Jurisprudence : Cass. soc., 28-02-2002, n° 00-10.051, publié, FP-P+B+R+I , Cassation partielle

Cass. soc., 28-02-2002, n° 00-10.051, publié, FP-P+B+R+I , Cassation partielle

A0806AYI

Référence

Cass. soc., 28-02-2002, n° 00-10.051, publié, FP-P+B+R+I , Cassation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1084364-cass-soc-28022002-n-0010051-publie-fpp-b-r-i-cassation-partielle
Copier


SOC.
SÉCURITÉ SOCIALECH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 février 2002
Cassation partielle
M. SARGOS, président
Pourvoi n° A 00-10.051
Arrêt n° 835 FP P+B+R+I
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble, dont le siège est Grenoble ,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1999 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), au profit

1°/ de la société Ascométal, venant aux droits de la société Allevard Aciers, société anonyme, dont le siège est Le Cheylas,

2°/ de Mme W veuve W,

3°/ de M. Lionel W,

4°/ de M. Samuel W,
demeurant Pontcharra,

5°/ de Mme Dolorès W, demeurant Froges,
défendeurs à la cassation ;
La société Ascométal a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 janvier 2002, où étaient présents M. Sargos, président, M. Ollier, conseiller rapporteur, MM. Merlin, Boubli, Le Roux-Cocheril, Brissier, Gougé, Thavaud, Lanquetin, Chauviré, conseillers, M. Poisot, Mme Trassoudaine-Verger, M. Petit, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ollier, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la CPAM de Grenoble, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Ascométal, de la SCP Peignot et Garreau, avocat des consorts W, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Denis W a été engagé comme mécanicien le 16 juin 1976 par la société Les Forges d'Allevard, pour être mis à la disposition de la société Wheelabrator Allevard, puis a été muté en 1980 à la société Allevard Aciers où il a exercé l'activité de mécanicien jusqu'en 1986, puis de magasinier jusqu'en 1996 ; qu'il a déclaré à la Caisse primaire d'assurance maladie un mésothéliome professionnel, constaté par certificat médical du 7 novembre 1994 ; que la Caisse, après avoir formulé des réserves dans l'attente de l'enquête à effectuer, a reconnu le caractère professionnel de la maladie et en a informé la société Allevard Aciers le 14 novembre 1995 ; que le 11 octobre 1996, la Caisse régionale d'assurance maladie a décidé de ne pas inscrire les dépenses relatives à la maladie professionnelle au compte de la société Allevard Aciers, le salarié ayant été exposé au risque chez plusieurs employeurs ; que Denis W est décédé le 12 octobre 1996 et que la Caisse, après avoir fait procéder à une enquête légale, a reconnu le caractère professionnel du décès ; que l'arrêt attaqué, statuant sur la demande des ayants droit de Denis W, a dit que le décès était dû à la faute inexcusable de la société Allevard Aciers, aux droits de qui venait la société Ascométal, et a fixé le montant des indemnisations, mais a déclaré inopposable à la société la procédure ayant conduit à la reconnaissance de la maladie professionnelle dont est décédé Denis W ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal de la Caisse primaire d'assurance maladie, contestée par la défense
Attendu que, même dans le cas où les dépenses afférentes à la maladie professionnelle sont inscrites au compte spécial en raison de ce que le salarié a été exposé au risque chez plusieurs employeurs, la Caisse primaire d'assurance maladie, tenue de faire l'avance des sommes allouées aux ayants droit en réparation de leur préjudice personnel, conserve contre l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue le recours prévu par l'article L. 452-3, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale ; que le pourvoi de la Caisse est donc recevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Ascométal, pris en ses cinq branches
Attendu que la société Ascométal fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que la maladie professionnelle de Denis W était due à la faute inexcusable de la société Allevard Aciers, alors, selon le moyen
1°/ que la maladie de Denis W ayant été reconnue par la Caisse primaire d'assurance maladie au titre du tableau n° 30, et la Caisse régionale d'assurance maladie ayant imputé la charge financière de cette maladie au compte spécial en raison d'une exposition de la victime au risque chez plusieurs employeurs, ne justifie pas sa solution au regard des articles L. 452-1 et suivants et L. 461-1 du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui retient que Denis W aurait été exposé au risque de l'amiante au sein de la société Allevard Aciers sans constater que le salarié aurait été exposé de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante au sein de cette entreprise ;
2°/ que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que l'arrêt attaqué considère que Denis W aurait été exposé aux poussières d'amiante lors de ses interventions sur des matériels protégés par l'amiante de 1980 à 1986, sans prendre en considération l'attestation du 6 février 1998 de M. ..., chef de poste à l'aciérie de 1977 à 1986, indiquant qu'à partir de l'année 1978 les plaques de revêtement d'amiante de la cuve du four avaient été retirées et qu'il n'y en avait plus en 1979, et que l'amiante utilisé pour l'enrubannage des flexibles avait été remplacé par de la fibre de verre en 1979, l'attestation du 3 février 1999 de M. ..., chef d'atelier de l'aciérie de 1974 à 1986, indiquant que l'amiante utilisé pour se protéger de la chaleur était confiné et non volatile, qu'au début les flexibles du four étaient enveloppés d'amiante tressé qui était renouvelé une fois par mois environ, opération au cours de laquelle les ouvriers étaient protégés par des masques mis à leur disposition, et que l'amiante avait été progressivement retiré et qu'il n'y en avait plus en 1980, ainsi que l'attestation du 25 janvier 1999 de M. ..., chef du service de l'entretien de l'aciérie de 1971 à 1986, indiquant que l'amiante était présent au four 30 tonnes de l'aciérie sous forme d'enrobage des faisceaux électriques afin de les protéger des projections d'acier en fusion, que les ouvriers intervenaient une fois par mois pour changer ces protections, opération d'une durée de l'ordre de quatre heures qui était effectuée le dimanche à l'arrêt du four, que l'amiante avait été progressivement retiré dès sa prise de fonction et à mesure des progrès techniques, qu'à partir de 1980 l'amiante n'était plus utilisé au four 30 tonnes pour protéger les faisceaux, et qu'il avait utilisé toute son autorité auprès des ouvriers de l'entretien pour qu'ils portent les équipements de protection individuelle, et notamment les masques respiratoires, mis à leur disposition lors des travaux les mettant en contact avec l'amiante ;
3°/ que l'article 4 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 dispose qu'en cas de travaux occasionnels et de courte durée où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, et s'il est techniquement impossible de respecter les dispositions de l'article 3 dudit décret, des équipements de protection individuelle doivent être mis à la disposition du personnel, notamment des appareils respiratoires anti-poussières ; que ne justifie pas légalement sa décision l'arrêt attaqué qui retient que la société Allevard Aciers n'a pas respecté les prescriptions de ce décret sans s'expliquer sur les attestations susvisées, régulièrement versées aux débats par la société Ascométal, qui constataient que lors des travaux les mettant exceptionnellement au contact avec de l'amiante, les ouvriers étaient tenus d'utiliser les équipements de protection individuelle, et notamment les masques respiratoires, mis à leur disposition ;
4°/ que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a également omis de prendre en considération les nombreux constats de contrôle de l'empoussièrement effectués par la Caisse régionale d'assurance maladie et le Commissariat à l'énergie atomique, organismes qui ont surtout effectué des recherches sur la teneur de l'atmosphère en silicium, chrome, manganèse et plomb, mais qui n'auraient pas manqué de faire état de fibres d'amiante s'ils en avaient repérées ;
5°/ que selon l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 applicable aux faits de l'espèce, la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié durant sa journée de travail ne devait pas dépasser deux fibres par centimètre cube, seules étant considérées les fibres de plus de cinq microns de longueur, de trois microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/largeur excédait trois ; qu'il s'ensuit que ne justifie pas légalement sa solution au regard de ce texte et des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui impute la maladie professionnelle de Denis W à une faute inexcusable de la société Allevard Aciers au motif que ladite société n'avait pas respecté les prescriptions du décret précité du 17 août 1977, faute d'avoir constaté que le taux de concentration de poussières d'amiante dans l'atmosphère dans laquelle avait évolué le salarié aurait excédé le seuil réglementairement autorisé ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Allevard Aciers avait commis une faute inexcusable ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal de la Caisse primaire d'assurance maladie, pris en sa première branche
Vu les articles R. 441-11 et R. 441-13 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de la Caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel de la maladie, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé exactement que la Caisse primaire était tenue, préalablement à sa décision, d'une part, d'assurer l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de lui faire grief, et, d'autre part, de lui communiquer, sur sa demande, l'entier dossier qu'elle a constitué, relève que la société, avisée de la décision de la Caisse le 14 novembre 1995, a demandé le 28 février 1996 communication du dossier, et que la Caisse a refusé de lui transmettre les pièces médicales ; qu'il retient que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie a été prise sans qu'ait été préalablement communiqué à la société l'entier dossier ayant conduit la Caisse à prendre sa décision ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la demande de communication du dossier par la société Allevard Aciers était postérieure à la décision contestée, sans caractériser en quoi la procédure préalable à cette décision était irrégulière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Allevard Aciers la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel de la maladie, l'arrêt rendu le 3 novembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Ascométal aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Ascométal à payer aux consorts W la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille deux.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.