Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 07-10-2022, n° 452959, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 07-10-2022, n° 452959, mentionné aux tables du recueil Lebon

A92078MX

Référence

CE 1/4 ch.-r., 07-10-2022, n° 452959, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88780892-ce-14-chr-07102022-n-452959-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

14-02-01-05-02 Il résulte des articles L. 752-17 du code de commerce et L. 425-4 du code de l’urbanisme que l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), a le caractère d’un acte préparatoire à la décision prise par l’autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale. ...1) Si le recours formé auprès de la CNAC à l’encontre de l’avis émis par la commission départementale constitue, en vertu de ces mêmes dispositions, un préalable obligatoire à l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l’autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation commerciale, 2) un tel recours préalable obligatoire ne peut être regardé, dès lors qu’il est dirigé contre l’avis préalable de la commission départementale de l’aménagement commercial, et non contre la décision de l’autorité administrative, seule décision susceptible de recours contentieux, comme ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce qu’un recours gracieux formé contre cette décision devant l’autorité administrative qui l’a prise, pour autant qu’il est formé dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, interrompe le cours de ce délai.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 452959

Séance du 16 septembre 2022

Lecture du 07 octobre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

L'association En toute franchise département de l'Hérault a demandé à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de Montpellier a délivré un permis de construire à la société Odysseum Place de France en tant que ce permis vaut autorisation de construire et autorisation d'exploitation commerciale, la décision du 1er août 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 28 juin 2019 à l'encontre de cet arrêté, ainsi que l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le maire a délivré à la société Odysseum Place de France un permis de construire modificatif. Par un arrêt n° 19MA04442 du 22 mars 2021, la cour administrative d'appel a rejeté cette requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 25 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association En toute franchise département de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Montpellier et de la société Odysseum Place de France la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014🏛;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association En toute franchise département de l'Hérault, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Odysseum Place de France et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2022, présentée par la société Odysseum Place de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Odysseum Place de France a déposé, le 8 août 2018, une demande de permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'un centre commercial. Le projet a reçu un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault le 18 octobre 2018. Saisie de recours formés par l'association En toute franchise département de l'Hérault et plusieurs sociétés, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet le 7 mars 2019. Par un arrêté du 29 avril 2019, le maire de Montpellier a délivré le permis de construire à la société Odysseum Place de France pour la réalisation de ce projet. Par une décision du 1er août 2019, le maire de Montpellier a rejeté le recours gracieux formé le 28 juin 2019 par l'association En toute franchise département de l'Hérault contre cet arrêté. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le maire de Montpellier a délivré à la société Odysseum Place de France un permis modificatif portant sur le même centre commercial. L'association En toute franchise département de l'Hérault se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation des arrêtés des 29 avril 2019 et 3 décembre 2020 et de la décision du 1er août 2019.

Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur les conclusions de l'association aux fins d'annulation des décisions attaquées en tant qu'elles sont relatives à l'autorisation de construire :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation🏛 ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme🏛 : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. "

3. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une association puisse contester un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale à la fois en tant qu'il vaut autorisation de construire et en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt pour agir contre chacune de ces autorisations. Dès lors, il appartenait à la cour administrative d'appel de Marseille, pour déterminer la recevabilité des conclusions présentées par l'association En toute franchise département de l'Hérault contre les permis litigieux en tant qu'ils valaient autorisations de construire, lesquelles étaient présentées en même temps que des conclusions dirigées contre les mêmes permis en tant qu'ils tenaient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, de rechercher si elle justifiait, au regard de l'objet défini par ses statuts et de son champ d'action géographique, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre chacune de ces autorisations.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le permis délivré par l'arrêté du 29 avril 2019 et le permis modificatif délivré par l'arrêté du 3 décembre 2020 en tant qu'ils valent autorisations de construire, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que l'association requérante avait pour objet la défense des intérêts collectifs des commerçants, indépendants et artisans dans le département de l'Hérault et en a déduit que, les autorisations de construire ne portant, par elles-mêmes, pas atteinte au commerce, ses statuts ne lui donnaient intérêt pour agir contre un permis de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. En statuant ainsi, sans tenir compte des autres finalités poursuivies par l'association et retracées à l'article 2 de ses statuts mis au dossier du juge du fond, notamment " la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l'autorisation de surfaces destinées au commerce ", la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, l'arrêt doit être annulé en tant qu'il juge irrecevables les conclusions de l'association dirigées contre les arrêtés des 29 avril 2019 et 3 décembre 2020 en tant qu'ils valent autorisations de construire.

Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur les conclusions de l'association aux fins d'annulation des décisions attaquées en tant qu'elles sont relatives à l'autorisation d'exploitation commerciale :

5. Aux termes du I de l'article L. 752-17 du code de commerce🏛 : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme🏛, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / () / À peine d'irrecevabilité, la saisine de la Commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'État dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme🏛 : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce🏛, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. () ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial, a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Si le recours formé auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial à l'encontre de l'avis émis par la commission départementale constitue, en vertu de ces mêmes dispositions, un préalable obligatoire à l'introduction d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation commerciale, un tel recours préalable obligatoire ne peut être regardé, dès lors qu'il est dirigé contre l'avis préalable de la commission départementale de l'aménagement commercial, et non contre la décision de l'autorité administrative, seule décision susceptible de recours contentieux, comme ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce qu'un recours gracieux formé contre cette décision devant l'autorité administrative qui l'a prise, pour autant qu'il est formé dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, interrompe le cours de ce délai.

7. Par suite, en jugeant que les conclusions de la requête de l'association requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2019 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale étaient tardives, au motif que le recours gracieux qu'elle avait formé le 28 juin 2019 devant le maire de Montpellier n'avait pas eu pour effet, en application de l'article L. 412-4 du code des relations entre le public et l'administration🏛, de préserver le délai de recours contentieux, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit. Dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il juge tardives les conclusions de l'association dirigées contre l'arrêté du 29 avril 2019 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association En toute franchise département de l'Hérault est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association En toute franchise département de l'Hérault qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montpellier et de la société Odysseum Place de France la somme de 1 750 euros chacune à verser à l'association En toute franchise département de l'Hérault au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 22 mars 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société Odysseum Place de France et la commune de Montpellier verseront, chacune, la somme de 1 750 euros à l'association En toute franchise département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Odysseum Place de France et la commune de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association En toute franchise département de l'Hérault, à la société Odysseum Place de France et à la commune de Montpellier.

Copie pour information sera transmise au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

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