Jurisprudence : CA Colmar, 13-01-2023, n° 21/02707, Confirmation

CA Colmar, 13-01-2023, n° 21/02707, Confirmation

A32189BS

Référence

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EP/KG


MINUTE N° 23/68


NOTIFICATION :


Pôle emploi Alsace ( )


Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées


Le


Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A


ARRET DU 13 Janvier 2023


Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02707

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTGJ


Décision déférée à la Cour : 27 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG



APPELANTE :


Madame [FH] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]


Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour


INTIMEE :


S.A.S. BOUYGUES IMMOBILIER

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 562 09 1 5 46

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller rapporteur et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.


Greffier, lors des débats : Mme Aa


ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSE DU LITIGE


La société Bouygues Immobilier est spécialisée dans la promotion immobilière de logements.


Après avoir effectué un contrat de mission auprès de la société Bouygues Immobilier, Madame [FH] [L] a été engagée par contrat à durée déterminée le 6 juin 2017, avec effet au 12 juin, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2017, à temps plein, en qualité d' Assistante manager, statut Etam, position F, soumis à la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment.


Madame [L] était l'assistante manager de Madame [G] [A], directrice générale de la grande région Est.


Madame [Ab] a été placée en arrêt maladie (maladie non professionnelle) en date du 26 avril 2019.


Le 2 mai 2019, elle a avisée Madame [A] de faits de harcèlement moral qui se poursuivaient de la part de Madame [HF] [D], également employée, après un premier courriel du 27 février 2019.


Une enquête a été diligentée par l'employeur.


Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juin 2019, Madame [A] [L] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement.


Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2019, la société Bouygues Immobilier a notifié à Madame [L] son licenciement pour faute grave à savoir que l'enquête avait fait apparaître des faits de comportements inadaptés, voire humiliants vis-à-vis de Madame [E] [Ac], réitérant un comportement semblable à l'égard d'une précédente alternante Madame [F] [J].


Par requête du 11 octobre 2019, Madame [A] [L] a saisi le Conseil de prud'hommes de Strasbourg, section industrie, de demandes tendant à faire reconnaître des faits, de harcèlement moral, aux fins de nullité de son licenciement, subsidiairement de reconnaissance qu'il est sans cause réelle et sérieuse, aux fins d'indemnisations en conséquence, outre une indemnité pour préjudice moral du fait du harcèlement moral.



Par jugement du 27 mai 2021, le Conseil de prud'hommes, en formation de départage, a débouté Madame [L] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les dépens.


Par déclaration du 14 juin 2021, Madame [A] [L] a interjeté appel dudit jugement en toutes ses dispositions.


Par écritures, transmises par voie électronique le 29 septembre 2022, Madame [FH] [L] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, et que la Cour, statuant à nouveau, :


- dise et juge son licenciement, comme faisant suite à des faits de harcèlement, nul, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,


- condamne la Société Bouygues Immobilier au paiement des sommes suivantes :


* 43 946,84 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, à titre subsidiaire d'un montant de 9 613,37 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


* 1 430,56 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,


* 5 493,36 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 549,34 € au titre des congés payés y afférents,


avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, subsidiairement à compter de la notification du 'jugement' à intervenir,


* 10 000 euros au titre des dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct en raison du harcèlement moral,


* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


outre les dépens de l'instance, y compris de l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'Huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier, articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996, modifié par le décret N° 2001-212 du 8 mars 2001.


Par écritures, transmises par voie électronique le 21 septembre 2022, la Sas Bouygues immobilier sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, et la condamnation de Madame [Ab] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, et les dépens.


Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 21 octobre 2022.


En application de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.



MOTIFS


1. Sur le harcèlement moral de la part d'une autre salariée


Selon l'article L.1152-2 du code du travail🏛, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.


L'article L.1154-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


La preuve de harcèlement moral par un salarié à l'encontre d'un autre salarié peut être rapportée par tout moyen, les dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail🏛 étant alors inapplicable (notamment Cass. Soc. 29 juin 2022 n°21-11.437⚖️).

Selon l'article L 1152-4 du code du travail🏛, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral.


Madame [L] soutient que Madame [D], assistante commerciale, :


- la décrébilisait, et remettait en cause son travail,

- effectuait des remarques déplacées, vexantes, humiliantes, dégradantes,

- adressait des courriels accusateurs et humiliants la visant et adressés en copie à plusieurs salariés,

- le 25 avril 2019, lui a demandé de commander des bouteilles d'eau alors que cela ne relevait pas de ses fonctions,

- faisait preuve d'ingérence dans la gestion des apprenties.


Pour justifier des faits de harcèlement moral dont serait responsable Madame [D] à son encontre, Madame [Ab] produit :


- un courriel qu'elle a adressé à Madame [Ad], le 27 février 2019, se plaignant du comportement de Madame [HF] [D] à son encontre (piques, insultes, prise à partie de collaborateurs),


- des échanges de courriels avec Madame [D], avec copie à plusieurs personnes, qui, contrairement à son affirmation, ne présentent pas de caractère accusateur ou humiliant ; les intéressées n'hésitent d'ailleurs pas, sur certains de leurs courriels, à mettre des émoji souriants,


- un certificat du 20 août 2019 du docteur [BL], faisant état de troubles anxieux et d'un burn out liés à une situation de harcèlement moral sur lieu de travail ; toutefois, ce médecin ne fait que reprendre les déclarations de Madame [Ab] dès lors qu'il n'est pas établi qu'il se soit déplacé dans l'entreprise,


- des échanges de Sms entre Madame [L] et, selon Madame [L], Madame [N] ; toutefois, ces Sms n'établissent pas que Madame [FH] [D] aient commis des faits de harcèlement moral au préjudice de Madame [Ab], Madame [Ae] n'ayant pas été témoin de tels faits,


- une attestation de témoin de Madame [V] [VS], dont les termes établissent qu'elle n'a pas été témoin directe de faits de harcèlement moral au préjudice de son amie déclarée, Madame [L], encore moins de la part de Madame [D],


- un courriel du 25 avril 2019 de Madame [D] lui demandant " pour le tennis, merci de commander (prise en charge Dgr), vu avec [G] : 32 bouteilles d'eau plate'.merci " ; un tel courriel ne constitue pas, en soi, un fait de harcèlement, alors que Madame [L] pouvait, par ailleurs, valablement refusé cette demande, en l'absence de lien hiérarchique avec Madame [D]. Or, par courriel du même jour, en réponse, Madame [L] a précisé qu'elle allait passer commande.


- un échange de mails avec Madame [D] du 21 février 2019 ; Cet échange fait apparaître que Madame [D] est effectivement intervenue au soutien de Madame [E] [Ac], apprentie, relatif à un oubli de copie-mail reproché à l'apprentie.


Toutefois, l'échange permet également de relever que les propos se sont envenimés entre Mesdames [L] et [D], du fait d'un reproche effectué par Madame [L] à Madame [D] sur des propos injurieux qui auraient été rapportés à Madame [Ab] ; propos non précisés et contestés par Madame [D].

- des échanges de Sms, de fin 2018-début 2019, entre Monsieur [U] [K] et elle-même, dans lesquels Monsieur [K] précise que " Tout le monde est un peu sur les nerfs en cette fin d'année'.[HF] est un parasite, ça n'échappe à personne, ne te pourrit pas la vie pour ça. Elle n'en vaut pas la peine ".


Mais, ces échanges ne font état d'aucun fait dont aurait été témoin Monsieur [K] au préjudice de MadaAbe [L],


- la copie d'une attestation de témoin de Monsieur [X] [P] relatif au comportement de Madame [HF] [D] à l'égard d'un stagiaire, et faisant état du libertinage de Madame [D].


Toutefois, ce témoignage ne fait état d'aucun fait constitutif de harcèlement qui aurait été commis par Madame [D] à l'égard de MaAbame [L].


Par ailleurs, Madame [L] soutient les faits de harcèlement en visant des pièces de l'employeur :


- le compte rendu (dans le cadre de l'enquête interne) de l'entretien de Monsieur [B], du service Rh, avec Monsieur [Af] [LC] responsable Sav, reprenant les termes de ce dernier, notamment, que [HF] ([D]) ne supporte plus [FH] [L]. [HF] évite [FH] [L]. [HF] peut de temps en temps ne pas avoir sa langue dans sa poche envers [FH].


Toutefois, dans le même compte rendu, Monsieur [LC] précise qu'il n'a jamais été témoin d'une altercation entre les 2, même si leurs relations témoignent d'une certaine froideur et qu'elles ne se disent pas bonjour. Selon, Monsieur [LC], elles ont une relation houleuse et il y a une certaine exagération des deux côtés.


- Le compte rendu de l'audition de Monsieur [U] [K], responsable développement R et S, selon lequel [HF] a tendance à dénigrer ce que faisait [FH] [L].


S'agissant des termes " [HF] a tendance à se mêler à ce qui ne se regarde pas ", repris par Madame [L] dans ses écritures, la lecture des déclarations de Monsieur [K] permet de relever que ces derniers termes ne la concerne pas, mais sont en réponse à une question du comportement de Madame [D] à l'égard de Monsieur [K].


Par ailleurs, Monsieur [K] précise qu'il y a des tensions assez conflictuelles entre Mesdames [L] et [D], mais ne connaît pas le fond du problème.


Ces éléments permettent de retenir l'existence d'une mésentente entre Mesdames [D] et [L], sans qu'on puisse préciser clairement la responsable de cette mésentente, alors que l'échange de courriels du 21 février 2019 permet de relever que Madame [Ab] est la première à avoir tenus des propos agressifs.


Pris dans leur ensemble, les faits retenus ne permettent pas de retenir l'existence de faits répétés de harcèlement moral de Madame [D] à l'égard de MaAbame [L].


D'ailleurs suite à l'enquête interne, la commission santé, sécurité et conditions de travail, dans sa réunion du 14 juin 2019, a conclu également à l'absence de faits de harcèlement moral de la part de Madame [D] à l'égard de MaAbame [L].


Il n'est pas établi que le burn out, et les troubles, de Madame [L] soient en lien avec des faits qui puissent être reprochés à Madame [D], alors que les arrêts maladie n'ont jamais été déclarés et retenus comme suite à une maladie professionnelle ou un accident professionnel, et alors que, lors de son entretien annuel, du 15 mars 2019, avec Madame [A], Madame [Ab] a fait état de soucis de santé et d'une hospitalisation qui ont rendu difficile l'équilibre entre vie personnelle et professionnelle, sans même évoquer que ces problèmes auraient été en lien avec les faits invoqués dans son courriel du 27 février 2019.


Enfin, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité à l'égard des salariés, alors que, suite au courriel du 27 février 2019, Madame [G] [A] a organisé, le 5 mars 2019, un entretien avec Mesdames [L] et [D] pour évoquer leurs difficultés relationnelles entre elles.


Par courriel du 8 mars 2019, Madame [A] a rappelé à l'ordre les 2 salariées concernées, en leur rappelant que si la situation de mésentente et d'irrespect devait perdurer, elle prendrait des mesures d'ordre disciplinaire.


Enfin, l'employeur a réalisé une enquête interne tant sur les faits reprochés par Madame [L] à l'égard de Madame [D], que sur les faits reprochés par Madame [E] [Ac] à l'égard de MaAbame [L].


En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté :


- les demandes tendant à voir reconnaître un harcèlement moral et de

dommages et intérêts y afférents,

- la demande de nullité du licenciement et de dommages et intérêts y afférents.


2. Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse


La lettre de licenciement est motivée par le fait que l'enquête avait fait apparaître des faits de comportements inadaptés, voire humiliants vis-à-vis de Madame [E] [Ac], réitérant un comportement semblable à l'égard d'une précédente alternante Madame [F] [J].


La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.


La charge de l'administration de la preuve de la faute grave repose sur l'employeur (dans le même sens, notamment, Cass.soc 20-03-2019, n° 17-22.068⚖️).


Par lettre du 3 avril 2019, Madame [F] [Ac] s'adressait à Monsieur [W] [B], Responsable des ressources humaines, dans lequel elle indiquait " ne plus supporter la situation qu'elle subissait et le comportement de sa tutrice, Madame [FH] [L] " qui la " dévalorisait devant les clients ", " l'humiliait " en raison de ses tenues vestimentaires et " la critiquait avec des termes méprisants ".


Elle précisait avoir été " agressée " par MaAbame [L], " pleurer " régulièrement sur son lieu de travail.


Lors de l'enquête interne, diligentée par l'employeur, entendue, elle ajoutait qu'au travail, Madame [L] pouvait facilement être difficile et désagréable et qu'elle utilisait son statut d'assistante de direction pour nuire.


Elle précisait qu'il arrivait à Madame [L] de lui parler mal, sur un ton agressif, mais sans toutefois proférer des insultes, et que Madame [Ab] faisait des mails manquants de forme à son égard. Madame [L] pouvait être agressive.


Sa formatrice lui avait demandé un jour de retourner à son domicile pour mieux s'habiller car apparemment sa tenue était incorrecte. Madame [Ac] avait trouvé cela humiliant.


Entendue dans le cadre de cette enquête, Madame [HF] [D] précisait que MadaAbe [L] se sentait en impunité avec [E] ([Ac]), et agissait comme si elle avait la pleine autorité sur la collaboratrice, et outrepassait les prérogatives qu'elle avait de Madame [A]. Ce comportement de Madame [Ab] avait déjà eu un précédent à l'égard d'une collaboratrice prénommée [F].


Madame [D] dépeignait une situation très dure pour Madame [Ac] qui lui paraissait affectée, comme prise en otage.


Monsieur [Af] [LC] indiquait que Madame [L] était exigeante vis-à-vis des collaborateurs et vis-à-vis de Madame [Ac]. Elle ne s'appliquait pas cette même rigueur. Elle n'était pas bienveillante vis-à-vis de Madame [Ac] : elle manque de tact, elle peut être agressive dans la manière de dire les choses, par exemple, concernant ses remarques sur la tenue inadaptée de Madame [Ac], alors qu'elle ne s'appliquait pas cette règle à elle-même.


Monsieur [S] [NA], directeur d'agence, précisait qu'il n'avait pas été témoin de faits, commis par Madame [L] à l'égard de Madame [Ac], mais que l'ancienne alternante lui avait indiqué qu'elle était soulagée de quitter l'entreprise à cause de [FH] [L].


Monsieur [C] [H], directeur commercial, confirmait les difficultés entre Madame [L] et l'ancienne alternante, précisant qu'il y avait eu un chantage photos légères de la part de MaAbame [L].


Madame [R] [T], manager de projets, indiquait que [E] [Ac] était presque la propriété de [FH] [L] qui ne lui parlait pas très bien tant sur le fond que sur la forme. Madame [Ab] faisait faire des petites taches à MadAcme [I], l'empêchait de parler, était très autoritaire avec cette dernière. Madame [Ab] se débarrassait des taches qu'elle ne voulait pas faire pour les données à [E] [Ac] : photocopies, préparer le café.


Elle avait relevé que Madame [E] [Ac] apparaissait sous pression en présence de Madame [L] et changeait complètement quand [FH] [L] n'était pas présente.


Madame [M] [Ab], assistante projets métiers, a confirmé que depuis que Madame [A] [L] était en arrêt maladie, Madame [E] [Ac] se sentait mieux et faisait bien son travail.


Selon Madame [Y] [O], assistante projets métier, Madame [FH] [L] avait tendance à écraser les collaborateurs plus faibles, notamment MadameAc[Ag] [I].


Suite à l'enquête interne et à sa réunion du 14 juin 2019, la Commission santé sécurité et conditions de travail du Cse relevait, dans son procès-verbal de réunion, que de nombreux collaborateurs avaient confirmé des comportements anormaux de la part de Madame [L] : propos vexatoires, tons inappropriés dans les échanges, piquage, propos déplacés sur la tenue vestimentaire, absence de formation, de pédagogie de bienveillance vis-à-vis de son alternant (Madame [Ac]). La quasi-totalité des témoignages révèle que le collaborateur à l'origine de l'alerte abuse de son pouvoir envers son alternant et que cette dernière serait sous pression quotidiennement alors qu'elle est simplement alternante.


La commission concluait que le collaborateur (Madame [L]), qui s'estime victime de harcèlement moral, a quant à lui des comportements clairement inadaptés voire humiliants.


Les échanges de Sms, produits en pièce n°25 par Madame [L], confirment un positionnement inadapté de cette dernière à l'égard de Madame [Ac], alors en formation Bts et que Madame [L] adoptait une attitude ambivalente à l'égard de la jeune femme qu'elle encadrait.


C'est ainsi qu'alors qu'elle la tutoyait, et l'avait très rapidement affectée de mots doux et affectueux tels " bichette " " bisous " et " miss ", elle pouvait également tenir des propos cassants dans le rappel des conditions de fonctionnement, notamment, dans l'utilisation du téléphone et des poses.


Par ailleurs, Madame [L] n'hésitait pas, comme le vendredi 19 octobre 2018, a appelé Madame [Ac], alors que cette dernière était en cours à l'école.


De même, dès le début de la formation, Madame [Ab] demandait régulièrement à son apprentie ou stagiaire de faire des manipulations téléphoniques pour couvrir ses retards.


Alors que les Sms en cause justifient de nombreux retards de Madame [Ab], par Sms du 24 décembre 2018, Madame [Ab] rappelait à l'ordre Madame [Ac] (" attention aux absences et retard, [G] m'a dit déjà demandé de te sensibiliser "), imposant ainsi une rigueur à la stagiaire qu'elle ne s'appliquait pas.


Par échanges du lundi 14 janvier 2019, Madame [Ab] n'a également pas hésité à demander à Madame [Ac], qui l'informait de douleurs aux amygdales et d'un déplacement chez un médecin, de récupérer le soir même.


Elle lui faisait des reproches par la suite (" et ça ne pouvait pas attendre ce soir un rdv médical ' après ton travail par exemple " ; " si tu n'es pas bien et que c'est catastrophique au point de ne pas venir ce matin, il suffit de nous informer de ton absence pour maladie ").


Ainsi, Madame [L] n'hésitait pas à culpabiliser Madame [Ac], son apprentie ou alternante.


Madame [L] ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif que la tutrice légale (à l'égard de l'école) de Madame [Ac] était Madame [Ad], dès lors qu'en pratique, elle avait la charge d'assurer la formation de cette dernière et que l'apprentie était placée sous son autorité.


Constitue une faute grave, le fait pour un salarié ayant des fonctions de formation ou d'encadrement d'une apprentie ou stagiaire d'exercer sur elle des pressions dépassant les strictes nécessités de la formation, notamment, en tenant à son égard des propos humiliants, en la dérangeant en dehors des heures de travail, en lui faisant des reproches injustifiés, de tels faits répétés étant constitutifs de harcèlement moral.


Dès lors, le licenciement pour faute grave de Madame [Ab] apparaît justifié de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [Ab] de ses demandes d'indemnisation, à ce titre (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, indemnité légale de licenciement).


3. Sur les demandes annexes


En application de l'article 696 du code de procédure civile🏛, Madame [FH] [L] sera condamnée aux dépens d'appel.


En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, elle sera condamnée à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 2 000 euros.


La demande de Madame [Ab], à ce titre, sera rejetée.


Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.



PAR CES MOTIFS


La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,


CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 27 mai 2021 du Conseil de prud'hommes de Strasbourg ;


Y ajoutant,


CONDAMNE Madame [FH] [L] à payer à la Sas Bouygues Immobilier la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


DEBOUTE Madame [FH] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


CONDAMNE Madame [FH] [L] aux dépens d'appel.


Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.


Le Greffier, Le Président,

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