ETUDE : Onde de choc sur les contrats de la commande publique * Mise à jour le 23.06.2020
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sans cacheDernière modification le 23-06-2020
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Bref, que l’on se place sur le terrain de la passation, de l’exécution ou du contentieux, les contrats de la commande publique sont, comme le reste de l’activité économique, profondément affectés par les mesures de confinement et l’urgence sanitaire.
Quelles sont, dans ces conditions, les réponses que le droit peut apporter à des situations à la fois inédites et porteuses d'effets potentiellement très néfastes sur le plan économique ?
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Il eût certes été possible, dans ce contexte troublé, d’invoquer la théorie des circonstances exceptionnelles, née de l’arrêt du Conseil d’Etat « Heyriès » du 28 juin 1918 (CE, 28 juin 1918, n° 63412 N° Lexbase : A9180B8I), qui permet de substituer à la légalité des « temps ordinaires », une légalité de crise. Certaines illégalités peuvent alors être commises par l’administration sans, pour autant, emporter la censure du juge. Encore faut-il, pour que cette théorie puisse produire pleinement ses effets, que plusieurs conditions soient réunies, notamment celle liée à l’impossibilité dans laquelle se trouve l’autorité administrative d’agir légalement compte tenu des circonstances (CE, Ass., 16 avril 1948, Laugier, Rec. CE, p. 161 ; pour une application en matière sanitaire, CE Sect., 20 mai 1955, Société Lucien, Joseph et Compagnie, Rec. CE. p. 276). Cette condition est très exigeante et implique que les illégalités eussent été indispensables pour que, dans les circonstances « de l’époque », l’objectif visé par les mesures prises fût atteint. En d’autres termes, l’administration doit se trouver dans l’incapacité de faire autrement (CE, Ass., 19 octobre 1962, n° 58502 N° Lexbase : A3284B87). Sans doute la crise sanitaire grave liée au Covid-19 pourrait-elle justifier, au cas par cas, certains dépassements de délais ou entorses aux prescriptions procédurales du code de la commande publique. Mais une telle approche casuistique, nécessairement subjective et donc aléatoire, n’offre pas la sécurité juridique et, surtout, l’agilité qu’exige l’action publique dans ces circonstances. A une paralysie des procédures en cours s’ajoute, en effet, une forme de recomposition de la demande de la part des acheteurs publics. L’UGAP a ainsi relevé, ces derniers jours (Les Echos, 20 mars 2020), une forte hausse de la demande dans les secteurs hospitalier et médico-social, ainsi que dans le secteur du gardiennage et de la sécurité. Dans ces secteurs les demandes sont par ailleurs très urgentes et, pour l’essentiel, incompatibles avec le respect des délais de droit commun.
C’est la raison pour laquelle la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, a privilégié une approche globale consistant à autoriser le Gouvernement à « adapter, [par ordonnance], les règles de passation […] prévues par le code de la commande publique » (art. 7-I-1°-f). Cela devrait se traduire, selon toute vraisemblance, par une suspension de certains délais, un assouplissement de certaines règles afférentes aux procédures formalisées ou encore un élargissement des possibilités de recourir aux procédures de gré à gré.
Sur ce dernier point d’ailleurs, la direction des affaires juridiques de Bercy a rappelé, dans une note en date du 16 mars 2020 et indépendamment des termes de l’ordonnance à venir, que les acheteurs pouvaient, pour satisfaire leurs besoins urgents, mettre en œuvre les délais réduits de procédure (CCP, art. R. 2161-8 3 ° N° Lexbase : L4331LRT) ou la procédure sans publicité ni mise en concurrence en cas d’urgence impérieuse (CCP, art. R. 2122-1 N° Lexbase : L2625LRN). Cette urgence impérieuse peut être liée, bien sûr, à la nécessité d’acquérir des biens ou matériels nécessaires à la lutte contre l’épidémie, mais aussi à la nécessité de confier à une autre entreprise l’exécution d’un marché dont le titulaire est défaillant en raison de la crise.
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Cela suffira-t-il à préserver toutes les entreprises titulaires de contrats de la commande publique ? Sans doute pas si l’on considère l’ampleur du marasme dans lequel la crise du Covid-19 va probablement plonger beaucoup de PME. En dépit de ces adaptations, beaucoup d’entre elles auront du mal à résister et vont probablement disparaître. Celles qui pourront résister achèveront sans doute l’exécution des marchés publics en cours dans des conditions économiques acceptables, à l’abri notamment de toutes sanctions contractuelles. Mais l’adaptation ponctuelle à laquelle est censée procéder l’ordonnance risque de ne pas régler la situation de titulaires de contrats de longue durée, principalement les concessionnaires de travaux et services qui, une fois la crise passée, vont devoir rétablir, sur une plus longue durée, l’équilibre économique de leur contrat. Certes, la théorie de l’imprévision offrira sans doute à certains d’entre eux une planche de salut, sous réserve toutefois que les autorités concédantes y consentent ou que le juge éventuellement saisi et à l’issue d’une longue procédure contentieuse, le décide. Aussi est-il souhaitable que, sur le fondement de l’article précité, l’ordonnance puisse autoriser, voire imposer, une prolongation adaptée de la durée des contrats concernés, afin d’en rétablir, par ce mécanisme, l’équilibre économique. Actionner le levier des pénalités de retard et de la résiliation ne suffira pas, en effet, à préserver des contrats de longue durée, durablement affectés par la crise.
Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment pour soutenir les entreprises qui rencontrent des difficultés dans l'exécution des contrats publics, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi visant à adapter « les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet », afin notamment de favoriser la relance de l'économie.
Selon la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes, ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, par dérogation à l'article L. 2195-4 du Code de la commande publique ([LXB=L8100AG4]), l'acheteur ne pourra procéder à la résiliation unilatérale d'un marché public au motif que le titulaire est admis à la procédure de redressement judiciaire instituée à l'article L. 631-1 du Code de commerce ([LXB=L8100AG4]) ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger si cette admission intervient avant le 10 juillet 2021 inclus.
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S’agissant, enfin, du contentieux des contrats de la commande publique, qui ne forme sans doute pas la préoccupation principale des acheteurs et des entreprises dans cette période, il fait l’objet, également, de deux dispositions spécifiques dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
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