Jurisprudence : CA Rennes, 13-09-2022, n° 21/02736, Infirmation partielle


3ème Chambre Commerciale


ARRÊT N°437


N° RG 21/02736 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RTDD


M. [Aab] [O]

M. [G] [K]


C/


CRCAM DES COTES D'ARMOR


Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Copie exécutoire délivrée


le :


à :

Me DE LUCA

Me PRENEUX


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,


GREFFIER :


Madame Ac A, lors des débats et lors du prononcé


DÉBATS :


A l'audience publique du 20 Juin 2022 devant Monsieur Dominique GARET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial


ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats


****



APPELANTS :


Monsieur [Aab] [O]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 2]


Monsieur [Ad] [K]

né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 2]


Représentés par Me Vittorio DE LUCA de la SELARL VERSO AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES


INTIMÉE :


CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR, immatriculée au RCS de SAINT-BRIEUC sous le n° 777 456 179, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 3]


Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES



FAITS ET PROCEDURE :


Le 4 octobre 2013, la société Del Ingenierie a souscrit auprès de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Côtes d'Armor (le Crédit Agricole) un contrat de prêt n°10000022788 d'un montant principal de 50.001 euros remboursable en 60 mois au taux d'intérêt nominal annuel de 2,9%.


Le même jour, M. [Ab] et M. [K], respectivement directeur général et président de la société Del Ingenierie, se sont portés distinctement cautions de la société Del Ingenierie chacun dans la limite de 5.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 120 mois.


Le 18 avril 2016, la société Del Ingenierie a souscrit auprès de le Crédit Agricole quatre contrats de prêt :

- Un prêt n°100000165989 d'un montant principal de 48.000 euros remboursable en 84 mois au taux d'intérêt annuel variable et marge de 0,45 l'an soit 1,2%,

- Un prêt n°100000165990 d'un montant principal de 96.000 euros remboursable en 84 mois au taux d'intérêt nominal annuel de 1,45%,

- Un prêt n°100000166077 d'un montant principal de 59.000 euros remboursable en 84 mois au taux d'intérêt annuel variable et marge de 0,45 l'an soit 1,2%,

- Un prêt n°100000166078 d'un montant principal de 119.000 euros remboursable en 84 mois au taux d'intérêt nominal annuel de 1,45%.


Le même jour, M. [Ab] et M. [K] se sont portés cautions de la société Del Ingenierie

- D'une part, pour les prêts n°100000165989 et n°100000165990 : chacun dans la limite de 13.795,20 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois.

- D'autre part, pour les prêts n°100000166077 et n°100000166078 : chacun dans la limite de 17.052,40 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois.


Le 17 novembre 2017, la société Del Ingenierie a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire qui a, par la suite, été convertie en liquidation judiciaire.


Les 29 décembre 2017 et 28 février 2018, le Crédit Agricole a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire.


Le 29 décembre 2017, le Crédit Agricole a mis en demeure M. [Ab] et M. [K] d'honorer leurs engagements de caution. Le 2 mars 2018, elle a réitéré ces mises en demeure suite à la liquidation judiciaire.


Le 13 mars 2020, le Crédit Agricole a assigné M. [Ab] et M. [K] en paiement.


Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :

- Débouté M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part de leurs demandes de nullité des cautionnements souscrits le 18 avril 2016,

- Constaté que les cautionnements souscrits par M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part sont proportionnés à leur patrimoine,

- Constaté l'absence d'anomalies apparentes dans les fiches patrimoniales remplies par M. [Ab] et M. [K],

- Constaté le caractère de caution avertie de M. [Ab] et M. [K],


- Constaté l'absence de manquement de le Crédit Agricole à son devoir de mise en garde,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au Crédit Agricole au titre du prêt n°10000022788 en leur qualité de caution la somme de 5.000 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au Crédit Agricole au titre du prêt n°100000165989 en leur qualité de caution la somme de 3.769,19 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au Crédit Agricole au titre du prêt n°100000165990 en leur qualité de caution la somme de 6.341,17 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au Crédit Agricole au titre du prêt n°100000166077 en leur qualité de caution la somme de 4.628,40 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au Crédit Agricole au titre du prêt n°100000166078 en leur qualité de caution la somme de 4.379,03 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Accordé à M. [Ab] et M. [K] un délai de 24 mois pour payer leur dette par 22 mensualités d'égal montant et le solde à la 23ème mensualité, sachant que le délai court un mois à compter du jugement,

- Dit que les remboursements s'imputeront d'abord sur le capital,

- Dit que la première échéance interviendra un mois à compter du jugement,

- Dit que M. [Ab] et M. [K] seront déchus des délais accordés après une seule mensualité impayée, et que le solde de leur dette deviendra immédiatement exigible,

- Dit qu'à la fin de la période de remboursement (après 22 mois) le Crédit Agricole fournira un décompte du capital restant dû et des intéréts pour le calcul de la 23ème échéance,

- Débouté M. [Ab] et M. [K] de toutes leurs autres demandes,

- Condamné solidairement M. [Ab] et M. [K] à régler au Crédit Agricole la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part aux entiers dépens,

- Dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du jugement, les en déboute respectivement,

- Liquidé au titre des dépens les frais de greffe.



Le 4 mai 2021, M. [Ab] et M. [K] ont interjeté appel.


M. [Ab] et M. [K] ont déposé leurs dernières conclusions le 1er juin 2022. Le Crédit Agricole a déposé ses dernières conclusions le 7 juin 2022.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2022.


PRETENTIONS ET MOYENS :


M. [Ab] et M. [K] demandent à la cour de :


Réformant le jugement et statuant de nouveau :

- Dire M. [Ab] et M. [K] recevables et bien fondés en leur appel,


A titre principal :

- Constater que le tribunal de commerce de Saint-Brieuc dans sa décision a omis de statuer sur la totalité de la prétention de M. [Ab] et de M. [K] concernant leur demande en nullité des actes de cautionnement n°100000166077 et n°100000166078,

- Constater que les actes de cautionnement régularisés par M. [Ab] et M. [K] au titre des prêts n°100000165989, n°100000165990, n°100000166077 et n°100000166078 sont nuls et de nul effet,


En conséquence :

- Débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions au titre des prêts n° 100000165989, n°100000165990, n°100000166077 et n°100000166078,


A titre subsidiaire :

- Constater le caractère disproportionné du montant des cautionnements de M. [Ab] et de M. [K] au profit de le Crédit Agricole,

- Constater que les dossiers de renseignements produits par le Crédit Agricole contiennent des anomalies apparentes,

- Constater que le Crédit Agricole n'a pas respecté son obligation de mise en garde des cautions,


En conséquence :

- Dire que les cautionnements consentis au profit du Crédit Agricole sont inopposables,

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater que le tribunal de commerce de Saint-Brieuc dans sa décision a omis de statuer sur la demande de M. [Ab] et de M. [K] concernant sa demande de déchéance du droit aux intérêts du Crédit Agricole,

- Constater que le Crédit Agricole ne rapporte pas la preuve de son obligation d'information annuelle,


En conséquence :

- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Agricole,


Sur l'appel incident du Crédit Agricole :

- Débouter le Crédit Agricole de son appel incident,


A titre subsidiaire et si la Cour venait à considérer que les cautionnements ne sont pas inopposables à M. [Ab] et M. [K] :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Accordé à M. [Ab] et M. [K] un délai de 24 mois pour payer leur dette par 22 mensualités d'égal montant et le solde à la 23ème mensualité, sachant que le délai court un mois à compter du jugement,


En tout état de cause :

- Débouter le Crédit Agricole de toutes ses demandes fin et conclusions,

- Condamner le Crédit Agricole à verser à M. [Ab] et M. [K] la somme de 2.500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- Condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens de l'appel.


Le Crédit Agricole demande à la cour de :


- Rejeter l'appel formé par M. [Ab] et M. [K] et le déclarer non fondé,


- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [Ab] et M. [K],


- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Constaté que les cautionnements souscrits par M. [Ab] d'une part et M. [K] sont proportionnés à leur patrimoine,

- Constaté l'absence d'anomalies apparentes dans les fiches patrimoniales remplies par M. [Ab] et M. [K],

- Constaté le caractère de caution avertie de M. [Ab] et de M. [K],

- Constaté l'absence de manquement de CRCAM des Côtes d'Armor à son devoir de mise en garde,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au CRCAM des Côtes d'Armor au titre du prêt n°10000022788 en leur qualité de caution la somme de 5.000 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au CRCAM des Côtes d'Armor au titre du prêt n°1000001655989 en leur qualité de caution la somme de 3.769,19 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] d'autre part à régler au CRCAM des Côtes d'Armor au titre du prêt n°100000165990 en leur qualité de caution la somme de 6.341,17 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- Condamné solidairement M. [Ab] d'une part et M. [K] à régler à le Crédit Agricole la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- Condamné M. [Ab] d'une part et M. [K] aux entiers dépens,


- Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Accordé à M. [Ab] et M. [K] des délais de paiement de 24 mois pour payer leur dette par 22 mensualités d'égal montant et le solde à la 23ème mensualité sachant que le délai court un mois à compter du jugement,

- Dit que les remboursements s'imputeront d'abord sur le principal,

- Dit que la première échéance interviendra un mois à compter du jugement,

- Dit qu'à la fin de la période de remboursement la CRCAM des Côtes d'Armor fournira un décompte du capital restant dû et des intérêts pour le calcul de la 23ème échéance,


En conséquence :

- Débouter M. [Ab] et M. [K] de leur demande de délais,


Y additant :

- Condamner M. [Ab] et M. [K] à verser à le Crédit Agricole la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- Condamner M. [Ab] et M. [K] aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.


DISCUSSION :


Sur la nullité des cautionnements :


M. [Ab] et M. [K] soutiennent que les actes de cautionnement portant sur, d'une part, les prêts n°100000165989 et n°100000165990 et, d'autre part, les prêts n°100000166077 et n°100000166078, seraient nuls car ils n'auraient pas pu mesurer la portée de leur engagement de caution en souscrivant dans un même et unique acte un engagement cumulatif pour deux prêts distincts.


Il est vrai que le jugement a omis de statuer sur la demande de nullité du cautionnement qu'ils ont chacun consenti pour les prêts n°100000166077 et n°100000166078 dans la limite de 17.052,40 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 108 mois. La cour remédira à cette omission.


Les articles L 341-1 et suivants du code de la consommation🏛 dans leur rédaction en vigueur du 5 février 2004 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce n'imposent pas la conclusion d'un cautionnement distinct pour chaque prêt, de sorte qu'il est possible de souscrire un cautionnement dans un unique acte pour deux prêts distincts.


Les montants recopiés par chacune des cautions indiquant les montants de leurs engagements, les cautions ont été en mesure d'apprécier la portée de leurs engagements :

- Pour les prêts n°100000165989 et n°100000165990 : 13.795,20 euros chacun correspondant au cumul des engagements de cautions du prêt n°100000165989 (4.598,40 euros) et du prêt n°100000165990 (9.196,80 euros),

- Pour les prêts n°100000166077 et n°100000166078 : 17.052,40 euros chacun correspondant au cumul des engagements de cautions du prêt n°100000166077 (5.652,20 euros) et du prêt n°100000166078 (11.400,20 euros).


Les actes de cautionnement portant sur les prêts n°100000165989, n°100000165990, n°100000166077 et n°100000166078 respectant les mentions prescrites par le code de la consommation, ils ne sont pas nuls.


Le jugement sera confirmé et la demande d'annulation des cautionnements de 17.052,40 euros rejetée.


Sur la disproportion manifeste :


L'article L 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce, prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné :


Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.


C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste. Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.


La fiche de renseignements que les banques ont l'usage de transmettre aux futures cautions n'est, en droit, ni obligatoire ni indispensable. Le créancier professionnel n'est pas tenu de s'enquérir de la situation financière de la caution préalablement à la souscription de son engagement.


La disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil🏛, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint.


Pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée.


M. [Ab] et M. [K] n'invoquant pas la disproportion des cautionnements souscrits le 4 octobre 2013 pour le prêt n°10000022788, seule sera examinée l'éventuelle disproportion des cautionnements conclus le 18 avril 2016 pour les prêts n°100000165989, n°100000165990, n°100000166077 et n°100000166078.


Le Crédit Agricole produit deux fiches de renseignement complétées respectivement par M. [Ab] et M. [K] et datées du 12 avril 2016.


Les fiches de renseignements remplies par les cautions sont concomitantes au cautionnement et lient celles-ci quant à la situation patrimoniale qu'elles y exposent, le créancier n'ayant pas, sauf anomalie apparente, à en vérifier l'exactitude.


M. [Ab] et M. [K] font valoir que l'indication de leurs revenus annuels auraiet été raturée et modifiée par une tierce personne, de sorte que le montant initial de 36.000 euros apposé sur les deux fiches aurait été changé pour indiquer celui de 44.970 euros.


Les fiches ont en effet été raturées et la cour n'est pas en mesure de s'assurer que ces ratures ont bien été apposées par MM. [Ab] et [K]. Il y a lieu de s'en tenir à ce qu'ils présentent comme ayant été les inscriptions qu'ils ont validées, à savoir des revenus annuels de 36.000 euros pour chacun.


Le taux d'endettement recommandé de 33% que M. [Ab] et M. [K] invoquent n'est qu'un taux indicatif utilisé en pratique par les établissements bancaires, non un plafond d'endettement imposé par le droit positif. De la même manière, la charge moyenne annuelle des emprunts long terme dont M. [Ab] et M. [K] se prévalent n'est qu'une indication statistique, en tant que telle dénuée de valeur et de portée juridiques.


- Situation de M. [Ab] à la date de signature du contrat de cautionnement :


M. [Ab] a indiqué dans sa fiche de renseignements complétée le 12 avril 2016 être marié sous le régime de la communauté légale et percevoir un revenu annuel de 36.000 euros. Il y a également indiqué que son épouse percevait un revenu annuel de 24.000 euros soit environ 2.000 euros par mois.


Il a précisé être propriétaire d'un bien immobilier sis à [Localité 11] estimé à 250.000 euros et dont l'achat avait nécessité la souscription d'un prêt dont le reste à payer était de 95.000 euros, soit une valeur nette d'emprunt de 155.000 euros.


M. [Ab] a également indiqué dans sa fiche de renseignement avoir souscrit plusieurs emprunts :

- Un prêt dont la somme restant due au 12 avril 2016 est de 8.500 euros,

- Un prêt dont la somme restant due au 12 avril 2016 est de 6.549,36 euros,

- Un prêt dont la somme restant due au 12 avril 2016 est de 15.214 euros,

- Un prêt dont la somme restant due au 12 avril 2016 est de 2.362,20 euros.


Pour apprécier le caractère disproportionné d'un cautionnement au moment de sa conclusion, les juges doivent prendre en considération l'endettement global de la caution, ce qui inclut les cautionnements qu'elle a précédemment souscrits par ailleurs, bien qu'ils ne correspondent qu'à des dettes éventuelles à condition qu'ils aient été souscrits avant celui contesté.


M. [Ab] a précisé qu'il avait conclu deux contrats de cautionnements à hauteur de 10.000 euros chacun.


En l'espèce, le 18 avril 2016, M. [Ab] a conclu deux actes de cautionnement :

- Un cautionnement pour un montant de 13.795,20 euros pour les prêts n°100000165989 et n°100000165990,

- Un cautionnement pour un montant de 17.052,40 euros pour les prêts n°100000166077 et n°100000166078.


Si la fiche de renseignements remplie par la caution lie cette dernière quant aux biens et revenus qu'elle y déclare, le créancier n'ayant pas, sauf anomalie apparente, à en vérifier l'exactitude, elle ne fait pas obstacle à ce que les éléments d'actif ou de passif dont le créancier ne pouvait ignorer l'existence soient pris en compte, ce, quand bien même ils n'auraient pas été déclarés.


M. [Ab] n'a pas indiqué dans sa fiche de renseignement qu'il avait en outre conclu le 4 octobre 2013 un contrat de cautionnement pour la somme de 5.000 euros au titre du contrat de prêt n°10000022788. Cependant ce cautionnement ayant été souscrit auprès du Crédit Agricole également, cette dernière ne pouvait ignorer son existence. Ce cautionnement étant intervenu antérieurement, il doit être pris en compte pour apprécier l'éventuelle disproportion des cautionnements conclus le 18 avril 2016.


En tout état de cause, au vu des éléments dont dispose la cour, ses engagements de 13.795,20 euros et 17.052,40 euros conclus le 18 avril 2016 n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.


Partant, il n'y a pas lieu d'examiner la proportionnalité de ce cautionnement au jour où M. [Ab] a été appelé.


Le jugement sera confirmé.


- Situation de M. [K] à la date de signature du contrat de cautionnement :


M. [K] a indiqué dans sa fiche de renseignements complétée le 12 avril 2016 être célibataire et percevoir un revenu annuel de 36.000 euros.


Il a précisé être propriétaire d'un bien immobilier sis à [Localité 10] estimé à 250.000 euros et dont l'achat avait nécessité la souscription d'un prêt dont le reste à payer était identique à sa valeur.

M. [K] a également indiqué dans sa fiche de renseignement avoir souscrit plusieurs emprunts :

- Un prêt dont la somme restant due au 12 avril 2016 est de 15.214 euros,

- Un prêt dont la somme restant due au 12 avril 2016 est de 2.362,20 euros.


M. [K] a précisé qu'il était engagé dans deux cautionnements à hauteur de 10.000 euros chacun.


Comme examiné supra il doit également être pris en considération le contrat de cautionnement conclu auprès de le Crédit Agricole le 4 octobre 2013 pour la somme de 5.000 euros au titre du contrat de prêt n°10000022788.


En l'espèce M. [K] a conclu deux actes de cautionnement le 18 avril 2016 :

- Un cautionnement pour un montant de 13.795,20 euros pour les prêts n°100000165989 et n°100000165990,

- Un cautionnement pour un montant de 17.052,40 euros pour les prêts n°100000166077 et n°100000166078.


Il résulte de tous ces éléments que les cautionnements souscrits par M. [K] auprès de le Crédit Agricole le 18 avril 2016 étaient, au jour de leur conclusion, manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.


Par conséquent, il y a lieu d'examiner la proportionnalité entre les sommes réclamées et le patrimoine de M. [K] au jour où il a été appelé soit le 13 mars 2020, date de l'assignation.


- Situation de M. [K] au jour où il a été appelé :


Lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion, il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.


Le Crédit Agricole fait valoir que le patrimoine de M. [K] lui permettrait de faire face aux engagements souscrits puisqu'il est toujours propriétaire du logement sis à [Localité 10] estimé en 2016 à 250.000 euros et donc largement remboursé aujourd'hui, elle ne prouve pas la réalité de ces allégations. Il résulte de l'attestation émanant du Crédit Agricole, et produite devant la cour par M. [K], qu'au 31 mai 2022 les sommes de 164.849 euros et 5.833 euros restaient dues au titre des prêts immobiliers. M. [K] indique en outre qu'il remboursait avec sa conjointe la somme de 1.169,68 euros par mois au titre du prêt immobilier, 584,84 euros étant à sa charge.

Cette indication permet d'évaluer le montant des sommes qui restaient dues au titre des emprunts immobilier à la date de l'assignation.


Le Crédit Agricole a assigné M. [K] en paiement de la somme globale de près de 24.000 euros.


Au vu de ses éléments, il apparait qu'à la date à laquelle il a été assigné, le patrimoine de M. [K] lui permettait, du fait de la différence entre la valeur de son logement et les sommes restant dues au titre des emprunts contractés pour le financier, de payer les sommes réclamées par le Crédit Agricole au titre des trois actes de cautionnement en litige en l'espèce.


Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'absence de disproporition manifeste des engagements de M. [K].


Sur l'obligation de mise en garde :


Si la caution est profane, l'établissement bancaire doit la mettre en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La caution avertie n'est pas créancière de ce devoir de mise en garde, sauf si elle démontre que la banque disposait d'informations qu'elle-même ignorait, notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement du débiteur principal.


C'est sur le créancier professionnel que pèse la charge d'établir que la caution est avertie. À défaut, elle est présumée profane. En revanche, c'est à la caution qu'il revient de rapporter la preuve du manquement de l'établissement bancaire à son obligation de mise en garde.


Pour apprécier la qualité de la caution, il y a lieu de tenir compte de la formation, des compétences et des expériences concrètes de celle-ci ainsi que de son implication dans le projet de financement.


Il doit être démontré qu'elle avait une connaissance étendue du domaine de la finance et de la direction d'entreprise. Le fait que la caution ait été, lors de la conclusion du cautionnement, dirigeant de la société cautionnée ne représente qu'un seul des indices permettant d'apprécier sa qualité de caution profane ou avertie.


MM. [K] et [Ab] dirigaient la société Del Ingenierie qu'ils avaient créée en 2011. Ils indiquent eux mêmes que cette société, spécialisée dans la fabrication d'éclairage LED pour les profesionnels, était devenue après quelques années de développement le premier fabricant du marché, qu'après une année de fabrication de ses produits en Asie, la société avait fait le choix de rapatrier sa production en France à [Localité 8] avant de chercher à agrandir ses locaux.


Il apparait ainsi qu'à la date des engagements de caution ici en litige, MM. [K] de [Ab] avaient acquis une grande expérience de la gestion de la société financée et du marché concerné. Ils étaient à même de comprendre le sens et la portée des engagements de caution en question. Ils étaient tous deux des cautions averties.


Il n'est pas démontré que le Crédit Agricole ait eu des informations que MM. [K] et [Ab] ignoraient notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement de la société Del Ingenierie.


Le Crédit Agricole n'a donc pas manqué à son devoir de mise en garde.


Le jugement sera confirmé.


Sur l'information annuelle de la caution :


Le tribunal a omis de statuer sur cette demande présentée par MM. [Ab] et [K]. La cour va corriger cette omission de statuer.


L'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :


Article L 313-22 du code monétaire et financier🏛, dans sa rédaction en vigueur du 7 mai 2005 au 1er janvier 2014 et applicable en l'espèce aux cautionnements conclus par M. [Ab] et M. [K] le 4 octobre 2013:


Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.


Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.


Article L 341-6 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction en vigueur du 5 février 2004 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce aux cautionnements conclus par M. [Ab] le 18 avril 2016 :


Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.


L'établissement n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit établir qu'il a envoyé des lettres contenant les informations fixées par ce texte.


Le Crédit Agricole produit des copies de lettres d'information destinées à M. [Ab] et [K] en date des 6 mars 2014, 27 janvier 2015, 10 mars 2016, 16 février 2017, 23 janvier 2018 et 21 février 2019. Ces lettres comportent les mentions requises. Le Crédit Agricole joint à ces pièces les procès verbaux d'huissiers attestant de l'envoi des lettres d'informations aux différentes cautions et des attestations d'huissier constatant que MM. [Ab] et [K] figuraient bien sur la liste des distinataires des envois conservée sur des CD Rom annexés aux différents constats de 2014 à 2020. Le fait que les lettres d'informations comportent des dates antérieures à celles des opérations d'envoi groupés ne permet pas de remettre en cause leur authenticité dans la mesure où il apparait que le Crédit Agricole a procédé à un regroupement de l'ensemble des lettres d'information des cautions avant de les envoyer en présence d'un huissier de justice.


Il est ainsi établi que le Crédit Agricole a respecté son obligation d'information annuelle à l'égard de M. [Ab] et M. [K] depuis le 6 mars 2014, c'est à dire depuis la signature des engagaments de caution en litige.


Le jugement sera confirmé sur ce point.


Les parties ne remettant pas en discussion les montant alloués et les taux d'intérêt de retard fixés par le tribunal, la décision de ce dernier sera confirmée sur ces points.


Sur les délais de paiement :


M. [Ab] et M. [K] ont déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de leur en accorder de nouveaux.


Sur les frais et dépens :


Il y a lieu de condamner MM. [Ab] et [K] aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS :


La cour :


- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Accordé à M. [Ab] et M. [K] des délais de paiement de 24 mois pour payer leur dette par 22 mensualités d'égal montant et le solde à la 23ème mensualité sachant que le délai court un mois à compter du jugement,

- Dit que les remboursements s'imputeront d'abord sur le principal,

- Dit que la première échéance interviendra un mois à compter du jugement,

- Dit qu'à la fin de la période de remboursement la CRCAM des Côtes d'Armor fournira un décompte du capital restant dû et des intérêts pour le calcul de la 23ème échéance,


- Confirme le jugement pour le surplus :


Statuant à nouveau et y ajoutant :


- Rejette les autres demandes des parties,


- Condamne MM. [Ab] et [K] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Le greffier Le président

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