ETUDE : Déconfinement et obligation de sécurité : l’employeur face à ses responsabilités * Rédigée le 04.06.2020
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sans cacheDernière modification le 06-11-2020
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En pratique, l’obligation de sécurité impose à l’employeur :
En outre, eu égard à la nature du risque covid-19 et à l’ampleur des changements qu’il engendre, il est indispensable que les employeurs identifient également des solutions pour préserver la santé mentale de leurs collaborateurs qui peuvent être affectés par la soudaineté et la radicalité des mesures prises.
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Bien que les plaintes pénales aient été classées sans suite, les demandes formulées parallèlement par les syndicats devant les juridictions civiles -enjoignant les employeurs à mettre à jour leur DUER ou renforcer les consignes sanitaires- ont pour la grande majorité abouti (TJ Nanterre, 14 avril 2020, n° 20/00503, Union syndicale Solidaire c/ SAS Amazon France Logistique N° Lexbase : A79303KW, B. Fieschi, Le risque de la poursuite d’activité dans un contexte d’état d’urgence sanitaire, Lexbase Social, 2020, n° 822 N° Lexbase : N3136BYS ; CA Versailles, 14ème chambre, 24 avril 2020, n° 20/01993, SAS Amazon France logistique c/ Union syndicale Solidaire N° Lexbase : A99883K7 ; TJ Lille, ordonnance du 24 avril 2020, n° 20/00395, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des service c/ SAS Carrefour hypermarchés N° Lexbase : A32283L7 ; TJ Paris, ordonnance du 9 avril 2020, n° 20/52223, Fédération SUD des activités postales et des télécommunications c/ La Poste N° Lexbase : A32273L4).
Naturellement, le succès d’une telle action sera corrélé à la capacité du salarié à établir la réalité et l’étendue de son préjudice (Cass. soc., 13 avril 2016, n° 14-28.293, FS-P+B+R N° Lexbase : A6796RIK).
Il n’est également pas exclu que certains collaborateurs prennent acte de la rupture de leur contrat de travail estimant que les manquements de l’employeur -notamment son inertie- sont suffisamment graves.
Sur ce point, compte tenu de la nature du risque, nous estimons néanmoins que les actions en résiliation judiciaire seront peu nombreuses, compte tenu de leur faible chance de succès.
En effet, la rupture du contrat aux torts de l’employeur dans une telle hypothèse suppose que les manquements ayant justifiés la saisine aient perduré jusqu’à la date du jugement. Or, le déclin récemment constaté de l’épidémie permettra potentiellement aux employeurs d’assouplir les mesures de sécurité, rendant sans objet la demande du salarié.
En tout état cause, quel que soit le fondement pénal ou civil retenu par les salariés pour engager la responsabilité de leur employeur, les juges vont apprécier si l’obligation de sécurité de l’employeur vis-à-vis du collaborateur a ou non été respectée.
Aucune décision n’ayant encore été rendue, nous ignorons quel sera le degré de sévérité des tribunaux. Pour autant, il ne fait aucun doute qu’un plan concret de reprise respectueux des consignes sanitaires doit être déployé, et que des preuves de sa mise en œuvre doivent être conservées.
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Dans le cadre du covid-19, les entreprises doivent donc rapidement mettre à jour leur DUER afin de consigner les risques relatifs à la santé et à la sécurité de leur salarié dans le cadre de l’épidémie actuelle.
Les juges se montrent particulièrement intransigeants sur la présence d’un tel document : pour illustration, ils ont notamment ordonné à la société La Poste de procéder à une mise à jour immédiate de son DUER, en dépit de toutes les mesures de prévention pourtant déjà mises en place au sein de l’entreprise (et considérées comme suffisantes) (TJ Paris, ordonnance du 9 avril 2020, n° 20/52223, Fédération SUD des activités postales et des télécommunications c/ SA La Poste N° Lexbase : A32273L4).
Cette exigence n’est pas nouvelle mais résulte d’une circulaire DRT n° 6 du 18 avril 2002, laquelle précisait déjà au sujet du DUER que « la prévention de la santé et de la sécurité au travail doit être menée en liaison avec les instances représentatives du personnel, de façon à favoriser le dialogue social, en constituant un facteur permanent de progrès au sein de l'entreprise » (Circulaire DRT n° 6, 18 avril 2002).
Ce principe a notamment fait l’objet d’une application récente par les tribunaux, les employeurs se voyant contraints de renouveler la procédure de mise à jour du DUER lorsque le CSE n’avait pas été associé à la procédure d’évaluation des risques (TJ Nanterre, 14 avril 2020, n° 20/00503, Union syndicale Solidaire c/ SAS Amazon France Logistique N° Lexbase : A79303KW ; CA Versailles, 14ème chambre, 24 avril 2020, n° 20/01993, SAS Amazon France logistique c/ Union syndicale Solidaire N° Lexbase : A99883K7 ; TJ Lille, ordonnance du 24 avril 2020, n° 20/00395, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des service c/ SAS Carrefour hypermarchés N° Lexbase : A32283L7).
En outre, pour les entreprises de plus de 50 salariés, la collaboration avec les élus dans le cadre de la mise à jour du DUER se matérialise également par une consultation de l’instance sur le fondement d’un « d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (C. trav., art. L. 2312-8 N° Lexbase : L8460LGG).
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, une simple information de la mise à jour du DUER parait suffisante pour acter de l’association du CSE.
Cette étape revient à lister les risques susceptibles d’impacter la santé et la sécurité des salariés dans le cadre du covid-19, en lien avec le fonctionnement spécifique de l’entreprise et non pas seulement de manière générale en faisant simplement référence aux gestes barrières (CA Paris, 24 avril 2020, n° 20/01993 N° Lexbase : A99883K7 ; TJ Havre, ordonnance 7 mai 2020, n° 20/00143, Syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville c/ SAS Renault N° Lexbase : A32313LA).
Il s’agit notamment des risques liés à la transmission du virus, aux réorganisations de l’entreprise engendrées afin d’éviter la contamination, les risques psychosociaux, les risques liés au télétravail, et les risques d’ordre biologique lorsque les salariés sont soumis à des contacts prolongés avec des personnes potentiellement atteintes (entreprises d’aide à la personne…) (TJ Nanterre, 14 avril 2020, n° 20/00503, Union syndicale Solidaire c/ SAS Amazon France Logistique N° Lexbase : A79303KW ; CA Versailles, 14ème chambre, 24 avril 2020, n° 20/01993, SAS Amazon France logistique c./ Union syndicale Solidaire N° Lexbase : A99883K7 ; TJ Lille, ordonnance du 24 avril 2020, n° 20/00395, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des service c/ SAS Carrefour hypermarchés N° Lexbase : A32283L7 ; TJ du Havre, ordonnance du 7 mai 2020, n° 20/00143, Syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville c/ SAS Renault N° Lexbase : A32313LA).
Chaque mission effectuée par un salarié dans le cadre de son poste de travail peut générer un risque pour sa santé et sa sécurité dans le cadre du virus covid-19 -qui va au-delà de la seule promiscuité avec ses collègues de travail (TJ du Havre, ordonnance du 7 mai 2020, n° 20/00143, Syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville c/ SAS Renault N° Lexbase : A32313LA) - qu’il convient de consigner dans le DUER.
Pour faire preuve de plus de détail dans la description du risque, un barème d’exposition au risque, avec des indices plus ou moins élevés en fonction du degré d’exposition, peut être envisagé.
La seule mise à jour de la DUER n’apparaît pas suffisante au regard de l’obligation de sécurité de l’employeur, ce dernier doit ensuite assurer la mise en place d’actions adéquates pour limiter au mieux la réalisation de ces risques.
Plusieurs catégories de mesures doivent être prises :
Ces mesures sont notamment en partie consignées dans le protocole national de déconfinement publié par le Gouvernement le 9 mai 2020 et dans les documents rédigés en fonction de l’activité de l’entreprise : organisation des locaux pour respecter le périmètre de distanciation sociale, vérification des conduits d’aération, élaboration de protocole de nettoyage, fourniture d’EPI, etc (Protocole national de déconfinement, 9 mai 2020 ; Fiche technique métier, site du ministère du Travail).
La bonne application des consignes sanitaires suppose une information récurrente et précise des collaborateurs sur la nouvelle discipline de l’entreprise. A ce titre, des campagnes d’informations doivent être déployées tant par affichage, que par l’envoi de courriels.
Toutefois, la seule information des collaborateurs n’apparaît pas suffisante, l’employeur devant également former les salariés aux nouvelles règles de prévention.
Cette obligation de formation de l’employeur a été rappelée très récemment par les juges ayant reproché à l’Usine Automobile Renault, située à Sandouville, sur le fondement de l’article L. 4141-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1486H9W), de ne pas avoir, en sus de la formation théorique par la fourniture d’un guide, mis en œuvre une formation pratique (TJ du Havre, ordonnance du 7 mai 2020, n° 20/00143, Syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville c/ SAS Renault N° Lexbase : A32313LA).
Les mesures organisationnelles, visant à limiter le risque de contamination, engendrent un changement brutal des conditions de travail des collaborateurs pouvant être génératrices de stress pour les salariés.
Il est ainsi indispensable de prendre en compte ces potentielles répercussions sur la santé mentale des travailleurs lors de l’édiction des mesures au sein de la DUER (TJ Nanterre, 14 avril 2020, n° 20/00503, Union syndicale Solidaire c/ SAS Amazon France Logistique N° Lexbase : A79303KW ; CA Versailles, 14ème chambre, 24 avril 2020, n° 20/01993, SAS Amazon France logistique c/ Union syndicale Solidaire N° Lexbase : A99883K7 ; TJ du Havre, ordonnance du 7 mai 2020, n° 20/00143, Syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville c/ SAS Renault N° Lexbase : A32313LA).
A ce titre, certaines entreprises ont ouvert des « lignes verte » dédiées à l’écoute des salariés, afin de leur prodiguer éventuellement des conseils pour gérer au mieux cette situation inédite. Cette permanence téléphonique pourrait être mise en place en concertation avec les services de santé au travail afin d’identifier ensemble d’éventuels interlocuteurs compétents.
Par ailleurs, le télétravail étant devenu la norme (C. trav., art. L. 1222-11 N° Lexbase : L8103LG9) et se pérennisant, des mesures pour lutter contre l’isolement des collaborateurs pourraient figurer au sein de la DUER pour encadrer cette modalité particulière d’exécution du contrat.
A titre d’illustration, vous pourriez prévoir :
Compte tenu de la situation, et du fait que certains salariés ne se déplacent plus dans les locaux, une campagne d’information par mailing pourrait être envisagée dans un souci d’informer les salariés de leurs nouvelles obligations.
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Dans l’exercice de ses fonctions, il appartient à chaque salarié de « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail » (C. trav., art. L. 4122-1 N° Lexbase : L1458H9U).
Cette obligation pesant sur les salariés devrait en principe les contraindre à appliquer consciencieusement les consignes sanitaires.
Il n’est toutefois pas exclu que certains collaborateurs adoptent un comportement laxiste -voire contestataire- et ne respectent pas les consignes sanitaires.
Or, la méconnaissance par le salarié de son obligation de vigilance peut faire l'objet d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-41.220, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0693AYC).
Dans ces conditions, appréciation faite de la récurrence et de la gravité du manquement, il est recommandé aux employeurs de prendre des mesures, voire de se placer sur le terrain disciplinaire, dès lors que l’absence de réaction constituerait un manquement à son obligation de sécurité.
Concrètement, il conviendrait :
Par ailleurs, compte tenu de la situation, et de l’impossibilité pour un employeur de s’assurer du bon respect des consignes par ses collaborateurs, il pourrait être opportun d’envisager l’élaboration de délégations de pouvoirs auprès de personnes compétentes afin qu’elles s’assurent à leur tour du bon respect des mesures d’hygiène et sécurité en délimitant pour chacune des périmètres distincts d’intervention.
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