Lexbase Contentieux et Recouvrement n°2 du 29 juin 2023 : Voies d'exécution

[Panorama] Petit panorama en matière de saisie immobilière

Réf. : Cass. civ. 2, 3 arrêts, 17 mai 2023, n° 21-19.356, F-B N° Lexbase : A39689UI, n° 21-16.167, F-B N° Lexbase : A39659UE et n° 21-17.853, F-B N° Lexbase : A39699UK - TJ Paris, 2 jugements, JEX, 23 mars 2023, n° 22/00171 N° Lexbase : A29139WS et n° 21/00295 N° Lexbase : A29169WW

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par Frédéric Kieffer, Avocat au Barreau de Grasse, Membre du Conseil de l’Ordre, Président d’honneur de l’AAPPE

le 12 Juillet 2023

Mots-clés : saisie immobilière • commandement • proportionnalité • titre exécutoire • office du JEX • clauses abusives • démembrement de copropriété • donation • droit de suite

Un petit florilège de décisions récentes de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation et du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en matière de saisie-immobilière.


 

  • L’effet interruptif inattendu du commandement radié (Cass. civ. 2, 17 mai 2023, n° 21-19.356, F-B N° Lexbase : A39689UI)

Voilà un arrêt aussi inattendu qu’important en pratique. Moins de deux mois plus tôt la même chambre avait jugé que si le commandement de payer valant saisie, qui est un acte interruptif au sens de l’article 2244 du code civil, était annulé, l’assignation à l’audience d’orientation qui faisait suite à ce commandement ne conservait pas davantage un effet interruptif au sens de l’article 2242 du Code civil N° Lexbase : L7180IA8 (Cass. civ. 2, 23 mars 2023, n° 21-20.447, F-B N° Lexbase : A39509KI). La solution est identique pour le commandement jugé caduc. Mais qu’en est-il pour le commandement de payer valant saisie publié au service de la publicité foncière et non suivi d’effet (pas d’assignation à l’audience d’orientation, pas de dépôt du cahier des conditions de vente) puis radié à l’initiative du créancier poursuivant ?

La deuxième chambre répond à cette question : le commandement de payer aux fins de saisie immobilière, publié sans être suivi d'effet puis radié à la demande de la banque qui en a donné mainlevée, conserve un effet interruptif de prescription puisqu’il ne peut plus être déclaré nul ou caduc.

Conseil pratique : Pour conserver un effet interruptif au commandement de payer valant saisie il est conseillé de prendre l’initiative de sa radiation avant qu’il ne soit jugé nul ou caduc. Une fois radié, le juge de l’exécution perd tout pouvoir juridictionnel.
  • La proportionnalité s’invite dans l’exécution forcée immobilière alsacienne-mosellane (Cass. civ. 2, 17 mai 2023, n° 21-16.167, F-B N° Lexbase : A39659UE)

    La procédure d’exécution forcée immobilière du droit local alsacien-mosellan n’est pas moderne puisqu’elle est régie par une loi bientôt centenaire (loi du 1er juin 1924 N° Lexbase : L7971GTE), la partie saisie disposant d’une protection moins étendue que dans la procédure applicable dans la vieille France. Devant cette situation, une partie saisie s’est insurgée au visa de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4798AQR qui pose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et de l’article 8, § 2 qui impose un devoir de non-ingérence de l’autorité publique.

    La Cour de cassation n’est pas séduite pas cette argumentation et considère que le débiteur saisi dispose d'un recours juridictionnel lui permettant de contester l'ordonnance d'exécution forcée rendue sur la requête du créancier poursuivant et n'alléguant pas du caractère disproportionné de la mesure diligentée à son encontre, l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n’est pas méconnu.

    Conseil pratique : Le prochain saisi qui entend contester la procédure d’exécution forcée applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle serait bien inspiré de démontrer le caractère disproportionné de l’ingérence de l’autorité publique et l’inégalité avec le reste du pays.
    • Le jugement d’orientation n’est pas un titre exécutoire (Cass. civ. 2, 17 mai 2023, n° 21-17.853, F-B N° Lexbase : A39699UK)

    C’est pourtant une évidence puisqu’une procédure de saisie immobilière ne peut être mise en œuvre qu’en vertu d’un titre exécutoire pourquoi le jugement d’orientation serait-il un titre exécutoire qui pourrait se substituer à titre exécutoire servant de fondement aux poursuites ? C’est pourtant ce qu’a audacieusement soutenu un créancier pour tenter de se dérober à une condamnation. Ce créancier avait poursuivi une saisie immobilière jusqu’à son terme, sans être totalement désintéressé par le prix d’adjudication. Quelques années plus tard, la partie saisie obtient un arrêt condamnant le créancier à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’information et fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente. Le créancier lui oppose la compensation avec le solde de sa créance non-réglée par le prix d’adjudication perçu six années auparavant.

    Le saisi se prévaut de la prescription de ce solde de créance et le créancier originaire soutient que le jugement d’orientation ayant mentionné le montant de la créance, il constitue un titre exécutoire se prescrivant par dix ans en vertu de l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5792IRX.

    Il n’est pas suivi par la Cour de cassation qui précise que le jugement d’orientation dont l’objet est de vérifier que le créancier dispose d’un titre exécutoire et de mentionner la créance retenue ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-4 du Code des procédures civiles d'exécution [1].

    Conseil pratique : Lorsque le prix d’adjudication ne solde pas la créance en totalité, il appartient au créancier de poursuivre le solde avant la prescription encourue, laquelle recommence à courir soit à compter de l’ordonnance d’homologation du projet de distribution en présence de plusieurs créanciers, soit jusqu'à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai (dans ce sens Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 20-20.776, F-B N° Lexbase : A23899GL) [2].
    • Clauses abusives et office du juge de l’exécution (TJ Paris, JEX, 23 mars 2023, n° 22/00171 N° Lexbase : A29139WS)

    Ce jugement d’orientation illustre les nouveaux pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution en matière de clauses abusives sous l’inspiration des décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne, office confirmé récemment par la deuxième chambre civile retenant que lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à la créance dont le recouvrement est poursuivi sur le fondement d'un titre exécutoire relatif à un contrat, le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une précédente décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen, et pour autant qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif (Cass. civ. 2, 13 avril 2023, n° 21-14.540, FS-B+R N° Lexbase : A02289P7).

    Dans l’espèce soumise au juge de l’exécution parisien, plusieurs clauses de pénalités stipulées à l’acte de prêt ont été considérées comme abusif et réputées non-écrites.

    Conseil pratique : s’assurer de l’absence de clauses abusives avant d’engager la procédure.
    • Conséquence d’un démembrement de propriété postérieur à l’hypothèque sur la saisie-immobilière (TJ Paris, JEX, 23 mars 2023, n° 21/00295 N° Lexbase : A29169WW)

    Ce jugement d’orientation présente un intérêt pratique car il aborde les sujets du démembrement de propriété, du droit de suite et de la publicité foncière.

    Un créancier poursuit une saisie immobilière portant sur un bien appartenant à son débiteur sur lequel elle avait pris une inscription d’hypothèque mais qui par la suite avait fait l’objet d’une donation de la nue-propriété. L’hypothèque ayant été inscrite le 21 juillet 2014 et la donation publiée le 4 août 2014, à la date de l’inscription d’hypothèque le bien appartenait en pleine propriété au débiteur et le créancier ayant, à compter de son inscription, acquis un droit de suite, sa procédure de saisie immobilière portant sur l’ensemble du bien était régulière.

    Conseil pratique : en présence d’un démembrement de propriété il est conseillé de bien examiné les dates de publication des inscriptions hypothécaires et des actes de transfert de propriété avant d’engager les hostilités.

    [1] A. Martinez-Ohayon, Saisie immobilière : jugement d’orientation vs titre exécutoire, Lexbase Droit privé, mai 2023, n° 947 N° Lexbase : N5503BZT.

    [2] I. Faivre, Fin de l’effet interruptif de prescription en matière de saisie immobilière lors de la distribution du prix : quelles dates, quelles formalités ?, Lexbase Contentieux et recouvrement, mars 2023, n° 1 N° Lexbase : N4818BZH.

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