prétendument subi par la SCCV La Thébaïde n'est pas établi.

Par des mémoires en intervention volontaire au soutien du requérant enregistrés les 17 mars 2023 et 15 mai 2023, l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys, représentée par Me Costa, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2022 par lequel le maire de la commune de Roquebrune-sur-Argens a délivré à la SCCV La Thébaïde un permis de construire pour la construction de 3 maisons individuelles et la rénovation d'une villa existante, pour la création d'une surface de plancher de 987 mètres carrés, après division du terrain, sur un terrain situé avenue de la Thébaïde et cadastré section CE n° 65, 92 et 93 d'une superficie de 7 930 mètres carrés ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les riverains de la servitude ont créé une association loi 1901 afin d'assurer la défense de leurs intérêts ;

- ils ont un intérêt légitime à participer au litige actuellement pendant devant le tribunal administratif sous le numéro n° 2202368 ;

- l'association fait sienne les arguments présentés par le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys dans la requête précitée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 décembre 2022 et 15 mai 2023, la commune de Roquebrune-sur-Argens, représentée par Me Bauducco, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire qu'il soit sursis à statuer sur ladite requête, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme🏛, pendant un délai de 6 mois afin de donner le temps à la société pétitionnaire d'obtenir dans ce délai un permis de construire modificatif régularisant les éventuelles irrégularités, et en tout état de cause à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable car les requérants ne démontrent pas qu'ils disposent d'un intérêt à agir au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; le syndicat des copropriétaires n'a pas produit de procès-verbal d'assemblée générale lui donnant explicitement l'autorisation d'introduire le présent recours ; en outre, il ne justifie pas non plus d'un intérêt à agir dépassant le cadre de la simple situation de voisin immédiat ;

- l'association des 14 riverains de la servitude de la Résidence des Jardins d'Ys a été enregistrée auprès du Répertoire National des Associations le 16 décembre 2022, soit près de 10 mois après la demande de permis de construire de la SCCV La Thébaïde ; l'intervention volontaire de cette association est donc irrecevable, en application des dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme🏛 selon lesquelles le dépôt des statuts de l'association en préfecture doit être intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ;

- les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 23 décembre 2022, 21 février 2023 et 28 avril 2023, la société Thébaïde, représentée par Me Guenot, conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat requérant une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce que le syndicat ne démontre pas qu'il dispose d'un intérêt à agir en méconnaissance des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme en ce qu'il ne démontre pas que le projet porterait atteinte à ses conditions d'occupation et de jouissance de son bien ;

- l'intervention volontaire de l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys est irrecevable pour avoir été instaurée plus de deux mois à partir du premier jour de l'affichage du permis de construire litigieux ; le permis de construire a été affiché d'une manière continue et visible pendant 2 mois à compter du 2 juillet 2022 ; cette intervention volontaire est également irrecevable car l'association n'a pas notifié, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme🏛 le mémoire d'intervention qu'elle a introduit devant le tribunal administratif de Toulon ;

- les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct enregistré le 23 mars 2023, la société Thébaïde, représentée par Me Guenot, demande au tribunal de condamner le syndicat des copropriétaires Les Jardins d'Ys, en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme🏛, au paiement d'une somme de 2 456 733 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle.

Elle fait valoir que :

- le syndicat des copropriétaires Les Jardins d'Ys a multiplié les recours, devant le juge judiciaire avant d'effectuer le recours devant le tribunal administratif, à l'encontre des travaux dont l'exécution faisait l'objet du permis de construire litigieux ; cela constitue un comportement abusif au sens des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

- ce comportement a causé un préjudice, du fait de l'inflation du coût de la construction entre les mois de juin 2022 et le mois de mars 2023 ; la différence de coût s'établit à la somme de 2 456 733 euros, soit une hausse de près de 28 %.

Par ordonnance du 24 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2023 à 12 heures.

Un mémoire présenté le 10 juin 2023 par Me Costa pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Jardins d'Ys n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative🏛.

Un mémoire présenté le 10 juin 2023 par Me Costa pour l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 26 septembre 2023, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative🏛, la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys par application des dispositions des articles 15 et 18 de la loi du 10 juillet 1965🏛🏛 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, en l'état de la délibération de l'assemblée générale du 27 juin 2022 qui n'autorise pas de manière formelle ledit syndicat à engager une action devant le tribunal administratif à l'encontre du permis de construire délivré le 29 juin 2022 à la SCCV La Thébaïde, et par voie de conséquence de la non admission de l'intervention volontaire de L'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys à l'instance.

Par un mémoire présenté le 30 septembre 2023, Me Costa a présenté des observations sur ce moyen relevé d'office à la fois pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Jardins d'Ys et aussi pour l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°65-557 du 10 juillet 1965🏛 ;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 octobre 2023 :

- le rapport de M. Bailleux ;

- les conclusions de M. Riffard, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bauducco, représentant la commune de Roquebrune-sur-Argens.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Aux termes de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis : " Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble () ". En outre, aux termes de l'article 18 de la même loi : " Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous : ()- de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice dans les cas visés aux articles 15 et 16 ci-dessus, ainsi que pour la publication de l'état descriptif de division du règlement de copropriété ou des modifications apportées à ces actes, sans que soit nécessaire l'intervention de chaque copropriétaire à l'acte ou à la réquisition de publication ". Par ailleurs, l'article 55 du décret du 17 mars 1967🏛 dispose que : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. () ". Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic agissant au nom de la copropriété est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité de l'action contentieuse ainsi engagée.

2. Le syndicat requérant indique, dans son mémoire enregistré le 17 mars 2023 que " Il a bénéficié d'une autorisation de l'assemblée générale pour agir et est donc fondé à soutenir son action ". La commune de Roquebrune-sur-Argens sur ce point indique qu'il est nécessaire, en application des dispositions de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, pour le syndic de disposer d'une autorisation formelle de l'assemblée générale précisant l'objet et la finalité du contentieux à engager au nom du syndicat, évoquant ainsi une possible irrecevabilité, sans toutefois la formuler précisément. C'est la raison pour laquelle, le tribunal a informé les parties, par un courrier du 26 septembre 2023, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur l'irrecevabilité de la requête en raison du défaut d'autorisation donnée par l'assemblée générale au syndic de copropriété.

3. En l'espèce, le syndicat requérant a produit à l'instance un procès-verbal de l'assemblée générale en date du 27 juin 2022, soit deux jours avant que la décision litigieuse n'ait été prise, qui indique au sujet du point n°11 " Décision à prendre concernant la servitude de passage avec le terrain voisin SCCV La Thébaïde (ex Pearce) ". Le procès-verbal précise sur ce point que : " Compte tenu de l'exigence exprimée par notre voisine la SCCV La Thébaïde pour bénéficier à son profit de l'usage de la servitude de passage, il est absolument impératif que nous clôturions intégralement la copropriété au droit des limites cadastrales afin de les sécuriser. () Compte tenu de l'extrême complexité de ce dossier, le conseil syndical souhaite bénéficier d'une délégation permanente de gestion en cas d'action judiciaire subie ou à mener dans l'intérêt de la sauvegarde de l'intégralité de la copropriété ". Cette décision de l'assemblée générale, bien qu'approuvée à la majorité requise de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965🏛, ne fait pas référence à un éventuel permis de construire qui aurait été déposé par la société La Thébaïde. Ainsi, la commune est fondée à faire valoir que le syndic ne disposait pas d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires suffisamment précise pour engager une action devant le tribunal administratif de Toulon à l'encontre du permis de construire délivré le 29 juin 2022 à la SCCV La Thébaïde. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir évoquée par la commune de Roquebrune-sur-Argens en défense, confirmée par l'irrecevabilité relevée d'office par le juge au moyen de l'article R. 611-7 du code de justice administrative pour défaut de qualité à agir du requérant doit être accueillie. La requête du syndic des copropriétaires dans ces conditions, doit être considérée comme étant irrecevable, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées en défense, à la fois par la commune de Roquebrune-sur-Argens et la SCCV La Thébaïde.

Sur l'intervention volontaire de l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys :

4. La requête introduite par le syndicat des copropriétaires de la résidence du Jardin d'Ys n'étant pas recevable, par voie de conséquence, il y a lieu de considérer que l'intervention à l'appui de la requête de l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys est également irrecevable. Ainsi, il n'y a pas lieu d'admettre l'intervention volontaire de l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys.

Sur les conclusions reconventionnelles de la SCCV La Thébaïde sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

5. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".

6. La société pétitionnaire fait valoir que le syndicat des copropriétaires a saisi le juge judiciaire pour tenter de lui interdire l'usage de la servitude, en première instance puis en appel. Ces saisines ont donné lieu d'une part à l'ordonnance du 22 juin 2022, puis à l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 16 février 2023. Toutefois, et contrairement à ce que fait valoir la société pétitionnaire, le fait pour le syndicat requérant d'avoir introduit ces procédures devant le juge judiciaire, qui ont de surcroît, ainsi que le soutient le syndicat requérant, abouti à l'organisation de médiations, ne saurait traduire, de la part du requérant un comportement abusif dans la présente instance devant le tribunal administratif.

7. En outre, le syndicat requérant a introduit, en plus de sa requête introductive d'instance, deux autres mémoires, ce qui ne saurait traduire un comportement abusif et dilatoire. Ainsi, il résulte de ce qui précède que, sans même qu'il soit besoin d'examiner l'existence du préjudice dont se prévaut la société pétitionnaire, cette dernière n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme car il n'est pas démontré que le comportement du syndicat requérant dans la présente affaire traduirait un comportement abusif. Par suite, les conclusions à fin de condamnation du syndicat requérant à payer une somme d'argent à la SCCV La Thébaïde sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions susvisées font obstacle à ce que la commune de Roquebrune-sur-Argens, qui n'est pas dans la présente instance la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, soit condamnée à payer au syndicat requérant quelque somme que ce soit, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Roquebrune-sur-Argens et une somme de 1 500 euros à verser à la SCCV La Thébaïde sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : La requête du Syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys est rejetée.

Article 2 : L'intervention volontaire de l'Association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys n'est pas admise.

Article 3 : Les conclusions formulées par la SCCV La Thébaïde sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : Le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Jardins d'Ys versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la commune de Roquebrune-sur-Argens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Jardins d'Ys versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la SCCV La Thébaïde sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d'Ys, à l'association des 14 riverains de la servitude de la résidence Les Jardins d'Ys, à la commune de Roquebrune-sur-Argens et à la SCCV La Thébaïde.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

M. Bailleux, premier conseiller,

Mme Le Gars, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé :

F. BAILLEUX

La présidente,

Signé :

M. DOUMERGUE La greffière,

Signé :

G. RICCI

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Et par délégation,

La greffière.

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