La lettre juridique n°940 du 30 mars 2023 : Copropriété

[Jurisprudence] Désignation du syndic par l’assemblée générale en cas de mise en concurrence

Réf. : Cass. civ. 3, 7 décembre 2022, n° 21-20.170, F-D N° Lexbase : A42278Y9

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par Florence Bayard-Jammes, Docteur en droit, Professeur à TBS Business School

le 29 Mars 2023

Mots clés : syndic • désignation • mise en concurrence • assemblée générale • décision • vote • second scrutin • absentéisme • nullité de la désignation

i) Confirmation de jurisprudence : l'assemblée générale ne peut valablement procéder à un second vote à la majorité de l'article 24 sur la candidature d’un syndic qu'après avoir soumis au vote, à la majorité de l'article 25, la candidature de son concurrent.

ii) Précision sur l’application des dispositions de l’article 25-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et de l’article 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 : l’absence d’un ou plusieurs copropriétaires à l’assemblée générale empêchant d’atteindre la majorité de l’article 25 n’exonère pas les copropriétaires de voter à cette majorité sur chacune des candidatures avant de procéder à un second vote à la majorité de l’article 24.


 

S’il confirme la jurisprudence relative aux modalités de la désignation du syndic en assemblée générale en cas de mise en concurrence, l’arrêt rendu par le troisième chambre civile de la Cour de cassation le 7 décembre 2022 prouve que l’application des articles 25-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5476IGW et 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5507IG3 suscite encore des difficultés et du contentieux.

Dispositions qui règlementent la désignation du syndic en assemblée générale. La désignation du syndic en assemblée générale est règlementée par les article 25 N° Lexbase : L4825AH8 et 25-1 N° Lexbase : L5476IGW de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et par l’article 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5507IG3. Obligatoire dans tous les syndicat des copropriétaires, la désignation du syndic est une décision importante. L’article 25 c la soumet à un vote à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat ; or l’absentéisme en assemblée générale rend l’obtention de cette majorité difficile. C’est pour cette raison que l’article 25-1 permet que la résolution soit soumise à un second vote à une majorité plus favorable dès lors qu’elle a recueilli un certain consensus. Selon ce texte, lorsque la majorité des voix de tous les copropriétaires n’a pas été atteinte mais que la candidature a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce immédiatement par un second vote à la majorité prévue à l'article 24 de la loi N° Lexbase : Z99294UQ, c’est-à-dire à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. Pour avoir la possibilité de procéder à un second vote à la majorité de l’article 24, il ne suffit pas que la majorité de l’article 25 n’ait pas été atteinte, il est nécessaire que la candidature ait recueilli l’approbation d’au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat. À défaut, la candidature serait purement et simplement rejetée et « la passerelle » prévue par l’article 25-1 ne trouverait pas à s’appliquer. La copropriété serait alors, en l’absence d’autre candidature prévue à l’ordre du jour, dépourvue de syndic ce qui nécessiterait de recourir à la désignation d’un syndic judiciaire dans les conditions de l’article 46 du décret du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5550IGN [1].  

 Quant à l’article 19 du décret de 1967 N° Lexbase : L5507IG3, il précise les modalités d’application de l’article 25-1 de la loi « lorsque l'assemblée générale est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats ». Dans ce cas, l’assemblée ne peut procéder au second vote à la majorité de l’article 24 de la loi qu'après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Le texte de l’article 19 étant d’ordre public [2], son respect conditionne la régularité de la résolution votée.

La difficulté née de la mise en concurrence des candidatures. La mise en concurrence des contrats de syndic est fréquente. Elle résulte de l’initiative du conseil syndical dans les conditions prévue à l’article 21, alinéa 3, de la loi de 1965 N° Lexbase : L4821AHZ ou de celle d’un ou plusieurs copropriétaires, qu’ils soient ou non membres du conseil syndical, qui demandent au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale l’examen d’un projet de contrat de syndic qu’il lui communique à cet effet [3].  Le syndic n’a pas à se faire juge de l’opportunité de la demande et doit porter les candidatures concurrentes à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Chaque candidature fait l’objet d’une résolution distincte et la difficulté survient de la différence de position entre le syndic en exercice qui demande à nouveau à être désigné et les autres candidats [4]. Le syndic inscrit généralement sa candidature dans l’ordre du jour avant celle de ses concurrents et s’il obtient dès le premier vote la majorité des voix de tous les copropriétaires, il est élu et les autres candidatures n’ont pas à être examinées. En revanche, si cette majorité n’est pas acquise lors du premier scrutin mais que sa candidature a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, les dispositions de l’article 19 du décret s’imposent et l’assemblée générale ne peut valablement procéder à un second vote à la majorité de l’article 24 sur cette première candidature que si elle a préalablement voté sur les autres à la majorité des voix de tous les copropriétaires et qu’aucune d’elles n’a obtenu cette majorité. La méconnaissance de ce principe est sanctionnée par l’annulation de la désignation du syndic en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4849AH3 même si le mandat a été exécuté par le syndic irrégulièrement désigné [5]. La jurisprudence est constante en la matière [6] et confirmée par l’arrêt du 7 décembre 2022.

L’apport de l’arrêt du 7 décembre 2022. Si l’arrêt de cassation du 7 décembre 2022 confirme la jurisprudence, les circonstances de l’affaire permettent d’apporter une précision sur l’application des articles 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5476IGW et 19 du décret de 1967 N° Lexbase : L5507IG3, d’une importance pratique non négligeable.

En l’espèce, une SCI copropriétaire de plusieurs lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété assigne le syndicat des copropriétaires et son syndic en annulation de l’assemblée générale et subsidiairement de diverses résolutions prises au cours de cette assemblée notamment celles relatives à la désignation du syndic. Deux candidatures étaient en effet proposées aux copropriétaires dont l’une concernait le syndic en exercice. La SCI faisait valoir qu’aucun vote n’ayant été réalisé quant à la désignation du cabinet concurrent, l’égalité entre les candidats avait été rompue au profit du syndic en exercice ; elle soutenait que la majorité de l'article 25 n'ayant pas été atteinte sur la question du renouvellement du syndic en exercice, les candidatures concurrentes devaient être examinées à cette même majorité et ce n'est qu'ensuite qu'il était possible de procéder à un second vote à la majorité de l'article 24 sur le renouvellement du syndic qui avait, en l’espèce, bien recueilli le tiers des voix de tous les copropriétaires lors du premier vote.

Nonobstant ces arguments, la cour d’appel de Paris [7] rejette la demande en annulation de la résolution ayant désigné à nouveau le syndic en exercice. Pour justifier sa décision, elle retient, « qu’en l’absence de la SCI copropriétaire à l’assemblée générale, la majorité de l’article 25 ne pouvait être atteinte ni pour l’élection du cabinet D., ni pour celle du cabinet F. et que c’était dès lors à juste titre que l’assemblée générale avait procédé au second vote, s’agissant de la désignation du cabinet D., à la majorité de l’article 24 ». Par ailleurs, la cour d’appel considère que contrairement aux affirmations de la SCI, la mise en concurrence a bien été respectée, dès lors qu'un projet de résolution prévoyant la désignation du cabinet F., en cas de non-renouvellement du mandat du cabinet D., figurait à l'ordre du jour de l'assemblée et que le projet de contrat de mandat de syndic du cabinet F. avait bien été annexé à la convocation de l'assemblée générale.

Selon les juges du second degré, il suffirait donc qu’au regard de la feuille de présence, les voix des copropriétaires présents, représentés et ayant voté par correspondance  à l’assemblée générale soient inférieures à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat pour écarter l’application des dispositions de l’article 19 du décret et permettre aux copropriétaires de s’exonérer d’un premier vote à la majorité de voix de tous les copropriétaires sur les autres candidatures puisque cette majorité ne pouvait, en toute hypothèse, pas être atteinte.

La cassation était inévitable et c’est au visa des articles 25 N° Lexbase : L4825AH8 et 25-1 N° Lexbase : L5476IGW de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 19 du décret du 17 mars 1965 N° Lexbase : L5507IG3 que la troisième chambre civile de la Cour de cassation sanctionne la cour d’appel pour ne pas avoir recherché « si la candidature de la société F. avait été soumise au vote des copropriétaires à la majorité de l’article 25 avant que la société D. ne soit désignée en qualité de syndic à la majorité de l’article 24 ».

L’arrêt sonne le glas de la pratique de certains syndics consistant à faire voter directement à la majorité de l’article 24 les résolutions relevant de la majorité des voix de tous les copropriétaires au motif que cette majorité n’est pas atteinte le jour de l’assemblée générale du fait de la défaillance d’un ou plusieurs copropriétaires alors que le tiers des voix de tous les copropriétaires est bien représenté. L’argument n’est pas recevable.

En premier lieu, l’article 19 du décret ne prévoit pas d’exception. Il impose un premier vote à la majorité de l’article 25 de la loi de 1965 chaque fois que l’assemblée générale est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidatures et la Cour de cassation a confirmé que le texte s’applique à la désignation du syndic et l’approbation de son contrat [8].

En deuxième lieu, par sa généralité, les dispositions de l’article 25-1 de la loi N° Lexbase : L5476IGW ne permettent pas non plus de retenir une telle exception. À la lecture du texte, il est clair que « la passerelle » a vocation à s’appliquer quelle que soit la raison pour laquelle l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires lors du premier scrutin, que ce soit par opposition de quelques-uns au projet ou du fait de l’absentéisme des copropriétaires. Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 l’a rappelé à l’occasion de la réécriture du texte, la vocation de l’article 25-1 est bien de « favoriser la prise de décision et lutter contre les effets néfastes de l’abstentionnisme au sein des copropriétés » [9].

Par ailleurs, pour que le second vote ait lieu à la majorité de l’article 24, il ne suffit que les tiers des voix de tous les copropriétaires soient simplement présents ou représentés à l’assemblée générale, c’est le projet mis au vote qui, s’il n’a pas rassemblé les voix de la majorité de tous les copropriétaire quelle qu’en soit la raison, doit avoir recueilli l’approbation d’au moins le tiers de ces voix lors de ce premier vote.  

C’était bien le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 décembre 2022 et c’est parce que la majorité des voix de tous les copropriétaires n’était pas représentée à l’assemblée générale que le syndic avait pensé pouvoir faire voter immédiatement sa candidature à la majorité relative sans penser que sa désignation pourrait être remise en cause. La Cour de cassation juge en droit et nous rappelle que les dispositions formelles de l’article 19 de décret du 17 mars 1967 ne sauraient être écartées pour des motifs de pures circonstances.

 

[1] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 17 alinéa 3 N° Lexbase : L4812AHP.

[2] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 43 N° Lexbase : L4850AH4.

[3] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 21, alinéa 4 N° Lexbase : L4821AHZ et décret n° 67-223 du 17 mars 1967, art. 10 N° Lexbase : L5496IGN.

[4]  C. et L. Atias, Les votes sur la désignation du syndic en assemblée générale des copropriétaires, AJDI 2015, p ; 348.

[5] Cass. civ. 3, 24 novembre 2021, n° 20-22.487, F-D N° Lexbase : A50187D9, Loyers et copr. 2022 comm. 14 ; AJDI 2022 p. 365, P.-E. Lagraulet. 

[6] CA Paris, Pôle 4, ch. 2, 25 septembre 2013 n° 11/15767 N° Lexbase : A7810KLT ; Loyers et copr. 2014 comm. 31 - Cass. civ. 3, 5 novembre 2014 n° 13-26.768, FS-P+B N° Lexbase : A9166MZI ; Loyers et copr. 2015 comm. 23 – Cass. civ. 3, 24 septembre 2020, n° 19-15.764, F-D N° Lexbase : A06903WH ; Loyers et copr. 2020 comm. 133 - Cass. civ. 3, 9 septembre 2021, n° 20-11.743, F-D N° Lexbase : A264244M.

[7] CA Paris, Pôle 4, ch.2, 12 mai 2021, n° 18/02550 N° Lexbase : A81844RK.

[8] V. Cass. civ. 3, 5 novembre 2014, n° 13-26.768, FS-P+B N° Lexbase : A9166MZI, précité.

[9] V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 N° Lexbase : Z954828U.

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