Jurisprudence : CE Contentieux, 20-03-2000, n° 191418, Société CARREFOUR FRANCE

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 191418

Société CARREFOUR FRANCE

Mme Jodeau-Grymberg, Rapporteur
M. Martin Laprade, Commissaire du Gouvernement

Séance du 23 février 2000
Lecture du 20 mars 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 18 novembre 1997 et 13 mars 1998, présentés pour la société CARREFOUR FRANCE dont le siège social est dans la ZAE de Saint-Guénault à Courcouronnes (91000) représentée par son représentant légal en exercice ; la société CARREFOUR FRANCE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 18 septembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, rejeté sa demande d'annulation du jugement du 25 juillet 1995 du tribunal administratif de Versailles annulant le permis de construire qui lui a été délivré le 14 septembre 1994 par le maire de Rambouillet (Yvelines) pour le déplacement de la station-service qu'elle exploite dans la zone d'activités du Bel-Air et fa, d'autre part, condamnée à verser à M. et Mme Barre et autres la somme de 7 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique:

- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Société CARREFOUR FRANCE et de Me Blanc, avocat de M. Michel Barre et autres,

- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté du 14 septembre 1994, le maire de Rambouillet a accordé à la société CARREFOUR FRANCE le permis de construire pour le déplacement d'une station service d'une surface hors oeuvre nette de 364 m² à l'intérieur de l'emprise du magasin que cette société exploite dans la zone d'activité du Bel Air ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé l'annulation de cet arrêté prononcée par le tribunal administratif de Versailles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8.111-2 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que, du seul fait qu'elle était située à proximité d'un centre commercial et d'une zone résidentielle, l'installation d'une station de distribution de carburants comportait des risques d'incendie et d'explosion tels que le permis de la construire ne pouvait être légalement accordé par le maire sans être assorti de prescriptions spéciales destinées à réduire ces risques ; que la cour n'a toutefois pas indiqué la nature de ces prescriptions et en quoi elles se distinguaient de celles que la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et notamment son article 3, autorise le préfet à spécifier ; que la société CARREFOUR FRANCE est, dés lors, fondée à soutenir que l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé et à en demander pour ce motif l'annulation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes du III de l'article UL 1 du règlement du plan d'occupation des sols de Rambouillet: "Les installations massées pour la protection de l'environnement (...) peuvent être admises quels que soient les régimes auxquels elles sont soumises à condition qu'elles n'entraînent pour le voisinage aucune incommodité et, en cas d'accident ou de fonctionnement défectueux, aucune insalubrité ni sinistre irréparables aux personnes et aux biens" ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire, dans la zone UL, toute construction destinée à accueillir une installation classée ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 14 septembre 1994 du maire de Rambouillet, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que les dispositions du III de l'article UL 1 n'autorisaient pas l'implantation dans la zone d'une station service qui constitue une installation classée susceptible, par sa nature même, de comporter des inconvénients pour le voisinage ;

Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme Barre et autres devant le tribunal administratif de Versailles ;

Considérant que les moyens relatifs à la régularité de l'enquête publique réalisée en application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pouf la protection de l'environnement sont inopérants à l'encontre de l'arrêté accordant le permis de construire ;

Considérant que la commission départementale d'urbanisme commercial, instituée par la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, n'avait pas à être saisie, en application de l'article 29 de cette lai, avant l'octroi du permis de construire attaqué, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le déplacement de la station-service litigieuse devait s'effectuer à l'intérieur de la surface commerciale déjà autorisée le 9 février 1990 dont elle n'entraînait aucune augmentation ;

Considérant que la mention dans le permis de construire de la mission dévolue à la commission départementale de la protection civile ne constitue qu'un rappel sans portée sur la légalité du permis de construire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier quêtait jointe à la demande de permis de construire la demande présentée par la société CARREFOUR FRANCE, sur le fondement de la loi du 19 juillet 1976, en vue d'être autorisée à déplacer l'installation classée ; que cette demande comportait une étude décrivant de façon détaillée l'installation et ses dispositifs de sécurité, exposant les dangers qu'elle pouvait présenter en cas d'accident, précisant les mesures prévues pour y remédier et les moyens de secours de l'établissement ; qu'en ne subordonnant pas la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions que celles qui étaient susceptibles d'être imposées au pétitionnaire, en application de la loi du 19 juillet 1976, le maire de Rambouillet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en estimant, pour l'application de l'article R 111-14-2 du cade de l'urbanisme, que cette construction ne comportait pas de risques graves pour l'environnement, notamment quant à son insertion dans le site, à l'existence de nuisances sonores et à l'évacuation des eaux pluviales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CARREFOUR FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé le permis de construire délivré le 14 septembre 1994 par le maire de Rambouillet;

Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M. et Mme Barre et autres à verser à la société CARREFOUR FRANCE la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que la société CARREFOUR FRANCE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. et Mme Barre et autres la somme qu'ils demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;

DECIDE :


Article 1er : L'arrêt du 18 septembre 1997 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 25 juillet 1995 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme Barre et autres devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : M. et Mme Barre et autres verseront à la société CARREFOUR FRANCE la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société CARREFOUR FRANCE, à M. et Mme Michel Barre, à M. et Mme Gérard Bataille, à Mme Nicole Beuvelet, à M. et Mme Bouet, à M. et Mme Gabriel Cimino, à Mme Evelyne Commandeur, à M. Cédric Compagnon, à M. et Mme Jacques Craeynest, à M. et Mme Claude Cretois, à M. et Mme Jean-Pierre Dargentolle, à M. et Mme Henri Duclut, à M. et Mme Jean-Claude Fosse, à Mme Maria Rodriguez, à M. Jackie Gouriellec, à M. et Mme André Granger, à M. et Mme Michel Guedon, à M. et Mme Max Guerrier, à M. et Mme Joël Legaufre, à M. et Mme Raymond Le Pen, à M. et Mme Robert Millancourt, à M. et Mme Michel Pilon, à M. et Mme Raymond Proust, à M. et Mme Roger Rat, à M. et Mme Jean-Pierre Robin, à Mme Denise Se

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