Jurisprudence : TA Pau, du 22-02-2023, n° 2200912

TA Pau, du 22-02-2023, n° 2200912

A51489EE

Référence

TA Pau, du 22-02-2023, n° 2200912. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93503291-ta-pau-du-22022023-n-2200912
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Références

Tribunal Administratif de Pau

N° 2200912

3ème chambre
lecture du 22 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse initiale :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2019 sous le n° 1902677, et des pièces et mémoires, enregistrés le 13 décembre 2019, le 20 avril 2020 et le 29 octobre 2020, l'association des riverains d'Herboure et M. C D, représentés par Me Le Corno, ont demandé au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le maire d'Urrugne a accordé à l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement comportant onze lots ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Urrugne la somme de 5 980 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Ils soutenaient que :

- l'arrêté attaqué a été pris sans qu'ait été recueilli l'accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, en méconnaissance du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018🏛 ;

- le dossier de demande de permis d'aménager était incomplet au regard des dispositions de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme🏛 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme🏛 dès lors que le projet se situait dans un secteur d'urbanisation diffuse ;

- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme🏛 et l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Urrugne ;

- il méconnaît l'article UD 3 du règlement du PLU ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme🏛.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 mars 2020 et le 29 septembre 2020, la commune d'Urrugne, représentée par Me Cambot, a conclu au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle précisait que :

- les requérants n'ayant soulevé que des moyens de légalité interne dans le délai de recours contentieux, le moyen de légalité externe, soulevé pour la première fois le 20 avril 2020, après l'expiration du délai de recours, tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris sans qu'ait été recueilli l'accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, en méconnaissance du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, qui relevait d'une cause juridique distincte, était irrecevable ;

- les moyens soulevés par l'association des riverains d'Herboure et M. D n'étaient pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2020 et le 24 novembre 2020, l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques, représenté par Me Gauci, a conclu au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il précisait que :

- les requérants n'ayant soulevé que des moyens de légalité interne dans le délai de recours contentieux, le moyen de légalité externe soulevé pour la première fois le 20 avril 2020, après l'expiration du délai de recours, tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris sans qu'ait été recueilli l'accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, en méconnaissance du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, était irrecevable ;

- les moyens soulevés par l'association des riverains d'Herboure et M. D n'étaient pas fondés.

Par un jugement du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 30 septembre 2019 du maire d'Urrugne.

Par une décision n° 450229 du 22 avril 2022, le Conseil d'Etat⚖️, saisi d'un pourvoi présenté pour l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques, a annulé le jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2020, et a renvoyé l'affaire devant le même tribunal.

Procédure contentieuse après renvoi au tribunal :

Le dossier a été enregistré le 22 avril 2022, après renvoi par le Conseil d'Etat, au greffe du tribunal sous le n° 2200912.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques, représenté par Me Gauci, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il précise que :

- le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris sans qu'ait été recueilli l'accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, en méconnaissance du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, est irrecevable, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans la procédure contentieuse initiale ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2023, l'association des riverains d'Herboure et M. D, représentés par Me Le Corno, demandent au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le maire d'Urrugne a accordé à l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement comportant onze lots ;

2°) et de mettre à la charge de la commune d'Urrugne la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux exposés dans la procédure contentieuse initiale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de Mme Michaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marcel, représentant l'association des riverains d'Herboure et M. D, et de Me Gault-Ozimek, représentant l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 mai 2013, le maire d'Urrugne, commune littorale, a accordé à l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques un permis de construire en vue de la construction de 49 logements, répartis dans dix bâtiments, accompagnés d'un local technique et de sept bâtiments à usage de garages, sur un terrain situé chemin Xearbaïta. Par un jugement n° 1301255 du 18 novembre 2014, devenu définitif, le présent tribunal administratif a annulé cet arrêté. L'Office a déposé en 2019 une nouvelle demande portant sur un projet moins important et, par un arrêté du 30 septembre 2019, le maire d'Urrugne a accordé à l'Office un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement comportant onze lots, sur le même terrain, correspondant à la partie sud des parcelles cadastrées section BO nos 91 et 92, d'une superficie de 9 012 m², afin de construire, en zone tendue, onze maisons individuelles d'habitation, en accession à la propriété, pour des ménages à revenus modestes. Par une requête, enregistrée sous le n° 1902677, l'association des riverains d'Herboure et M. D ont demandé au tribunal l'annulation de l'arrêté du maire d'Urrugne du 30 septembre 2019. Par un jugement du 29 décembre 2020, le tribunal a annulé ce dernier arrêté. Par une décision n° 450229 du 22 avril 2022, le Conseil d'Etat a annulé le jugement du 29 décembre 2020 et a renvoyé l'affaire devant le même tribunal, enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2200912.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, l'association des riverains d'Herboure et M. D se bornent à soulever, dans leur requête introductive d'instance, enregistrée le 28 novembre 2019, des moyens de légalité interne, notamment le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de permis d'aménager au regard des dispositions de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme. Les requérants invoquent pour la première fois, dans leur mémoire enregistré le 20 avril 2020, le moyen de légalité externe tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris sans qu'ait été recueilli l'accord du préfet, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, en méconnaissance du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Ce nouveau moyen, présenté après l'expiration du délai de recours contentieux et procédant d'une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachent les moyens développés dans le délai de recours, n'est pas recevable.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords et indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet ; / d) Le traitement des parties du terrain situées en limite du projet ; / e) Les équipements à usage collectif et notamment ceux liés à la collecte des déchets ".

4. La circonstance que le dossier de demande de permis d'aménager ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis d'aménager qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

5. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis d'aménager comprend une notice explicative qui indique, à l'appui d'une carte issue d'une photographie prise par un satellite, la localisation du projet par rapport au centre-bourg d'Urrugne. Cette notice représente, sur un plan cadastral, le terrain d'assiette du projet et les parcelles bâties environnantes, et indique que " le terrain est bordé à l'ouest par une parcelle privée et le chemin de Xearbaita au sud. A l'ouest elle est bordée par le chemin Antxosemebaita et par une parcelle agricole et un grand talweg au nord ". En outre, dans la rubrique " contexte urbain du site ", la notice mentionne des maisons pavillonnaires, des hameaux et des parcelles agricoles ou cultivées comme principaux éléments constitutifs de l'environnement immédiat. Elle indique également dans le bilan de l'analyse du site, que le secteur présente une morphologie urbaine pavillonnaire et compte une zone tampon végétalisée au nord avec les parcelles agricoles. S'agissant de l'insertion du projet par rapport aux constructions environnantes, la notice précise que " la zone d'implantation du projet s'intègre dans un tissu existant type lotissement ou résidentiel. Les volumes nouveaux resteront en harmonie avec le tissu existant ; la taille relativement importante des lots et surtout leur largeur garantissent un confort d'implantation des constructions et une cohérence architecturale à l'échelle du quartier ". Ces constructions environnantes, qui apparaissent sur les vues du site prises depuis la voie publique, sont également visibles sur une photographie aérienne et sur le plan en vue aérienne représentant l'insertion des onze lots projetés dans leur environnement. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la notice explicative précitée contiendrait des informations erronées de nature à avoir une incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de permis d'aménager, au regard des dispositions précitées de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme, doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi " ELAN ") : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Aux termes du même article, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".

7. Le III de l'article 42 de la même loi du 23 novembre 2018 prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Par ailleurs, le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent la locution : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " - s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Aux termes de ce V, cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis d'aménager ayant été déposée le 19 juillet 2019, les dispositions du V citées précédemment sont applicables en l'espèce.

8. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, antérieure à sa modification par la loi dite " ELAN ", que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

9. En outre, le respect du principe de continuité posé par cet article s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain.

10. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 dite loi " ELAN ", ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et délimités par le plan local d'urbanisme (PLU), à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs.

11. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le SCoT ou non délimités par le PLU.

12. Tout d'abord, l'autorité de la chose jugée d'une décision juridictionnelle s'attache au dispositif de cette décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. L'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques ne peut utilement invoquer l'autorité de la chose jugée par le jugement n° 1301255 du 18 novembre 2014 par lequel le tribunal a annulé un permis de construire délivré sur la même parcelle en vue de l'édification de 49 logements, dès lors qu'en tout état de cause seul le motif ayant fondé l'annulation prononcée, à savoir la méconnaissance de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme, est revêtu de cette autorité. L'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques ne peut davantage utilement se prévaloir de l'ordonnance du juge des référés du tribunal n° 1902720 du 22 janvier 2020, laquelle n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée.

13. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, présente une superficie de 9 012 m², est bordé à l'ouest par une parcelle bâtie et s'ouvre au nord sur un espace boisé et cultivé. Il est bordé à l'est par le chemin d'Anxosemebaïta, de l'autre côté duquel se situent trois parcelles bâties, et au sud par le chemin Xearbaïtia, de l'autre côté duquel les parcelles bâties alternent avec des espaces naturels ou cultivés. En outre, le secteur dans lequel ce terrain s'insère ne présente pas une densité significative de constructions, compte tenu des distances séparant celles-ci et de la présence de parcelles non bâties à proximité immédiate du terrain d'assiette concerné. En outre, la boulangerie et la gare routière, situées au sud, et le camping Mendi Azpian, situé au sud-ouest, sont éloignés du terrain d'assiette à des distances respectives de plus de 400 et 380 mètres. Le terrain d'assiette n'est pas, enfin, situé en continuité de la zone agglomérée de Berrouetta, située au nord-ouest, dont il est séparé par un espace boisé et cultivé. Dès lors, ce secteur ne peut être regardé comme étant densément urbanisé, et le terrain d'assiette du projet ne peut être considéré comme étant situé en continuité d'une agglomération ou d'un village existant.

14. En outre, à la date d'intervention de l'arrêté attaqué, ni le plan local d'urbanisme de la commune d'Urrugne, ni le schéma de cohérence territoriale ne délimitaient de secteurs urbanisés au sens du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, la révision du PLU de cette commune, initiée antérieurement à la publication de la loi du 23 novembre 2018, n'ayant pas, à la date de l'arrêté attaqué, encore été approuvée par le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque, autorité compétente en matière de document d'urbanisme. En conséquence, l'arrêté litigieux est soumis aux dispositions du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018.

15. Il ressort des pièces du dossier que, si le secteur du terrain d'assiette du projet ne peut être regardé comme étant densément urbanisé, les parcelles concernées sont entourées de plusieurs constructions regroupées, soit une dizaine de constructions à l'est, cinq constructions à l'ouest et une douzaine de constructions vers le sud. En outre, ce secteur est structuré par des voies de circulation et il est desservi par les réseaux de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets. Dès lors, il relève d'un secteur déjà urbanisé, au sens des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018.

16. Enfin, si la plupart des terrains bâtis environnants ont une superficie importante, le projet ne s'implante que sur la partie sud des parcelles cadastrées section BO n° 91 et n° 92, la partie nord de ces parcelles, d'une superficie de 7 184 m², classée en zone N, devant rester dépourvue de tout aménagement. Dès lors, le projet en litige, qui n'entraînera qu'une densification limitée du secteur, n'a pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, et n'a pas davantage pour effet de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti.

17. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, doit être écarté.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " et aux termes de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Urrugne, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions et installations, par leur situation, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / Les constructions doivent présenter un volume, un aspect, des couleurs et des matériaux de nature à ne pas porter atteinte à ceux des constructions avoisinantes / () ".

19. Les dispositions précitées de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Urrugne ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions de ce règlement que doit être appréciée la légalité de l'arrêté attaqué.

20. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire ou d'aménager sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

21. Il ressort des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet en litige, essentiellement composé de paysages verdoyants et de plusieurs constructions à usage d'habitation, ne présente pas d'intérêt particulier. En outre, le projet comporte la réalisation de onze lots d'une superficie comprise entre 642 à 753 m² chacun, destinés à la construction d'une maison à usage d'habitation. Le règlement du lotissement prévoit que les constructions ne pourront pas excéder deux niveaux superposés (R+1) et que leur aspect extérieur devra notamment " respecter le nuancier de couleurs d'Urrugne, à savoir en rouge basque, vert foncé ou bleu (Fontarabie ou luzien) ", et les toitures devant être en " tuiles, à dominante 2 pans ". Ainsi, les constructions projetées, qui devront adopter une architecture locale, ne présentent pas des caractéristiques architecturales atypiques en rupture avec le bâti environnant, également constitué de maisons d'habitation de ce type. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en litige, dont chaque construction devra être autorisée par un permis de construire, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et des paysages naturels ou urbains. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune doit être écarté.

22. En cinquième lieu, aux termes de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Urrugne, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " 1. Accès : () Les accès doivent être aménagés de façon à ne pas présenter un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celles de personnes utilisant ces accès. Une construction ou activité pourra être refusée si son accès à la route qui la dessert présente des risques pour la sécurité des usagers. / Les caractéristiques de ces accès doivent répondre à des conditions satisfaisantes de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, collecte des ordures ménagères, etc / () 2. Voirie : Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées répondant à l'importance ou à la destination de la construction ou de l'ensemble des constructions qui y sont édifiées. Elles doivent répondre à des conditions satisfaisantes de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, collecte des ordures ménagères, etc / () ".

23. Si les requérants soutiennent que le chemin Xearbaïtia n'est pas adapté à l'augmentation du trafic que génèrera le projet de lotissement dès lors, d'une part, que ce chemin n'a qu'une largeur de trois mètres, et d'autre part, que ce même chemin rejoint la route départementale (RD) n° 4 au niveau d'un croisement dangereux, en forte pente et sans visibilité, il ressort toutefois des pièces du dossier que la desserte du lotissement projeté, composé de onze lots, n'induira qu'une augmentation limitée du trafic. En outre, ces onze lots seront desservis par une voie nouvelle à sens unique, traversant le terrain d'assiette du projet, dont l'entrée sera située au sud, au niveau du chemin Xearbaïtia, et la sortie à l'est, au niveau du chemin d'Anxosemebaïta. Les véhicules sortant du lotissement pourront rejoindre la RD 4 en se dirigeant soit vers l'ouest, soit vers l'est du chemin Xearbaïtia. Si le croisement entre ce chemin et la RD4, situé à plusieurs centaines de mètres à l'ouest du terrain d'assiette concerné, présente une faible visibilité, il est constant qu'il est aménagé d'un miroir. Par ailleurs, il n'est pas établi et il ne ressort nullement des pièces du dossier que la largeur du chemin Xearbaïtia, qui comporte des bas-côtés enherbés, ne permettrait pas le croisement des véhicules, en toute sécurité. Enfin, le projet de lotissement a recueilli l'avis favorable du service départemental d'incendie et de secours, qui a estimé que les conditions d'accessibilité des engins de secours étaient satisfaisantes, ainsi que l'avis favorable de la communauté d'agglomération Pays basque, s'agissant de l'accès des véhicules de collecte des déchets. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UD 3 du règlement du PLU doit être écarté.

24. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " () L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code🏛, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement🏛. / () ".

25. Il ressort des pièces du dossier que le projet de révision du PLU de la commune d'Urrugne, arrêté par délibération du 3 novembre 2018 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays basque (CAPB), après que soit intervenu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable (PADD), avait retenu de conserver le classement en zone UD, constructible, du terrain d'assiette du projet, correspondant à la partie sud des parcelles cadastrées section BO n° 91 et 92. Cependant, ce terrain a finalement été classé en zone N, naturelle, lors de l'adoption définitive du PLU, par une délibération du 9 novembre 2019 du conseil communautaire de la CAPB.

26. D'une part, la circonstance que le rapport de présentation du projet de PLU arrêté le 3 novembre 2018 prévoyait que les extensions de l'urbanisation en zone UD devaient être réalisées " uniquement au sein de dents creuses ", et que ce rapport fixait une définition des " dents creuses " dont les critères tendraient à exclure le terrain d'assiette concerné, n'est pas de nature à établir que la CAPB avait déjà l'intention, à la date de l'arrêté en litige, de procéder au classement de ce terrain en zone N.

27. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du commissaire enquêteur remis le 8 août 2019, que lors de l'enquête publique, qui s'est déroulée du 12 juin au 12 juillet 2019, le commissaire enquêteur a indiqué, en réponse aux observations formulées par le public, s'agissant de la parcelle BO n° 92, qu'" au regard des critères édictés pour le classement en zone UD, il est proposé que cette parcelle soit reversée à la zone N ", et il a ensuite rappelé cette proposition dans ses conclusions. La communauté d'agglomération a repris, au cours de l'enquête publique, dans des termes identiques, cette proposition du commissaire enquêteur, en réponse aux observations du public. Cette simple indication de la CAPB n'est pas de nature à établir que la modification du classement de la parcelle en cause était décidé et, par suite, était de nature à justifier qu'un sursis à statuer soit opposé par la commune d'Urrugne. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, qu'à la date de l'arrêté attaqué, le maire d'Urrugne aurait été informé par la CAPB d'une modification du projet de PLU en ce sens. Dès lors, le projet de PLU, en tant qu'il procède au classement du terrain en cause en zone N, n'avait pas atteint un état d'avancement suffisant. En conséquence, le projet de lotissement n'était, à la date de l'arrêté attaqué, pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan et le maire d'Urrugne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme en n'opposant pas un sursis à statuer à cette demande.

28. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par l'association des riverains d'Herboure et M. D à fin d'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le maire d'Urrugne a accordé à l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Urrugne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association des riverains d'Herboure et M. D demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

30. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association des riverains d'Herboure et de M. D une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Urrugne et non compris dans les dépens, ainsi que la même somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par l'association des riverains d'Herboure et M. D est rejetée.

Article 2 : L'association des riverains d'Herboure et M. D verseront à la commune d'Urrugne une somme globale de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'association des riverains d'Herboure et M. D verseront à l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques une somme globale de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'association des riverains d'Herboure, à M. C D, à la commune d'Urrugne et à l'Office public de l'habitat des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Perdu, présidente,

Mme Duchesne, conseillère,

M. Diard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. ALa présidente,

Signé : S. PERDULa greffière,

Signé : M. B

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition,

La greffière,

Signé : M. B

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