Jurisprudence : TA Marseille, du 30-11-2023, n° 2311027


Références

Tribunal Administratif de Marseille

N° 2311027


lecture du 30 novembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, l'établissement public d'aménagement (EPA) Euroméditerranée, représenté par Me Thomé, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative🏛🏛, de modifier la mesure d'injonction prononcée le 4 juillet 2023 par ordonnance n° 2306046 de la juge des référés du tribunal afin qu'il lui soit enjoint de ne pas poursuivre de travaux de démolition portant sur la structure du bâtiment situé sur les parcelles cadastrées section 901 A n° 95 et n° 98 à Marseille, tout en l'autorisant à réaliser les travaux de mise en sécurité nécessaires pour assurer la préservation de ce bâtiment.

Il soutient que :

- dans le cadre de la poursuite de son opération d'aménagement, il est dans l'obligation de réaliser des travaux de mise en sécurité urgents afin d'assurer la préservation du bâtiment en cause, qui sera conservé dans ce projet d'aménagement, et d'éviter qu'il ne se détériore davantage, dès lors que la conclusion de l'étude réalisée par le bureau d'études SITES en juin 2023, et remise le 17 juillet 2023, précise que le processus de corrosion de la halle Slimani a déjà passé sa phase d'initiation et est actuellement dans sa phase de propagation, que, si l'ouvrage ne présente pas de risque majeur à court terme sur la partie structurelle, la toiture est dans un état de dégradation avancée et n'assure plus une étanchéité complète (infiltrations d'eau), et que des travaux de réparation devront être réalisés rapidement sur cet élément ;

- par ailleurs, le fait que la halle comprenne des ouvertures non sécurisées présente également un risque d'intrusion et de dégradations volontaires du bâtiment ;

- il importe donc de l'autoriser à réaliser des prestations sur la toiture (dépose et évacuation partielle de l'étanchéité détériorée sur la toiture, pose partielle d'une étanchéité sur la toiture, sur les zones mises à nue, comprenant les raccords avec l'étanchéité conservée, remplacement des vitrages cassés situés sur les versants à forte pente des sheds, dépose et évacuation des anciens dispositifs d'évacuation des eaux pluviales (boites à eau et descentes des eaux pluviales), création de nouveaux dispositifs d'évacuation des eaux pluviales), et de travaux de maçonnerie (réparations des ouvrages béton à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment, confortement d'un pan de mur en agglomérés creux fissuré, réfection complète d'un pan de mur en agglomérés creux, réfection d'un mur intérieur soutenant l'étage du bâtiment, bouchement de toutes les ouvertures en façade afin de sécuriser le bâtiment de toute intrusion, création de nouveaux accès au bâtiment, compte tenu des travaux d'espace public ayant modifié le nivellement aux alentours du bâtiment et condamnant les accès antérieurs, divers bouchements en agglomérés creux à l'intérieur du bâtiment, réalisation d'enduits hydrauliques monocouches sur les bouchements en agglomérés creux effectués et existants sur les murs de façades).

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2023, la SCI Les Marchés Méditerranéens, représentée par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'EPA Euroméditerranée d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle fait valoir que :

- alors que l'EPA n'a pas jugé opportun de former un pourvoi à l'encontre de l'ordonnance du 4 juillet 2023, la requête a été enregistrée le 21 novembre 2023, soit le jour même du transport sur les lieux du juge de l'expropriation, assisté de sa greffière et accompagné des parties et de leurs conseils, dans le cadre de la procédure engagée sur le fondement de l'article L. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique🏛, aux fins de restitution des biens irrégulièrement expropriés, à l'occasion duquel aucun problème de sécurité dont souffrirait le bâti n'a été évoqué ;

- il n'est fait état d'aucun élément nouveau, et ce alors que la situation n'est pas évolutive depuis des années, que le bâtiment ne fait l'objet d'aucun arrêté de péril et que les préconisations formulées dans ce rapport ne s'inscrivent que dans la perspective du projet d'aménagement à long terme, les travaux pour lesquels l'autorisation est sollicitée constituant en réalité les prémices de la réhabilitation générale de l'ouvrage ;

- il n'existe pas de danger en l'absence de réalisation des travaux sollicités avant la décision du Conseil d'Etat qui devrait intervenir en mars 2024 ;

- les travaux sollicités sont de nature à porter atteinte tant à son droit au recours effectif, dès lors qu'il ne peut être exclu qu'ils soient susceptibles d'avoir une incidence sur l'appréciation du juge de l'expropriation, en le conduisant à considérer soit qu'ils s'opposent à la restitution, soit qu'ils doivent être remboursés, ainsi qu'à son droit de propriété.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Jorda-Lecroq, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 27 novembre 2023, tenue à 15h00 en présence de Mme Ben Hammouda, greffière d'audience :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les observations de Me Thomé, représentant l'EPA Euroméditerranée, et de Mme A, directrice de projet à la direction de l'aménagement, pour l'EPA Euroméditerranée ;

- et les observations de Me Le Cadet, substituant Me Labetoule, représentant la SCI Les marchés méditerranéens.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative :

1. L'article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit que : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".

2. Par une ordonnance n° 2306046 du 4 juillet 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a enjoint à l'EPA Euroméditerranée de ne pas poursuivre de travaux de toute nature sur le bâti situé sur les parcelles cadastrées section 901 A, n° 95 et n° 98 à Marseille, jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur les pourvoi et demande de sursis à exécution formés contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 22MA02201 du 5 juin 2023⚖️. L'EPA Euroméditerranée demande la modification de cette mesure d'injonction, afin d'être autorisé à réaliser les travaux de mise en sécurité nécessaires, selon lui, pour assurer la préservation de ce bâtiment, l'injonction de ne pas poursuivre de travaux de démolition portant sur la structure du bâtiment étant maintenue. Il précise que les travaux nécessaires consistent en des prestations sur la toiture (dépose et évacuation partielle de l'étanchéité détériorée sur la toiture, pose partielle d'une étanchéité sur la toiture, sur les zones mises à nue, comprenant les raccords avec l'étanchéité conservée, remplacement des vitrages cassés situés sur les versants à forte pente des sheds, dépose et évacuation des anciens dispositifs d'évacuation des eaux pluviales (boites à eau et descentes des eaux pluviales), création de nouveaux dispositifs d'évacuation des eaux pluviales), et de prestations de maçonnerie (réparations des ouvrages béton à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment, confortement d'un pan de mur en agglomérés creux fissuré, réfection complète d'un pan de mur en agglomérés creux, réfection d'un mur intérieur soutenant l'étage du bâtiment, bouchement de toutes les ouvertures en façade afin de sécuriser le bâtiment de toute intrusion, création de nouveaux accès au bâtiment, compte tenu des travaux d'espace public ayant modifié le nivellement aux alentours du bâtiment et condamnant les accès antérieurs, divers bouchements en agglomérés creux à l'intérieur du bâtiment, réalisation d'enduits hydrauliques monocouches sur les bouchements en agglomérés creux effectués et existants sur les murs de façades).

3. Pour demander une telle modification de l'injonction prononcée le 4 juillet 2023, l'EPA Euroméditerranée fait état, en particulier, d'une étude réalisée par le bureau d'études SITES en juin 2023. Toutefois, cette étude, outre qu'elle a été remise au requérant le 17 juillet 2023, soit depuis plus de quatre mois à la date de l'enregistrement de la présente requête, indique, en conclusion, qu'il n'existe aucun désordres majeurs remettant en cause la tenue structurelle de l'ouvrage à court terme et qu'il n'a pas été relevé d'évolution significative des désordres depuis l'inspection réalisée en 2020. La nécessité de travaux urgents de mise en sécurité du bâtiment ne ressort ni de cette étude, ni des autres pièces versées au dossier. Par ailleurs, le risque d'intrusion et de dégradations volontaires du bâtiment également relevé par l'établissement public requérant n'est corroboré par aucun élément. Dans ces conditions, l'EPA Euroméditerranée, qui sollicite, au demeurant, l'autorisation de faire réaliser des travaux dont certains excèdent une simple mise en sécurité du bâti, ne peut être regardé comme établissant, à la date de la présente ordonnance, l'existence d'un élément nouveau, au sens des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, de nature à justifier une modification de l'injonction de ne pas poursuivre de travaux de toute nature sur le bâti situé sur les parcelles cadastrées section 901 A, n° 95 et n° 98 à Marseille, jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur les pourvoi et demande de sursis à exécution formés contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 22MA02201 du 5 juin 2023 prononcée le 4 juillet 2023.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par l'EPA Euroméditerranée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPA Euroméditerranée une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de l'EPA Euroméditerranée est rejetée.

Article 2 : L'EPA Euroméditerranée versera à la SCI Les Marchés Méditerranéens une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée et à la SCI Les Marchés Méditerranéens.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Bouches-du-Rhône.

Fait à Marseille, le 30 novembre 2023.

La vice-présidente désignée,

juge des référés

Signé

K. Jorda-Lecroq

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière.

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